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C/6772/2018

ACJC/1488/2018 du 29.10.2018 sur OSQ/31/2018 ( SQP ) , MODIFIE

Descripteurs : BAIL À LOYER ; VALIDATION DE SÉQUESTRE ; CALCUL
Normes : LP.278
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6772/2018 ACJC/1488/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du LUNDI 29 OCTOBRE 2018

 

Entre

A______, sise ______ (GE), recourante contre un jugement sur opposition partielle à séquestre rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juillet 2018, comparant par Me Peter Reetz, avocat, Obere Wiltisgasse 52, case postale 441, 8700 Küsnacht (ZH), en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ (Ile de Man), intimée, comparant par Me Karin Grobet Thorens, avocate, rue Verdaine 6, case postale 3776, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement OSQ/31/2018 du 26 juillet 2018, notifié aux parties le 2 août 2018, statuant sur opposition à séquestre par voie de procédure sommaire, le Tribunal de première instance a déclaré recevable l'opposition formée le 19 avril 2018 par B______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 28 mars 2018 dans la cause C/6772/2018 (ch. 1 du dispositif), admis partiellement l'opposition et modifié l'ordonnance susvisée en ce sens que le séquestre était maintenu à concurrence d'un montant de 556'085 fr., lequel ne porterait pas intérêt (ch. 2), mis les frais à la charge de B______ (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensé ce montant avec l'avance fournie par B______ (ch. 4), condamné celle-ci à payer à A______ la somme de 6'000 fr. à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 13 août 2018, A______ forme un recours contre ce jugement, dont elle sollicite la modification du ch. 2 du dispositif.

Principalement, elle conclut, avec suite de frais et dépens à ce qu'il soit dit que le séquestre comprend les intérêts de la créance garantie calculés comme suit:

-          5% sur 145'339 fr. 70 du 22 mars 2012 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 194'653 fr. 95 du 10 juin 2012 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 201'196 fr. 05 du 22 août 2012 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 26'811 fr. 75 du 20 décembre 2012 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 155'473 fr. 30 du 20 décembre 2012 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 94'998 fr. 25 du 3 juillet 2015 au 20 février 2016 (exclu);

-          5% sur 682'148 fr. 55 du 20 février 2016 au 16 février 2017 (exclu);

-          5% sur 556'086 fr. à compter du 16 février 2017.

b. B______ conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par pli du greffe du 24 septembre 2018.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ est [la société] propriétaire de l'immeuble sis 1______ à Genève.

B______ est une société active dans [le domaine] ______, dont le siège se situe sur l'Ile de Man. Elle possède une succursale à Genève.

b. Le 4 mai 2000, A______, en tant que bailleresse, et B______, en tant que locataire, ont conclu un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux de 1'400 m2 dans l'immeuble propriété de A______.

Le contrat prévoyait un loyer annuel de 588'000 fr., charges non comprises. Les frais accessoires, estimés à 133'000 fr. par an, devaient être payés séparément, sur la base d'acomptes provisionnels et d'un décompte annuel.

Le contrat renvoyait aux conditions générales pour locaux commerciaux, lesquelles prévoyaient que le décompte annuel était établi au plus tard dans les quatre mois suivant la date de bouclement des comptes annuels (art. 15) et que le solde en faveur du bailleur était payable dans un délai d'un mois à compter de l'envoi du décompte (art. 16).

c. Entre 2006 et 2008, A______ et B______ ont conclu quatre autres contrats de bail pour des locaux situés dans le même immeuble.

Ces contrats prévoyaient également un loyer annuel fixe et des frais accessoires devant être payés séparément, sur la base d'acomptes provisionnels et d'un décompte annuel.

Les contrats prévoyaient tous que "Le décompte des frais de chauffage et d'exploitation est considéré comme accepté si, dans les 30 jours de sa réception, le locataire n'y a pas fait opposition par écrit au bailleur ou à son représentant. Le locataire a le droit de consulter ou de faire consulter, le décompte détaillé et les originaux des justificatifs en mains du bailleur. Les versements complémen-taires doivent être réglés dans les trente jours dès la réception du décompte."

d. Le 21 février 2012, un décompte de frais accessoires a été notifié à B______ pour la période comptable 2008-2009, indiquant un solde de 145'339 fr. 70 en faveur de A______.

Le 11 mai 2012, un décompte de frais accessoires a été notifié à B______ pour la période comptable 2009-2010, indiquant un solde de 194'653 fr. 95 en faveur de A______.

