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C/22156/2011

ACJC/1791/2012 (1) du 14.12.2012 sur OSQ/41/2012 ( SQP ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 27.12.2013, rendu le 17.09.2014, CASSE, 5A_980/2013
Normes : LP.278
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22156/2011 ACJC/1791/2012

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 14 decembre 2012

 

Entre

A______, ayant son siège en France, recourante contre un jugement sur opposition à séquestre rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 septembre 2012, comparant par Mes Philippe Pulfer et Azadeh Djalili, avocats, rue Charles-Bonnet 4, case postale 399, 1211 Genève 12, en l’étude desquels elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Grande-Bretagne, intimé, comparant par Mes Christian Girod et Louis Burrus, avocats, rue des Alpes 15 bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l’étude desquels il fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A.           a. A______, [société] dont la raison sociale était, jusqu'en 2001, [A______] ayant son siège à ______ (France), est une société anonyme de droit français, active dans le domaine de l'électronique civile et militaire.

b. La majorité du capital action de A______ était détenue, jusqu'en 1998, par l'Etat français.

c. B______, citoyen de la République de Chine, était à la tête de deux sociétés de consulting - enregistrées à Taïwan sous le nom de C______ et D______ - actives dans le commerce et l'importation d'équipement et de communication et d'autres équipements électroniques à Taïwan.

d. Entre le mois de juin 1989 et le mois d'août 1991, des négociations sont intervenues entre l'Etat français et la République populaire de Chine au sujet de la vente à cette dernière de six navires de type frégate "E______", pour un marché total d'environ 2,5 milliards d'euros.

e. Ces négociations s'inscrivaient dans un contexte diplomatique extrêmement sensible. En effet, la difficulté principale pour réaliser la vente des frégates résidait dans l'opposition de la République populaire de Chine à toute fourniture d'armements en faveur de Taïwan. Ainsi, afin que l'Etat français ne se voie pas reprocher une violation de sa souveraineté territoriale par la République populaire de Chine, il fut convenu par les autorités françaises que le contrat relatif à la vente des six navires serait officiellement conclu au nom de A______.

f. En date du 26 septembre 1989, A______ et C______, animée par B______ qui en était l'actionnaire principal, ont conclu un contrat, soumis au droit français et à l'arbitrage ICC à Paris en cas de litige, en vue de la négociation du contrat de vente des frégates. A teneur de l'art. 1 du contrat, la société de B______ devait tenir sa cocontractante régulièrement informée de l'évolution de cette vente potentielle, en particulier du point de vue financier, technique et commercial. A la demande de A______, elle devait participer aux négociations à venir et la soutenir à cette fin.

En contrepartie, la rémunération de C______ était fixée, à l'art. 4 du contrat, à 15% du prix de vente total, soit quelque 375'000'000 EUR (sur 2,5 milliards).

Cette rémunération serait réputée irrévocablement acquise seulement lorsque les encaissements de A______ en vertu du contrat de vente seraient considérés irrévocables selon ce contrat (art. 5).

Ce contrat ne contient aucune clause interdisant à C______ de rémunérer des tiers en vue de la conclusion de la vente.

g. Ces négociations ont abouti, le 31 août 1991, à la signature d'un contrat, dit contrat "X______", entre A______ - agissant en qualité de représentant de plusieurs partenaires dont notamment W______ et X______ - et la Marine de Taïwan, représentée par F______.

Selon les termes de ce contrat, Taïwan se portait acquéreur de six navires d'observation et de surveillance (de type frégate "E______") à construire à Taïwan, pour le compte de la Marine nationale de la République de Chine. Le prix brut a été fixé à USD 2'525'692'731 (taxes comprises).

h. Selon l'art. 18 de ce contrat, intitulé "gratuité et commission", A______ s'engageait à n'accorder aucun don, cadeau, ou paiement personnel à des employés ou fonctionnaires (officiers) de la marine de la République de Chine (Taïwan) laquelle agissait pour le compte de l'Etat (art. 18.1 du contrat).

L'art. 18.2 précisait que A______ garantissait n'avoir pas employé ou commissionné de société ou de personne autre que ses propres employés pour faire aboutir ce contrat, et n'avoir pas désigné d'agent, de représentant ou autre personne qui avait reçu ou devait recevoir une commission, un pourcentage, une commission de courtage ou des honoraires en relation avec ce contrat.

L'art. 18.3 stipulait qu'en cas de violation de ces dispositions par A______, l'acheteur aurait le droit, soit d'annuler le contrat, soit de déduire du prix un montant égal à celui des commissions versées par A______.

i. En application du contrat du 26 septembre 1989, A______ a procédé, entre octobre 1991 et septembre 1998, en fonction de ses encaissements successifs sur le prix de vente des frégates, à des virements de sommes totalisant plus de 520 millions d'USD sur des comptes ouverts en Suisse auprès de G______, à S______, au nom de sociétés dont B______ était ayant droit économique.

j. Entre 2000 et 2001, les comptes ouverts auprès de G______ ont été clôturés et les avoirs y relatifs transférés sur des comptes ouverts - notamment auprès de H______ SA, I______ SA, J______ SA, K______ SA, L______ SA, M______, N______, O______, P______ et Q______ - au nom de membres de la famille de B______ ainsi que de sociétés offshore sises aux Iles Vierges Britanniques et aux Iles Caïmans.

Il est avéré que lors de l'ouverture de ces nouveaux comptes, B______ et son fils ont fait de fausses déclarations sur l'origine des valeurs patrimoniales déposées.

k. Le 22 août 2001, alors qu'il était apparu depuis plusieurs mois que des commissions illicites avaient été versées dans le cadre de la conclusion du contrat X______, Taïwan a engagé à l'encontre de A______ une procédure arbitrale, prévue par l'art. 29 de ce contrat, afin d'obtenir la restitution des sommes qu'il estimait avoir été versées à B______, en violation de l'art. 18 du contrat de vente.

Ce litige était soumis au droit français selon la clause d'élection de droit (art. 28 du contrat).

l. Par sentence du 29 avril 2010, aujourd'hui exécutoire, le Tribunal arbitral a fait droit à la demande en paiement formulée par Taïwan. En substance, il a considéré qu'en tant que B______ était intervenu, à l'époque de la conclusion du contrat de vente des frégates, en qualité d'agent officiel de A______, à Taïwan, l'art. 18.2 du contrat qui interdisait l'emploi d'intermédiaire pour l'obtention du marché avait été violé.

Le Tribunal arbitral a également retenu que A______ avait enfreint l'art. 18.1 du contrat en effectuant des paiements indirects, par le biais de son agent B______ au capitaine R______, officier de la marine taïwanaise en charge de l'acquisition des frégates "E______", qui avait reçu de sa part au moins 17'588'141 USD provenant des fonds reçus de A______.

Cette somme avait été créditée en plusieurs versements effectués de décembre 1991 à septembre 1993 sur des comptes de [G______] (actuellement G______) à S______ [lieu en Suisse] dont le capitaine R______ et son frère étaient titulaires.

m. Le Tribunal arbitral a ainsi condamné A______ à payer à Taïwan les
sommes de 482'326'869 USD, 209'341'703 FF et 38'770'785 EUR, plus intérêts, concernant le volet B______, outre les frais.

Il s'ajoutait à cette somme un montant de 80'000'000 FF dû à Taïwan en relation avec des sommes versées à un autre agent.

En exécution de la sentence, A______ a payé à Taïwan, le 12 juillet 2011, une somme dont la contrevaleur s'élève à 773'749'000 fr.

