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Décisions | Chambre civile

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C/29090/2010

ACJC/1513/2012 (3) du 19.10.2012 sur JTPI/14449/2011 ( OO ) , RENVOYE

Descripteurs : ; SIMULATION ; DROIT À LA PREUVE
Normes : Cst.29 CO.18 CPC.152
Résumé : 1. L'art. 18 al. 2 CO vise le cas où le débiteur reconnaît, par écrit, une dette qui n'existe en réalité pas. Toutefois, elle présuppose que le tiers a acquis la prétention en se fiant à son bienfondé. Une telle protection du tiers se justifie cependant seulement lorsque celui-ci est devenu titulaire de la créance par un acte juridique. Cette disposition ne trouve ainsi pas application à la cession légale de créance (consid. 2.2.1). 2. Il n'y a pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (consid. 2.2.3).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29090/2010 ACJC/1513/2012

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 19 OCTOBRE 2012

 

Entre

X ______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 septembre 2011, comparant par Me Alain De Mitri, avocat, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

ETAT DE GENEVE, Département des Finances, Direction générale des finances, Service du contentieux, 26, rue du Stand - case postale 3739, 1211 Genève 3, intimé, comparant par Me Laurent Marconi, avocat, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Par acte déposé le 9 novembre 2011 au greffe de la Cour de justice, X ______ appelle du jugement du Tribunal de première instance du 29 septembre 2011, notifié le 10 octobre 2011, le condamnant à payer à l'ETAT DE GENEVE la somme de 23'561'701 fr. 85 ainsi qu'une participation aux honoraires de ce dernier de 10'000 fr. X ______ demande l'annulation de ce jugement et, principalement, le déboutement des conclusions de l'ETAT DE GENEVE. Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il ordonne l'ouverture d'enquêtes et complète l'état de fait. Il demande que le Tribunal soit instruit de procéder à l'audition des témoins A ______, B ______, C ______, D ______, E ______, F ______ et G ______, qu'il ordonne à l'ETAT DE GENEVE de produire l'intégralité des procès-verbaux des séances du comité et/ou tout autre organe de la Banque cantonale de Genève et de la Fondation pour la valorisation des actifs de celle-ci en lien avec les crédits octroyés par contrats des 25 avril 1994, 29 décembre 1994 et 18 mars 1999 et que le premier juge réserve la possibilité aux parties de requérir une expertise portant sur "l'intérêt, notamment sur le plan des exigences bancaires et comptables, pour la Banque cantonale de Genève, que représente l'élaboration des relations des parties en un rapport de contrat de fiducie" ainsi que sur "la réalisation d'une violation des devoirs de diligence de la banque […] en tant que dispensatrice de crédit".

L'ETAT DE GENEVE conclut au rejet de l'appel.

B. Les faits suivants ressortent du jugement attaqué :

a. Le 25 avril 1994, la BANQUE CANTONALE DE GENEVE a consenti à X ______ une avance ferme de 19'400'000 fr. en compte no 1 ______ en lien avec l'acquisition de deux parcelles sises sur la commune de H ______ (opération "I ______"), qui allaient être vendues aux enchères. Le prêt, portant intérêt à 4%, était accordé pour une période d'une année, reconductible "en fonction de l'évolution de l'état locatif".

X ______ était actionnaire des sociétés propriétaires de ces parcelles et également codébiteur des prêts grevant les immeubles en cause, financés à l'époque par la CAISSE D'EPARGNE DE LA REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, à laquelle la BANQUE CANTONALE DE GENEVE a succédé en 1994. Sa situation financière était obérée.

Le 25 mai 1994, un "mandat en matière immobilière" a été conféré par X ______ à la banque autorisant celle-ci à exercer "toutes les prérogatives échéant usuellement au maître de l'ouvrage", "l'activité normalement déployée par un gérant professionnel" pour la mise en valeur et la gestion de l'immeuble. La banque pouvait également mettre en vente l'immeuble, moyennant l'accord de l'emprunteur.