Le 23 juillet 2012, un décompte de frais accessoires a été notifié à B______ pour la période comptable 2010-2011, indiquant un solde de 201'196 fr. 05 en faveur de A______.

Le 20 novembre 2012, deux décomptes de frais accessoires ont été notifiés à B______ pour la période comptable 2011-2012, indiquant respectivement un solde de 26'811 fr. 75 et de 155'473 fr. 30 en faveur de A______.

Pour chaque période comptable, A______ a établi un seul décompte pour l'ensemble des surfaces louées par B______. Ce décompte comprenait un calcul différencié pour chaque objet loué, avec les rubriques suivantes : eau, électricité, frais d'exploitation, entretien divers et chauffage et climat. Chaque rubrique mentionnait le total des frais ainsi que la participation de B______ selon la clé de répartition indiquée par rubrique.

e. Par courrier du 25 juillet 2013, B______ a résilié l'ensemble des baux pour le 31 mai 2015.

f. Le 16 juin 2014, A______ a requis le paiement du solde des décomptes précités, soit la somme de 723'475 fr. 45. Elle a réitéré sa demande le 15 juillet 2014.

g. Le 26 septembre 2014, B______ a consulté les pièces comptables relatives aux frais accessoires auprès de A______.

Par courrier du 28 novembre 2014, B______ a formulé de nombreuses critiques concernant la comptabilité des frais accessoires, relevant en particulier que certaines pièces manquaient ou encore que les frais relatifs au restaurant ne devaient pas être à sa charge. Certaines factures ne figuraient en outre pas dans la liste des frais accessoires et devaient selon elle être écartées. B______ indiquait qu'elle n'entendait dès lors pas donner suite aux demandes de paiement de A______.

h. A______ a fait notifier le 3 février 2015 à B______ un commandement de payer pour la somme de 723'474 fr. 75, auquel celle-ci a fait opposition totale.

i. B______ a quitté les locaux loués le 31 mai 2015.

Le 3 juin 2015, deux décomptes de frais accessoires ont été notifiés à B______ pour la période comptable 2012-2013, indiquant un solde total de 94'998 fr. 25 en faveur de A______.

j. Le 2 septembre 2015, B______ a requis la poursuite de A______ pour un montant de 4'044'150 fr., correspondant au total de tous les acomptes payés du 1er juillet 2008 au 31 mai 2015. A______ a formé opposition au commandement de payer, qui lui a été notifié le 12 novembre 2015.

k. Le 25 janvier 2016, deux décomptes de frais accessoires ont été notifiés à B______ pour la période comptable 2013-2014, indiquant un solde total de 136'325 fr. 25 en faveur de B______. Ce montant n'a pas été versé à cette dernière.

Le 17 janvier 2017, deux décomptes de frais accessoires ont été notifiés à B______ pour la période comptable 2014-2015, indiquant un solde total de 126'062 fr. 55 en faveur de B______. Ce montant n'a pas davantage été versé à cette dernière.

l. A______ a requis une nouvelle poursuite à l'encontre de B______ pour la somme de 723'474 fr. 75, correspondant aux frais accessoires pour la période comptable du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012. Un commandement de payer a été notifié à B______ le 17 mai 2017, auquel elle a fait opposition totale.

m. Le 10 août 2017, A______ a assigné B______ en paiement de 818'473 fr. plus intérêts par devant le Tribunal des baux et loyers. Le montant réclamé correspondait aux décomptes des frais accessoires pour la période comptable du 1er juillet 2008 au 30 juin 2013.

n. En été 2017, B______ a publiquement annoncé son départ de Suisse.

o. Par acte du 23 mars 2018, A______ a requis le séquestre de tous les avoirs au nom ou en faveur de B______, en particulier des comptes de B______ en mains de C______ et de D______ à Zurich, à concurrence de 818'473 fr. plus intérêts à 5% l'an sur 145'339 fr. 70 à compter du 22 mars 2012, sur 194'653 fr. 95 à compter du 10 juin 2012, sur 201'196 fr. 05 à compter du 22 août 2012, sur 26'811 fr. 75 et sur 155'473 fr. 30 à compter du 20 décembre 2012 et sur 94'998 fr. 25 à compter du 3 juillet 2015.

A______ indiquait que sa créance correspondait aux décomptes des frais accessoires pour la période comptable du 1er juillet 2008 au 30 juin 2013.

p. Par ordonnance de séquestre rendue le 28 mars 2018, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre requis, à l'exception d'un compte en mains de D______, pour lequel une ordonnance de refus partiel de séquestre a été rendue le même jour. A______ a été dispensée de fournir des sûretés.

