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Décisions | Chambre civile

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C/20928/2007

ACJC/1652/2016 du 16.12.2016 sur JTPI/3385/2016 ( OO ) , MODIFIE

Descripteurs : BAIL À FERME AGRICOLE ; PROLONGATION DU BAIL À FERME ; FARDEAU DE LA PREUVE ; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE
Normes : LBFA.27; CPC.126.1; CC.8;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20928/2007 ACJC/1652/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 16 DECEMBRE 2016

 

Entre

1) Monsieur A______,

2) Madame B______,

3) Monsieur C______,

domiciliés ______ (GE), appelants d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 mars 2016, comparant tous trois par Me Jean-Pierre Carera, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8, en l'étude duquel ils font élection de domicile aux fins des présentes,

et

Madame D______, représentée par sa curatrice, Me Catherine Chirazi, intimée, comparant par Me Catherine Chirazi, avocate, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile aux fins des présentes.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/3385/2016 du 11 mars 2016, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur demande principale et reconventionnelle, a dit que le contrat de bail à ferme liant D______ à A______, B______ et C______ arrivera à échéance le 31 octobre 2018 (chiffre 1 du dispositif), a débouté A______, B______ et C______ de leurs conclusions en prolongation de bail à ferme agricole (ch. 2), a condamné A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à verser à D______, les montants de : 10'224 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2010, 24'760 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2011, 26'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2012, 13'480 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2013, 8'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2014 et 4'400 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2015 (ch. 3).

Statuant sur les frais et dépens, le Tribunal a condamné A______, B______ et C______, solidairement entre eux, aux dépens, lesquels comprendront une indemnité de procédure de 10'000 fr. à titre de participation aux honoraires d'avocat de D______ (ch. 4). Les parties ont enfin été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Le 28 avril 2016, A______, B______ et C______ ont formé appel contre le jugement du 11 mars 2016, qui leur avait été notifié le 14 mars. Ils ont conclu à son annulation et à ce qu'il soit donné acte aux parties de ce qu'elles sont liées par un contrat de bail à ferme agricole qui viendra à échéance le 31 octobre 2018, à l'octroi d'une pleine prolongation de bail de six ans à compter du 1er novembre 2018, au déboutement de l'intimée de toutes autres ou contraires conclusions, avec suite de frais et dépens de première instance et d'appel. Subsidiairement, les appelants ont conclu à ce qu'il soit sursis à statuer s'agissant de la question du montant des fermages.

Les appelants ont produit des pièces nouvelles en appel, soit des publications foncières des années 2007 à 2011 (pièces 78 à 82), plusieurs extraits du Registre foncier (pièces 83, 85 et 87), trois photographies (pièces 84, 86 et 88), un extrait internet (pièce 89) et deux courriers des 22 avril 2016 et 23 février 2016 (pièces 90 et 91).

b. D______ a conclu à ce que les allégués de fait n° 30 à 41 de l'appel, ainsi que les pièces 78 à 89 qui l'accompagnaient soient déclarés irrecevables et à ce que ses propres allégués n° 43 à 45, ainsi que ses pièces 45 et 46 soient déclarés recevables.

Sur le fond, elle a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

D______ a produit deux pièces nouvelles, soit des courriers des 26 et 30 mai 2016 (pièces 45 et 46).

c. Les appelants ont répliqué et ont conclu, préalablement, à ce que l'intimée soit invitée à fournir toute information utile sur l'état d'avancement de la procédure pendante devant la Commission d'affermage agricole. Sur le fond, les appelants ont persisté dans leurs conclusions précédentes.

Ils ont produit deux pièces nouvelles, soit deux courriers des 16 juin 2016 et 15 juin 2016 (pièces 92 et 93).

d. D______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

Elle a produit une pièce nouvelle, soit une circulaire de 2015 (pièce 47).

e. Les parties ont été informées par avis du 1er septembre 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents et non contestés suivants résultent du dossier :

a. A______ et ses deux enfants, B______ et C______, tous deux majeurs (ci-après également : les consorts E______), sont exploitants viticoles à ______ (GE). Avant la conclusion du contrat du 19 octobre 2006 avec F______, ils exploitaient un domaine d'une surface totale d'environ quarante-huit hectares.

D______, née en 1939, est la veuve et la seule héritière de son époux, feu F______. Depuis 2005, D______ souffre de la maladie d'Alzheimer et son état de santé nécessite des soins journaliers constants.

F______ était propriétaire d'un domaine viticole composé des parcelles 1______ et 2______ sises sur la commune ______ (Genève) et des parcelles 3______, 4______ et 5______ sises sur la commune _______ (Genève), d'une surface totale de l'ordre de vingt-trois hectares.

F______ était également propriétaire d'un bâtiment d'exploitation agricole et d'une maison d'habitation sis à ______ (commune ______/Genève) (parcelle 6______).

De son vivant, F______ exploitait avec son cousin, G_______, une cave sous l'enseigne_______.

H_______, caviste œnologue, employé de F______ de 1994 à décembre 2007, était en charge de la vinification.

b. Le 19 octobre 2006, F______ et A______ ont signé une convention prenant effet le 1er novembre 2006, à teneur de laquelle :

"F______ loue sa propriété viticole à A______ et ses enfants au prix de Fr. 4'000.-/hectare (selon les surfaces reconnues par l'administration pour les droits de production et les paiements directs). La location est versée par les locataires au propriétaire après récolte, mais au plus tard au 31 décembre.

F______ loue à A______ et ses enfants le bâtiment d'exploitation du village de _______ et la parcelle attenante n° 6______ pour un montant de Fr. 24'000.- par année. Les locataires prennent à leur charge l'entretien courant du bâtiment ainsi que les factures d'eau et d'électricité.

Un inventaire des parcelles et des contenants est établi à l'entrée en location.

Les locataires s'engagent à cultiver et entretenir les objets loués conformément aux usages de bonne gouverne.

Les investissements importants tels que renouvellement de vignes ou transformations majeures dans les bâtiments se feront avec l'accord du propriétaire. En cas de vente ou de cession de bail par la volonté du propriétaire, le locataire sera défrayé de ses investissements selon les usages (arbitrage par le service cantonal de l'agriculture si nécessaire).

En cas de ventes de parts importantes des objets loués, et dans le but de garder une exploitation viticole rentable dans le village de ______, les locataires gardent un droit de préemption après Monsieur G_______.

Les partenaires peuvent dénoncer la convention moyennant un préavis de 6 mois pour la fin d'une année".

Les parcelles visées par ladite convention sont situées à proximité de celles que les consorts E______ exploitaient déjà.

La parcelle 6______, d'une surface de 4'873 m2, située dans le village de ______, comprend des bâtiments d'habitation et des bâtiments à usage agricole; elle est située en zone 4b protégée. Les aires dans lesquelles de nouvelles constructions peuvent être érigées sont très limitées.

c. En avril 2007, F______, qui n'avait pas d'enfant, a souhaité remettre son domaine viticole à H_______, dont il était très proche. Dans ce contexte, il a manifesté l'intention de dénoncer la convention du 19 octobre 2006.

Le 28 juin 2007, F______ et A______ ont ainsi signé un document intitulé "Attestation de dénonciation de bail", lequel stipule :

"F______ atteste par la présente l'arrêt de la location de sa propriété viticole, le bâtiment d'exploitation du village de ______ et la parcelle attenante n° 6______ auprès de A______ et ses enfants. A______ et ses enfants confirment l'arrêt de la location à cette date. L'interruption de cette location prendra effet au plus tard le 31 décembre 2007".