L'essentiel de ce montant, soit 460'800'000 EUR environ, devait être supporté en dernière ligne par l'Etat français qui garantissait W______, entreprise publique ayant œuvré à hauteur de 73% du contrat de vente, A______ n'assumant que 27% des prestations.

Dans un communiqué du 9 juin 2011, le Ministère français de la défense a pris acte du caractère définitif de cette sentence, relevant en substance qu'il
appartenait au budget public de solder "les comptes d'un passé ambigu" qui avait pesé lourdement sur l'image de l'industrie d'exportation d'armement naval. La France ayant toutefois ratifié en 2000 une convention relative à "la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales", il était mis fin désormais à toute "équivoque".

B. a. Sur le plan pénal, des procédures ont été engagées, en 2000 et 2001, à Taïwan, en France et en Suisse.

En Suisse, le juge fédéral en charge du dossier a décidé de procéder à l'inculpation de B______ et de son fils T______ des chefs de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et d'escroquerie (art. 146 CP), inculpations qui n'ont pu avoir lieu en raison du refus des autorités britanniques de les notifier aux intéressés qui résidaient sur leur territoire.

Il était reproché aux précités d'avoir, en 2000 et 2001, notamment par de fausses déclarations sur l'origine des avoirs nouvellement placés auprès d'intermédiaires financiers en Suisse, entravé l'identification de la commission illicite versée par A______ sur le contrat des frégates dont ils savaient ou ne pouvaient ignorer que cette commission s'inscrivait dans un cadre de corruption franco-taïwanaise.

Il ressortait des investigations financières suisses que, nonobstant l'art. 18 du contrat du 31 août 1991 qui prohibait cette pratique, une commission d'au moins 520'000'000 USD avait été versée par A______ sur des relations de comptes ouvertes en Suisse, dans un premier temps auprès de [G______] à S______, actuellement G______, comptes dont l'ayant droit économique déclaré était B______. Le paiement de cette commission avait été effectué au prorata des encaissements successifs de A______ sur le prix de vente des frégates, d'octobre 1991 à septembre 1998, un dernier versement étant intervenu le 6 octobre 2000; la commission versée représentait environ 18% du prix, au lieu des 15% prévus dans le contrat de commission du 26 septembre 1989, formellement saisi dans un coffre auprès de N______ à S______.

La procédure pénale avait établi que la commission prohibée relative au contrat des frégates s'inscrivait dans un arrière-plan de corruption internationale d'où il ressortait en particulier que B______, agent de A______, de concert avec des organes de cette société, avait fait majorer le prix du contrat principal des frégates de ladite commission illicite à verser, lésant ainsi les intérêts de Taïwan dont les finances publiques avaient été appauvries par ce mode de procéder.

La procédure avait également mis en évidence la personne et le rôle de R______, agent public taïwanais, membre du bureau ______ et responsable du projet ______, lequel avait été rémunéré par B______, sur le flux même des commissions illicites, à hauteur de 17'580'000 USD pour avoir fourni des informations classées secret défense aux fins de les livrer au partenaire français du contrat en échange de rémunérations illicites.

Courant 2000, G______, alarmée par des informations négatives circulant dans la presse internationale sur la personne de B______, a rompu ses relations d'affaires avec celui-ci qui a alors ouvert ou fait ouvrir par son fils les comptes mentionnés supra (A. j) en masquant, par des déclarations mensongères faites aux banques, l'origine des fonds.

b. Les autorités de poursuite pénale taïwanaises, qui ont placé B______ sous mandat d'arrêt et le considèrent comme fugitif, l'accusent en particulier d'avoir participé à une organisation criminelle impliquant aussi des hauts gradés de la Marine de la République de Chine dans le but de dégager des pots-de-vin énormes du marché des frégates en faisant majorer le prix par le fournisseur A______ et en mettant en place un système complexe de blanchiment d'argent composé de sociétés écrans à Taïwan, dans des paradis fiscaux et en Suisse.

Ces autorités reprochent à B______ d'avoir obtenu et organisé la transmission d'informations classées secrètes concernant le marché des frégates en corrompant des militaires de haut rang, notamment R______, condamné à la prison à vie pour des faits de corruption (liés à l'acquisition de navires dragueurs de mine allemands). Dans l'affaire des frégates, B______ est aussi accusé d'avoir été le bénéficiaire, le gestionnaire et le redistributeur du produit de la corruption pour un montant de 520'000'000 USD sur les quelque 920'000'000 USD que A______ lui a versé sur des comptes en Suisse dont il était titulaire ou ayant droit, dans le cadre de plusieurs achats d'armement.

c. Les 30 août 2006 et 23 novembre 2007, Taïwan a sollicité des autorités pénales suisses la remise anticipée des fonds saisis en Suisse, à concurrence de 520'000'000 USD, qui provenaient d'actes de corruption criminelle en République de Chine.

Celle-ci a fait valoir que la procédure pénale en cours contre MM B_____ et R______, inculpés de corruption et de blanchiment d'argent, allait aboutir à un jugement de condamnation et de confiscation de ces fonds.

La République de Chine indiquait avoir par ailleurs engagé une action civile collatérale, dans le cadre du procès pénal, en vue d'une confiscation civile, conformément aux art. 487 et 504 du Code de procédure pénale taïwanais. B______ s'est opposé à cette restitution, soutenant notamment que les commissions qu'il avait reçues "comme apporteur d'affaires" n'étaient pas illicites.

Statuant le 7 avril 2008 sur cette demande de restitution anticipée, le juge d'instruction fédéral l'a rejetée et a dit que les avoirs se rapportant au contrat des frégates devaient demeurer, en l'état, sous saisie conservatoire pénale, dans le cadre de la demande d'entraide. En substance, le juge d'instruction a relevé que la restitution anticipée, avant décision de confiscation définitive, était une mesure exceptionnelle dont les conditions strictes n'étaient pas réunies.

Néanmoins, le juge d'instruction a observé que l'origine des commissions concernées par la demande de remise apparaissait déjà largement suspecte par le fait qu'elles avaient été financées à l'aide de fonds publics taïwanais en sus de leur caractère occulte et contractuellement prohibé. Rien ne justifiait par ailleurs le versement - établi par les investigations suisses - de plusieurs millions de dollars à l'agent public taïwanais R______ sauf un contexte de corruption publique présumé. L'argumentation de B______ n'était pas propre à infirmer les fortes suspicions existantes, convergentes et persistantes sur leur provenance.

d. Le 22 septembre 2008, ce même juge d'instruction fédéral chargé de la procédure pénale nationale contre B______ a décidé de clôturer celle-ci en vue de son classement par le Ministère public de la Confédération.

Après avoir rappelé les faits déjà évoqués dans son ordonnance du 7 avril 2008, ce magistrat a relevé que le lieu de commission des infractions principales reprochées notamment à B______ se trouverait à Taïwan, que les autorités pénales de ce pays conduisaient une procédure contre celui-ci et pouvaient plus facilement administrer les preuves; en outre, l'inculpation de B______ en Suisse pour actes de blanchiment n'avait pu intervenir en raison de l'absence de collaboration des autorités anglaises. Dans ces conditions, le Ministère public de la Confédération avait renoncé à poursuivre B______ et ses comparses pour les actes de blanchiment liés à la procédure pénale dite des frégates de Taïwan.