Le procès-verbal de séquestre a été établi le 3 avril 2018 par l'Office des poursuites de Zurich, pour un montant de 1'280'000 fr., intérêts compris.

q. En date du 19 avril 2018, B______ a formé opposition à l'ordonnance de séquestre, concluant principalement à l'annulation de celui-ci et, subsidiairement, au versement de sûretés d'un montant équivalant au montant du séquestre ordonné.

A______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'opposition et subsidiairement à son rejet.

r. Entendues par le Tribunal le 25 juin 2018, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré notamment que les décomptes de frais accessoires litigieux n'avaient vraisemblablement pas été contestés par la locataire dans un délai de trente jours après réception et avaient donc été acceptés tacitement par celle-ci. La créance invoquée par la bailleresse à l'appui du séquestre était dès lors également vraisemblable et n'était de surcroît pas prescrite, au vu des poursuites intentées par celle-ci. Compte tenu des décomptes notifiés à la locataire pour les deux derniers exercices (2013-2014 et 2014-2015), qui présentaient un solde total de 262'388 fr. en faveur de celle-ci, le montant du séquestre devait être réduit à 556'085 fr. par compensation. Quand bien même la bailleresse faisait partir des intérêts pour chaque créance trente jours après la date de l'établissement de chaque décompte, il ne ressortait pas de la procédure que les acomptes provisionnels versés par la locataire portaient également intérêts, de sorte que la créance réduite retenue ne devait pas porter intérêt.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris étant une décision sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et art. 319
let. a CPC).

Déposé dans le délai de dix jours (art. 278 al. 1 LP, art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 321 al. 1 CPC), le recours est en l'espèce recevable.

1.2 La procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC). La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2.             La recourante ne conteste pas la décision du Tribunal en tant qu'elle a réduit le montant de la créance à hauteur de laquelle le séquestre devait être ordonné, et ce par compensation avec les montants dus à l'intimée. La recourante reproche uniquement au premier juge d'avoir considéré que cette créance ne devait pas porter intérêt et d'avoir limité la portée du séquestre en conséquence.

2.1 Selon l'art. 272 al. 1 ch. 1 LP, le séquestre est autorisé lorsque le requérant rend vraisemblable que sa créance existe.

2.1.1 Le critère de la vraisemblance s'applique non seulement à l'existence de la créance en fait, mais aussi à son existence juridique (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1). Ainsi, les faits à l'origine du séquestre doivent être rendus simplement vraisemblables. A cet effet, le créancier séquestrant doit alléguer les faits et produire un titre (art. 254 al. 1 CPC) qui permet au juge du séquestre d'acquérir, au degré de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1). S'agissant de l'application du droit, le juge procède à un examen sommaire du bien-fondé juridique, c'est-à-dire un examen qui n'est ni définitif, ni complet, au terme duquel il rend une décision provisoire (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 9.2 et les références, in SJ 2013 I p. 463).

La créance doit être échue et exigible. L'exigibilité dépend du droit matériel et les principes habituels du droit suisse, en particulier l'art. 75 CO et les art. 102 ss CO, s'appliquent (Stoffel/Chabloz, in Poursuite et faillite, Commentaire romand, Dallèves et al. [éd.], 2005, ad art. 271 n. 22; Jaeger/Walder/Kull/Kott-mann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4ème éd., 1997, n. 7 ad art. 271 LP).

2.1.2 En vertu de l'art. 102 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2).

Selon l'art. 104 al. 1 CO, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l'intérêt conventionnel.

L'intérêt moratoire au sens de cette disposition dépend exclusivement du montant de la dette et de la durée de la demeure du débiteur. Il dispense le créancier de toute autre preuve et est dû par le seul fait de la demeure du débiteur, même non fautive. L'intérêt moratoire doit être distingué notamment de l'intérêt sur les dépenses effectuées, qui est dû au mandataire et au gérant d'affaires sans mandat sur toute avance ou impense effectuée dans l'exécution régulière de ses obligations (Thévenoz, in Code des obligations I, Commentaire romand, 2ème éd., 2012, ad art. 104 n. 2 et 3).

2.1.3 Dans le bail à loyer, les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose (art. 257a al. 1 CO). Ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement (al. 2).

Le cas échéant, le locataire doit payer les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires (art. 257c CO).