b. Par courrier du 21 juin 1994, X ______ a informé la banque qu'il prenait bonne note que la production de la créance globale à l'encontre de D ______ et lui-même avait été admise par l'Office des poursuites à hauteur de 5'420'000 fr., alors que le montant dû sur les bien-fonds précités au jour de la vente serait de 6'910'914 fr. 05 et a reconnu devoir le montant correspondant à la différence, à savoir 1'490'914 fr. 05. X ______ priait par conséquent la banque de transférer cette somme par le débit de son compte no 1 ______ en faveur du prêt à terme fixe ouvert aux noms de X ______ et D ______.

c. Le 29 décembre 1994, X ______ a signé avec la Banque un contrat de prêt paritaire d'un montant de 14'850'000 fr. en compte no 2 ______concernant une autre opération immobilière à J ______ (opération "K ______"). Le contrat précise que le taux d'intérêts est de 2% et qu'en cas de vente "de l'opération", le produit sert à rembourser le prêt, puis est réparti à parts égales entre les parties. Toute perte sera entièrement supportée par l'emprunteur.

Pour ces parcelles également, les parties ont conclu un "mandat en matière immobilière", conférant à la banque les mêmes droits que dans le précédant contrat du même type.

Par avenant du 18 décembre 1995, le prêt paritaire précité a été augmenté à 15'700'000 fr.

Parallèlement, le 21 décembre 1995, les parties ont confirmé le prêt no 1 ______ de 19'400'000 fr. pour une durée minimale d'un an supplémentaire.

Le 17 décembre 1998, les parties ont consolidé le prêt paritaire no 2 ______en l'augmentant de 15'700'000 fr. à 16'300'000 fr. Les conditions du prêt, intérêts exceptés, demeuraient inchangées.

d. Le 18 mars 1999, X ______ et la Banque ont signé un nouveau contrat de prêt hypothécaire no 3 ______ d'un montant de 4'100'000 fr. en lien avec l'acquisition d'une parcelle sur la commune de L ______ (opération "M ______"). Le taux d'intérêt était de 1,25%, la répartition de bénéfices, respectivement de pertes était faite selon le même mode que pour le précédant prêt.

e. Par avenant du 28 mai 1999, les parties ont adapté le prix d'acquisition dans la rubrique utilisation du crédit, la parcelle en cause ayant été finalement acquise au prix de 3'100'000 fr. le 27 mai 1999.

f. A la suite de la cession de créances intervenue entre la BANQUE CANTONALE DE GENEVE et la Fondation de valorisation des actifs de la Banque Cantonale de Genève, ces trois crédits ont été dénoncés au remboursement comme suit :

- Crédit no 2 ______, solde exigible de 16'322'272 fr. 60, dénoncé le 22 juin 2001 pour le 30 septembre 2001;

- Crédit no 1 ______, solde exigible de 20'658'491 fr. 95, dénoncé le 25 juin 2001 pour le 30 septembre 2001;

- Crédit no 3 ______, solde exigible de 3'996'554 fr. 25, dénoncé le 13 mars 2002 pour le 31 mars 2002.

Parallèlement à ces dénonciations, X ______ et la Fondation se sont accordés sur le principe d'une réalisation des immeubles.

g. Le 31 octobre 2002, X ______ a vendu ses parts dans l'opération "K ______" pour le prix de 5'300'000 fr. Le produit net s'est élevé à 5'073'655 fr. 20.

h. Par convention du même jour, X ______ a reconnu devoir à la Fondation la somme de 16'497'677 fr. 30 au 31 octobre 2002. Il était en outre prévu que le produit net de la vente susvisée serait imputé au montant ainsi reconnu (art. 5 et 6 conv.) et qu'à l'issue des réalisations des immeubles, la Fondation examinerait toute éventuelle proposition de rachat du découvert par le débiteur (art. 9 conv.).

i. Le 11 juin 2003, X ______ a signé une convention semblable à celle du 31 octobre 2002 relative à l'opération "I ______", dans le cadre de laquelle il a reconnu devoir à la Fondation la somme de 21'163'070 fr. 50 au 30 juin 2003.

Le prix de vente retenu pour la vente des immeubles en cause était de 9'694'000 fr. La vente du 20 juin 2003, a dégagé un produit net de 9'402'258 fr. 10.

j. Par courrier du 15 avril 2004, la Fondation a transmis à X ______ un projet de convention, semblable aux deux précédentes, pour l'opération "M ______" en vue de la vente de l'immeuble au prix de 4'500'000 fr. prévue le 30 avril 2004. A cette date, le montant de la dette s'élevait à 4'057'209 fr. 80 selon article 2 de ce projet.

