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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/28414/2008

ACJC/191/2010 (3) du 15.02.2010 sur JTBL/791/2009 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : ; FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Normes : CO.257d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28414/2008 ACJC/191/2010

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre d’appel en matière de baux et loyers

AUDIENCE DU LUNDI 15 FEVRIER 2010

 

Entre

V______, W______, X______ et Y______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 juin 2009,

d'une part,

et

Z______, intimé, comparant par l'ASLOCA, rue du Lac, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

d'autre part,

 


EN FAIT

Par acte expédié le 2 septembre 2009, les bailleurs V______, W______, X______ et Y______ appellent d'un jugement JTBL/791/2009, rendu le 29 juin 2009 et notifié par plis recommandés du 31 juillet 2009, à teneur duquel le Tribunal des baux et loyers déclare inefficace le congé notifié le 24 septembre 2008 pour le 31 octobre 2008 au locataire Z______ en application de l'art. 257d CO.

Les appelants sollicitent, ce jugement étant mis à néant, que la Cour constate l'efficacité du congé susmentionné et condamne Z______ à évacuer immédiatement, de sa personne, de tout tiers et de ses biens, les locaux objet du bail, soit un appartement de 6,5 pièces sis au 4ème étage de l'immeuble 68/70, rue ______ à Meyrin, en le laissant en bon état.

L'intimé conclut à la confirmation du jugement déféré.

Les éléments suivants résultent du dossier :

A. Les parties sont liées par un contrat de bail portant sur l'appartement susdécrit, lequel comporte une annexe, soit une cave no 6 sise dans le même immeuble.

A teneur d'une décision de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 24 février 1993, l'échéance du bail a été fixée au 30 mai 1997. Il s'est depuis apparemment renouvelé tacitement d'année en année, conformément à l'art. 3 du bail d'origine, conclu le 1er mai 1965 entre A______, propriétaire de l'immeuble, d'une part et B______, père de Z______, d'autre part.

Le loyer mensuel, charges non comprises, représente en dernier lieu 1'391 fr. A cela s'ajoute une provision mensuelle pour charges de 130 fr.

Il n'est pas contesté que le loyer et la provision pour charges sont régulièrement acquittés.

C'est le lieu de préciser que l'immeuble fait partie d'un groupe d'immeubles, apparemment constitués en PPE et que les bailleurs ont acquis l'appartement litigieux le 1er avril 2005 du propriétaire précédent, C______.

B. Par avis comminatoires des 22 février et 19 mars 2007, les bailleurs ont mis le locataire en demeure de leur régler, dans les trente jours, le montant de 376 fr. 30, représentant un solde impayé de chauffage, sous la menace d'une résiliation du bail en application de l'art. 257d al. 2 CO.

Le locataire a, le 31 mars 2007, contesté le montant réclamé, sollicitant de recevoir un décompte détaillé des charges, avec tous les justificatifs, pour les exercices 2003/2004, 2004/2005 et 2005/2006, demande qu'il a réitérée le 9 mai 2007.

Les bailleurs ont résilié le bail de manière anticipée par avis officiel du 20 avril 2007 pour le 31 mai 2007.

Le locataire a régulièrement contesté le congé devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les bailleurs requérant pour leur part l'évacuation du locataire (cause no C/16370/2007).

Dans le cadre de cette procédure, les bailleurs ont dans un premier temps expliqué qu'en réalité, le solde du décompte de chauffage au 31 décembre 2005 représentait 312 fr. 60 et qu'ils ne pouvaient fournir d'explication sur la différence de 64 fr.; dans un second temps, ils ont indiqué que le solde dû pour l'année 2005 représentait en réalité 616 fr. 60 (soit 1'462 fr. 60, dont à déduire 846 fr. d'acomptes).

Par jugement JTBL/1596/2007 du 4 décembre 2007 non frappé d'appel, le Tribunal des baux et loyers a retenu que le bail ne pouvait être résilié, le décompte de chauffage litigieux faisant l'objet d'une contestation de la part du locataire; à cela s'ajoutait qu'il était impossible de déterminer à quoi correspondait le montant réclamé, au vu des explications variables des bailleurs.