La plupart des baux d'habitations et de locaux commerciaux prévoient le versement à l'avance d'acomptes périodiques par le locataire. Le bailleur est alors tenu d'établir un décompte au moins une fois par année et de le présenter au locataire (art. 4 al. 1 OBLF; Bieri, in : Commentaire pratique, droit du bail à loyer et à ferme, Bohnet/Montini, 2e éd, 2017, ad art. 257a-257b CO n. 48; Lachat, Code des obligations I, Commentaire romand, 2ème éd., 2012, ad art. 257a-257b CO n. 5).

Le bailleur n'est pas en droit de prélever un intérêt pour les frais qu'il a avancés, dès lors que les acomptes provisionnels ou les forfaits versés par le locataire ne portent pas non plus intérêt. Plus généralement, la notion d'intérêt – comme celle de bénéfice – est étrangère à celle de dépenses effectives visées à l'art. 257b CO; elle doit être distinguée des intérêts moratoires dus en cas de retard de paiement (Bieri, op. cit., ad art. 257a-257b CO n. 93).

La loi ne mentionne pas de terme pour le remboursement du trop-perçu ou le paiement du solde suite au décompte des frais accessoires (cf. art. 4 OBLF). Il s'agit par conséquent d'appliquer les art. 75 et 102 CO aux questions sur l'époque de l'exécution, l'exigibilité et la demeure du débiteur. En règle générale, la somme qui apparaît au décompte est due immédiatement, avec un délai de paiement usuel de trente jours (cf. ATF 140 III 591 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C_479/1997 du 24 juin 1998). Ce délai permet au locataire de vérifier le décompte et de prendre connaissance des pièces justificatives (Biber, Das Schweizeische Mietrecht, SVIT-Kommentar, 4e éd., 2018, ad art. 257c CO n. 9 Lachat, op. cit., ad art. 257c CO n. 4). Le délai de paiement court en principe dès réception du décompte par le locataire (Bieri, op. cit., ad art. 257a-257b CO n. 148).

A moins que le locataire ne conteste le décompte dans le délai fixé, ou s'il reconnaît expressément le solde du décompte, il y a novation et une nouvelle créance prend naissance, à concurrence du solde (Bieri, op. cit., ad art. 257a-257b CO n. 148). Conformément à l'art. 102 al. 2 CO, le locataire tombe alors en demeure sans avertissement préalable si les parties ont déterminé ensemble le jour précis de l'exécution. Les termes de paiement conventionnels prévus dans le domaine du bail à loyer satisfont à cette condition; à défaut, seule l'interpellation du créancier entraine les conséquences de la demeure, telles que l'obligation de s'acquitter d'intérêts moratoires (Biber, op. cit., ad art. 257c CO n. 10; Lachat, op. cit., ad art. 257c CO n. 4).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties ont conclu plusieurs contrats de bail, prévoyant chacun l'obligation pour l'intimée de s'acquitter des frais accessoires par le biais d'acomptes provisionnels et l'obligation pour la recourante d'établir un décompte annuel desdits frais, à réception duquel l'intimée devait s'acquitter d'un éventuel solde dans un délai de trente jours.

Il n'est pas non plus contesté que l'intimée ne s'est pas acquittée des soldes des cinq décomptes qui lui ont été envoyés par la recourante pour les exercices 2008 à 2013, lesquels lui ont été notifiés respectivement les 21 février 2012, 11 mai 2012, 23 juillet 2012, 20 novembre 2012 et 3 juin 2015.

A teneur de la procédure, l'intimée n'a cependant contesté aucun de ces décomptes dans les trente jours suivant leur réception. Elle n'a contesté les quatre premiers d'entre eux que par courrier du 28 novembre 2014 et n'a pas formellement contesté le cinquième, établi postérieurement à cette date, mais s'est contentée de requérir la poursuite de la recourante le 2 septembre 2015, soit plus de trente jours après la réception de ce décompte.

Conformément aux dispositions et principes rappelés ci-dessus, il s'ensuit que les créances constatées par les décomptes litigieux sont devenues exigibles trente jours après réception par l'intimée et que celle-ci est tombée simultanément en demeure de s'en acquitter, les délais de paiement prévus par les contrats de bail constituant autant de termes d'exécution au sens de l'art. 102 al. 2 CO.

