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Décisions | Chambre civile

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C/9737/2016

ACJC/1274/2019 du 29.08.2019 sur JTPI/3728/2019 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9737/2016 ACJC/1274/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 29 AOÛT 2019

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, ______ (BE), appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 mars 2019, comparant par Me André Malek-Asghar, avocat, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée chemin ______, ______ (GE), intimée, comparant par Me Anne Reiser, avocate, rue De-Candolle 11, 1205 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3728/2019 du 12 mars 2019, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a ordonné à C______ SARL de prélever chaque mois 4'200 fr. sur le loyer encaissé pour le compte de A______ sur son appartement sis rue ______, ______ Genève, ainsi que 4'200 fr. sur le loyer encaissé pour le compte de A______ sur son appartement sis ruelle ______,
______ Genève et de verser chaque mois ces sommes sur le compte de B______, avec effet au 1er décembre 2018 et précisé que cette obligation s'étendrait à toute nouvelle régie gérant lesdits appartements ou, à défaut de gérance par un tiers, à tout locataire actuel ou futur de ces appartements (chiffres 1 et 2 du dispositif), ordonné à D______ LTD de retenir chaque mois 3'500 fr. sur le loyer des locaux sis rue ______, ______ Genève, dû à A______, et de verser chaque mois cette somme sur le compte de B______, avec effet au 1er décembre 2018 et précisé que cette obligation s'étendrait à tout nouveau locataire des locaux (ch. 3), ordonné à E______ de retenir chaque mois 5'500 fr. sur le loyer de l'appartement sis ______, ______ Genève, dû à A______, et de verser chaque mois cette somme sur le compte de B______, avec effet au 1er décembre 2018 et précisé que cette obligation s'étendrait à tout nouveau locataire de l'appartement (ch. 4), ordonné à F______ SA de retenir chaque mois 4'950 fr. sur le loyer des locaux sis rue ______, ______ Genève, dû à A______, et de verser chaque mois cette somme sur le compte de B______, avec effet au 1er décembre 2018 et précisé que cette obligation s'étendrait à tout nouveau locataire des locaux (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr., mis pour moitié à la charge de B______ et pour moitié à celle de A______, condamné B______ à payer 1'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les services financiers du Pouvoir judiciaire, condamné A______ à payer 1'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 6), décidé qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions, dans la mesure où elles étaient recevables (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 25 mars 2019 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement. Il a préalablement conclu à ce que la Cour accorde l'effet suspensif à son appel. Principalement, il a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.

Il a produit des pièces nouvelles.

b. B______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif formée par A______, à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Par arrêt ACJC/598/2019 du 24 avril 2019, la Cour de justice a admis la requête de A______ tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et réservé les frais à la décision au fond.

d. A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

e. B______, au bénéfice d'un délai pour dupliquer échéant le 5 juin 2019, a dupliqué le 3 juin 2019 et a produit des pièces nouvelles.

Le 5 juin 2019, elle a déposé une écriture complémentaire et des pièces nouvelles.

Elle a persisté dans ses conclusions.

f. La Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par avis du 11 juin 2019.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, née le ______ 1980, et A______, né le
______ 1965, tous deux ressortissants suisses et libanais, se sont mariés le ______ 1999 à G______ (Liban).

De cette union sont issus : H______, né le ______ 2001, I______, né le ______ 2002, et J______, né le ______ 2007.

A______ est le père de deux autres enfants, K______ et L______, nés en 2016 et en 2018 de sa compagne, M______. Ils partagent le même domicile.

b. Par jugement du Tribunal du 14 août 2015, puis arrêt de la Cour du 18 mars 2016, rendus sur mesures protectrices de l'union conjugale, A______ a été condamné à payer en mains de son épouse, B______, par mois, d'avance et avec effet au 17 décembre 2014, des contributions à l'entretien de leurs trois enfants mineurs, attribués à la garde de leur mère, pour une somme totale de 6'350 fr., ainsi que leurs frais d'écolage.