Par décision du 17 décembre 2008, le Ministère public de la Confédération a suspendu l'enquête en application de l'art. 120 PPF.

e. L'enquête pénale diligentée en France depuis 2001 par un juge d'instruction avait pour objet des infractions de tentative d'escroquerie, abus de biens sociaux et recel dans le cadre de la conclusion ou de l'exécution de contrats de commission en relation avec la vente de frégates par A______ à Taïwan.

A______ s'était constituée partie civile dans cette procédure dont l'avancement a été entravé par l'invocation du "secret défense" opposé par l'Etat et A______ aux investigations du juge.

Celui-ci a cependant relevé qu'au cours des négociations, le prix des mêmes frégates était passé de 1 milliard d'euros en 1989 à 2.2 milliards d'euros en 1991, cette surfacturation devant permettre la prise en charge de commissions exorbitantes payées par le vendeur mais en réalité supportées par le contribuable taïwanais.

Les faits relevant de la corruption d'agents publics étrangers n'étant pas punissables en France avant la signature en 2000 de la Convention ad hoc (cf. supra A.m), l'instruction française ne pouvait porter sur ces faits.

L'enquête, ainsi paralysée, a été close par une ordonnance de non-lieu rendue le 1er octobre 2008 par le juge d'instruction.

f. L'état actuel de la procédure pénale menée à Taïwan contre B______ n'est pas établi.

B______, qui n'affirme pas avoir été jugé et acquitté, soutient que divers officiers taïwanais, accusés de corruption dans le cadre de l'acquisition de frégates, avaient en revanche été acquittés par un jugement - définitif - rendu en juin 2010 par la justice taïwanaise. Il en déduit que les accusations le concernant en seraient ruinées. Ces allégués sont contestés par A______.

La pièce 48 produite par B______, à savoir la traduction partielle du jugement d'acquittement précité révèle en outre que, selon le Tribunal de Taïwan, le prix des frégates, qui avait été majoré entre 1989 et 1991, année de la conclusion de la vente, l'avait été pour des raisons objectives et non pour y inclure des commissions illicites.

C. a. Par requête en séquestre déposée le 18 octobre 2011 au greffe du Tribunal de première instance, A______ a conclu à ce que le Tribunal, sous suite de frais et dépens, ordonne le séquestre à concurrence de 773'749'000 fr. (correspondant à 685'714'741.98 USD et 129'445'793.93 Euros plus intérêts à 5 % l'an à compter du 29 avril 2010) en mains de H______ SA, à Y______ [lieu en Suisse], I______ SA, à Y______, J______ SA, à Y______, K______ SA, à Y______, U______, à Y______, M______, à S______, L______ SA, à S______, N______, à S______, H______ SA, à S______, O______, à S______, P______, à S______, G______, à S______, Q______ SA, à S______ et U______, à Z______ [lieu en Suisse], de tous les avoirs déposés sur les comptes bancaires listés au nom des titulaires mentionnés mais qui appartiennent en réalité à B______, dit [B______].

A______ a fondé son séquestre sur l'art. 271 al. 1 ch. 1, 2 et 4 LP, indiquant que, depuis son départ de Taïwan, en décembre 1993, pour s'établir aux Etats-Unis dans un premier temps puis, semble-t-il, au Royaume-Uni, B______, qui était sous le coup d'un mandat d'arrêt international, ne disposait plus de domicile fixe.

S'agissant de l'existence de sa créance, elle a fondé son séquestre sur une action récursoire du créancier à l'égard du débiteur résultant des articles 218, 280 et 281 du code civil taïwanais, subsidiairement sur les articles 50 et 51 du Code des obligations suisse. A l'appui de ses prétentions, A______ a exposé qu'en raison de l'exécution de la sentence arbitrale du 29 avril 2010 qui l'avait condamnée au paiement à Taïwan du montant des commissions versées à B______, au titre de la violation par ce dernier de l'art. 18 du contrat, elle disposait d'une action récursoire à son encontre.

b. Par ordonnance de séquestre rendue le 19 octobre 2011, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, en faveur de A______, à concurrence de 773'749'000 fr. correspondant à 685'714'741.8 USD et 129'445'793.93 Euros plus intérêts à 5 % l'an à compter du 29 avril 2010, en mains de H______ SA, à Y______, I______ SA, à Y______, J______ SA, à Y______, K______ SA, à Y______, U______, à Y______, M______, à S______, L______ SA, à S______, N______, à S______, H______ SA, à S______, O______, à S______, P______, à S______, G______, à S______, Q______ SA, à S______ et U______, à Z______, de tous les avoirs déposés sur les comptes bancaires listés au nom des titulaires mentionnés mais qui appartiennent en réalité à B______, dit [B______].

A______ a été dispensée en l'état de fournir des sûretés.

c. Par acte reçu par courrier postal le 12 mars 2012 au greffe du Tribunal de première instance, B______ a formé opposition contre l'ordonnance de séquestre du 19 octobre 2011, dont il a indiqué que le procès-verbal dressé par l'Office des poursuites de Z______ lui avait été notifié le 9 février 2012 .

A l'appui de son opposition, il a allégué à titre liminaire que la légitimité de A______ pour requérir le séquestre en cause était douteuse, dans la mesure où l'Etat français et non A______, se serait acquitté de la très grande majorité (70%) du montant de la condamnation contenue dans la sentence arbitrale du 29 avril 2010.

Il a en outre contesté l'existence à son encontre d'une créance de Taïwan ou d'une créance récursoire de A______, en particulier pour des motifs juridiques de droit taïwanais, droit applicable à ces créances.

S'agissant des cas de séquestre, B______ a indiqué disposer d'un domicile fixe à ______ [Royaume-Uni] où il vivait avec sa famille depuis de nombreuses années, ce qu'un avocat anglais et un huissier judiciaire genevois avaient pu constater et a précisé, à cet égard, ne pas vouloir dévoiler son adresse exacte, pour des raisons de sécurité et afin de se prémunir de toute atteinte.

De même, il a contesté qu'un élément de fuite puisse être retenu à son encontre.

Pour le surplus, il a exposé que la créance récursoire dont se prévalait A______, à supposer qu'elle existât, n'avait aucun lien avec la Suisse et qu'en tout état les biens séquestrés, et en particulier ceux séquestrés à Y______, ne lui appartenaient pas.

Sur le plan procédural, il a porté à la connaissance du Tribunal le fait qu'une requête de séquestre quasiment identique à celle faisant l'objet de la présente procédure avait été rejetée par le Tribunal de district de S______ et l'Obergericht de S______, qui, par ordonnance du 5 août 2010, respectivement du 7 septembre 2010, avaient considéré que A______ n'avait pas rendu vraisemblable qu'elle disposait d'une créance à l'encontre de B______, décision confirmée par le Tribunal fédéral le 2 février 2011.

Enfin, B______ a requis la fourniture de sûretés à concurrence de 77'374'900 fr.

d. Dans ses déterminations du 20 avril 2012, A______ a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition ainsi qu'à son rejet.

S'agissant du domicile de B______, elle a exposé que les photographies ou le constat d'huissier versés à la procédure n'étaient pas suffisants pour établir son domicile fixe à ______ [Royaume-Uni], relevant pour le surplus que l'adresse fournie par B______ à l'Office des poursuites était celle de bureaux dont il était locataire et aucunement celle de son domicile.

Concernant sa créance, A______ a souligné détenir contre B______ une créance récursoire qui trouvait son fondement dans celle détenue par Taïwan à l'encontre de ce dernier, et précisé qu'en tant que les actes illicites à son encontre avaient été commis par B______ à Taïwan ainsi qu'à Genève, S______ et Z______, ils avaient un lien avec la Suisse.