C. Les bailleurs soutiennent avoir adressé au locataire, le 4 février 2008, un décompte de chauffage pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, faisant état d'un montant total dû de 4'215 fr. 95, sur lequel seuls 3'056 fr. d'acomptes avaient été versés, d'où un solde demeurant dû de 1'159 fr. 95.

Plus spécifiquement, le décompte en question fait état pour 2005 d'un montant total dû pour les charges de 1'462 fr. 60 + 485 fr. 75 et pour 2006 d'un total dû de 2'207 fr., dont à déduire des acomptes en 3'056 fr. Ce décompte distingue le montant dû pour la période antérieure au 31 mars 2005 (changement de propriétaire), de la période ultérieure.

Au dire des bailleurs, des justificatifs correspondant aux pièces 7 et 8 qu'il a produites dans la présente procédure (et sur lesquels il sera revenu ci-après) étaient annexés à ce courrier.

Le locataire conteste avoir reçu tant ledit courrier que ses annexes.

D. Par nouvel avis comminatoire du 10 juillet 2008, les bailleurs ont derechef sommé le locataire, sous la menace d'une résiliation anticipée de son bail, de leur régler dans les trente jours 1'159 fr. 95, montant correspondant aux soldes des décomptes de charges pour ladite période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006.

Aucun versement n'est intervenu dans le délai comminatoire.

Les bailleurs ont alors résilié le bail, en application de l'art. 257d al. 2 CO, par avis officiel du 24 septembre 2008 pour le 31 octobre 2008.

E. Le locataire étant demeuré dans les locaux, les bailleurs ont saisi la juridiction des baux et loyers de la présente requête en évacuation, en date du 4 novembre 2008.

Le locataire s'est opposé à la requête, faisant valoir qu'il contestait les décomptes de charges accessoires sur lesquels se fondait la partie bailleresse et qu'il n'avait pas reçu les justificatifs lui permettant d'en vérifier l'exactitude.

F. En cours de procédure, les bailleurs ont produit un cahier de répartition des locaux des immeubles 68/70 rue ______ à Meyrin, ainsi que les décomptes de frais accessoires pour les années 2005 (pce 7) et 2006 (pce 8).

Le cahier de répartition des locaux permet de constater que l'appartement objet du présent bail (no 607) a une surface de 107,5 m2, à laquelle s'ajoutent 26,3 m2 de balcons, alors que la surface totale des appartements de l'immeuble, balcons non compris, représente 3'296.90 m2. L'immeuble comporte 14 boxes à voitures, 27 caves et un dépôt, ainsi que 55 appartements (5, dont celui présentement visé, comportent 6,5 pièces), pour un total de 210 pièces, dont deux vacants (4,5 pièces et 3,5 pièces).

Les décomptes de frais accessoires sont quant à eux relatifs aux immeubles sis 68, 70, 72 et 74 rue ______ à Meyrin; ils mentionnent la totalité des achats d'huile de chauffage et des frais de consommation d'eau, auxquels s'ajoutent les services d'entretien et les ramonages. Leur montant, réparti par moitié entre les immeubles 68/70 et 72/74 rue ______, et ensuite réparti entre les différents appartements de l'immeuble, le coefficient utilisé pour l'appartement occupé par l'intimé (indiqué de manière manuscrite) étant de 8,5 s'agissant des frais d'eau chaude et de 16,5 s'agissant des frais de chauffage.

Aucune explication n'est fournie, s'agissant du calcul des coefficients utilisés.

G. Le jugement querellé retient, en substance, que le solde des charges réclamé dans l'avis comminatoire est contesté par le locataire et que les bailleurs ne démontrent pas avoir adressé à celui-ci les décomptes justificatifs détaillés avant l'envoi de l'avis de résiliation. Dans ces conditions, les bailleurs ne sont pas autorisés à résilier le bail en application de l'art. 257d CO, le locataire n'étant pas en demeure. La résiliation est dès lors inefficace, ce qui conduit au rejet de la demande d'évacuation.

Les arguments des parties devant la Cour seront repris ci-après dans la mesure utile.