Ces contributions ont été, abstraction faite de quelques retards de paiement ponctuels, pour l'essentiel régulièrement acquittées par A______ et ne sont donc pas l'objet du présent appel.

c. Par arrêt du 4 mai 2018, la Cour, statuant dans la même procédure de mesures protectrices, a définitivement condamné A______ à payer à B______ par mois, d'avance, avec effet au 17 décembre 2014 et, au besoin, par prélèvement sur sa fortune, une contribution à son entretien de 10'000 fr. du 17 au 31 décembre 2014, puis de 21'213 fr. jusqu'au 31 décembre 2015, de 21'796 fr. jusqu'au 31 décembre 2016 et de 22'350 fr. au-delà.

A______ estime s'être régulièrement acquitté des contributions d'entretien dues à son épouse jusqu'au 9 juin 2017, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge. Cependant, il admet avoir versé seulement 10'000 fr. par mois pour l'entretien de son épouse à compter de cette date et ne remet pas en cause avoir accumulé un arriéré de contributions de l'ordre 525'000 fr. au 31 octobre 2018.

d. A______ a fait l'objet en 2016 et 2017 de deux plaintes pénales déposées par B______ pour violation de ses obligations d'entretien
(art. 217 CP), actuellement toujours en cours d'instruction.

Il a également fait l'objet de séquestres civils et pénaux sur certains de ses comptes bancaires et de ses immeubles, requis et obtenus par B______ pour le recouvrement de ses arriérés de contributions d'entretien.

Le Ministère public a donné son accord pour libérer certains montants sur les comptes séquestrés permettant à A______ de payer les contributions d'entretien qu'il doit à B______, ainsi qu'à leurs enfants communs. Cependant, aucun ordre de transfert n'a été donné par A______ à la banque.

Dans le cadre de la procédure pénale, B______ a obtenu des documents de N______ SA, concernant la relation de A______ avec cette banque. Les éléments pertinents suivants ressortent des entretiens de celui-ci avec les employés de la banque :

- Le 19 septembre 2019, la banque a résumé un entretien du jour précédent avec A______ de la façon suivante : "Son divorce se passe mal, il pense retarder au maximum le paiement des différents montants qui lui seront demandés par son ex-épouse. [...] Il nous dit ne plus pouvoir payer ses échéances hypothécaires dans les délais, étant "pris à la gorge" par ses charges. Il nous révélera un peu plus tard disposer de confortables liquidités qu'il ne souhaite pas toucher afin de conserver son train de vie. Ces liquidités n'apparaissent pas dans la déclaration fiscale remise dernièrement. Proposition faite de demander à sa mère de lui restituer les intérêts de Fr. 179'000.- qu'il lui a versés dernièrement [...] Au surplus, les importants excédents de revenus locatifs doivent lui permettre de faire face aux échéances hypothécaires sans difficultés. [...] Il poursuit ses achats d'immeuble, mobilisant ainsi son cash disponible. Je lui ai proposé de stopper temporairement ces acquisitions en attendant que son divorce soit prononcé. Il ne semble pas disposé à suivre ce conseil."

- Le 12 novembre 2018 : la banque a informé A______ qu'elle avait reçu 22'000 fr. pour des loyers dus à ce dernier par un locataire à G_____.

e. A______ est l'animateur de la société F______ SA, inscrite au Registre du commerce du canton de Berne et dont le siège est désormais au domicile du prénommé. Celui-ci en est l'actionnaire, l'employé et le bailleur à loyer. Jusqu'à récemment, il en était l'administrateur-président avec signature individuelle.

A______ conteste en être l'actionnaire unique, mais il n'a apporté aucune pièce à cet égard.