X ______ n'a pas signé le projet de convention relatif à l'opération "M ______". En lieu et place, il a proposé de rembourser le prêt relatif à cette opération en capital et intérêts en contrepartie d'un abandon de créance totale de 23'184'834 fr. 50 pour le solde des deux autres crédits ("I ______" et "K ______").

k. La Fondation de valorisation a refusé cette proposition et annoncé le dépôt d'une poursuite en réalisation de gage immobilier. X ______ a exposé son désaccord quant au calcul du montant dû pour ce dossier.

l. Le 26 novembre 2004, X ______ a signé la vente des immeubles "M ______" pour le prix convenu de 4'500'000 fr. Le produit net de la vente s'est élevé à 3'883'491 fr. 40 tandis que le montant de la dette était entretemps passé à 4'116'551 fr. 35 (4'435'706 fr. - 319'154 fr. 65 de solde créancier du compte loyer).

m. Par courrier du 1er novembre 2006, X ______ a adressé à la Fondation un historique de ses relations de crédit. Il exposait s'être vu matériellement contraint de signer, pour les trois opérations immobilières, un crédit de construction, respectivement un contrat de prêt paritaire, couplé avec une convention en matière immobilière le liant pieds et mains au bon vouloir de la banque, et aboutissait à la conclusion qu'il s'agissait en réalité de contrats de portage, de sorte que la créance dont faisait état la Fondation n'avait aucune existence juridique.

S'en est suivi un échange de correspondance dans le cadre duquel la Fondation a persisté dans sa volonté de faire valoir ses droits, se heurtant à une fin de non recevoir du débiteur.

n. En date du 31 décembre 2009, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui le SERVICE DU CONTENTIEUX DE L'ETAT, a succédé à la Fondation de valorisation en application de la loi 10202 du 29 avril 2008.

o. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 15 décembre 2010, l'ETAT DE GENEVE a assigné X ______ en paiement de la somme de 23'561'701 fr. 85, avec suite de dépens.

X ______ a conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné à l'ETAT DE GENEVE de produire l'intégralité des procès-verbaux des séances du comité et/ou de tous autres organes de la BANQUE CANTONALE DE GENEVE approuvant les crédits octroyés par contrats des 25 avril 1994, 20 décembre 1994 et 18 mars 1999. Au fond, il a conclu au rejet de la requête, avec suite de dépens.

Il soutient que la banque se serait comportée en authentique propriétaire et fiduciante avec comme seul but la sauvegarde de ses propres intérêts aux détriments des siens, les objectifs étant les mêmes que ceux poursuivis par le stratagème dit du portage. Il en déduit qu'il incombe à la banque de supporter les conséquences de ses propres décisions, de sorte que l'ETAT DE GENEVE, qui s'est subrogé à cette relation, doit être débouté des fins de sa demande.

p. Selon la feuille d'audience du Tribunal, X ______ a requis l'ouverture d'enquêtes lors de l'audience de plaidoiries du 12 mai 2011 et l'ETAT DE GENEVE une comparution personnelle des parties "car les personnes qui devront être entendues comme témoin est un organe". La cause a ensuite été gardée à juger.

C. Le Tribunal a statué à l'issue de l'échange d'écritures. Il a retenu que les parties étaient liées par des contrats de prêt. Deux d'entre eux faisaient l'objet de conventions par lesquelles X ______ reconnaissait être débiteur de 11'424'022 fr. 10 et de 11'760'812 fr. 40. Ces conventions constituaient des reconnaissances de dette au sens de l'art. 17 CO. Le débiteur n'apportait aucun élément démontrant qu'il se serait acquitté des dettes reconnues ou qu'un contrat de portage ou de fiducie aurait été conclu. Par ailleurs, X ______ avait demandé les financements litigieux. Il n'apparaissait nullement qu'il aurait été d'une quelconque manière contraint de les signer. En outre, le prêt octroyé pour le financement de l'opération "M ______" avait été dénoncé au remboursement. La vente de cette opération immobilière avait laissé un découvert de 376'867 fr. 35. L'emprunteur n'avait pas non plus prouvé avoir conclu un contrat de fiducie ou de courtage en relation avec ce prêt. Partant, il devait également être condamné à rembourser le solde. Les pièces produites par les parties ainsi que leurs écritures avaient permis au Tribunal d'être suffisamment renseigné pour trancher le litige, sans procéder aux actes d'instruction requis.

