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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9629/2007

ACJC/1436/2008 (1) du 27.11.2008 sur JTBL/309/2008 ( OBL ) , RENVOYE

Normes : CO.269; CO.839; CO.253b
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9629/2007 ACJC/1436/2008

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre d’appel en matière de baux et loyers

AUDIENCE DU JEUDI 27 NOVEMBRE 2008

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 mars 2008, comparant par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

d'une part,

et

B______, sise ______ (GE), intimée, comparant par Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat, quai des Bergues 23, 1201 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

d’autre part,

 


EN FAIT

A. Par acte du 22 avril 2008, A______ appelle d’un jugement JTBL/309/2008, rendu le 6 mars 2008 et communiqué aux parties par plis recommandés du greffe le 10 mars 2008, aux termes duquel le Tribunal des baux et loyers a donné gain de cause à la B______ dans sa demande en validation de hausse de loyer, fixant à 11'352 fr., charges comprises, dès le 1er juillet 2007, le loyer annuel de l’appartement n° 1______ de 5 pièces, que l'appelant a occupé au 6ème étage de l’immeuble sis ______, à Genève.

L’appelant conclut à l’annulation du jugement attaqué et au déboutement de la B______ de sa demande en validation de hausse de loyer ou si mieux n’aime la Cour, au renvoi de la cause au Tribunal des baux et loyers pour complément d’instruction et nouvelle décision.

L’intimée, soit la B______, conclut à la confirmation du jugement attaqué.

B. Les éléments suivants résultent du dossier :

La B______, propriétaire de l’immeuble sis ______ à Genève, a concédé le 31 octobre 1986 à A______ un bail portant sur un appartement de 5 pièces n° 1______ au 6ème étage dudit immeuble. Etabli pour une durée initiale d’un an et 8 mois, soit du 1er novembre 1986 au 30 juin 1988, le bail s’est renouvelé par la suite d’année en année.

Le loyer annuel, charges non comprises, fixé initialement à 8'158 fr., a été porté à 9'787 fr. 80 dès le 1er juillet 1992.

Le 8 mars 2004, la bailleresse a fait notifier au locataire un avis de majoration de loyer, le faisant passer de 9'787 fr. 80 par année, à 11'352 fr. par année, dès le 1er juillet 2004.

La hausse de loyer était motivée par l’adaptation partielle aux loyers usuels du quartier, selon l’art. 269a let. a CO.

Le locataire a contesté la hausse de loyer et le Tribunal des baux et loyers, par jugement du 30 novembre 2005, confirmé par un arrêt de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers du 8 octobre 2007, a débouté la bailleresse de ses conclusions en validation de hausse de loyer.

Par courrier du 10 mars 2004, la bailleresse a informé les sociétaires-locataires de la rue ______ et du chemin ______, que dans la mesure où la dernière adaptation des loyers remontait au 1er juillet 1992 et afin de pouvoir faire face à ses obligations financières, le conseil d’administration avait décidé de revaloriser les loyers de l’ordre de 16%, dès le 1er juillet 2004.

Elle se référait dans ce courrier au fait que les immeubles avaient fait l’objet d’investissements importants, visant à leur redonner et même à améliorer leur standing initial, indiquant que des interventions lourdes avaient été entreprises au début de l’an 2000, dont la réfection intégrale des façades (traitement complexe de la carbonatation, très avancée, du béton), de la toiture (nouvelles étanchéités et ferblanterie, amélioration de l’isolation thermique) et de la distribution d’eau chaude/froide (remplacement de la totalité des conduites horizontales et verticales).

Interpellée par le Département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : DAEL, actuel DCTI), la bailleresse a déposé le 28 février 2005 une demande d’autorisation de travaux accompagnée notamment d’un état locatif après travaux au 30 juillet 2004. Il ressort de ce dernier document que le loyer annuel de l’appartement de A______ devait être porté, après travaux, soit dès le 1er juillet 2004, à 11'354 fr.

Par décision du 15 avril 2005, le DAEL a délivré l’autorisation sollicitée pour autant que les loyers des logements n’excèdent pas, après travaux, ceux figurant dans l’état locatif au 30 juillet 2004, produit par la bailleresse, lesquels devaient être appliqués pour une durée de 3 ans à dater du 30 juillet 2004.

Lors de l’assemblée générale ordinaire du 31 octobre 2006, une présentation et un vote eurent lieu concernant des adaptations de loyer.