Il perçoit de la société un loyer mensuel de 5'000 fr., ainsi qu'un salaire mensuel net qu'il a réduit de 10'000 fr. à 5'000 fr. et, depuis le 1er novembre 2018, à 3'000 fr. selon ses dires. Il produit à l'appui de cet allégué un courrier du
27 novembre 2018 signé par un administrateur de la société, selon lequel A______ serait désormais employé à temps partiel, en raison de sa récente paternité.

En sus de son salaire, il a prélevé, sur les comptes de sa société, durant le premier semestre 2018, 100'000 fr. et 114'321 fr. 60 au titre de prétendus remboursements de prêts d'actionnaire. Il n'a produit aucune pièce tendant à prouver l'existence d'un tel prêt.

f. A______ dispose d'une importante fortune mobilière et immobilière, qui s'élevait à quelque 27'000'000 fr. bruts en 2013, ce qu'il ne conteste pas. Il allègue des dettes hypothécaires en quelque 23'000'000 fr. Des biens immobiliers qu'il possède en Suisse et à l'étranger, il admet percevoir les revenus locatifs suivants :

- 4'286 fr. 85 par mois de la part de C______ SARL, régie immobilière gérant actuellement et encaissant les loyers de son appartement sis rue ______, ______ Genève;

- 4'255 fr. 10 par mois de la même société, qui gère et encaisse les loyers de son appartement si ______, ______ Genève;

- 3'600 fr. par mois de D______ LTD, actuelle locataire des locaux sis rue ______, ______ Genève;

- 5'680 USD par mois de E______, actuel locataire de son appartement sis ______, ______ Genève.

Il ressort de sa déclaration fiscale 2017 qu'il est propriétaire, voire usufruitier, en sus des immeubles précités et de la villa conjugale, des biens suivants : _____ / _____ [BE] (valeur locative annuelle : 13'850 fr.), _____ / _____ [BE] Chalet (valeur locative annuelle : 18'070 fr.), terrain ______ à Genève (valeur officielle : 6'204'283 fr.; les enfants de A______ et B______ en sont nus-propriétaires, A______ demeurant usufruitier), chemin ______, Genève (valeur officielle : 870'000 fr.), Rue ______ Genève (valeur officielle :
400'000 fr.; les enfants de A______ et M______ en sont désormais propriétaires), rue ______, Genève (revenu locatif annuel : 100'000 fr.; les enfants de A______ et B______ en sont nus-propriétaires, A______ demeurant usufruitier), rue ______, Genève (revenu locatif annuel : 15'400 fr.), avenue ______, Genève (valeur officielle : 500'000 fr.), terrain à ______ (valeur officielle : 50'910 fr.), chemin ______, ______ (valeur officielle : 3'450'000 fr.), place ______, ______ (GE) (rendement locatif : 300'000 fr.) et divers biens immobiliers au Liban (valeur officielle : 2'000'000 fr.).

Il en découle que A______ perçoit des loyers, selon la même déclaration fiscale, hors loyers objets de l'avis aux débiteurs, pour 415'400 fr. annuellement. Les intérêts hypothécaires payés selon la déclaration fiscale 2017 s'élèvent à quelque 243'000 fr. Des montants similaires ressortaient déjà de la déclaration d'impôts 2013 de A______.

A______ soutient que la valeur de ses passifs est supérieure à ses actifs, se limitant à des affirmations à ce sujet qui ne se réfèrent à aucune pièce probante.

g. Lors du premier semestre 2018, A______, au moyen de sa fortune mobilière, a effectué plusieurs transactions sur devises ou métaux précieux, dont les gains, crédités sur son compte courant N______, se sont élevés à un total de 70'824 fr.

h. Depuis 2018, F______ SA verse un salaire de 5'000 fr. par mois à M______, qui en est devenue l'administrateur-président en mars 2019. A______ soutient que le contrat de travail aurait été résilié en 2017 déjà.

i. Le Tribunal a arrêté le minimum vital de A______, comprenant la moitié de celui des enfants K______ et L______, à l'exclusion de celui de sa compagne, tenue d'assumer ses propres charges et la moitié des charges des enfants et du ménage, à 1'795 fr. par mois, soit sa part des intérêts hypothécaires et charges du logement de _____ [BE] (285 fr.), l'assurance-maladie pour lui-même et la moitié de celle des enfants (390 fr. + 100 fr.), transports (70 fr.), montant de base LP (850 fr.) et la moitié du montant de base LP des enfants sous déduction de la moitié des allocations familiales (100 fr.).