Par courrier du 29 juin 2007, A______ a toutefois indiqué à F______ que c'était non sans surprise qu'il prenait note de sa décision de ne pas reconduire la location de ses vignes après la première année et il lui demandait, si sa décision était définitive, de prendre en compte certains éléments. Ainsi, il relevait que le vignoble n'était pas en très bon état et nécessitait de gros efforts pour lui faire retrouver son potentiel de production. Le prix de la location de 4'000 fr. par hectare, qui correspondait au prix versé par les consorts E______ aux autres propriétaires-viticulteurs pour des vignes parfaitement équilibrées et productives, avait été fixé sur la base d'un contrat de longue durée, qui seul pouvait permettre d'équilibrer les comptes. Les consorts E______ avaient procédé à divers travaux (importants rembrochages, remise en état des installations telles que fils de fer, piquets et amarres, drainages, défrichages, amélioration des chemins notamment) qui dépassaient l'entretien usuel, lesquels ne pourraient être amortis que sur la durée. Dès lors, afin de terminer l'unique saison avec des comptes équilibrés, les consorts E______ souhaitaient que le prix de la location soit réduit à 2'500 fr. par hectare, tarif généralement pratiqué dans le canton.

F______ n'a pas répondu à ce courrier.

d. Le 26 septembre 2007, F______ et G_______ ont mis fin au contrat de travail de H_______ avec effet au 31 décembre 2007. Ce dernier pensait devenir patron à compter du début de l'année 2008, en reprenant les vignes de F______.

A fin décembre 2007, F______ a renoncé à son projet de remettre son domaine à H_______ compte tenu du fait que G_______ faisait valoir son droit de préemption sur la cave et que A______ contestait la résiliation de son contrat.

e. Le 28 septembre 2007, sous la plume de leur conseil, A______ et ses enfants ont exposé à F______ que la convention du 19 octobre 2006 constituait en réalité un bail à ferme agricole, dont la durée minimale était de douze ans, de sorte que le congé qu'il leur avait notifié n'était valable que pour l'échéance du 31 octobre 2018. Ils entendaient par ailleurs obtenir une pleine prolongation de six ans, valable jusqu'au 31 octobre 2024.

f. Dès 2008, l'état de santé de F______ s'est aggravé et il s'est peu à peu désintéressé de ses affaires, ne se rendant plus qu'une ou deux heures par jour à son travail selon les déclarations de plusieurs témoins entendus par le Tribunal.

Au mois d'avril 2008, F______ a vendu à G_______ ses parts dans la cave qu'ils exploitaient ensemble.

g. A compter de la fin de l'année 2008, A______ et ses enfants ont procédé à plusieurs travaux sur les parcelles louées à F______. Ils ont ainsi indiqué avoir :

- entre novembre 2008 et l'été 2009, procédé à l'arrachage des vignes sur la parcelle 1______ dite de ______, ainsi qu'à l'arrachage puis à la replantation d'une partie des vignes sises sur les parcelles 4______ et 2______ dites ______ et ______, pour un coût total allégué de 66'200 fr.;

- en juillet 2009, effectué un drainage de la parcelle 1______, dont le coût s'est élevé à 21'532 fr. 20 déduction faite des subventions;

- entre novembre 2009 et l'été 2010, procédé à l'arrachage et à la replantation d'une partie des vignes sises sur les parcelles 4______ dite _______ ainsi qu'à la replantation de la parcelle 1______, le tout pour un coût total de 114'237 fr.;

- entre novembre 2010 et l'été 2011, procédé à l'arrachage puis à la replantation des vignes sises sur la parcelle 4______ dite ______ , ainsi qu'à des travaux d'amélioration et de drainage de la parcelle 3______ dite ______, pour un montant total de 17'342 fr.

h. A la fin de l'année 2009, F______ a vendu à G_______ la parcelle 5______ dite _______.

i. F______ est décédé le 16 novembre 2010, après une hospitalisation de six mois, laissant pour seule héritière son épouse D______.

Peu avant son décès, F______ était intervenu auprès du Tribunal tutélaire (désormais : Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant) afin de solliciter une mesure de protection en faveur de son épouse, précisant que tous deux étaient à la tête d'un patrimoine très important, composé de plusieurs biens immobiliers conséquents et qu'il était personnellement atteint d'un cancer à un stade très avancé.

Par décision du 5 juillet 2010, l'interdiction de D______ a été prononcée, Me Catherine CHIRAZI, avocate, se voyant confier l'intégralité des aspects de la mesure, les aspects financier et administratif étant confiés à I_______ et J_______ ayant la charge des aspects personnel, médical et social.

Par ordonnance du 7 juin 2011, le Tribunal tutélaire a autorisé Me CHIRAZI et I_______ à accepter, au nom de D______, la succession de feu F______.

j. Par courrier du 28 mars 2012, D______, représentée par Me CHIRAZI, a indiqué aux consorts E______ que les sommes qu'ils avaient versées au titre de la location de la propriété viticole pour les années 2010 et 2011 ne correspondaient pas à l'entier des montants dus à teneur de la convention. En effet, le prix de la location était fixé selon les surfaces reconnues par l'administration pour les droits de production. Or, la location de certaines surfaces de vignes plantées, pour lesquelles les consorts E______ avaient obtenu des droits de production, n'avait pas été rémunérée comme elle aurait dû l'être. Dès lors, les sommes de 6'520 fr. et de 23'480 fr. étaient dues pour les années 2010 et 2011, sous réserve des parcelles dites 4______ et 1______ pour lesquelles la curatrice ne disposait pas encore des documents nécessaires. Elle invitait par conséquent les consorts E______ à lui transmettre les documents pour les années 2006 à 2009, afin de vérifier l'exactitude des montants versés durant cette période. Il était enfin relevé que des pieds de vigne avaient été arrachés sans autorisation, les consorts E______ étant invités à s'adresser à la curatrice avant d'entreprendre tous travaux.

k. Le 17 avril 2012, A______, B______ et C______ ont signé une déclaration de renonciation à la prescription, pour autant que celle-ci ne soit pas déjà acquise.

l. Le 13 juin 2012, D______, par l'entremise de sa curatrice, a refusé d'autoriser les travaux de drainage que A______ et ses enfants souhaitaient effectuer sur la parcelle 3______.

m. Le 28 octobre 2013, A______ a saisi la direction générale de l'agriculture (ci-après : DGA) d'une demande de calcul de fermage licite concernant le domaine de D______. Le dossier a été transmis à la commission d'affermage agricole afin qu'elle se prononce à titre incident sur l'existence ou non d'une entreprise agricole.

Le 7 avril 2014, la commission d'affermage agricole a constaté que l'ensemble des terres et bâtiments mis à disposition de A______ constituait une entreprise agricole dont le fermage licite devait être approuvé. D______, représentée par sa curatrice, a recouru contre cette décision.

Le 29 juillet 2014 la Chambre administrative a annulé la décision de la commission, considérant que le droit d'être entendu de D______ avait été violé et lui a dès lors renvoyé la cause pour nouvelle décision.

n. Entre 2009 et 2014, A______ et ses enfants se sont acquittés des fermages suivants, sur la base des seules parcelles productives :

2009 : 76'000 fr. sur la base de 18.96 Ha

2010 : 42'920 fr. sur la base de 10.73 Ha

2011 : 40'880 fr. sur la base de 10.22 Ha

2012 : 54'200 fr. sur la base de 13.55 Ha

2013 : CHF 59'680 fr. sur la base de 14.92 Ha

2014 : CHF 59'680 fr. sur la base de 14.92 Ha

Entre 2008 et 2012, l'âge moyen du vignoble de F______ a évolué de 29.99 ans à 10.97 ans selon les explications fournies par les consorts E______.

o. Par courrier adressé au Tribunal de protection le 16 décembre 2014, Me CHIRAZI a demandé à celui-ci de bien vouloir confirmer que le budget de D______, depuis 2010, était déficitaire, ses revenus ne couvrant pas ses charges.