Selon le procès-verbal rédigé à l’issue de cette assemblée, 241 sociétaires y étaient présents ou représentés. 218 d’entre eux ont accepté, après discussion, la hausse des loyers proposée à hauteur de 16,02%, le nouveau prix à la pièce devant être porté à 2'197 fr. et ce, en référence à l’autorisation délivrée par le DAEL.

Par avis de majoration de loyer du 23 février 2007, la bailleresse a déclaré vouloir porter le loyer de A______ de 9'787,80 fr. par année à 11'352 fr. par année, à compter du 1er juillet 2007.

Le motif de cette majoration résidait en la hausse consécutive aux travaux réalisés dans l’immeuble (art. 269a lettre b CO et art. 14 OBLF), en conformité à la décision de l’assemblée générale ordinaire du 31 octobre 2006.

Un courrier accompagnateur à l’avis de majoration officiel faisait référence à l’assemblée générale ordinaire du 31 octobre 2006 et aux travaux réalisés dans les immeubles concernés, à savoir la réfection de l’étanchéité et l’isolation de la toiture, le remplacement de la distribution en eau sanitaire, ainsi que la rénovation des façades. La décision de l’assemblée générale portant sur la hausse des loyers de 16,02% dès le 1er juillet 2004 n’ayant pas été contestée dans le délai de recours de 3 mois, elle était par conséquent entrée en force.

En outre, la bailleresse rappelait au locataire que les travaux évoqués plus haut avaient fait l’objet d’une autorisation délivrée par le DAEL, dans le cadre de laquelle ce Département avait approuvé la hausse des loyers en application de la LDTR.

A______ a contesté la hausse de loyer devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 23 mars 2007.

La tentative de conciliation a échoué à l’audience du 2 octobre 2007.

La bailleresse a introduit sa demande en majoration de loyer auprès du Tribunal des baux et loyers le 19 octobre 2007.

Soutenant que les art. 269 et ss CO n’étaient pas applicables en l’espèce, la bailleresse se référait à la décision prise par l’assemblée générale ordinaire du 31 octobre 2006 pour justifier de la majoration de loyer notifiée.

Par ailleurs, pour le cas où le contrôle devait toutefois être effectué sur la base des art. 269 et ss CO, la bailleresse alléguait que les hausses de loyer avaient été établies sur la base d’un coût des travaux engagés en 2004 à hauteur de 8'900'000 fr., ce qui, pour 70% de part de plus-value considérée, les travaux étant amortis sur une durée de 20 ans, devait aboutir à une hausse de loyer supérieure à celle qui avait été notifiée à A______. La bailleresse se référait également à l’autorisation délivrée par le DAEL, dans le cadre de laquelle le nouveau loyer avait été déclaré licite.

Le Tribunal a ordonné une instruction écrite par ordonnance du 5 novembre 2007, impartissant au locataire un délai au 10 novembre 2007 pour répondre à la demande et fixant la cause à plaider au 14 janvier 2008.

Le 18 décembre 2007, le locataire a déposé un mémoire de réponse auprès du Tribunal des baux et loyers, dans lequel il concluait à ce que la bailleresse soit déboutée de toutes ses conclusions en hausse de loyer, ainsi que de toutes autres ou contraires conclusions.

Il soutenait que les art. 269 et ss CO étaient applicables même aux coopératives d’habitation. Cela étant, le montant des travaux n’était pas prouvé par pièces et ne pouvait donc pas être retenu pour effectuer un calcul. Même si par impossible on admettait que les travaux avaient coûté à la bailleresse la somme de 8'900'000 fr., le calcul ne pouvait aboutir, répercussion faite de la baisse du taux hypothécaire intervenue depuis la dernière fixation du loyer, qu’au maintien du loyer payé par A______ depuis 1992.

A l’issue de l’audience de plaidoiries du 14 janvier 2008, l’affaire a été gardée à juger.

C. Dans le jugement attaqué, le Tribunal des baux et loyers a écarté des débats le mémoire de réponse du locataire, en raison de son dépôt tardif le 18 décembre 2007, alors que le délai qui lui avait été imparti avait été fixé au 10 décembre 2007.