Aucun montant à titre d'impôt n'a été retenu, A______ n'alléguant pas qu'il en paierait.

j. Par requête de mesures provisionnelles du 22 novembre 2018, déposée dans le cadre de la procédure de divorce des parties initiée le 11 mai 2016, B______ a sollicité le prononcé d'un avis aux débiteurs de A______, soit F______ SA, C______ SARL, D______ LTD et E______, afin qu'ils versent chaque mois des sommes prélevées sur celles dues à A______, à concurrence du montant de 28'700 fr. par mois dû pour l'intégralité de l'entretien de la famille.

k. A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement à son rejet.

l. Le Tribunal n'a pas indiqué à quelle date il avait gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la requête d'avis aux débiteurs, en ce qu'elle concernait les contributions d'entretien dues aux enfants, était mal fondée, car celles-ci avaient été régulièrement versées. Par contre, au vu des retards importants pris dans le paiement de la contribution d'entretien due à l'épouse, la requête d'avis aux débiteurs était bien fondée. Dès lors que le prélèvement des loyers de cinq biens immobiliers loués par A______ permettait de couvrir la contribution d'entretien due à B______, il était donc ordonné aux débiteurs de verser ces montants en mains de celle-ci. La saisie du salaire de A______ n'était pas nécessaire. Ce salaire permettait à lui seul de couvrir le minimum vital de l'intéressé, sans tenir compte des prélèvements opérés dans les fonds de sa société et des revenus réalisés suite à des transactions mobilières.

EN DROIT

1. 1.1 La décision d'avis aux débiteurs des art. 132 al. 1 CC, 177 CC ou 291 CC constitue une mesure d'exécution privilégiée sui generis, qui se trouve en lien étroit avec le droit civil (ATF 130 III 489 consid. 1.2). Elle est de nature pécuniaire puisqu'elle a pour objet des intérêts financiers. Par ailleurs, le jugement portant sur un avis aux débiteurs est en principe une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC (ATF 137 III 193 consid. 1; 134 III 667 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_474/2015 du 29 septembre 2015 consid. 1.1).

Cette décision n'émanant pas du tribunal de l'exécution, mais du juge civil, la voie de l'appel est ouverte (art. 308 al. 1 let. b et 309 al. 1 CPC a contrario).

1.2 De même que les autres mesures protectrices de l'union conjugale selon les art. 172 ss CC, l'avis aux débiteurs de l'art. 177 CC est une mesure provisionnelle (ATF 137 III 193 consid. 1.2).

La mesure d'avis aux débiteurs est soumise à la procédure sommaire (art. 271
let. a CPC). Par ailleurs, la maxime inquisitoire est applicable (art. 272 CPC). La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 1.5).

En l'occurrence, la présente cause ne porte pas sur les contributions d'entretien des enfants, régulièrement payées, ainsi que l'a constaté le Tribunal, ce qui n'est plus remis en cause en appel. Seul est litigieux l'avis au débiteur relatif à la contribution d'entretien de l'épouse; la maxime inquisitoire illimitée n'est donc pas applicable.

1.3 Interjeté dans le délai de dix jours (art. 271 let. a CPC et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), dans le cadre d'une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.
(art. 92 al. 1 et 2 et 308 al. 2 CPC), l'appelant ayant attaqué chacune des motivations subsidiaires avancées par le premier juge, l'appel est recevable.