Au sujet des sûretés, A______ a relevé que B______ n'avait pas établi l'existence d'un préjudice du fait de l'immobilisation de ses fonds, lesquels étaient de surcroît déjà bloqués par des saisies pénales conservatoires.

e. Lors de l'audience qui s'est tenue le 23 avril 2012, les parties ont persisté dans leurs conclusions, A______ indiquant pour le surplus ne plus invoquer le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP.

f. Statuant par voie de procédure sommaire selon jugement OSQ/41/2012 rendu le 11 septembre 2012 et communiqué aux parties le 12 septembre 2012, le Tribunal de première instance a déclaré recevable l'opposition formée le 12 mars 2012 par B______ contre l'ordonnance de séquestre du 19 octobre 2011 dans la cause C/22156/2011, l'a admise sur le fond et a révoqué ledit séquestre, mettant les frais à la charge de A______, les frais judiciaires étant arrêtés à 2'000 fr. et les dépens dus à B______ à 40'000 fr.

g. En résumé, le premier juge a considéré que l'opposition avait été formée en temps utile car le délai pour exercer cette opposition courait dès le jour de la communication par l'Office des poursuites des documents relatifs au séquestre et non déjà lorsque le débiteur avait eu entièrement connaissance, par d'autres moyens, de ce séquestre.

Concernant les conditions du séquestre, le premier juge a estimé que la créancière n'avait pas rendu vraisemblable, tant en fait qu'en droit, l'existence de la créance récursoire qu'elle faisait valoir à l'encontre de B______, au motif déjà que la créance de Taïwan à l'encontre de B______ du chef d'actes de corruption ayant contribué, à hauteur de 520 millions de francs, à l'augmentation du prix des frégates payé par cet Etat à A______, n'avait pas été "résolue". En effet, poursuivait le Tribunal, non seulement la procédure pénale internationale ouverte par Taïwan à l'encontre de B______ avait été clôturée en 2008 mais en outre, Taïwan n'avait obtenu, à ce jour, aucune condamnation de B______.

Faute de vraisemblance de la créance, le premier juge a levé le séquestre sans se prononcer sur aucune des autres conditions, en particulier sur le cas de séquestre ou sur l'appartenance des biens saisis au débiteur.

Sur la demande de sûretés formulée par B______, le Tribunal a constaté que l'intéressé n'avait rendu vraisemblable ni l'existence, ni la quotité du dommage, de sorte qu'il devait être débouté sur ce point.

D. a. Par acte déposé le 17 septembre 2012 auprès du greffe de la Cour de justice, A______ a formé un recours contre la susdite décision du 11 septembre 2012, concluant à son annulation, puis, principalement, à l'irrecevabilité de l'opposition au séquestre et, subsidiairement, à son rejet avec suite de frais dans les deux cas.

b. Sur la question du délai pour former opposition, A______ a
invoqué la violation de l'art. 278 LP, soutenant que la jurisprudence publiée aux ATF 135 III 232, suivie par le premier juge, n'était pas compatible avec le texte de la loi, la doctrine, majoritaire selon A______, privilégiant la thèse selon laquelle il suffisait d'une connaissance complète du séquestre par le débiteur pour que le délai commence à courir.

Sur la question de la vraisemblance de la créance, A______ a reproché au Tribunal d'avoir procédé à des constatations de faits manifestement inexactes, qui seront examinées infra (en droit, ch. 4.6, 4.7 et 4.8), d'avoir méconnu la notion de vraisemblance de la créance au sens de l'art. 272 al. 1 ch. 1 LP et enfreint les art. 168 et 177 CPC (qui énoncent que les titres sont des moyens de preuve) en considérant que les documents qu'elle avait produits ne suffisaient pas à établir cette vraisemblance.

c. Dans sa réponse au recours, déposée le 15 octobre 2012, B______ a conclu principalement au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, il a conclu à ce que son opposition au séquestre soit déclarée recevable, à la révocation de l'ordonnance de séquestre du 19 octobre 2011 et à la condamnation de A______ aux frais des deux instances.

d. B______ a joint à sa réponse un chargé comportant une pièce nouvelle, soit un avis de droit établi le 12 octobre 2012, à sa requête, par un avocat de Taïwan
(pce. no 58).

e. Par pli du 17 octobre 2012 du greffe de la Cour de céans, les parties ont été avisées de la mise en délibération de la cause.

f. Par courrier spontané du 23 octobre 2012, A______ a conclu à ce que cet avis de droit soit écarté du dossier sur la base de l'art. 326 al. 1 CPC.

EN DROIT

1. 1.1 La décision entreprise statue sur l'opposition au séquestre formée par l'intimé, en application des art. 278 al. 1 et 2 LP.

Selon l'art. 278 al. 3 LP, la décision sur opposition peut faire l'objet d'un recours au sens du CPC.

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée, délai réduit à 10 jours en procédure sommaire (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

La procédure sommaire est applicable en matière de séquestre, de sorte que le délai de recours est de 10 jours (art. 251 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l'occurrence, la décision querellée a été communiquée aux parties le 12 septembre 2012 et a été reçue le 13 septembre par la recourante.

Le recours, réceptionné le 17 septembre 2012 par la Cour de céans, a ainsi été interjeté en temps utile. Il satisfait par ailleurs aux exigences de forme des art. 321, 130 et 131 CPC.

Cet acte est par conséquent recevable.

2. 2.1 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

L'art. 326 al. 2 CPC réserve certes les dispositions spéciales de la loi dont celle de l'art. 278 al. 3 LP qui autorise les parties à alléguer des faits nouveaux.

2.2 En l'occurrence, aucune des parties n'a allégué de faits nouveaux, l'intimé se référant en particulier aux faits retenus par le premier juge, voire à ceux qu'il avait exposés dans son opposition au séquestre. L'intimé a toutefois produit une pièce nouvelle (no 58) en annexe à sa réponse au recours, pièce dont la recourante a demandé, par réplique spontanée, à ce qu'elle soit écartée des débats.

Cette pièce est un avis de droit établi par un avocat taïwanais le 12 octobre 2012 sur des questions de droit taïwanais que l'intimé lui a posées en lien avec des arguments figurant dans le recours de sa partie adverse.

2.3 Selon la jurisprudence, un avis de droit ne constitue pas un moyen de preuve, mais il revêt la valeur d'une simple allégation de partie (arrêt du Tribunal fédéral 1A_225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 2). Un tel document est recevable dans la mesure où il vise à renforcer et à développer le point de vue du recourant et a été déposé dans le délai de recours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_261/2009 du 1er septembre 2009 consid. 1.3).

Dans le cadre du recours prévu par les art. 319 et ss CPC, l'autorité de recours dispose en droit d'un plein pouvoir d'examen, comme en matière d'appel. Tous les griefs de violation du droit sont recevables et elle examine librement les questions de droit soulevées par le recourant et peut substituer ses propres motifs à ceux de l'autorité précédente ou du recourant (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2507, 2508 p. 452 et 2396 p. 435).

Par ailleurs, le droit étranger, en matière patrimoniale, peut être l'objet d'une "preuve" mise à la charge des parties (art. 16 al. 1 LDIP). Il ne s'agit toutefois pas d'une preuve au sens strict, si bien que les règles ordinaires en la matière ne sont pas applicables (ATF 119 II 93 consid. 2c/bb; 124 I 53 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_581/2011 du 5 mars 2012 consid. 4.2.4). Ainsi, l'invocation en dernière instance cantonale de droit étranger destiné à être appliqué en Suisse ne revêt pas un caractère de fait, mais de norme, de sorte que l'art. 326 al. 1 CPC ne constitue pas un obstacle à son examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_581/2011 du 5 mars 2012 consid. 4.2.4).