En outre, le Tribunal des baux et loyers a brièvement examiné les règles applicables en matière de hausse de loyer notifiée par une société coopérative d’habitation. Il en a conclu que les règles de la société coopérative en matière de décision ayant été appliquées, la décision d’augmenter les loyers suite aux travaux de rénovation avait été prise par l’assemblée générale le 31 octobre 2006, sans être attaquée en justice comme l’autorise l’art. 891 CO, elle était devenue définitive et par conséquent, opposable à A______.

Dès lors, le Tribunal des baux et loyers avait validé la hausse de loyer litigieuse.

Ce faisant, il convient de retenir que le Tribunal des baux et loyers a écarté l’application des art. 269 et ss CO du cas d’espèce, sans l’indiquer expressément.

D. A l’appui de son appel, A______ a invoqué les motifs suivants :

- Il reproche au Tribunal des baux et loyers d’avoir écarté l’application des art. 269 et ss CO, alors qu’un arrêt récent du Tribunal fédéral, datant du 28 janvier 2008, avait clairement tranché la question, précisant que les normes relatives à la contestation des loyers abusif (art. 269 et ss CO) peuvent être invoquées par l’associé qui a conclu un contrat de bail à loyer avec une société coopérative d’habitation (ATF 134 III 159, consid. 5).

- Dès lors, le Tribunal des baux et loyers aurait dû examiner si la hausse de loyer était justifiée au regard du Code des obligations, le fait qu’elle ait été admise par le DAEL, sur la base du droit cantonal administratif, n’étant pas pertinent.

- Au surplus, le Tribunal des baux et loyers avait considéré, de façon implicite, comme établis des faits pas même allégués par l’intimée, cette dernière n’ayant nullement indiqué avec précision quels travaux avaient été exécutés sur l’immeuble, n’ayant pas non plus prouvé le prix desdits travaux.

- Enfin, s’il y avait par impossible lieu de considérer comme établis les travaux entrepris et leur coût, il n’en demeurait pas moins que le Tribunal des baux et loyers avait violé l’art. 269a let. b CO et l’art. 14 OBLF, en retenant un pourcentage du coût des travaux à répercuter sur le loyer à titre de travaux à plus value bien trop important et une durée d’amortissement desdits travaux insuffisante. Au surplus, le Tribunal des baux et loyers aurait dû prendre en considération, à titre compensatoire la baisse du taux hypothécaire intervenue depuis la dernière fixation du loyer, pour aboutir à la constatation que le loyer de A______ ne devait subir aucune augmentation.

- Par ailleurs, l’appelant conteste que le Tribunal des baux et loyers ait été en droit d’écarter son écriture du 18 décembre 2007 comme tardive, dans la mesure où la partie adverse l’avait admise, puisqu’elle n’avait pas sollicité à plaider lors de l’audience du 14 janvier 2008. Le Tribunal des baux et loyers n’avait pas ailleurs pas écarté ladite écriture dans le dispositif du jugement.

En accompagnement de son écriture d’appel, A______ a produit comme unique pièce son mémoire réponse du 18 décembre 2007.

E. Dans son mémoire réponse du 26 mai 2008, l’intimée reprend ses arguments de première instance et soutient que la jurisprudence du Tribunal fédéral du 28 janvier 2008 n’est pas applicable au cas d’espèce, dans la mesure où la coopérative visée par cet arrêt pratiquait des loyers abusifs, ce qui n’est pas son cas. Elle-même ne pratique en effet des loyers qui ne lui permettent que de couvrir ses coûts et les frais des immeubles. Pour démontrer le bien-fondé de sa position, l’intimée se propose de procéder à un calcul de rendement par surabondance de moyen.

En accompagnement de son écriture de réponse, la B______ a produit un chargé de pièces complémentaires, dont aucune n’avait été produite précédemment.

F. Lors de l’audience de plaidoiries du 16 juin 2008, les parties ont plaidé, l’intimée apportant des modifications au calcul de rendement effectué dans ses écritures et l’appelant contestant qu’il soit possible à cette dernière d’émettre de nouvelles allégations en appel extraordinaire, en particulier s’agissant du calcul de rendement.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

G. Pour le surplus et dans la mesure utile à la solution du litige, l’argumentation des parties sera examinée dans la partie « EN DROIT » ci-dessous.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits par la loi (art. 443 et 444 LPC). En effet, le jugement attaqué ayant été notifié aux parties le 10 mars 2008 et l’appelant l’ayant reçu en son domicile élu le 11 mars 2008, le délai devait échoir au 10 avril 2008. Il a cependant été reporté, après suspension du 16 au 30 mars 2008, en application de l’art. 29 al. 1 let. a LPC.