Le Tribunal de protection a apposé son sceau sur ledit courrier, avec la mention manuscrite suivante : "Le TPAE confirme".

D. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 28 septembre 2007, déclaré non concilié le 2 novembre 2007 et introduit le 27 novembre 2007, A______, B______ et C______ ont formé une demande de prolongation de bail à ferme agricole. Ils ont conclu à ce que le Tribunal constate que le congé donné par F______ est valable pour l'échéance du 31 octobre 2018, et à l'octroi d'une prolongation du bail de six ans à compter du 1er novembre 2018, soit jusqu'au 31 octobre 2024, avec suite de frais et dépens.

b. En raison de pourparlers en cours, les parties ont sollicité la suspension de l'instance, celle-ci ayant été ordonnée.

L'instance est ainsi demeurée suspendue de février 2008 à février 2010. Elle a ensuite été reprise, puis suspendue à nouveau en raison du décès de F______.

Le 12 juin 2012, le Tribunal a constaté la reprise de l'instance.

Le 28 février 2013, Me Catherine CHIRAZI et I_______ ont été autorisés par le Tribunal de protection, en leur qualité de curateurs de portée générale de D______, à plaider en son nom et pour son compte dans le cadre du litige l'opposant aux consorts E______ et à réclamer à ces derniers les arriérés de fermages.

c. Dans son mémoire de réponse et demande reconventionnelle du 14 mai 2013, D______ a conclu, sur demande principale, au déboutement de A______, B______ et C______ de leurs conclusions, et, sur demande reconventionnelle, à ce que le Tribunal les condamne à lui verser la somme de 30'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2011, réservant son droit d'amplifier la demande une fois les documents nécessaires transmis.

D______ a admis que le contrat de bail du 19 octobre 2006 avait été conclu pour une durée initiale de douze ans et que par conséquent il arrivera à échéance le 31 octobre 2018. S'agissant de la demande de prolongation de bail, elle a reconnu que la remise du domaine à H_______, que F______ considérait comme son fils, n'était plus d'actualité. Elle a toutefois allégué que la poursuite du contrat de bail à ferme au-delà de son échéance lui serait intolérable, dans la mesure où son état de santé la contraignait à recourir à des aides jour et nuit, cette infrastructure ayant un coût très important. Il était par conséquent essentiel qu'elle puisse disposer à sa guise, après le 31 octobre 2018, de son domaine viticole.

Sur demande reconventionnelle, elle a réclamé aux consorts E______ le paiement des fermages qui restaient dus, calculés non seulement sur les surfaces cultivées, mais sur l'ensemble des surfaces louées.

d. Dans leurs écritures du 11 octobre 2013, A______, B______ et C______ ont persisté dans leur demande principale et ont conclu, sur demande reconventionnelle, au déboutement de D______. Ils ont par ailleurs allégué être en droit d'obtenir le remboursement des frais correspondant aux grosses réparations nécessaires, mises à la charge du bailleur par l'art. 22 LBFA et ont indiqué avoir l'intention, "en temps utiles", d'exiger de D______ le paiement d'une indemnité à ce titre. Dans l'immédiat, ils ont invoqué l'exception de compensation avec les montants réclamés au titre d'arriérés de fermage, si cette conclusion de leur partie adverse devait être admise et subsidiairement, ils ont conclu à ce que le Tribunal dise que le capital plantes de la totalité des surfaces viticoles arrachées et replantées sera leur propriété en fin de bail, sous imputation des amortissements usuels.

En substance, ils ont soutenu avoir oralement convenu avec F______ une adaptation des modalités du fermage pour tenir compte du fait que le mauvais état du vignoble rendait nécessaires d'importants travaux de régénération. Ils avaient ainsi décidé de limiter le paiement du fermage aux surfaces productives. Dans l'hypothèse où le Tribunal devait admettre des arriérés de fermage, ils ont prétendu être en droit d'obtenir le remboursement des travaux qu'ils avaient entrepris sur les parcelles de F______ et entendaient dès lors se prévaloir de l'exception de compensation avec les montants réclamés par D______.

e. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 23 septembre 2014, A______ a exposé que lorsqu'il avait repris le vignoble en location avec ses enfants, il était vétuste et en mauvais état. Ils avaient par conséquent effectué des plantations et procédé à des travaux de drainage sur une parcelle, dans la mesure où il s'agissait pour eux de louer ces vignes pendant plusieurs années, voire une dizaine d'années, avec la précision que l'âge maximum d'une vigne est de l'ordre de trente-cinq ans et qu'environ 3% du vignoble doit être renouvelé chaque année. Selon A______, l'usage veut qu'au moment de la résiliation du contrat de bail, le fermier soit indemnisé pour ses investissements. A______ avait demandé à F______, dans son courrier du 29 juin 2007, de diminuer le fermage, car les vignes étaient anciennes, en mauvais état et peu productives. Ils avaient alors convenu qu'il n'y aurait pas de diminution du fermage, mais qu'en contre partie des plantations, ils ne paieraient rien pendant les deux premières années lorsque les jeunes vignes étaient improductives. En raison du refus de la curatrice de D______ de les autoriser à replanter des vignes, deux hectares étaient en jachère. Ils n'avaient pas soumis la convention du 19 octobre 2006 à la Commission foncière agricole, car ils étaient entre amis et voisins. Le prix de 4'000 fr. par hectare était un prix supérieur au prix du marché de l'époque, mais les parcelles l'intéressaient, car elles étaient voisines des siennes et il devait agrandir son exploitation, notamment parce que ses enfants travaillaient avec lui. Il louait d'autres domaines agricoles ou des parcelles isolées à d'autres propriétaires aux mêmes conditions, soit 4'000 fr. par hectare.

La curatrice de D______, a précisé qu'aucuns travaux n'avaient été autorisés depuis juillet 2010, du fait qu'aucune demande spécifique excepté une demande de drainage ne lui avait été transmise et que le bail avait été dénoncé. L'état de santé de D______ nécessitait un encadrement médical important et constant qui engendrait des frais élevés. Une bonne gestion de ses avoirs nécessitait qu'ils génèrent des revenus adéquats, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

f. Le Tribunal a procédé à l'audition de plusieurs témoins. Les éléments pertinents suivants ressortent de leurs déclarations :

- Selon H_______, l'état de santé de F______ s'était dégradé en 2008. Il passait alors encore une à deux heures par jour au bureau, ce qui n'était pas beaucoup pour s'occuper de toutes ses affaires. En 2009 et 2010, il passait la plupart de son temps à son domicile, dans un fauteuil près de la fenêtre; il avait des problèmes pour se déplacer et avait énormément maigri. Il ne conduisait plus et le témoin a déclaré que selon lui il ne se rendait plus à son bureau.

- K_______ a indiqué avoir travaillé auprès des époux D______ et F______ de 2001 à novembre 2014, tout d'abord en qualité de femme de ménage, puis, dès le mois de juillet 2010, comme aide à domicile pour D______. Celle-ci était dépendante et avait besoin d'aide 24h/24h. Il y avait quatre employés fixes et une temporaire selon les besoins. F______ avait commencé à être malade à la fin de l'année 2008 ou au début 2009. Il sortait malgré tout le matin une ou deux heures, sans doute pour aller à son bureau. A fin 2009/début 2010, il était déjà très faible; il avait été hospitalisé au mois de mai 2010 et n'était plus rentré à son domicile.