Les arguments des parties en appel seront examinés ci-après dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. Le jugement querellé ayant été notifié après l'entrée en vigueur le 1er janvier 2011 du Code de procédure civile, le recours est régi par le nouveau droit de procédure (art. 405 al. 1 CPC).

La procédure de première instance est en revanche gouvernée par l'ancienne loi de procédure civile (aLPC), en vertu de l'art. 404 CPC.

Le litige soumis à la Cour a une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai de trente jours (art. 311 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. L'appelant se plaint de la violation de son droit d'être entendu, en particulier de faire administrer des preuves selon l'art. 29 Cst et l'art. 152 CPC. Il expose avoir d'emblée contesté que les contrats sur lesquels se fonde sa partie adverse correspondent à la volonté réelle des parties. Il convenait de les placer dans le contexte dans lequel ils ont été signés, à savoir que la situation financière de l'appelant était alors obérée. La production des procès-verbaux des séance du comité ou des organes de la banque ainsi que l'audition, notamment les témoins A ______, D ______, E ______ et C ______, à savoir des personnes ayant accordé les crédits litigieux permettraient de démontrer que la banque avait mis en place une relation de fiducie: au vu de la situation financière obérée de l'appelant, des clauses insolites des contrats et des taux d'intérêts extrêmement bas, il n'était pas pensable que la banque ait voulu agir en tant qu'institut de crédit. A cet égard, il convenait d'examiner qui avait, à la suite de la signature des contrats, confié les mandats portant sur les immeubles visés par ceux-ci aux régies, architectes et entrepreneurs. Par ailleurs, la banque avait voulu que l'appelant se sépare de tout codébiteur. Il ne pouvait être reproché à l'appelant de ne pas avoir établi l'existence d'un tel rapport sans lui avoir donné la possibilité de faire porter les enquêtes sur cette question. Enfin, le Tribunal n'avait pas abordé le chef de conclusions subsidiaire de l'appelant, à savoir la responsabilité de la banque dans ses devoirs de dispensatrice de crédit.

2.1 L'intimé répond que la banque n'avait, à l'époque, fait que chercher des solutions pour assainir la situation de ses débiteurs. Les augmentations de crédit consenties avaient eu pour but de sauvegarder la valeur des gages ou une nouvelle opération rentable, en vue du remboursement des crédits déjà octroyés. A la suite du procès pénal des ex-dirigeants de la banque, il était notoire que ceux-ci avaient privilégié les solutions laissant espérer des remboursements sur la durée. Savoir si d'éventuelles clauses figurant dans les contrats de crédit étaient insolites relevait du droit et non de la preuve. Le suivi attentif des chantiers financés par la banque était un devoir du créancier gagiste, compte tenu des risques que des hypothèques légales viennent grever ceux-ci. La désolidarisation des débiteurs n'était pas un indice de l'existence d'une fiducie. L'intimé expose ensuite la structure des opérations de portage que la banque a pratiquées dans les années 1990, pour conclure que la relation bancaire entretenue avec l'appelant ne ressemblait pas à celles-ci.

2.2.1 Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention. S'il se révèle que le contrat apparemment conclu ne correspond pas à la réelle et commune intention des parties, ce contrat, acte simulé, est nul; il est alors nécessaire de déterminer quel est le contrat que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu; celui-ci, acte dissimulé, est valable s'il ne contrevient à aucune des dispositions qui lui sont par ailleurs applicables (ATF n. p. 4A_501/2008 du 30 janvier 2009; ATF 117 II 382 consid. 2a). C'est à celui qui plaide une convention de simulation qu'incombe le fardeau de la preuve. Le juge se montrera exigeant, de sorte que des allégations de caractère général et de simples présomptions ne suffisent pas (ATF 112 II 337 consid. 4a; JdT 1987 170).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si leurs volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la théorie de la confiance; il doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (on parle alors d'une interprétation objective). Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1).