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard
(let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 Les pièces produites par l'appelant à l'appui de l'appel sont recevables, car établies postérieurement à la dernière écriture de celui-ci en première instance et compte tenu du fait que le Tribunal n'a pas expressément indiqué à quel moment il avait gardé la cause à juger. Toutefois, la résiliation du contrat de travail de la compagne de l'appelant qui date de 2017 et aurait pu être produite plus tôt n'est pas recevable, dans la mesure où il incombait à l'appelant de produire antérieurement toute pièce permettant d'établir sa situation financière.

S'agissant des pièces produites par l'intimée à l'appui de sa réponse, elles sont toutes recevables, l'extrait du Registre du commerce produit sous pièce n° 24 constituant un fait notoire qui ne doit être ni allégué, ni prouvé. Il n'est pas contesté que la déclaration fiscale 2017 de l'appelant n'était pas disponible antérieurement pour l'intimée.

Il en va de même des pièces produites ultérieurement par l'intimée, toutes recevables, car postérieures, ou portées à la connaissance de l'intimée postérieurement à la date du dernier échange d'écritures devant le Tribunal.

3. L'appelant remet en cause la recevabilité de la requête d'avis aux débiteurs de l'intimée.

3.1 Aux termes de l'art. 177 CC, lorsqu'un époux ne satisfait pas à son devoir d'entretien, le juge peut prescrire aux débiteurs de cet époux d'opérer tout ou partie de leurs paiements entre les mains de son conjoint.

L'avis aux débiteurs prévus à l'art. 177 CC, pour l'exécution d'obligations résultant d'une décision sur mesures protectrices, voire d'une décision rendue sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure de divorce (par le renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC) se distingue de l'avis aux débiteurs prévu à l'art. 132 al. 1 CC (exécution des obligations d'entretien fixées au moment du divorce) et à
l'art. 291 CC (exécution des obligations d'entretien du parent non gardien en faveur des enfants; sur ces distinctions voir Pellaton, Droit matrimonial, 2016, n. 9 et suivante ad art. 177 CC).

Les auteurs se sont penchés sur la question d'une coordination d'une requête d'avis au débiteur formée à la fois pour des contributions d'entretien dues à l'époux et pour celles dues aux enfants. Ainsi, il a été considéré "indispensable" que l'enfant dépose une requête spécifique, la sienne ne pouvant être combinée avec celle du parent qui était aussi époux crédirentier, ces auteurs soulignant toutefois que l'application combinée des art. 177 et 291 CC ne posait pas de problèmes en présence d'un parent vivant dans le même ménage que les enfants (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, 3ème éd. 2017,
n. 649 b). Un auteur souligne que c'est seulement dans le cas d'une contribution globale fixée pour l'entretien de la famille (sans différenciation des contributions propres dues à l'époux et aux enfants) qu'une application simultanée des art. 177 et 291 CC pouvait être problématique, l'avis de l'époux pouvant éventuellement englober celui des enfants (Pellaton, op. cit., n. 11 ad art. 177 CPC). Si les montants des contributions sont individualisés, les créances d'entretien des enfants doivent être exécutées par un avis aux débiteurs conformément à l'art. 291 CC (Ibid., n. 12 ad art. 177 CC). La jonction des procédures permet de régler les problèmes de coordination entre les art. 177 et 291 CC (Ibid., n. 13 ad
art. 177 CC).

3.2 En l'espèce, se fondant essentiellement sur les avis des auteurs qui viennent d'être rappelés, l'appelant estime que la requête de l'intimée est irrecevable, car elle tendait, initialement, au prononcé d'un avis aux débiteurs tant pour la contribution d'entretien due à elle-même que pour celle due aux enfants. Selon l'appelant, il aurait fallu déposer deux demandes séparées.