2.4 Il s'ensuit que l'avis de droit produit par l'intimé, en même temps que sa réponse au recours, est recevable.

3. La recourante fait grief au premier juge d'avoir admis que l'opposition au séquestre avait été formée en temps utile, en violation de l'art. 278 al. 1 LP.

3.1 A teneur de cette disposition, celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.

La question, précédemment controversée, du dies a quo du délai d'opposition
à séquestre, qui était celle de savoir à quel moment l'on pouvait admettre
que le débiteur (ou le tiers) séquestré avait "connaissance" du séquestre, a été clairement tranchée dans un arrêt de principe du Tribunal fédéral, publié aux ATF 135 III 232.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que le délai pour former opposition courait à l'égard du débiteur séquestré - peu importe qu'il soit présent ou représenté au moment de l'exécution de la mesure - dès la communication du procès-verbal de séquestre (ATF 135 III 232 consid. 2).

3.2 Pour faire pièce à cette jurisprudence publiée, la recourante s'appuie sur un avis de doctrine isolé, qui la critique, ainsi que sur un arrêt cantonal, dont la pertinence est contestée par l'intimé (recours p. 6 et réponse p. 6). Selon l'auteur cité par les recourants (PETER, Le point sur le droit des poursuites et des faillites, RSJ 105/2009 p. 361), l'interprétation du Tribunal fédéral s'écarterait trop du texte légal et protégerait le débiteur séquestré, de mauvaise foi. La "connaissance" du séquestre signifie, selon PETER, que le débiteur séquestré a une connaissance complète du séquestre, provenant d'une source fiable, information qui peut même provenir d'un tiers.

3.3 Cette critique ne fait que reprendre le débat qui avait déjà cours avant l'arrêt ATF 135 III 232 (à ce sujet, CHAIX, Jurisprudence genevoise en matière de séquestre, in SJ 2005 II p359, 360; STOFFEL/CHABLOZ, Commentaire romand LP, 2005, n. 23 ad art. 278 LP et réf. citées), débat que le Tribunal fédéral a clos en privilégiant la sécurité juridique après avoir écarté les critiques des tenants d'une solution plus pragmatique, jugeant que seule la notification officielle du procès-verbal de séquestre par l'Office des poursuites prévue par l'art. 276 al. 2 LP pouvait faire courir le délai d'opposition. Il importait peu que le débiteur ait été présent lors du séquestre ou qu'il ait eu accès personnellement, par le biais d'un représentant au dossier du séquestre et en ait eu connaissance (ATF 135 III 232 consid. 2.4).

3.4 La recourante soutient encore que l'intimé aurait commis un abus de droit en attendant la notification du (premier) procès-verbal de séquestre pour faire opposition, alors qu'il avait eu à sa disposition, le 25 octobre 2011 déjà, la requête de séquestre et le bordereau de pièces s'y référant.

3.5 Selon l'art 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit doit être établie sur la base des circonstances du cas d'espèce en prenant en considération les groupes de cas établis par la doctrine et la jurisprudence (TF, JT 2004 I 54, consid. 5.1).

Dans certaines situations exceptionnelles, il peut être admis que l'exercice tardif d'un droit puisse constituer un abus. Dans la règle, lorsque la loi prévoit un délai pour exercer un droit, l'exercice de celui-ci sera possible pendant toute la durée de ce délai, sans qu'il ne soit admissible de reprocher au bénéficiaire du délai de n'avoir pas agi plus tôt. Il n'y aura abus de droit que si le retard mis à l'exercer contredit un comportement antérieur et les attentes légitimes que ce comportement avait pu susciter ou qu'il est devenu impossible pour l'autre partie de préserver ses propres intérêts (TF, JT 2004 I, p. 54 et 55 consid. 5.1; STEINAUER/BIERI, Le titre préliminaire du Code civil, Traité de droit privé suisse, II/1, 2009, n. 586 et 587 p. 220 et réf. citées; CHAPPUIS, CR-CC 2010, n. 36 ad art. 2 CC et réf. citées).

3.6 En l'occurrence, l'on ne saurait opposer l'art. 2 al. 2 CC à l'intimé, qui n'a fait qu'attendre la notification officielle du procès-verbal de séquestre par l'Office des poursuites pour intenter ensuite son action dans le délai imparti par l'autorité.

Certes, l'intimé n'a pas favorisé une notification rapide des procès-verbaux de séquestre en refusant de faire élection de domicile pour cette notification auprès de son avocat genevois, préférant que celle-ci intervienne en l'étude de l'avocat anglais de son lieu de résidence à ______ [Royaume-Uni].

Cela étant, cette mesure, indépendamment de la question de sa légitimité, n'a guère retardé la procédure et ne saurait constituer un abus de droit de la part de l'intimé, étant rappelé que c'est en principe le débiteur séquestré qui a un intérêt à faire lever rapidement la mesure de séquestre.

3.7 Enfin, l'on relèvera que même s'il avait fallu - par hypothèse - ne pas suivre la jurisprudence publiée aux ATF 135 III 232, ce revirement n'aurait pas été opposable à l'intimé, en raison du principe de la bonne foi, découlant de l'art. 5 al. 3 Cst.

En effet, s'il est admis qu'une nouvelle jurisprudence s'applique immédiatement, donc aussi aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée, le principe de la bonne foi en tempère les excès.

Ainsi, en matière de computation des délais de recours, il a été jugé qu'en ce domaine, une modification de la jurisprudence ne pouvait intervenir sans avertissement, si elle provoquait la péremption d'un droit (ATF 94 I 15 consid. 1; 122 I 57 consid. 3c/bb).

Dans le cas présent, l'irrecevabilité de l'opposition aurait - définitivement - empêché l'intimé de contester le cas de séquestre (STOFFEL/CHABLOZ, op. cit., n. 97 p. 244), ce qui aurait été contraire au principe de la bonne foi.

Par conséquent, pour l'ensemble de ces raisons, il convient de rejeter le moyen de la recourante fondé sur la tardiveté de l'opposition.

4. 4.1 Selon l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge à condition que le créancier rende vraisemblable :

1. que sa créance existe;

2. qu'on est en présence d'un cas de séquestre;

3. qu'il existe des biens appartenant au débiteur.

La recourante fait grief au premier juge d'avoir retenu qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable l'existence de sa créance à l'encontre du débiteur séquestré. Elle lui reproche à cet égard d'avoir constaté certains faits de manière manifestement inexacte (art. 320 lit. b CPC) et d'avoir mal appliqué la notion de vraisemblance énoncée à l'art. 272 LP (art. 320 lit. a CPC).

4.2 La juridiction saisie d'un recours contre la révocation du séquestre (art. 278 al. 3 LP) ne jouit pas d'une cognition plus étendue que celle du juge de l'opposition : elle examine également au degré de la vraisemblance si les conditions du séquestre sont réalisées. Il suffit dès lors que cette autorité -
comme la précédente -, se fondant sur des éléments objectifs acquière
l'impression que les faits pertinents se sont produits, sans qu'elle doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_654/2010 du 24 novembre 2011 consid. 7.2 et réf. citées; HOHL, op. cit., n. 1643 p. 300 et réf. citées).