1.2 S’agissant d’une demande de hausse de loyer, le Tribunal des baux et loyers a statué en dernier ressort (art. 56P al. 1 LOJ). Seul est en conséquence ouvert l’appel extraordinaire en violation de la loi (art. 292 LPC), dans le cadre duquel la Cour est liée par les faits constatés par le Tribunal, sous réserve d’une appréciation juridique erronée d’un point de fait (art. 292 al. 1 let. d LPC), savoir manifestement insoutenable, en contradiction formelle avec les preuves recueillies et causale dans la décision incriminée. La cognition de la chambre d’appel est ainsi restreinte à la violation de la loi et à l’appréciation arbitraire des faits, dans la limite des griefs allégués par les parties (ATF 106 II 88, consid. 1; SJ 1990 p. 595; BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n° 2 ad art. 445 LPC, n° 6 et ss ad art. 292 LPC).

Pour examiner les griefs allégués, la Cour se place dans la situation où se trouvait le premier juge lorsqu’il a rendu sa décision, ce qui implique la prohibition d’allégués ou de moyens de preuves nouveaux, pour autant que l’ordre public ne soit pas en cause ou qu’il ne s’agisse pas de faits dont les Tribunaux doivent connaître d’office (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, ibidem et les références citées, notamment SJ 1981 p. 334). Dans le cadre des moyens que lui présentent les parties, la Cour apprécie en revanche librement le droit (SCHMIDT, Le pouvoir d’examen en droit de la Cour en cas d’appel pour violation de la loi, in SJ 1995 p. 521 et ss).

1.3 L’appelant présentant de nouveaux allégués dans son mémoire d’appel du 22 avril 2008, s’agissant de l’acceptation par l’intimée de ses écritures de réponse tardives du 18 décembre 2007, et produisant lesdites écritures en pièce nouvelle, la Cour doit donc tout d’abord les écarter, au vu des considérations ci-dessus.

Il en sera de même des nouveaux allégués de l’intimée concernant le calcul de rendement qu’elle effectue pour la première fois en appel et qui ne correspond nullement à la motivation donnée à l’appui de sa majoration de loyer, les nouvelles pièces produites par l’intimée en appel devant également être écartées, au vu des considérations qui précèdent.

1.4 Cela étant, ces considérations n'ont pas de portée propre sur le fond du litige en raison de la nécessité de renvoyer la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision (cf. consid. 3).

2. La Cour déterminera tout d’abord dans quelle mesure les dispositions de protection contre les loyers abusifs (art. 269 et ss CO) sont applicables dans le cas d’espèce, puisque l’examen des autres griefs dépend de la solution apportée à cette question.

La jurisprudence de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers au sujet de l’application des dispositions de protection contre les loyers abusifs (art. 269 et ss CO) aux sociétés coopératives d’habitation, a évolué au cours des dernières années.

Dans un arrêt rendu le 28 janvier 2008, le Tribunal fédéral a attentivement examiné la question pour déterminer que ces dispositions s’appliquent aux relations contractuelles entre un sociétaire locataire et une société coopérative d’habitation (ATF 134 III 159, rendu dans la cause 4A_421/2007 du 28 janvier 2008.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral relève d’emblée et à titre préliminaire que la société coopérative d’habitation qui nie l’application des art. 269 et ss CO à la majoration de loyer contestée par son sociétaire locataire, n’est pas conséquente avec la thèse qu’elle défend, puisqu’elle a communiqué à ce dernier un avis de fixation du loyer initial établi sur la formule officielle prévue par l’art. 270 al. 2 CO, disposition dont elle soutient pourtant qu’elle serait inapplicable en l’espèce.

La même remarque s’impose à l’égard de l’intimée dans la présente espèce, dans la mesure où cette dernière a fait notifier à A______ un avis de majoration de loyer officiel, se référant clairement dans sa motivation, à l’art. 269a let. b CO et à l’art. 14 OBLF.

Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a tranché d’un cas tout à fait comparable au cas présent, contrairement à ce que soutient l’intimée.

