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Décisions | Sommaires

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C/3481/2020

ACJC/1391/2020 du 02.10.2020 sur JTPI/8266/2020 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3481/2020 ACJC/1391/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 2 octobre 2020

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2020, comparant en personne,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Magda Kulik, rue du Rhône 116, 1204 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8266/2020 du 24 juin 2020, reçu par A______ SA le 6 juillet 2020, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, considérant qu'aucune pièce produite ne valait reconnaissance de dette, a débouté la précitée de ses conclusions en mainlevée provisoire (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance fournie, mis à sa charge (ch. 2 et 3).

B. a. Par acte expédié le 28 juillet 2020 au Tribunal, transmis à la Cour le 14 août 2020, A______ SA a formé recours contre ce jugement, sollicitant implicitement son annulation. Elle a requis de la Cour la révision du jugement en sa faveur de "manière à ce qu'[elle] [puisse] continuer la poursuite".

b. Le 11 août 2020, A______ SA a fait parvenir à la Cour un complément au recours formé le 28 juillet 2020.

c. B______ n'ayant pas déposé de réponse dans le délai fixé à cet effet, ni ultérieurement, les parties ont été avisées par plis du greffe du 22 septembre 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA, sise à Genève, a pour but l'exploitation d'une agence de voyages.

b. Entre le 7 mai 2018 et le 11 juin 2019, A______ SA a adressé à B______ dix-huit factures, pour un montant total de 81'504 fr., qui ne comportent pas de signature.

Aucun autre document n'a été produit.

c. A la requête de A______ SA, l'Office cantonal des poursuites a notifié le 7 février 2020 à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 81'504 fr. Dans la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation", sont mentionnées les dix-huit factures suscitées.

Le poursuivi y a formé opposition.

d. Le 17 février 2020, A______ SA a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée (provisoire) de l'opposition formée au commandement de payer précité, pour les montants de 81'504 fr., plus intérêts moratoires à 5% dès le 11 juin 2019 et 90 fr. à titre de frais du commandement de payer.

Elle a produit les dix-huit factures citées sous let. a et la poursuite en cause.

e. A l'audience du Tribunal du 17 juin 2020, A______ SA a persisté dans ses conclusions. Elle a précisé qu'aucun versement n'avait été effectué.

B______ ne s'est pas présenté ni fait représenter.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision sur mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et art. 319 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit est motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 20 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 322 al. 2 CPC).

La procédure sommaire est applicable au contentieux de la mainlevée (art. 251 let. a CPC).

A teneur de l'art. 145 al. 2 let. b et al. 4 CPC, la suspension des délais pendant les féries ne s'applique pas à la procédure sommaire, sauf disposition contraire prévue par la LP.

Selon l'art. 56 ch. 2 LP, sauf en cas de séquestre ou de mesures conservatoires urgentes, il ne peut être procédé à aucun acte de poursuite pendant les féries, à savoir notamment du 15 juillet au 31 juillet.

La notification d'une décision accordant la mainlevée de l'opposition en procédure sommaire est un acte de poursuite au sens de l'art. 56 LP (ATF 138 III 483 consid. 3.1.1; 115 III 91, SJ 1990 p. 574 consid. 3a).

En l'espèce, le délai pour recourir est de dix jours. La recourante a reçu notification du jugement le 6 juillet 2020, de sorte que le délai a commencé à courir le 7 juillet pour venir à échéance le 17 juillet, soit durant les féries. Expédié le 28 juillet 2020, le recours est recevable. Interjeté selon la forme requise, le recours est recevable.

En revanche, l'acte expédié le 11 août 2020, destiné à compléter le recours, est tardif, et donc irrecevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2307).

1.4 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.5 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) est un "Urkundenprozess" (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100 III 48 consid. 3) et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3). La décision du juge de la mainlevée ne prive donc pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; ATF 136 III 528 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2013 du 7 octobre 2013 consid. 4.1).

2. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée provisoire eu égard aux factures produites.

2.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1, et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.2), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

Une reconnaissance de dette peut aussi résulter d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires. Cela signifie que le document signé doit clairement et directement faire référence, respectivement renvoyer, aux documents qui mentionnent le montant de la dette ou permettent de le chiffrer (parmi plusieurs : ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et 3.3;
132 III 480 consid. 4.1 et les références citées). Une référence ne peut cependant être concrète que si le contenu des documents auxquels il est renvoyé est connu du déclarant et visé par la manifestation de volonté signée (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 3.3; 132 III 480 consid. 4.3). En d'autres termes, cela signifie que le montant de la dette doit être fixé ou aisément déterminable dans les pièces auxquelles renvoie le document signé, et ce au moment de la signature de ce dernier (Stücheli, Die Rechtsöffnung, 2000, p. 191; Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n. 26 ad art. 82 LP).

Pour justifier la mainlevée de l'opposition, la créance doit être exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, c'est-à-dire lors de la notification du commandement de payer (Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 95 ad art. 82 LP).

Des factures ne valent pas reconnaissance de dette et ce, même si elles ne sont pas contestées (arrêt du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, la recourante a produit, en guise de titre de mainlevée, dix-huit factures qu'elle a adressées à l'intimé entre mai 2018 et juin 2019. Elle n'a en revanche versé aucun contrat qui la lierait à l'intimé. Les titres sont dépourvus de signature de l'intimé, de sorte qu'ils ne valent pas reconnaissance de dette. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a retenu que la recourante ne disposait d'aucun titre de mainlevée.

Le recours sera rejeté.

Il appartiendra à la recourante, si elle s'y estime fondée, de déposer une action au fond contre l'intimé.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judicaires de recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP), compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimé, qui n'a pas participé à la procédure.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 2020 par A______ SA contre le jugement JTPI/8266/2020 rendu le 24 juin 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3481/2020-8 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 750 fr., compensés avec l'avance de frais versée, acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de A______ SA.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, commise-greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La commise-greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.