Les conditions posées au degré de vraisemblance de l'existence d'une créance ne doivent pas être trop élevées; cependant, un début de preuve doit exister. A cet effet, le créancier séquestrant doit alléguer les faits et, pratiquement, produire une pièce ou un ensemble de pièces qui permettent au juge du séquestre d'acquérir, sur le plan de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible, même si le juge estime encore possible que les circonstances fondant cette vraisemblance ne se soient pas vérifiées. Le point de savoir si le degré de vraisemblance requis par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier ressortit à l'appréciation des preuves. Dans ce domaine, le Tribunal fédéral reconnaît une ample latitude aux autorités cantonales (ATF 138 III 232 consid.4.1.1 = JT 2012 II 511; arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1 et 2.2).

4.3 La vraisemblance de l'existence de la créance porte aussi bien sur le fait que le droit; le juge n'examinera que sommairement le bien-fondé juridique de la prétention (JT 2012 II 511, consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_365/2012 du 17 août 2012 consid. 4.3.2; HOHL, op. cit., n. 1637 p. 299). Lorsque la créance est régie par un droit étranger, se pose la question, controversée, de savoir où s'arrête le devoir du juge de rechercher d'office le contenu du droit étranger. Il est en tous cas admis, en matière de séquestre qui implique la prise de décisions rapides, qu'il appartient au créancier de rendre vraisemblable le contenu du droit étranger (arrêt du Tribunal fédéral 5P_355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2008 du 11 décembre 2009, consid. 4.1).

4.4 L'opposant peut contester que l'existence de la créance ait été rendue vraisemblable, en particulier qu'elle soit née valablement. A cette fin, il doit rendre immédiatement vraisemblable sa libération ou produire un titre propre à prouver sa libération (arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.3).

4.5 A la lumière de ces principes, il convient d'examiner si le premier juge a procédé, au stade de la vraisemblance, à des constatations manifestement inexactes des faits (art. 320 let. b CPC) ou s'il s'est mépris sur la notion de vraisemblance de la créance (art. 320 let. a CPC), vraisemblance dont il a nié qu'elle ait été rapportée ici.

4.5.1 La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire si celle-ci est manifestement insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, ou encore repose sur une inadvertance manifeste ou heurte de façon choquante le sentiment de la justice (HOHL, op. cit., n. 2509 et 2938 p. 452 et 519 et réf. citées). Encore faut-il que cette appréciation erronée porte sur des faits pertinents qui seront susceptibles d'avoir une incidence déterminante sur le sort de la cause (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, n. 5 ad art. 321 CPC et réf. citées).

4.5.2 La mauvaise application de la LP, du CPC ou du droit étranger constituent des violations du droit selon l'art. 320 let. a CPC (JT 2012 II 511 consid. 4.1.2). L'interprétation et l'application d'actes juridiques étrangers est une question de droit, de sorte que l'autorité cantonale de recours peut sans autre substituer sa propre appréciation à celle du juge de première instance (JT 2012 II 511 consid. 4.3.1 et réf. citées).

4.6

4.6.1 La recourante soutient que le Tribunal aurait constaté de manière manifestement inexacte que la "procédure pénale internationale ouverte par Taïwan à l'encontre de [l'intimé] a été clôturée en 2008", puisqu'en réalité cette procédure n'existait pas : il n'y avait eu qu'une procédure pénale nationale suisse, effectivement clôturée en 2008, et une procédure d'entraide judiciaire adressée à la Suisse par Taïwan et qui n'était, elle, pas clôturée, les saisies pénales ordonnées ayant été maintenues à ce jour. Or, en maintenant la saisie, le juge d'instruction fédéral aurait reconnu la vraisemblance de la créance de Taïwan.

En méconnaissant ce fait qui l'avait conduit à dénier la vraisemblance d'une créance de Taïwan et, par contrecoup, une créance récursoire de la recourante à l'égard de l'intimé, le premier juge avait enfreint l'art. 320 let. a CPC. L'intimé a contesté cette interprétation littérale, relevant qu'il s'agissait d'une "imprécision terminologique" et non pas d'une fausse constatation comme le confirmait la lecture de l'état des faits (ch. 14 du jugement) dans lequel le premier juge rappelait que Taïwan avait déposé contre l'intimé une demande judiciaire d'entraide internationale en Suisse, ayant conduit à une procédure pénale internationale, clôturée en septembre 2008.

4.6.2 A cet égard, il ressort des pièces produites que la procédure pénale nationale ouverte le 20 juin 2001 par le Procureur général à Genève, reprise en juillet 2002 par le Ministère public de la Confédération, a été suspendue par décision du Ministère public fédéral du 17 décembre 2008, après clôture de l'instruction préparatoire par le juge d'instruction fédéral le 22 septembre 2008. Cette décision de clôture était principalement motivée par des considérations d'opportunité, le juge d'instruction ayant constaté que l'intimé, principale personne à poursuivre, était de nationalité taïwanaise et que l'essentiel de son activité illicite s'était produite à Taïwan, Etat qui s'était engagé à le poursuivre pénalement pour corruption et blanchiment d'argent et qui l'avait déjà inculpé et placé sous mandat d'arrêt. Taïwan devant également se prononcer sur la confiscation du produit des infractions, pénalement saisi dans diverses banques suisses, il se justifiait de maintenir les saisies pénales dans le cadre de la seule procédure d'entraide judiciaire internationale ouverte à la demande de Taïwan.

Il apparaît ainsi que le premier juge n'a pas procédé à une constatation manifestement inexacte des faits dès lors qu'une procédure pénale relative à l'intimé a été suspendue en Suisse en septembre et décembre 2008, mais l'interprétation faite de cette situation par le Tribunal est incorrecte, puisqu'il a considéré cette "clôture" comme un élément propre à affaiblir la réalité de la créance que la recourante alléguait avoir à l'encontre de l'intimé, alors que tel n'était pas le sens de la décision de suspension.

4.7

4.7.1 En second lieu, la recourante reproche au premier juge d'avoir déduit de l'absence de condamnation (pénale) de l'intimé à ce jour que la créance de Taïwan à l'encontre de celui-ci pour des actes délictueux en serait moins vraisemblable. Elle fait valoir que la procédure pénale serait toujours en cours, à Taïwan, à l'encontre de l'intimé et que la seule raison de ce retard tient au fait que le précité est en fuite depuis 1993; elle observe par ailleurs qu'un coinculpé, qui avait participé aux actes de corruption (sans lien avec ceux ayant occasionné le préjudice dont Taïwan lui a demandé réparation), a été condamné en 1994 dans ce pays à la prison à vie.

L'intimé réfute cette argumentation en soutenant, par le biais d'un avis de droit taïwanais, que son absence de Taïwan n'empêcherait pas les tribunaux de son pays de le condamner par défaut, même civilement, pourvu qu'il soit valablement assigné et représenté par un avocat qu'il aurait mandaté.

4.7.2 Une fois encore, le raisonnement du premier juge, au vu des indices recueillis, est critiquable, mais ne procède pas d'une constatation inexacte des faits : il est admis qu'aucune condamnation contre l'intimé n'a été prononcée; en revanche, les raisons de cette situation n'ont pas été appréciées correctement par le Tribunal, au vu de l'ensemble des circonstances et des pièces produites par les parties.

En effet, au stade de la vraisemblance, si l'intimé n'a pas été condamné - pénalement ou civilement - par la justice de son pays, cela ne signifie pas encore qu'il ne soit pas responsable, sinon coupable, des délits pour lesquels les autorités de son pays l'ont inculpé, ni ne soit pas redevable, envers celui-ci, du préjudice de 520'000'000 USD - dans le cadre des frégates "E______" - qu'il lui réclame.