Selon l'art. 18 al. 2 CO, le débiteur ne peut opposer l'exception de simulation au tiers qui est devenu créancier sur la foi d'une reconnaissance écrite de la dette, la bonne foi du tiers devant être protégée (GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/REY, Schweizerisches Obligationenrecht, AT, 7ème éd., 1998, n. 1022, p. 210). Cette disposition vise le cas où le débiteur reconnaît, par écrit, une dette qui n'existe en réalité pas. Toutefois, elle présuppose que le tiers a acquis la prétention en se fiant à son bienfondé. Une telle protection du tiers se justifie cependant seulement lorsque celui-ci est devenu titulaire de la créance par un acte juridique ("Rechtsgeschäft"); l'art. 18 al. 2 CO ne trouve ainsi pas application à la cession légale de créance (WIEGAND, Basler Kommentar 2011, Obligationenrecht I, n. 130 ad art. 18).

La reconnaissance de dette au sens de l'art. 17 CO a pour effet de renverser le fardeau de la preuve en ce sens qu'il appartient au débiteur qui conteste la dette d'établir que la créance n'existe pas ou qu'elle n'est pas exigible (ATF 131 III 268 consid. 3.2).

2.2.2 La convention de fiducie, qui est soumise aux règles du mandat, est un contrat par lequel le fiduciant transfère un droit - la propriété d'un droit ou d'une créance - au fiduciaire, qui doit gérer ce droit dans l'intérêt du fiduciant et le rétrocéder à la fin du contrat ou au terme convenu (ATF 112 III 90 consid. 4b; 108 Ib 186 consid. 5a; WERRO, Commentaire romand, 2003, n. 34 et 36 ad art. 394 CO).

Dans la convention de fiducie, l'acquisition et l'exercice du droit, seuls actes apparents, sont voulus par les deux parties; leurs effets s'accomplissent dans la personne du fiduciaire, qui est parfois tenu de les transmettre à son mandant (ATF 85 II 97).

2.2.3 Le droit à l'administration de preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision à rendre est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il a pour corollaire que l'autorité doit en principe donner suite aux réquisitions de preuve présentées en temps utile et dans les formes prescrites. Il ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige. Ainsi, il n'y a pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 129 II 497 consid. 2.2; 125 I 127 consid. 6c/cc; 124 I 241 consid. 2). Le volet procédural de l'art. 29 Cst. est désormais l'art. 152 al. 1 CPC, précédemment l'art. 187 aLPC.

2.3 En l'espèce, l'appelant a signé deux reconnaissances de dette portant sur le solde de 11'424'022 fr. (opération "K ______") et celui de 11'760'812 fr. 40 (opération "I ______"). Les deux reconnaissances de dette énoncent la cause de l'obligation. Il appartient ainsi à l'appelant de démontrer que celle-ci n'existe pas ou n'est pas exigible. Celui-ci s'est proposé de démontrer que les relations des parties à la base des reconnaissances de dette relevaient d'un contrat de fiducie, de sorte que les engagements qu'il avait souscrits bénéficiaient en réalité exclusivement à la banque. Celle-ci avait voulu, par ce stratagème, éviter de comptabiliser les pertes encourues. L'appelant s'est, notamment, référé aux "contrats de mandat en matière immobilière" ainsi qu'aux clauses, selon lui insolites, du contrat de prêt prévoyant une reconduction de ses échéances en fonction de l'évolution de l'état locatif et au taux d'intérêts particulièrement bas (2%, respectivement 4% au lieu de 7% pratiqué au moment des faits).

Le Tribunal a réfuté la thèse d'un contrat de portage ou de fiducie au motif que l'appelant ne l'avait pas établie. En particulier, il n'apparaissait pas que celui-ci ait été contraint de contracter les crédits en cause ni que la banque ait eu un pouvoir décisionnel absolu. Enfin, le Tribunal s'estimait suffisamment renseigné pour trancher le litige.