- L_______, ami de longue date des époux D______ et F______, a confirmé que quatre personnes s'occupaient de D______ jour et nuit. Elle était complètement dépendante. Le témoin avait constaté que F______ était malade deux ou trois ans avant son décès. Au début de sa maladie F______, qui possédait des biens immobiliers ainsi qu'une grande surface de vignes, avait continué à s'occuper de ses affaires, puis il s'était désintéressé de ses vignes; il en avait laissé une partie à son cousin et avait loué l'autre partie, de sorte que la propriété avait été divisée. F______ avait regretté d'avoir loué trop rapidement et avait souhaité reprendre ses vignes. Il était demeuré lucide jusqu'à la fin de sa vie.

- J_______, sœur de D______, a confirmé que sa soeur était aidée de quatre aides à domicile, jour et nuit. A partir de 2007, F______ n'était plus lui-même et n'avait plus envie de faire grand-chose; il était visible qu'il était malade.

- G_______ a exposé qu'en 2007 F______ souhaitait cesser toute activité dans les vignes. Il lui avait alors racheté sa moitié de la cave, ainsi qu'une parcelle attenante de 5 hectares. Cette transaction avait été difficile, car F______ n'arrivait pas à prendre une décision et il était déjà très malade. Le témoin a qualifié l'état de la vigne de F______ de "relativement vieux". Une vigne pouvait vivre de cinquante à soixante ans, voire même plus, mais les exploitations tournaient en général autour des quarante ans. Certaines vignes de F______ dataient des années 60 et il avait effectué des investissements "normaux" au niveau des plants et de la conduite de la vigne, sans plus. Sur certaines parcelles, il y avait un déficit de drainage, dont A______ s'était occupé. Sur d'autres parcelles, A______ avait replanté des vignes. La parcelle 3_______ avait été arrachée trois ans auparavant et n'avait pas été replantée. Sur la parcelle 1______, l'eau stagnait, ce qui était un problème pour l'utilisation des machines agricoles. A______ avait replanté cette parcelle, et l'avait sûrement drainée. En général, lorsque le fermier replantait, il en parlait au propriétaire. Dans le cas précis, il ne s'était pas immiscé dans les affaires de F______ et de A______ et n'avait ainsi pas été témoin direct de discussions entre eux. Il n'avait également pas assisté à des discussions entre F______ et A______ à propos du paiement des fermages et du sort des surfaces improductives. Il était d'usage dans la branche qu'aucun fermage ne soit dû sur les surfaces improductives. Il n'avait également pas assisté à des discussions entre F______ et A______ à propos des travaux entrepris par ce dernier et du paiement de ceux-ci. Il était d'usage que le fermier prenne à sa charge les travaux effectués dans les vignes; il s'agissait toutefois d'amortir les travaux sur quinze ans après l'exécution de ceux-ci. Lui-même louait des parcelles de vignes à A______ au prix de 4'000 fr. par hectare.

- M_______, viticulteur et ancien voisin de F______, a confirmé que les vignes de ce dernier étaient anciennes, l'entretien nécessaire n'ayant pas été effectué; elles étaient désormais mieux exploitées que par le passé. Toutefois, une partie de la parcelle 3______ n'était toujours pas replantée, vraisemblablement en raison de l'eau qui y stagne.

- N_______ a indiqué louer plusieurs hectares de vignes à la famille E______ au prix de 4'000 fr. par hectare, ceci indépendamment du rendement. En cas d'arrachage et de replantation du vignoble, le fermage était toutefois supprimé pendant deux ans, selon un accord conclu avec la famille E______. Lorsque la vigne était arrachée, il obtenait tout de même des droits de production, ceux-ci étant obtenus sur un domaine dans son entier. Lorsque certaines parcelles ne produisaient rien, les droits demeuraient identiques et pouvaient en quelque sorte être reportés sur les autres parcelles qui avaient ainsi le droit de produire davantage, pour autant que la nature soit généreuse.

g. Dans ses écritures du 16 novembre 2015, D______ a amplifié ses conclusions sur demande reconventionnelle et a sollicité la condamnation de ses parties adverses au paiement des sommes suivantes :

- 10'224 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2010;

- 24'760 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2011;

- 26'800 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2012;

- 13'480 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2013;

- 8'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2014;

- 4'400 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2015.

Pour le surplus, D______ a persisté à conclure au déboutement des consorts E_______ de leur demande en prolongation de bail, avec suite de frais et dépens.

h. Dans leurs dernières écritures du 25 janvier 2016, les consorts E______ ont persisté à solliciter l'octroi d'une prolongation de leur contrat de bail à ferme pour une durée de six ans à compter du 1er novembre 2018. Ils ont en revanche renoncé à conclure à ce qu'il soit dit que le "capital plantes" des surfaces viticoles arrachées et replantées serait leur propriété à l'issue du bail. Sur demande reconventionnelle, ils ont conclu à ce que le Tribunal sursoie à statuer, compte tenu de la procédure pendante par devant la direction générale de l'agriculture, ou au déboutement de leur partie adverse de toutes ses conclusions.

i. Le 25 janvier 2016 également D______ a déposé des écritures après enquêtes et a persisté dans ses conclusions précédentes.

j. Les parties ont renoncé à plaider.

E. Dans son jugement du 11 mars 2016, le Tribunal a retenu, sur demande principale, que les consorts E______ n'avaient droit à aucune prolongation, dans la mesure où le budget de D______ était déficitaire depuis 2010, de sorte qu'il était essentiel qu'elle puisse disposer de l'ensemble de ses biens à l'échéance du contrat de bail à ferme, afin de les valoriser et de percevoir des gains lui permettant de subvenir à ses besoins. A cela s'ajoutait le fait que les consorts E______ avaient eu connaissance de la résiliation de leur contrat un peu plus de onze ans avant son échéance, de sorte qu'ils étaient en mesure d'entreprendre les démarches nécessaires en vue de trouver une solution de remplacement depuis longtemps.

Sur demande reconventionnelle, le Tribunal a considéré qu'il ne se justifiait pas de suspendre la procédure, dans la mesure où la procédure pendante devant la direction générale de l'agriculture ne semblait pas être sur le point d'aboutir, de sorte qu'une suspension ne serait pas compatible avec le droit de D______ d'obtenir un jugement dans un délai raisonnable. Si ladite procédure devait aboutir à une réduction du fermage, les consorts E______ pourraient le cas échéant agir en enrichissement illégitime. Sur le fond, le Tribunal a considéré que les consorts E______ n'avaient pas établi avoir conclu avec F______ un accord selon lequel aucun fermage n'était dû pour les surfaces sur lesquelles les vignes avaient été arrachées. Par ailleurs et compte tenu du litige qui opposait les consorts E______ à F______ concernant la résiliation du bail, il était peu probable que le bailleur ait accepté de diminuer le revenu qu'il percevait de la location de ses vignes, qui plus est sans convention écrite, alors qu'il était déjà assisté d'un avocat. Les consorts E______ étaient par conséquent tenus de payer 4'000 fr. par hectare, selon les surfaces reconnues par la direction générale de l'agriculture. Le Tribunal a retenu, sur la base des pièces versées à la procédure, que les parcelles affermées avaient bénéficié de droits de production de 21.556 Ha en 2009, de 16.92 Ha de 2010 à 2013 et de 16.02 Ha en 2014. L'affermage aurait par conséquent dû s'élever à 86'224 fr. en 2009, à 67'680 fr. entre 2010 et 2013 et à 64'080 fr. en 2014, de sorte que les consorts E______ ne s'étaient pas acquittés de l'intégralité des montants dus.