Certes, il semble que certains auteurs aient recommandé que les requêtes d'avis aux débiteurs fondées sur l'art. 177 CC et celles fondées sur l'art. 291 CC fassent l'objet de demandes séparées. Cela étant, à la lecture de ces auteurs, l'on ne discerne pas réellement pourquoi une telle manière de procéder devrait être exigée - sous peine d'irrecevabilité - d'une mère, détentrice de la garde des enfants, qui souhaite obtenir un avis aux débiteurs pour elle-même et pour les enfants, ceux-ci étant représentés par le mécanisme de la Prozessstandschaft. L'appelant n'explique pas quel intérêt protégerait une si grande rigueur procédurale. D'ailleurs, l'un de ces auteurs recommande lui-même, dans un cas comme la présente espèce, une jonction des procédures, ce qui démontre l'absence de justification au dépôt de deux demandes distinctes, puisqu'il faudrait in fine les joindre.

Au stade du présent appel, une décision d'irrecevabilité serait d'autant moins justifiée que seul est désormais litigieux l'avis aux débiteurs prononcé pour les contributions d'entretien dues à l'intimée, le premier juge ayant constaté que celles des enfants avaient été payées régulièrement.

Ainsi, les griefs de l'appelant sur la question de la recevabilité de la requête de l'intimée seront rejetés.

4. L'appelant reproche ensuite au premier juge d'avoir mal établi les faits et d'avoir retenu à tort que les conditions d'un avis aux débiteurs étaient réunies.

4.1
4.1.1
L'avis aux débiteurs constitue une mesure particulièrement incisive, de sorte qu'il suppose un défaut caractérisé de paiement: une omission ponctuelle ou un retard isolé de paiement sont insuffisants. Pour justifier la mesure, il faut donc disposer d'éléments permettant de retenir de manière univoque qu'à l'avenir, le débiteur ne s'acquittera pas de son obligation, ou du moins qu'irrégulièrement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_958/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3.2.1; 5A_236/2011 du 20 octobre 2011 consid. 5.3; 5P.427/2003 du 12 décembre 2003 consid. 2.2 publié in : FamPra.ch 2004 372 et la référence).

A l'appui de sa requête, le créancier d'entretien doit démontrer être au bénéfice d'un titre exécutoire; par ailleurs, le minimum vital du débirentier doit, en principe, être respecté (ATF 110 II 9 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_958/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3.2.1).

Selon la jurisprudence de la Cour, l'institution de l'avis aux débiteurs doit uniquement servir à assurer l'encaissement des contributions alimentaires courantes et futures, à l'exclusion de la récupération d'arriérés résultant d'un retard pris par le créancier à saisir le juge. Les pensions courantes se définissent comme celles concernant l'entretien depuis la date du dépôt de la requête ou de conclusions fondées sur l'art. 177 CC (ACJC/3390/2003 du 28 mars 2003
consid. 3.5 et ACJC/59/2004 du 16 janvier 2004 consid. 2). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 5P.75/2004 du
26 mai 2004 consid. 3).

4.1.2 L'avis ne peut être prononcé que pour le montant disponible qui dépasse le minimum vital - donc pas forcément pour toute la contribution fixée - laquelle n'en reste pas moins due tant que le jugement qui la fixe n'est pas modifié. Toutefois, si la mesure est requise par ou au nom d'un créancier d'aliments qui, sans la contribution, ne couvre pas ses propres besoins vitaux, l'avis peut porter une atteinte - proportionnelle - au minimum vital du débiteur d'aliments (Bastons Bulletti, Commentaire romand CC I, 2010, n. 9 ad art. 291 CC et les références citées).

Pour calculer le minimum vital du débirentier d'aliments, le juge doit s'inspirer des normes d'insaisissabilité que l'Office des poursuites doit respecter dans le cadre de la saisie (ATF 110 II 9 consid. 4b; Bastons Bulletti, op. cit., n. 9 ad
art. 291 CC). Ainsi, les rapports de concubinage doivent être traités de la même manière que les rapports familiaux dans le mariage (ATF 130 III 765 consid. 2.2). La personne vivant en concubinage avec le débiteur est soumise à l'obligation de contribuer, dès que l'on peut exiger d'elle une activité rémunérée (ATF 106 III 11 consid. 3d).