En effet, il s’agissait également d’une société coopérative d’habitation, dont les coopérateurs locataires avaient la possibilité d’exercer dans l’assemblée générale les droits qui étaient les leurs relativement aux affaires sociales, en particulier celui de fixer les loyers. Toutefois, le Tribunal fédéral considère que la possibilité appartenant au coopérateur locataire de fixer des loyers de par sa participation à l’assemblée générale, comme de recourir contre une décision de cette dernière qui serait contraire aux règles statutaires en application de l’art. 891 CO, ne lui fournit pas une protection suffisante rendant superflu le recours aux dispositions protectrices des art. 269 et ss CO. D’une part, à supposer que la compétence de fixer des loyers ait été laissée à l’assemblée générale, le Tribunal fédéral considère que le coopérateur locataire, qui n’y a droit qu’à une seule voix (art. 885 CO), ne pourra guère influer sur la décision à prendre ni infléchir celle-ci dans un sens qui lui soit favorable. Concrètement, il n’aura pas la possibilité d’obtenir la réduction d’un loyer par hypothèse abusif, mais qu’une majorité d’associés ne considérerait pas comme telle. D’autre part le renvoyer à agir par la voie d’une action ordinaire en annulation de la décision prise par l’assemblée générale (art. 891 CO) reviendrait à le priver des avantages procéduraux dont le législateur a voulu faire bénéficier le locataire qui entend contester la fixation initiale ou subséquente de son loyer. Il s’agit de la tentative de conciliation préalable obligatoire et gratuite (art. 270a al. 1 let. b et 274d al. 2 CO), de la durée du procès (art. 274d al. 1 CO) ou du principe de l’instruction d’office (art. 274d al. 3 CO).

En outre, l’inégalité à laquelle pourrait conduire la contestation de son loyer par un sociétaire locataire, alors qu’un autre associé devrait payer d’avantage, n’implique pas une violation du principe d’égalité de traitement des membres d’une société coopérative (art. 854 CO) parce qu’elle ne résulte pas d’une décision prise par les organes de la société, mais du comportement adopté par certains associés. Cet état de choses ne constitue ainsi pas un motif suffisant selon le Tribunal fédéral pour exclure la coopérative d’habitation du champ d’application des art. 269 et ss CO. Le recours à ces dispositions est en particulier le seul que l’on puisse envisager dans l’hypothèse où la coopérative, tout en traitant ses membres sur un pied d’égalité et en respectant formellement ses statuts, leur impose à tous le paiement de loyers qui lui procurent un rendement excessif de la chose louée.

On voit bien que dans cette dernière considération, le Tribunal fédéral n’entend pas faire application des art. 269 ss CO uniquement au cas des sociétés coopératives d’habitation qui pratiqueraient de manière avérée des loyers leur procurant un rendement abusif, mais émet bien l’hypothèse que cela serait possible à toute société coopérative d’habitation, si le contrôle des art. 269 et ss CO n’était pas ouvert.

A ce sujet, le Tribunal fédéral rappelle que le coopérateur locataire et la coopérative d’habitation sont liés par deux rapports de droit : un rapport corporatif, de caractère social, qui se crée entre la société coopérative et son nouveau membre lors de l’acquisition de la qualité d’associé (art. 839 et ss CO), d’une part, et un rapport d’obligations, de caractère individuel, qui résulte de la conclusion du contrat de bail à loyer par la société coopérative avec ce nouveau membre (art. 253 et ss CO), d’autre part. Ces rapports juridiques, du fait qu’ils n’évoluent pas sur le même plan, demeurent distincts et indépendants; leur simple juxtaposition n’en fait pas un contrat mixte. La coexistence de deux rapports de droit autonomes peut cependant générer des interférences, notamment en cas de résiliation du bail par la coopérative d’habitation.

Il n’y a, en revanche, pas de raison de priver le coopérateur locataire de la protection contre les loyers abusifs, sauf à admettre que la spécificité de sa situation juridique, liée au rapport corporatif, serait un argument suffisant pour le contraindre à accepter de payer un loyer excessif. Que cette spécificité puisse jouer un rôle dans la fixation du loyer, du fait notamment du but assigné à une coopérative d’habitation et de l’exigence de l’égalité de traitement des associés, n’est certes pas contestable. Qu’elle puisse laisser le coopérateur démuni face à des pratiques abusives de la bailleresse n’est, toutefois, pas admissible.