Le Tribunal a enfin considéré que les consorts E______ n'étaient pas parvenus à prouver que F______, puis D______, avaient consenti aux travaux importants qu'ils avaient réalisés, de sorte qu'ils n'étaient pas en droit d'en réclamer le remboursement et devaient être déboutés de leurs conclusions en compensation avec les arriérés des fermages dus.

F. a. Dans leur appel, les consorts E______ ont allégué que le Tribunal avait retenu qu'une prolongation du bail serait financièrement insupportable pour l'intimée malgré l'absence de tout élément probant, ce qui les autorisait à produire des pièces nouvelles dont il ressortait que la fortune de D______ était très importante. Les appelants ont par ailleurs invoqué la violation de l'art. 27 LBFA, dans la mesure où il n'était pas établi que la poursuite du bail serait intolérable pour la bailleresse et qu'il était douteux qu'elle puisse tirer un rendement supérieur du domaine affermé à l'échéance du bail. Ils avaient par ailleurs procédé à des investissements couteux sur le domaine, avec l'approbation de F______, lesquels ne pouvaient être amortis que sur une très longue durée, ce qui justifiait l'octroi d'une prolongation de six ans.

Les appelants ont en outre allégué qu'il avait été convenu avec F______ que compte tenu des investissements qu'ils allaient effectuer, le fermage ne serait dû que sur les vignes productives, ce qui ressortait des décomptes adressés au bailleur, qui ne les avait jamais contestés. De surcroît, une telle manière de procéder correspondait à la règle dans la profession.

C'était par ailleurs à tort que le Tribunal avait refusé de suspendre la procédure dans l'attente de la décision de la direction générale de l'agriculture.

Enfin, D______ avait comparu par ses curateurs, sans être formellement représentée par un conseil, de sorte que c'était à tort que le Tribunal lui avait alloué des dépens.

b. L'intimée pour sa part a confirmé que la continuation du bail lui était intolérable, dans la mesure où elle avait un besoin impérieux d'augmenter le rendement de son immeuble afin de financer ses soins, très coûteux, de manière à permettre la poursuite de sa prise en charge à domicile malgré la gravité de sa maladie. Or, le Tribunal de protection avait attesté du fait que ses revenus ne couvraient pas ses charges, de sorte que la preuve de ses difficultés financières avait été apportée, étant précisé que les obligations légales des curateurs, qui résultaient de l'art. 408 CC, les empêchaient d'entamer la fortune de la personne protégée. Il était par conséquent essentiel que l'intimée puisse disposer librement à brève échéance du domaine affermé aux appelants, de manière à pouvoir le valoriser. Sur ce point, l'intimée a contesté que ledit domaine constitue une entreprise agricole, question qui devait encore être résolue par la Commission d'affermage agricole. L'intimée a affirmé être en mesure de valoriser son domaine en fin de bail, de manière à en retirer un profit supérieur. Parmi les projets à prendre en considération figurait la possibilité de valoriser la partie du domaine se trouvant en zone à bâtir, soit la parcelle 6______, en y créant des logements, en vue d'augmenter le rendement du patrimoine de l'intimée. Une prolongation du bail était également exclue dans la mesure où les consorts E______ n'avaient jamais payé l'intégralité de l'affermage dû et avaient entrepris des travaux sans le consentement du bailleur, négligeant ainsi leurs devoirs conventionnels. Compte tenu de leur attitude, ils n'étaient de surcroît pas fondés à invoquer leur nécessité d'amortir les travaux effectués pour justifier leur demande de prolongation de bail.

S'agissant des sommes dues au titre des fermages, l'intimée a relevé que les appelants n'avaient pas établi l'existence d'un accord conclu avec F______ quant à l'absence de fermage sur les parcelles improductives.

C'était à juste titre que le Tribunal avait refusé de suspendre la procédure dans l'attente d'une décision de la Direction générale de l'agriculture, aucune décision relative à la fixation du fermage licite ne pouvant être attendue dans un avenir proche.

S'agissant enfin des dépens qui avaient été alloués par le Tribunal, l'intimée a exposé que Me CHIRAZI, curatrice de portée générale, était également avocate inscrite au tableau. C'était par conséquent avec ces deux "casquettes" qu'elle comparaissait pour la défense des intérêts de l'intimée et il était justifié de lui allouer une participation à ses frais de représentation.

EN DROIT

1.             1.1 Aux termes de l'art. 405 al. 1 CPC entré en vigueur le 1er janvier 2011, les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise. S'agissant en l'espèce d'un appel dirigé contre un jugement du 11 mars 2016, notifié à l'appelante le 14 mars 2016, la présente cause est régie par le nouveau droit, c'est-à-dire par le Code de procédure civile fédérale.

En revanche, en première instance, la procédure applicable était celle de l'ancien droit genevois, puisque la demande a été déposée en justice le 28 septembre 2007.

1.2 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance, dans une affaire patrimoniale d'une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). Compte tenu de la suspension du délai du 21 mars au 3 avril 2016 inclus (art. 145 al. 1 let. a CPC), il a été interjeté en temps utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC).

Partant, il est recevable et la Cour dispose à son égard d'un plein pouvoir de cognition (art. 310 CPC).

2.             2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard
(let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les faits et moyens de preuve nouveaux présentés tardivement doivent être déclarés irrecevables (Jeandin, in Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n° 3 ad art. 317 CPC).

2.2 Dans le cas d'espèce, les appelants ont produit, à l'appui de leur appel, diverses pièces destinées à démontrer l'importance de la fortune immobilière de D______. Dans la mesure où celle-ci a invoqué, devant le Tribunal, le fait que la prolongation du contrat de bail lui était insupportable en raison du fait qu'elle avait besoin de moyens importants pour faire face aux dépenses engendrées par la nécessité d'être assistée jour et nuit, les consorts E______ auraient pu, s'ils souhaitaient répondre à cette argumentation, produire déjà devant le Tribunal les pièces 78 à 89, lesquelles sont dès lors irrecevables, de même que les faits auxquelles elles se rapportent. En revanche, les pièces 90 à 93 sont recevables, puisqu'elles sont postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

Les pièces 45 et 46 produites en appel par l'intimée sont recevables, puisque postérieures au jugement attaqué. En revanche, la pièce 47, soit une circulaire datant de 2015, sera déclarée irrecevable, dans la mesure où elle aurait pu être produite devant le Tribunal. Elle n'a, quoiqu'il en soit, aucune pertinence pour l'issue du litige.

3.             Les appelants ont conclu à ce qu'il soit donné acte aux parties de ce qu'elles sont liées par un contrat de bail à ferme agricole qui viendra à échéance le 31 octobre 2018.

3.1 L'exigence d'un intérêt à recourir est requise pour l'exercice de toute voie de droit (ATF 130 III 102 c. 1.3; ATF 127 III 429 c. 1b).

3.2 Dans le cas d'espèce, le Tribunal a dit, sous chiffre 1 du dispositif de la décision attaquée, que le contrat de bail à ferme liant D______ aux consorts E______ arrivera à échéance le 31 octobre 2018. Les appelants n'ont pas expliqué quel serait leur intérêt à obtenir l'annulation du chiffre 1 du dispositif de ce jugement, dont ils ne contestent pas la teneur, puis son remplacement par un dispositif identique en appel. Cette conclusion apparaît par conséquent irrecevable, faute d'intérêt des appelants; la Cour de justice n'entrera pas en matière sur ce point.