Les contributions d'entretien dues et effectivement payées par le débiteur entrent dans son minimum vital (ATF 111 III 13).

Les normes d'insaisissabilité pour l'année 2019 (E 3 60.04) prévoient que s'ajoutent au montant de base mensuel (1'200 fr. pour un débiteur vivant seul), le loyer, les frais de chauffage et charges accessoires, les cotisations sociales, les dépenses indispensables à l'exercice d'une profession (notamment les dépenses pour les repas pris hors du domicile) et les frais de véhicule, dans la mesure où celui-ci a la qualité d'objet de stricte nécessité. Selon le chiffre III desdites normes, les impôts ne doivent pas être pris en compte pour le calcul du minimum vital.

4.1.3 Le juge saisi de l'avis aux débiteurs ne doit pas réexaminer le montant de la créance d'entretien fixé par un titre exécutoire, ce réexamen relevant d'une action en modification du jugement qui fixe la contribution (Bastons Bulletti, op. cit., n. 4 ad art. 291 CC).

4.2
4.2.1
S'agissant du paiement régulier des contributions d'entretien dues à l'intimée, l'appelant reconnaît lui-même n'avoir pas respecté cette obligation, au moins depuis juin 2017. Il ressort en outre de ses propres déclarations qu'il n'a pas l'intention de se conformer à ses obligations pour le futur, puisqu'il a soutenu, à plusieurs reprises, que la contribution due est excessive et injustifiée. En outre, il ressort de ses discussions avec sa banque qu'il n'entend pas respecter ses engagements financiers à l'égard de l'intimée.

Ainsi, le premier juge a à bon droit retenu que le paiement de la contribution d'entretien était compromis pour le futur.

4.2.2 L'appelant reproche au premier juge d'avoir mal apprécié ses revenus et sa fortune.

L'argument selon lequel le séquestre pénal prononcé sur les comptes de l'appelant l'empêcherait de verser les contributions d'entretien litigieuses n'est pas fondé, dans la mesure où le Ministère public a autorisé de tels versements, que l'appelant a refusé d'ordonner.

S'agissant de l'activité professionnelle de M______, la compagne de l'appelant, celui-ci soutient qu'elle aurait été licenciée de la société F______ SA en 2017. Or, elle a été nommée présidente du conseil d'administration de cette société en 2019 et elle percevait précédemment un salaire mensuel de 5'000 fr. de cette société. De surcroît, l'appelant n'allègue aucune circonstance justifiant d'une éventuelle incapacité de travail ou à trouver un emploi de sa compagne, de sorte qu'il peut être retenu, à l'instar de la décision entreprise, qu'elle est vraisemblablement en mesure de couvrir ses propres charges et la moitié de celles de ses enfants.

Ensuite, en lien avec F______ SA, l'appelant affirme qu'il ne serait pas actionnaire unique de cette société. Il n'en demeure pas moins qu'il paraît la contrôler, car il en est l'actionnaire, qu'il en a été l'administrateur-président, que sa compagne occupe désormais ce poste, que la société a son siège chez lui, et que la réduction de son salaire à 3'000 fr. en lieu et place des montants plus élevés perçus précédemment dépend vraisemblablement de sa seule initiative. L'appelant ne se réfère à aucune pièce comptable qui démontrerait que les résultats financiers de la société se sont péjorés et justifient donc objectivement une réduction de son salaire. Sa décision unilatérale de réduire son taux de travail ne peut pas entrer en considération, puisqu'elle dépend de sa seule volonté et qu'il supporte l'obligation d'épuiser sa capacité de gain. Quoi qu'il en soit, ainsi que l'a retenu le Tribunal, l'appelant a perçu de sa société des sommes importantes (100'000 fr. et 114'321 fr. 60) en 2018. Rien n'indique qu'il ne pourrait pas procéder ainsi régulièrement pour assurer son train de vie. L'appelant soutient qu'il s'agit d'un prêt, mais ne fournit aucune preuve rendant ses affirmations vraisemblables. Il lui incombait d'apporter des éléments concrets, voire de se référer à des pièces, ce qu'il ne fait pas, de sorte que sa critique est en grande partie irrecevable. Il en découle qu'il peut être retenu qu'il s'agit d'une rémunération dissimulée.