EN DROIT

1. L'appel a été interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 443 al. 1 et art. 444 al. 1 LPC). Partant, il est recevable.

S'agissant d'une procédure d'une valeur litigieuse indéterminée, le Tribunal des baux et loyers a statué en premier ressort, et la Cour connaît de l'appel avec un plein pouvoir d'examen (art. 56P al. 2 LOJ).

2. Selon l'art. 257d al. 1 CO, lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de règlement dans ce délai, il résiliera le bail. Le délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux. L'art. 257d al. 2 CO spécifie que, faute de paiement dans le délai fixé, les baux d'habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois.

Par "frais accessoires échus", il faut entendre non seulement les acomptes provisionnels, mais aussi les montants forfaitairement convenus ou le solde du décompte des frais accessoires (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, chap. 27, no 2.1.3, p. 664 et réf. citées). Tel n'est cependant le cas que si le solde réclamé n'est pas contesté; il faut encore que le locataire ait reçu un décompte détaillé et ait disposé d'un délai de trente jours pour s'en acquitter. Si ces conditions ne sont pas remplies, le solde de frais accessoires n'est en effet pas échu (arrêt du Tribunal fédéral in MP 1999, p. 83; SJ 1979 p. 603 no 240; LACHAT, op. cit., 2008, chap. 27, no 2.1.3, p. 664 et réf. citée et chap. 14.8.1 et réf. citées).

En l'espèce, le locataire conteste le solde des frais accessoires qui lui a été réclamé dans l'avis comminatoire. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les bailleurs n'ont pas justifié de l'envoi, au locataire, d'un décompte détaillé des frais qui lui sont réclamés. Certes, devant la Cour, les bailleurs produisent copie du courrier qu'ils soutiennent avoir envoyé au locataire en date du 4 février 2008. Le locataire conteste toutefois avoir reçu ce courrier et les bailleurs n'établissent d'aucune manière son expédition. Faute par le locataire d'avoir reçu un décompte détaillé des charges réclamées, la créance que font valoir les bailleurs, contestée, n'est pas échue et ne permettait pas à ceux-ci de procéder conformément à l'art. 257d CO.

A supposer que ce courrier ait été expédié et reçu, et qu'il ait été accompagné, comme le soutiennent les bailleurs sans l'établir, des documents produits aux pièces 7 et 8 de leur chargé, la solution ne serait pas différente. Les dites pièces ne permettent en effet pas de vérifier si le montant réclamé au locataire (et qui diffère de ceux allégués, pour l'année 2005, des montants articulés dans la précédente procédure en évacuation) correspond à ce qui est dû, en particulier faute pour les bailleurs d'avoir expliqué comment ont été calculés les coefficients qui ont été appliqués à l'appartement de l'intimé et qui ne semblent correspondre, à teneur des pièces produites, à une répartition des charges ni à la pièce habitable, ni aux m2.

A cela s'ajoute enfin que les appelants ne peuvent réclamer au locataire que la part de frais accessoires impayés afférente à la période postérieure à la date à laquelle ils ont acquis l'appartement loué, faute de justifier d'une cession en leur faveur de la créance du précédent propriétaire du logement pour la période antérieure.

Les premiers juges ont ainsi correctement retenu que, faute de créance échue, la résiliation du bail, fondée sur l'art. 257d al. 2 CO, était inefficace.

3. Le jugement attaqué doit, partant, être confirmé.

Les appelants, qui succombent, seront condamnés à verser un émolument d'appel.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par V______, W______, X______ et Y______ contre le jugement JTBL/791/2009 rendu le 29 juin 2009 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/28414/2008-6-E.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Condamne V______, W______, X______ et Y______, conjointement et solidairement, à verser à l'Etat de Genève un émolument d'appel de 300 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Madame Marguerite JACOT-DES-COMBES et Monsieur François CHAIX, juges; Mesdames Nathalie THURLER et Nathalie LANDRY, juges assesseurs; Madame Audrey MARASCO, commise-greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La commise-greffière :

Audrey MARASCO

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr. (soit loyer du 1er novembre 2008 au 31 mai 2009 ou 6 x 1'390 fr. + 130 fr. = 9'120 fr.).