4.             4.1 Le bail à ferme agricole est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à remettre au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'une entreprise ou d'un immeuble à des fins agricoles et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits (art. 4 de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole - LBFA).

La LBFA ne s'applique pas au bail de vignes de moins de 15 ares (art. 2 al. 1
let. a LBFA).

A Genève, la durée initiale d'un bail à ferme portant sur des vignes ne peut être inférieure à 12 ans (art. 2 al. 2 La LBFA).

4.2 Le Tribunal a retenu que les parties sont liées par un bail à ferme agricole, étant relevé que l'exception prévue par l'art. 2 al. 1 let. a LBFA n'est pas remplie en l'espèce, compte tenu de la taille du domaine affermé aux consorts E______, d'une surface supérieure à 20 hectares. La qualification retenue n'a pas été contestée par les parties et doit être admise. Il sera en outre admis que le contrat de bail à ferme porte également sur la parcelle 6______, quand bien même celle-ci a été traitée à part dans le contrat liant les parties. Ladite parcelle, située dans le village de ______, n'est pas plantée de vignes mais comprend notamment le bâtiment d'exploitation, lequel a par conséquent pour vocation d'être utilisé par les exploitants dans le cadre de leur activité, ce qui justifie de la soumettre au même régime juridique que les autres parcelles affermées; cette solution a au demeurant été implicitement admise par les parties.

Il est également établi et admis par les parties que le bail à ferme a été conclu pour une durée initiale de douze ans, soit jusqu'au 31 octobre 2018. Reste litigieuse la question de l'octroi d'une prolongation, dont il ressort du dossier qu'elle a été demandée en temps utile, ce qui n'est pas contesté.

5.             5.1.1 Lorsque la continuation du bail peut raisonnablement être imposée au défendeur, le juge prolonge le bail (art. 27 al. 1 LBFA). Si la résiliation est le fait du bailleur, celui-ci doit établir que la prolongation du bail ne peut raisonnablement lui être imposée, ou que, pour d'autres motifs, elle n'est pas justifiée. La prolongation du bail est notamment intolérable ou injustifiée lorsque le fermier a gravement négligé ses devoirs légaux ou conventionnels (art. 27
al. 2 let. a LBFA), lorsqu'il est insolvable (let. b), lorsque le bailleur lui-même, son conjoint, son partenaire enregistré ou un proche parent ou allié entend exploiter personnellement la chose affermée (let. c), lorsque le maintien de l'entreprise ne se justifie pas (let. d) ou lorsque l'objet affermé est situé en partie dans une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire pour les immeubles qui ne sont pas compris dans le champ d'application de la LDFR ainsi que pour la partie non agricole des immeubles au sens de l'art. 2 al. 2 LDFR (let. e).

L'art. 27 al. 2 let. e LBFA est en vigueur depuis le 1er janvier 2014; aucune norme transitoire n'a été prévue concernant son application.

Le fermier n'a pas à prouver que la résiliation aurait pour lui des conséquences pénibles; la loi présume que la prolongation peut être raisonnablement exigée du bailleur (tercier/favre, Les contrats spéciaux, 4ème éd., n. 2926 et les références citées).

5.1.2 Le juge prolonge le bail de trois à six ans. Il apprécie les situations personnelles et tient compte notamment de la nature de la chose affermée et d'une éventuelle réduction de la durée du bail (art. 27 al. 4 LBFA).

5.1.3 La teneur de l'art. 2 al. 2 let. a de la loi fédérale sur le droit foncier rural est ainsi libellée : "La loi s'applique en outre aux immeubles et parties d'immeubles comprenant des bâtiments et installations agricoles, y compris une aire environnante appropriée, qui sont situés dans une zone à bâtir et font partie d'une entreprise agricole."

5.2.1 Dans la décision querellée, le Tribunal a considéré qu'aucune prolongation ne pouvait être accordée aux consorts E______, au motif que le budget de D______ est déficitaire depuis 2010 et qu'il est dès lors essentiel qu'elle puisse disposer du domaine viticole à l'échéance du bail à ferme afin de le mieux le valoriser.

La Cour de justice ne partage pas cet avis.

Les enquêtes ont permis d'établir, ce qui n'est pas contesté par les appelants, que la santé de l'intimée est gravement atteinte depuis de nombreuses années, qu'elle a perdu son autonomie et qu'elle a besoin d'être assistée par des tiers, de jour comme de nuit. Les frais liés à la prise en charge de l'intimée n'ont été ni établis, ni même allégués et il en va de même de ses revenus. Le Tribunal de protection a toutefois attesté, à la fin de l'année 2014, que le budget de l'intimée était déficitaire; ce fait peut par conséquent être tenu pour établi. L'on ne saurait toutefois retenir pour autant que la poursuite du contrat de bail à ferme ne peut être raisonnablement imposée à l'intimée. Cette dernière n'a en effet pas démontré être en mesure, à l'échéance du bail, de mieux valoriser son domaine. Il ressort au contraire des enquêtes que le loyer de 4'000 fr. par an et par hectare payé par les consorts E______ correspond au prix usuellement pratiqué dans la région (témoins G_______ et N_______) et il n'a dès lors pas été établi, ni même rendu vraisemblable, que l'intimée pourrait, à compter du 1er novembre 2018, louer ses vignes à d'autres vignerons pour une somme plus élevée que celle qu'elle perçoit actuellement. L'intimée n'a pas allégué avoir reçu des offres d'exploitants intéressés au rachat de son domaine, ni n'a d'ailleurs manifesté l'intention de le vendre. En l'absence de prolongation de bail, l'intimée retrouvera certes la pleine disponibilité de son domaine le 31 octobre 2018, sans avoir toutefois établi être en mesure d'en tirer, à court terme, un profit supérieur à celui qu'elle réalise actuellement. L'intimée n'a par conséquent pas démontré qu'une prolongation de bail ne saurait raisonnablement lui être imposée. Bien au contraire, il apparaît raisonnable de prolonger le bail des consorts E______, ceux-ci s'acquittant d'un loyer conforme au marché (sous réserve d'une modification de celui-ci par la direction générale de l'agriculture) et entretenant les vignes de l'intimée, activité qui permet à son domaine de conserver sa valeur, ce qui ne serait pas le cas s'il n'était plus cultivé faute d'exploitant ou de repreneur. Ainsi, la situation financière de l'intimée ne s'oppose pas à l'octroi d'une prolongation.

5.2.2 L'intimée a également soutenu qu'une prolongation était exclue au motif que les consorts E______ avaient négligé leurs devoirs légaux ou conventionnels (art. 27 al. 2 let. a LBFA) en ne payant pas l'entier du fermage et en ayant entrepris des travaux sans le consentement du bailleur.

Le fermier a l'obligation d'exploiter la chose affermée avec soin et notamment de maintenir durablement la productivité du sol (art. 21a LBFA); il a en outre l'obligation d'entretenir la chose en bon état (art. 22 al. 3 LBFA) et de s'acquitter du fermage (art. 4 LBFA).

Dans le cas d'espèce, les consorts E______ se sont régulièrement acquittés du fermage convenu, sous réserve du fait que leur interprétation du contrat conclu avec feu F______ diffère de celle de l'intimée. Cette divergence d'opinion sur la question de savoir si le fermage était également dû sur les surfaces non productives, qui sera traitée ci-après, ne permet toutefois pas de conclure que les appelants ont gravement négligé leurs devoirs légaux ou conventionnels. Pour le surplus, il résulte de la procédure que le renouvellement des vignes et les travaux de drainage entrepris par les appelants ont amélioré l'état des vignes qu'ils louent. Même si lesdits travaux ont été entrepris sans le consentement préalable du bailleur, l'on ne saurait par conséquent retenir une grave violation des devoirs du fermier au sens de l'art. 27 al. 2 let. a LBFA.