L'une des raisons principales qui expliquent l'absence de jugement de l'intimé à ce jour semble tenir au fait qu'il s'est soustrait depuis plusieurs années à la justice de son pays qui ne peut, apparemment, le juger, in absentia, que s'il constitue un représentant, ce qu'il n'allègue pas avoir fait en vue de son jugement.

En l'état du dossier, l'intimé reste poursuivi par la justice de Taïwan et la prescription pénale, de l'avis des autorités de cet Etat, ne sera pas atteinte avant 2027.

4.8

4.8.1 La recourante fait grief au premier juge d'avoir passé sous silence l'implication de l'intimé non seulement pour actes de corruption ayant conduit à l'augmentation du prix des frégates mais aussi dans le cadre du meurtre de l'officier taïwanais dont le capitaine V______- qui avait reçu des commissions de l'intimé - était suspecté. Elle en déduit que le Tribunal a ignoré des faits décisifs pour décider de la vraisemblance de la créance.

4.8.2 Cet argument n'est pas fondé. En effet, le premier juge a relaté, il est vrai de manière très succincte, le volet pénal du dossier mais a mentionné que l'intimé était poursuivi à Taïwan pour participation à une organisation criminelle impliquant des hauts-gradés de la Marine en faisant majorer le prix des frégates vendues par la recourante pour dégager des pots-de-vin. La responsabilité délictuelle de l'intimé envers Taïwan pour des actes de corruption n'a donc pas été ignorée par le Tribunal.

Il importe peu en revanche que celui-ci n'ait pas mentionné l'affaire du meurtre, car celle-ci, au demeurant non élucidée, était sans lien de cause à effet avec la créance litigieuse.

4.9 La recourante fait valoir en dernière ligne que le Tribunal a fait une mauvaise application du droit en élevant le degré de vraisemblance de l'existence de la créance plus que ne le requièrent l'art. l'art. 271 al. 1 LP, la jurisprudence et la doctrine en la matière.

Elle souligne que les titres produits devant le premier juge démontraient de manière suffisante l'existence de la créance de Taïwan à l'égard de l'intimé et celle, récursoire, qu'elle invoquait à l'encontre de celui-ci.

4.9.1 La notion de vraisemblance et le degré à atteindre pour qu'elle soit admise en matière de séquestre et d'opposition à séquestre ont déjà été énoncés supra (ch. 4.2).

4.9.2 La recourante soutient :

-       qu'elle a été condamnée par le Tribunal arbitral à payer à Taïwan un montant correspondant aux commissions versées à l'intimé, au titre de la violation de l'art. 18 du contrat de vente;

-       que l'intimé est accusé par Taïwan d'avoir bénéficié, avec d'autres, de la somme de 520'000'000 USD correspondant au surcoût qu'elle a dû payer à la recourante pour l'achat des frégates en lien avec des actes de corruption;

-       qu'elle s'est acquittée intégralement du montant dû à Taïwan selon la sentence arbitrale;

-       qu'elle dispose dès lors d'un droit de recours contre l'intimé, responsable délictuel du dommage occasionné à Taïwan;

-       que ce droit de recours, régi par le droit de Taïwan en application de l'art. 144 al. 2 LDIP, existe et découle des articles 280, 281 et 218-1 du Code civil de Taïwan dont la traduction anglaise figure au dossier;

-       que si ce droit de recours ne pouvait être retenu selon le droit de Taïwan, jugé incertain, il découlerait alors du droit suisse, soit de l'art. 51 CO, applicable par renvoi de l'art. 16 al. 2 LDIP.

4.9.3 Pour faire pièce aux arguments de la recourante, l'intimé relève qu'il n'a pas été condamné à ce jour à Taïwan, qu'aucune décision rendue dans ce pays n'a confirmé que le prix de vente des frégates aurait été artificiellement gonflé au préjudice de l'acquéreur, que le simple fait de recevoir des commissions de la recourante ne constituait pas un délit, pas plus que le versement d'une partie de celles-ci au capitaine V______.

Il n'y avait donc ni acte illicite, ni dommage.

En outre, une éventuelle action en réparation du préjudice dérivant d'un acte illicite se prescrivait, selon l'art. 197 du Code civil taïwanais, deux ans après la date à laquelle la personne atteinte avait eu connaissance de l'acte et de la personne susceptible de le réparer; or, Taïwan disposait de cette connaissance au plus tard en 2004, mais n'avait agi au civil contre l'intimé qu'en avril 2007, donc tardivement.

Enfin, ni l'art. 218, ni l'art. 280 du code civil taïwanais n'accordaient d'action récursoire à la recourante dans la situation qui était la sienne.

4.9.4 Au stade de la vraisemblance, il convient de retenir que la recourante a été condamnée par sentence arbitrale du 29 avril 2010, définitive et exécutoire, à verser à Taïwan un montant équivalent à celui qu'elle avait versé à l'intimé, en exécution du contrat du 26 septembre 1989, mais en violation de l'art. 18 du contrat de vente des frégates du 31 août 1991 à teneur duquel elle s'était engagée à ne pas rémunérer des tiers en lien avec cette vente.

Il faut retenir aussi qu'elle s'est acquittée envers Taïwan du montant dû en vertu de cette condamnation, même si l'Etat français en a supporté une part importante en dernière ligne. Cet arrangement interne n'a pas d'incidence sur la légitimation active de la recourante.

A cet égard, le contrat du 26 septembre 1989 était formellement conclu par la société de l'intimé mais il est apparu qu'il en était l'ayant droit économique et que les fonds versés par la recourante l'ont été sur des comptes dont l'intimé était le titulaire ou l'ayant droit économique.

L'activité délictuelle de l'intimé, sous l'angle du blanchiment d'argent en Suisse et de la corruption de fonctionnaire à Taïwan est également vraisemblable, étant rappelé que le juge d'instruction fédéral avait décidé de l'inculpation de blanchiment et a maintenu, en 2008 encore, les saisies conservatoires pénales sur les avoirs de l'intimé en Suisse dans le contexte de la requête d'entraide judiciaire pénale de Taïwan qui présentait des charges de corruption - notamment - contre l'intimé, étant rappelé qu'il était démontré qu'il avait versé, avec les fonds de la recourante, plus de 17'000'000 USD au capitaine K., officier taïwanais en charge de l'acquisition des frégates.

Il ressort également de l'ensemble des circonstances - en particulier du contrat du 26 septembre 1989 assurant à l'intimé une rémunération de 15% du contrat (de facto 18%), soit environ 375'000'000 EUR, d'une ampleur incompatible avec la simple activité de courtage attendue de lui, des investigations pénales menées en France, de l'embarras exprimé par le gouvernement français après la reddition de la sentence arbitrale - que l'intimé devait utiliser une part de cette somme pour convaincre les décideurs locaux de conclure le marché et de le conclure au prix élevé finalement fixé. Au stade de la vraisemblance, la suspicion de corruption de fonctionnaires, acte dont aucune des parties n'allègue qu'il ne serait pas illicite selon le droit taïwanais, devait être retenue à la charge de l'intimé, de même que l'existence d'un préjudice d'un ordre de grandeur équivalent aux quelque 520'000'000 USD versés par la recourante à l'intimé dans le cadre de cette transaction, puisque les éléments au dossier rendent vraisemblable que ce montant a été répercuté sur le prix de vente des frégates payé par Taïwan.