Comme rappelé sous consid. 2.1.3 in fine ci-dessus, il s'ensuit également que les sommes vraisemblablement dues à la recourante portent intérêts moratoires en application de l'art. 104 al. 1 CO. L'opinion selon laquelle le bailleur n'est pas en droit de prélever d'intérêt pour les frais qu'il a avancés si les acomptes provisionnels ne portent pas non plus intérêt, également rappelée sous consid. 2.1.3 in fine ci-dessus et à laquelle se réfèrent tant le Tribunal que l'intimée, ne vise que les frais portés en compte en cours d'exercice comptable et n'a pas vocation à s'appliquer au-delà de l'établissement du décompte périodique des frais, notamment lorsque ce décompte n'est pas contesté dans le délai applicable. L'auteur concerné indique lui-même que le cas de figure envisagé doit être distingué des intérêts moratoires dus en cas de retard de paiement. En cas d'acceptation – même tacite – du décompte, les règles générales s'appliquent et l'intimée reste ainsi tenue de s'acquitter d'intérêts de retard sur les montants impayés, quand bien même elle a pu ultérieurement contester le bien-fondé des prétentions de la recourante relatives aux frais accessoires, notamment lorsque celle-ci l'a assignée en paiement devant le Tribunal des baux et loyers.

Le grief de la recourante relatif à la nécessité d'ajouter des intérêts à la créance fondant le séquestre doit dès lors être admis.

2.3 Il reste à examiner le point de départ des intérêts auxquels peut vraisemblablement prétendre la recourante.

En l'occurrence, il résulte des considérants ci-dessus que des intérêts de retard ont commencé à courir trente jours après réception des décomptes litigieux par l'intimée, soit dès le 22 mars 2012 sur 145'339 fr. 70, dès le 10 juin 2012 sur 194'653 fr. 95, dès le 22 août 2012 sur 201'196 fr. 05, dès le 20 décembre 2012 sur 182'285 fr. 05 (soit 26'811 fr. 75 plus 155'473 fr. 30) et dès le 3 juillet 2015 sur 94'998 fr. 25. Il n'est pas contesté que des décomptes présentant un solde en faveur de l'intimée ont été ensuite notifiés à celle-ci les 25 janvier 2016 et 17 janvier 2017 pour les exercices 2013-2014 et 2014-2015, réduisant le total des sommes dues en capital à 682'148 fr. 55, puis à 556'086 fr., trente jours après ces dates, soit les 24 février 2016 et 16 février 2017 (les créances de l'intimée étant également exigibles après un délai de 30 jours selon les contrats de bail et aussitôt compensées avec les montants dus à la recourante, cf. art. 124 al. 2 CO).

Il sera dès lors fait droit aux conclusions principales de la recourante tendant à ce que le séquestre couvre les intérêts qui lui sont dus (la date du 20 février 2016 retenue dans lesdites conclusions pour la première compensation lui étant légèrement moins favorable que la date du 24 février 2016 retenue ci-dessus). Le ch. 2 du dispositif du jugement entrepris sera réformé en ce sens (art. 327 al. 3 let. b CPC).

3.             3.1 Les frais judiciaires de première instance, mis à la charge de l'intimée et non contestés par celle-ci, seront confirmés, nonobstant la réformation du partielle du jugement entrepris (cf. Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet et al. [éd.], 2011, ad art. 327 CPC n. 9).

3.2 Les frais judiciaires du recours, y compris ceux de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par la recourante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Ils seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et celle-ci sera condamnée à verser à la recourante la somme de 1'500 fr. à titre de remboursement de l'avance fournie (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimée sera en outre condamnée à verser la somme de 3'000 fr. à la recourante à titre de dépens de recours (art. 105 al. 2, 106 al. 1, 111 al. 2 CPC, art. 85
et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 13 août 2018 par A______ contre le jugement OSQ/31/2018 rendu le 26 juillet 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6772/2018-4 SQP.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Admet partiellement l'opposition et modifie l'ordonnance de séquestre rendue le 28 mars 2018 dans la cause C/6772/2018, en ce sens que le séquestre est maintenu à concurrence de 556'085 fr. plus intérêts :

-          à 5% l'an sur 145'339 fr. 70 du 22 mars 2012 au 19 février 2016,

-          à 5% l'an sur 194'653 fr. 95 du 10 juin 2012 au 19 février 2016,

-          à 5% l'an sur 201'196 fr. 05 du 22 août 2012 au 19 février 2016,

-          à 5% l'an sur 182'285 fr. 05 du 20 décembre 2012 au 19 février 2016,

-          à 5% l'an sur 94'998 fr. 25 du 3 juillet 2015 au 19 février 2016,

-          à 5% l'an sur 682'148 fr. 55 du 20 février 2016 au 15 février 2017,

-          à 5% l'an sur 556'086 fr. à compter du 16 février 2017.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'500 fr., les met à la charge de B______, et les compense avec l'avance de même montant fournie par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 1'500 fr. à titre de remboursement de l'avance fournie.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 3'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.