5.2.3 Au vu de ce qui précède, le principe de l'octroi d'une prolongation de bail est par conséquent acquis s'agissant des parcelles viticoles. En revanche et conformément à l'art. 27 al. 2 let. e LBFA, en vigueur depuis le 1er janvier 2014, applicable en l'espèce faute de dispositions transitoires excluant son application aux procédures de prolongation déjà pendantes au début de l'année 2014, aucune prolongation ne peut être accordée s'agissant de la parcelle 6______ sise à ______, laquelle est située en zone à bâtir. Même s'il est douteux que l'intimée puisse concrétiser le projet invoqué par sa curatrice de construire des logements sur ladite parcelle afin d'en augmenter le rendement, celle-ci devra lui revenir à l'échéance du bail, soit le 31 octobre 2018.

5.3 Reste à déterminer la durée de la prolongation qui doit être accordée aux consorts E_______ sur les autres parcelles, soit 1______ et 2______ sises sur la commune ______ et 3______ et 4______ sises sur la commune ______, la 5______ ayant été vendue à G_______ à la fin de l'année 2009 et ne faisant par conséquent pas l'objet de la présente procédure.

Les appelants louent les parcelles en cause depuis le 19 octobre 2006; à l'échéance du bail, ils auront ainsi exploité le domaine pendant douze ans. Moins d'un an après la conclusion du contrat de bail à ferme, F______ a toutefois manifesté l'intention de revenir sur cette convention au motif qu'il désirait remettre son domaine à H_______ et la procédure judiciaire a débuté au mois de septembre 2007. Elle se poursuit depuis lors et a été marquée par le décès de F______ et l'entrée en possession de la succession de D______, gravement atteinte dans sa santé, dont les intérêts sont représentés par un curateur. Il découle de ce qui précède que les appelants ont rapidement été conscients du fait qu'ils ne pourraient vraisemblablement pas exploiter le domaine en cause pendant une très longue durée, la situation tant factuelle que juridique étant instable. Ils ont par conséquent d'ores et déjà bénéficié de temps pour envisager d'autres solutions pour accroître l'étendue de leur domaine viticole que la location des parcelles appartenant à D______. Cette dernière est désormais âgée de 77 ans et est très atteinte dans sa santé. Si une prolongation du contrat de bail à ferme peut raisonnablement lui être imposée, sa durée ne saurait toutefois atteindre le maximum prévu par la loi. Au vu de ce qui précède, une prolongation de bail de trois ans, arrivant à échéance le 31 octobre 2021, sera accordée aux consorts E______ s'agissant des parcelles 1______ et 2______ sises sur la commune ______ et 3______ et 4______ sises sur la commune _______.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué sera par conséquent annulé.

6.             Les appelants ont également recouru contre le chiffre 3 du dispositif du jugement du 11 mars 2016, concluant à son annulation. Subsidiairement, ils ont sollicité la suspension de la cause s'agissant de la question du montant des fermages. Il convient dès lors de déterminer préalablement si la cause doit être suspendue dans l'attente de la décision de la direction générale de l'agriculture.

6.1 L'art. 126 al. 1 CPC permet au juge d'ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent, ce qui pourra notamment être le cas lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès. La suspension doit ainsi correspondre à un vrai besoin, par exemple en cas de pourparlers transactionnels entre les parties, d'appel en cause ou lorsqu'une procédure pénale est conduite contre un témoin essentiel pour faux témoignage (Frei, Berner Kommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n. 2 ad art. 126 CPC).

Dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst et 124 al. 1 CPC, la suspension ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement, en présence d'un motif objectif sérieux, en particulier lorsqu'il s'agit d'attendre le jugement principal d'une autorité compétente permettant de trancher une question de nature préjudicielle (ATF 119 II 386 consid. 1b; arrêts du Tribunal fédéral 1B_231/2009, 1B_253/2009, 1B_261/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4.1). Le juge doit procéder à une pesée des intérêts des parties, l'exigence de célérité devant l'emporter en cas de doute (arrêt du Tribunal fédéral 9C_293/2014 du 16 octobre 2014 consid. 2.2.2; ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b).

6.2 Dans le cas d'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a refusé de suspendre la procédure portant sur la question des fermages dans l'attente de la décision de la direction générale de l'agriculture. Il n'est d'une part nullement établi que celle-ci serait sur le point de rendre une décision, de sorte que la procédure risquerait d'être paralysée pendant une durée indéterminée. Par ailleurs, la question soumise au Tribunal, puis à la Cour, consiste à déterminer si un loyer est dû également sur les surfaces non productives, alors que la question soumise à la direction générale de l'agriculture porte sur le montant du loyer dû. Ces questions sont par conséquent indépendantes l'une de l'autre et il n'existe aucun risque de décisions contradictoires. Si la direction générale de l'agriculture devait par hypothèse fixer un fermage moins élevé que celui payé actuellement par les consorts E______, ceux-ci auront la possibilité soit de compenser le trop versé avec les fermages dont ils devront s'acquitter jusqu'à l'échéance de la prolongation de bail, soit d'agir en répétition de l'indu sur la base de l'art. 45 al. 2 LBFA.

Les appelants seront par conséquent déboutés de leurs conclusions sur ce point.

7.             Les appelants soutiennent avoir convenu avec F______ qu'en raison des investissements qu'ils allaient effectuer, le fermage ne serait dû que sur les vignes productives.

7.1 Chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Le fardeau de l’allégation est le pendant du fardeau de la preuve, dont il ne saurait être dissocié.

7.2 La convention conclue par les parties prévoyait, s'agissant des fermages, que ceux-ci s'élevaient à "4'000 fr./hectare (selon les surfaces reconnues par l'administration pour les droits de production et les paiements directs)". Le texte de la convention ne faisait par conséquent aucune distinction entre les surfaces productives et improductives. Il appartenait dès lors aux appelants d'établir avoir convenu un accord avec F______ aux termes duquel les fermages ne seraient dus que sur les parcelles productives.

Force est de constater que les appelants ont échoué à apporter la preuve d'un tel accord.

Ils n'ont produit aucun échange de correspondance avec F______ portant sur ce point et aucun des témoins entendus n'a allégué avoir assisté à des conversations entre le bailleur et les consorts E______, au cours desquelles le premier aurait accepté de limiter la perception des fermages aux seules surfaces productives. Le fait que F______ n'ait pas réagi à réception des décomptes établis par les fermiers ne saurait suffire à admettre qu'il acceptait de modifier la convention initiale. Les appelants ont déclaré, sans être contredits, qu'en 2007 et 2008 les fermages avaient été payés pour l'ensemble des surfaces retenues par l'administration. Ce n'est qu'à partir de 2009, soit après les premiers arrachages de vignes, que seules les surfaces productives ont été prises en considération. Or, plusieurs témoins ont expliqué que F______ était déjà malade en 2007 et que son état s'était sérieusement dégradé à partir de 2008; il ne se rendait plus à son bureau qu'à raison d'une à deux heures par jour (témoins G______, J______, H______). A partir de 2009, il passait la plupart de son temps à son domicile, dans un fauteuil; il avait des problèmes pour se déplacer et il ne conduisait plus (témoin H_______). Il s'était désintéressé de ses vignes (témoin L______). Il est décédé au mois de novembre 2010, après une longue hospitalisation (témoin K_______). Dans ces circonstances, il n'est pas établi que F______ ait pris conscience, à la lecture du décompte de 2009, lequel portait encore sur 18.96 Ha de surfaces, que les fermages n'avaient pas été calculés sur l'ensemble des surfaces retenues par l'administration. Son éventuelle absence de réaction à réception dudit décompte ne saurait dès lors être interprétée comme une acceptation de la réduction des fermages aux seules surfaces productives. Ce raisonnement vaut, à plus forte raison, pour le décompte de 2010, dont il n'est même pas établi que F______ en ait pris connaissance. Enfin, le simple fait qu'il soit d'usage de ne pas réclamer au fermier un fermage pour les surfaces non productives ne suffit pas en l'espèce. Les appelants auraient en effet dû établir que F______ avait accepté qu'ils procèdent aux travaux ayant conduit à l'improductivité de certaines parcelles pendant plusieurs années. Or, tel n'a pas été le cas, étant relevé que lesdits travaux ont été entrepris alors que le bailleur était déjà très atteint dans sa santé et qu'il se désintéressait de ses vignes; il n'est donc pas certain qu'il en ait eu connaissance.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que la preuve de la réduction des fermages aux seules surfaces productives, qui incombait aux consorts E______, n'avait pas été apportée et qu'il convenait dès lors de calculer les fermages dus conformément au texte clair de la convention qui liait les parties.