Le jugement querellé n'examine cependant pas les arguments avancés par l'appelant pour soutenir sa thèse. Il ne comporte pas de développements sur le caractère insolite allégué des clauses du contrat de prêt ni sur les éléments des contrats de mandat en matière immobilière mis en exergue par l'appelant, qui conféraient un très large pouvoir à la banque. Celle-ci se voyait, en effet, octroyer toutes les "prérogatives échéant usuellement au maître de l'ouvrage" et celles d'un gérant professionnel pour la mise en valeur et la gestion des immeubles. Les contrats de prêt prévoyaient, notamment, une répartition à parts égales d'un éventuel bénéfice net en cas de vente des immeubles, alors que toute perte était entièrement supportée par l'appelant. En outre, les prêts ont été accordés alors que la situation financière de l'appelant était obérée, ce que la banque savait. Ces éléments constituent des indices en faveur d'un contrat de fiducie. L'appelant devait ainsi être en mesure de renforcer ces indices par l'administration de preuves, qui n'étaient pas en sa possession, tels l'audition de témoins ou la production de documents en mains de sa partie adverse. A défaut d'accorder à l'appelant cette possibilité, le jugement devait exposer pour quels motifs les arguments avancés par l'appelant ne permettaient pas de retenir - si les allégations de fait les sous-tendant étaient avérées - l'existence d'un rapport de fiducie. Par ailleurs, il n'apparaît pas que des actes d'enquêtes, tels l'audition de témoins ou la production de pièces, n'étaient d'emblée pas de nature à étayer la thèse soutenue par l'appelant. Ces développements valent a fortiori au sujet du troisième contrat de prêt (opération "M ______"), qui n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance de dette.

Par ailleurs et contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne peut opposer l'art. 18 al. 2 CO à l'appelant, dès lors qu'il est devenu créancier de ce dernier en vertu d'une disposition de droit cantonal, en tant que successeur universel de la Fondation pour la valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève. L'effet protecteur du tiers de bonne foi prévu à l'art. 18 al. 2 CO n'opère en effet pas dans une telle hypothèse (cf. consid. 2.2.1 supra).

Enfin, l'appelant qui a requis, en première instance, dans son mémoire-réponse la production des procès-verbaux des séances de comité et/ou organes de la banque approuvant les trois contrats de crédit n'est pas, de ce fait, limité à ce moyen de preuve. En effet, l'indication des preuves offertes n'excluait pas, sous l'empire de l'ancienne loi de procédure, la possibilité d'apporter la preuve des faits allégués par d'autres moyens que ceux initialement indiqués (BERTOSSA/GAILLARD/ GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la procédure civile genevoise, n. 2 ad art. 126). Inversement, le Tribunal reste libre de refuser un moyen de preuve, dans les limites du droit constitutionnel d'être entendu, tel qu'exposé plus haut (cf. consid. 2.2.3). La Cour ne se prononcera ainsi pas sur le bienfondé de la demande d'expertise, formulée en appel par l'appelant. Elle relève uniquement que l'appelant, contrairement à son affirmation en appel, n'a pas pris de conclusions subsidiaires se rapportant à la responsabilité de la banque; il a uniquement allégué que la banque avait engagé sa responsabilité de mandataire, en particulier selon le principe de la confiance, mais n'en a déduit aucune prétention. Il ne peut ainsi être reproché au Tribunal d'avoir omis de statuer sur ses conclusions subsidiaires.

Au vu de ce qui précède, il convient d'annuler le jugement querellé et de renvoyer la cause au Tribunal afin qu'il reprenne l'instruction et statue à nouveau.

3. Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 10'000 fr. (art. 95 CPC, 35 et 43 du Règlement fixant le tarif des greffes en matière civile, art. 15 al. 5 LaCC). Les dépens d'appel seront arrêtés à 50'000 fr., TVA et débours compris (art. 84, 85, 87 et 90 RFTMC, art. 18 LaCC). Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, cette autorité se chargera de la répartition des frais dans la décision finale (art. 104 al. 4 CPC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par X ______ contre le jugement JTPI/14449/2011 rendu le 29 septembre 2011 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29090/2010-9.

Au fond :

L'admet et annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 10'000 fr. et les dépens d'appel à 50'000 fr.

Délègue la répartition des frais de la procédure d'appel au Tribunal de première instance.

Siégeant :

Madame Marguerite JACOT-DES-COMBES, présidente; Madame Florence KRAUSKOPF, Monsieur Blaise PAGAN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Marguerite JACOT-DES-COMBES

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.