Sous l'angle de la vraisemblance du droit, la cause revêt assurément une complexité telle qu'un examen sommaire constitue un exercice délicat.

La recourante recherche le droit applicable à sa prétention en se fondant sur le droit international privé suisse, plus spécialement sur l'art. 144 LDIP qui règle la question de la loi applicable au recours entre codébiteurs. Dans la mesure où il n'est pas certain qu'un tribunal suisse soit compétent pour connaître du litige au fond (art. 129 LDIP), le recours au droit international privé suisse pour déterminer le droit s'appliquant au fond du litige paraît contestable, étant rappelé que l'intimé est de nationalité taïwanaise, qu'il réside au Royaume-Uni et que le contrat du
26 septembre 1989 qui le liait (via sa société) à la recourante comprend une clause d'arbitrage avec siège à Paris avec élection du droit français.

Cela étant, au stade de la vraisemblance, l'art. 144 LDIP peut être pris en compte.

Comme les parties l'ont admis à raison, l'examen du recours contre un codébiteur est régi par le droit applicable à la dette de ce codébiteur envers le créancier (art. 144 al. 2 première phrase LDIP).

4.9.5 A n'en pas douter, la dette de l'intimé envers Taïwan résultant de la commission d'actes illicites accomplis, au moins partiellement à Taïwan, doit être régie par le droit taïwanais, qui s'applique dès lors au recours (action récursoire) de la recourante.

Selon l'art. 218-1 du code civil de Taïwan (traduit par l'intimé), "si une personne (qui) est tenue de verser une indemnité pour le poste ou le dommage d'un bien ou d'un droit, elle peut exiger de la personne titulaire du droit de demander des dommages et intérêts qu'elle lui cède les prétentions qu'elle possède contre tout tiers en vertu de sa propriété dudit bien ou en vertu dudit droit".

L'intimé soutient que cette disposition ne s'appliquerait pas à la prétention de la recourante car son paiement à Taïwan dérivait d'un contrat et non d'un acte illicite qu'elle aurait réparé en lieu et place du responsable; elle ne pourrait donc exiger de Taïwan qu'elle lui cède son droit à l'encontre de l'intimé.

Bien que soutenable, cette interprétation s'éloigne cependant de l'exemple que l'intimé avait lui-même exposé pour expliciter le but de cette disposition, qui permettait justement à celui qui, tenu par un contrat envers le lésé, avait dû l'indemniser pour le dommage causé illicitement par un tiers, situation qui est voisine de celle présentée par la recourante et qui peut être admise au stade de la vraisemblance.

Il importe peu par ailleurs que Taïwan ne soit pas disposé, le cas échéant, à céder sa prétention à la recourante puisque celle-ci pourrait, par hypothèse, en exiger la cession.

Il est dès lors superflu d'examiner si l'action récursoire de la recourante pourrait aussi trouver un fondement sur les art. 271 et ss du code civil taïwanais, en particulier sur les art. 280 et 281, ce que l'intimé conteste.

S'agissant de la prescription de l'action délictuelle que Taïwan a engagée en août 2007 à l'encontre de l'intimé, la seule référence à l'art. 197 du code civil taïwanais n'apparaît pas convaincante, car rien n'indique que d'autres prescriptions, civile ou pénale, n'interfèrent pas dans le calcul des délais mis en évidence par l'intimé.

Ainsi, le droit suisse connaît-il des prescriptions plus longues si le dommage est en lien avec une infraction pénale (art. 60 al. 2 CO), des actes interruptifs de prescription ou des situations entraînant la suspension du cours de la prescription. Or, l'avis de droit produit par l'intimé ne fait aucune référence à de semblables dispositions que pourrait connaître le droit taïwanais, étant observé que les autorités de Taïwan avaient indiqué dans leur demande de restitution anticipée avoir précisément déposé le 6 avril 2007 une action civile collatérale au sens de l'art. 487 du code de procédure pénale taïwanais afin de sauvegarder les délais de prescription, laissant entendre qu'elles ne tenaient donc pas celle-ci pour acquise à cette date.

4.9.6 Au vu des considérations qui précèdent, il apparaît que le premier juge a donné à la notion de vraisemblance de l'existence de la créance une acception trop étroite, non conforme à celle requise par l'art. 272 al. 1 LP.

La décision entreprise doit donc être annulée sur ce point, la vraisemblance de la créance alléguée, tant en ce qui concerne son existence que sa quotité, devant être admise à ce stade.

5. Le premier juge n'a pas statué sur les autres conditions du séquestre (art. 272 al. 1 ch. 2 et 3).

Le principe du double degré de juridiction consacré par l'art. 75 LTF justifie que la cause soit retournée au premier juge pour qu'il statue sur ce point.

6. La décision sur les sûretés, non remise en cause dans le cadre du recours, est maintenue, nonobstant l'éventuel maintien du séquestre, étant donné que les avoirs qui en sont l'objet sont d'ores et déjà saisis sur le plan pénal. Tant que dure cette dernière saisie, la constitution de sûretés par la recourante et créancière ne se justifie pas.

7. L'intimé succombe sur le recours.

Il sera condamné aux frais du recours (art. 106 art. 1 CPC).

Les frais judiciaires de celui-ci sont arrêtés à 5'000 fr. (art. 105 al. 1 CPC, 26 et 38 RTFMC).

L'avance de 3'000 fr. effectuée par la recourante est acquise à l'Etat de Genève par compensation (art. 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

L'intimé est condamné à rembourser à ce titre 3'000 fr. à la recourante (art. 111 al. 2 CPC) et à payer 2'000 fr. à l'Etat de Genève.

Les dépens de la recourante, qui les sollicite (art. 105 al. 1 CPC a contrario), comprennent le défraiement et les débours (art. 95 al. 3 CPC).

Le défraiement est calculé selon les art. 18 al. 1 et 21 LaCC et les art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC.

Compte tenu de la valeur litigieuse de 773'749'000 fr., le montant du défraiement, par application de l'art. 85 RTFMC, est de 488'247 fr., montant qui,
réduit à 1/5ème, moins 10%, selon les art. 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC, atteint encore 87'885 fr. (97'649 - 9'764). Cette somme, qui est excessive, eu égard aux développements limités de l'écriture du recours, sera réduite à 15'000 fr. en application de l'art. 18 al. 1 LaCC.

Elle sera majorée de 11% (débours : 3% et TVA : 8%) conformément aux art. 20 et 21 LaCC, soit 1'650 fr. (= 11% de 15'000 fr.).

Les frais de première instance sont annulés, le premier juge étant invité à les fixer et à les répartir lors de sa nouvelle décision (art. 104 al. 4 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ à l'encontre du jugement OSQ/41/2012 rendu le 11 septembre 2012 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22156/2011-11 SQP.

Au fond :

Annule ledit jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Condamne B______ aux frais du recours arrêtés à 5'000 fr.

Dit que l'avance de frais de 3'000 fr. effectuée par A______ est acquise à l'Etat de Genève par compensation.

Condamne B______ à rembourser 3'000 fr. à A______ à ce titre.

Le condamne à payer 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne B______ à payer 16'650 fr. à A______ à titre de dépens de seconde instance.

Invite le Tribunal à fixer et à répartir les frais de première instance lors de sa nouvelle décision.

Siégeant :

Monsieur Pierre CURTIN, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 (moyens limités selon art. 98 LTF; ATF 138 II 232 c. 1 non publié).

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.