7.3 Les appelants n'ont pas contesté les droits de production retenus par le Tribunal dans son jugement du 11 mars 2016, ni le calcul du fermage auquel il a procédé pour les années 2009 à 2014. Le chiffre 3 du jugement attaqué sera par conséquent confirmé.

7.4 Les appelants ont renoncé à invoquer, dans le cadre de leur appel, l'exception de compensation avec la créance dont ils prétendaient, en première instance, être titulaires contre l'intimée du fait des importants investissements qu'ils allèguent avoir effectués sur les parcelles louées. Cette question n'a par conséquent pas besoin d'être abordée dans le présent arrêt.

8. Les appelants ont enfin contesté l'allocation à leur partie adverse d'une indemnité de procédure, estimant que Me CHIRAZI, en sa qualité de curatrice de D______, ne pouvait pas y prétendre.

8.1.1 Selon l'art. 176 aLPC, tout jugement doit condamner aux dépens la partie qui succombe.

En matière de répartition de la charge des dépens, la règle fondamentale consiste à indemniser la partie qui obtient gain de cause au préjudice de celle qui succombe pour les frais qu'elle a dû engager judiciairement afin de faire valoir les droits qui lui sont reconnus (bertossa/gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, ad art. 176 n. 6).

Les dépens comprennent les frais exposés dans la cause et une indemnité de procédure (art. 181 al. 1 aLPC). Le dispositif du jugement indique que l'indemnité de procédure constitue une participation aux honoraires d'avocat (art. 181
al. 4 aLPC).

L'indemnité de procédure a pour objet essentiel de couvrir les honoraires de l'avocat que la partie victorieuse a mandaté pour l'assister et la représenter dans son action ou sa défense. Le plaideur agissant en personne n'a donc pas droit en principe à une telle indemnité. C'est sous la seule réserve des frais directement liés à l'instance et qui ne sont pas énumérés à l'al. 2 (de l'art. 181), pour peu qu'ils aient été légitimement engagés (bertossa/gaillard/Guyet, op. cit. ad art. 181 n. 4).

8.1.2 La rémunération du curateur privé professionnel est prélevée sur les biens de la personne concernée (art. 9 al. 1 du Règlement fixant la rémunération des curateurs - RRC). La rémunération est fixée selon un tarif horaire, qui prévoit, pour un avocat chef d'étude, une somme de 200 fr. pour la gestion courante et une somme comprise entre 200 fr. et 450 fr. pour l'activité juridique (art. 9 al. 2 RRC).

8.2 Dans le cadre de la présente procédure, D______ est représentée par sa curatrice, laquelle exerce par ailleurs la profession d'avocate. Celle-ci aura droit à une rémunération, pour l'activité juridique qu'elle aura déployée, selon le tarif horaire prévu par le RRC.

La théorie développée par les appelants, si elle devait être suivie, reviendrait à faire supporter à D______ l'intégralité de la rémunération de sa représentante/avocate quand bien même elle a obtenu partiellement gain de cause, alors que tel ne serait pas le cas si un autre avocat, non curateur, l'avait représentée dans le cadre de la procédure. Un tel résultat serait injustifié et inéquitable, étant rappelé que l'indemnité de procédure est due à la partie qui obtient gain de cause et qu'elle est destinée à couvrir ses frais directement liés à l'instance.

Dès lors, il y a lieu de considérer que D______ a, sur le principe, droit à une indemnité à titre de participation aux frais liés à la présente procédure, lesquels sont notamment constitués de la rémunération due à sa curatrice/avocate.

C'est par conséquent à juste titre que le Tribunal a alloué une indemnité de procédure à l'intimée, dont le montant sera toutefois revu compte tenu de l'issue de la procédure en appel.

9. 9.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Il résulte de ce qui précède que les consorts E______ n'ont obtenu que partiellement gain de cause sur leur demande principale et que D______ a pour sa part obtenu entièrement gain de cause sur sa demande reconventionnelle. Il se justifie dès lors de faire supporter aux consorts E______, conjointement et solidairement, les 2/3 des dépens de la demande principale et reconventionnelle, comprenant une indemnité de procédure réduite à 7'500 fr. dont les 2/3, soit 5'000 fr., sont dus à D______.

9.2 En appel, les consorts E______ ont obtenu partiellement gain de cause sur leurs conclusions en octroi d'une prolongation de bail et ont été entièrement débouté de leurs conclusions portant sur le fermage et les dépens. Conformément à l'art. 106 al. 2 CPC, les frais, arrêtés à 15'000 fr. (art. 17 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile - RTFMC), seront répartis selon le sort de la cause. Les deux-tiers, soit 10'000 fr., seront mis conjointement et solidairement à la charge des appelants et 5'000 fr. à celle de l'intimée. Les frais d'appel seront compensés avec l'avance versée par les appelants, auxquels l'intimée sera condamnée à verser 5'000 fr.

S'agissant des dépens, ils seront fixés à 9'000 fr. (art. 85 et 90 RTFCM), débours et TVA compris. Compte tenu de la clé de répartition retenue et après compensation, les appelants seront condamnés, conjointement et solidairement, à verser la somme de 3'000 fr. à l'intimée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______, B______ et C______ contre le jugement JTPI/3385/2016 rendu le 11 mars 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20928/2007-2.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 4 du dispositif de ce jugement et statuant à nouveau :

Accorde à A______, B______ et C______ une prolongation de leur contrat de bail à ferme agricole portant sur les parcelles 1______ et 2______ sises sur la commune ______ (Genève) et 3______ et 4______ sises sur la commune ______ (Genève) d'une durée de trois ans, soit du 1er novembre 2018 jusqu'au 31 octobre 2021.

Condamne A______, B______ et C______, conjointement et solidairement, à prendre en charge les 2/3 des dépens de première instance, lesquels comprendront une indemnité de procédure de 7'500 fr., dont les 2/3, soit 5'000 fr., sont dus à D______.

Condamne D______ à prendre en charge le 1/3 des dépens.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaire d'appel à 15'000 fr. et les compense avec l'avance de frais versée par les appelants.

Les met à raison des 10'000 fr. à la charge de A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement et à raison de 5'000 fr. à la charge de D______.

Condamne en conséquence D______ à verser à A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, la somme de 5'000 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais.

Condamne A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à verser à D______ la somme de 3'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.