L’intimée qui cherche à se différencier des autres sociétés coopératives d’habitation, afin d’éviter l’application de la jurisprudence fédérale précitée, ne convainc pas en l’espèce. En effet, il sied du lui rappeler que les sociétés coopératives d’habitation ne sont pas en droit d’avoir un but social lucratif. Elle n’est dès lors pas la seule dans cette situation, ce que rappelle le Tribunal fédéral dans les considérations rappelées plus haut.

Enfin, après avoir rappelé que l’art. 253b al. 3 CO ne s’applique pas dans tous les cas aux sociétés coopératives d’habitation qui ne remplissent pas les conditions cumulatives de cette disposition, le Tribunal fédéral termine par la constatation que la solution apportée au problème litigieux, à savoir l’application des art. 269 et ss CO à un rapport de fixation de loyer initial ou subséquent entre une société coopérative d’habitation et son sociétaire locataire, correspond à celle que préconisent quasi unanimement les auteurs qui se sont penchés sur la question, certains soulignant d’ailleurs que l’art. 13 al. 3 OBLF, qui permet au bailleur calculant exclusivement et durablement le loyer en fonction des coûts effectifs, de répercuter sur le loyer l’augmentation de ses charges financières relatives à l’ensemble du capital investi, a été conçu au premier chef pour les coopératives d’habitation.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal des baux et loyers a erré en écartant l’application des art. 269 et ss CO du cas d’espèce.

3. La bailleresse ayant notifié une majoration de loyer fondée sur des travaux importants comprenant une part de plus-value, il y a lieu d’examiner la répercussion possible sur le loyer conformément à l’art. 14 OBLF et en application de la méthode préconisée par le Tribunal fédéral (ATF 118 II 415, SJ 1993, p. 211 et ss).

En effet, la bailleresse est liée par le motif invoqué à l’appui de la majoration de loyer notifiée le 23 février 2007 (ATF 121 III 364, consid. 4b et ATF 117 II 452, consid. 5), à savoir une adaptation du loyer consécutive à d’importants travaux, fondée sur l’art. 269a let. b CO et 14 OBLF. Elle ne saurait après coup, fonder la majoration de loyer en question sur le rendement admissible qu’elle lui procurerait.

Cela étant, il y a lieu de constater que les allégués de la bailleresse, tels que mentionnés dans sa demande en majoration de loyer du 19 octobre 2007, de même que les pièces produites à l’appui de cette demande, sont insuffisants pour permettre de déterminer la qualité des travaux effectués, la part de plus-value et la durée d’amortissement à retenir, comme la ventilation des coûts effectivement engagés par la bailleresse. Particulièrement, une description précise des travaux effectués et des coûts correspondants, comme la preuve des coûts réellement engagés, font défaut.

Au vu de l’insuffisance des allégués de la bailleresse contenus dans sa requête introductive d’instance, et compte tenu du fait que cette dernière plaidait sans être assistée d’un mandataire rompu aux problèmes du bail à loyer, la maxime inquisitoriale sociale prescrite par l’art. 274d al. 3 CO imposait au Tribunal des baux et loyers, soit de lui impartir un délai pour compléter ses allégués et produire ses pièces justificatives, soit de la convoquer en audience de comparution personnelle en spécifiant expressément sur la convocation qu’elle était invitée, à cette occasion, à compléter ses allégués et à déposer tout document dont elle entendait faire état.

Comme on l’a vu, le Tribunal des baux et loyers a écarté l’application des art. 269 et ss CO de la présente cause, raison pour laquelle il n’a pas cru utile d’appliquer les principes rappelés ci-dessus.

Aussi, la Cour lui renverra la présente cause, pour reprise et continuation de l’instruction au sens des considérants, et nouvelle décision.

4. L’intimée qui succombe sera condamnée à verser à l’Etat de Genève un émolument de 300 fr. (art. 447 al. 2 LPC).

5. La décision n'est pas finale.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté par A______ contre le jugement JTBL/309/2008 rendu le 6 mars 2008 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9629/2007-1-L.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait :

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour reprise et continuation de l’instruction au sens des considérants, et nouvelle décision.

Condamne la B______ à verser à l’Etat de Genève un émolument de 300 fr.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Siégeant :

Monsieur François CHAIX, président; Mesdames Marguerite JACOT-DES-COMBES et Florence KRAUSKOPF, juges; Monsieur Julien BLANC et Madame Laurence CRUCHON, juges assesseurs; Madame Muriel REHFUSS, greffier.

 

Le président :

François CHAIX

 

Le greffier :

Muriel REHFUSS

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.