Les constatations qui précèdent sont corroborées par les éléments ressortant des documents obtenus par l'intimée auprès de N______ SA et sur lesquels l'appelant s'est abstenu de se prononcer. Il en ressort que ce dernier est volontairement réticent à payer son dû à l'intimée et qu'il dispose de réserves de liquidités dissimulées. Dans la mesure où la banque a cherché à freiner les acquisitions immobilières que l'appelant opère "pour mobiliser son cash disponible", cela démontre encore que l'appelant, contrairement à ses affirmations non étayées, dispose de revenus en liquide qu'il est libre d'affecter au but qu'il souhaite.

En outre, l'appelant dispose d'importants revenus locatifs, soit un montant net de plus de 170'000 fr. par an, à quoi doivent s'ajouter des montants pour des locations au Liban qui ne peuvent être chiffrés précisément. Ces montants constituent des revenus réguliers qu'il faut prendre en compte, ce d'autant plus que les investissements de l'appelant tendent à se concentrer sur des biens immobiliers. Dans ce cadre, les amortissements versés n'ont pas à être pris en compte pour évaluer le minimum vital. De toute manière, la banque a retenu que les "importants excédents de loyer" de l'appelant permettaient de couvrir ses obligations hypothécaires, de sorte qu'un danger de réalisation forcée des immeubles n'est pas rendu vraisemblable.

Enfin, en général, A______ ne produit que des pièces partielles, en retenant manifestement des informations qui permettraient d'éclaircir davantage sa situation financière, de sorte que, violant ses obligations découlant de son devoir de collaboration à la procédure (art. 160 al. 1 let. b CPC), il doit en subir les conséquences.

Il s'ensuit que les ressources annuelles régulières de l'appelant peuvent être évaluées, au minimum, soit sans tenir compte des loyers objet de l'avis au débiteur et des revenus supplémentaires qu'il pourrait réaliser en travaillant à temps plein, à quelque 420'000 fr. (36'000 fr. [salaire] + 214'000 fr. [prélèvement sur les comptes de sa société] + 170'000 fr. [loyers]), soit quelque 35'000 fr. par mois.

4.2.3 Le premier juge a arrêté le minimum vital de l'appelant, y compris sa part dans l'entretien de ses enfants nés de sa relation avec M______, à 1'795 fr. par mois.

L'appelant conteste ce montant.

Il ne semble pas nécessaire d'examiner plus avant les griefs de l'appelant dans la mesure où, dans ses calculs de son propre minimum vital, en intégrant 10'000 fr. à titre de contribution d'entretien de l'intimée, il parvient à un montant total mensuel de quelque 23'800 fr. Il en découle que, en soustrayant la somme susmentionnée de 10'000 fr., son minimum vital s'élève à 13'800 fr., selon ses propres calculs et y compris la contribution d'entretien due aux enfants nés du mariage.

Il s'ensuit qu'il est en mesure de couvrir largement ces montants avec les revenus dont il a été rendu vraisemblable qu'il dispose conformément à ce qui précède.

Il ne saurait donc être question d'une disproportion entre son train de vie et celui de l'intimée. Les contributions dues à celle-ci ne peuvent d'ailleurs être revues dans le cadre de la présente procédure.

4.3 Par conséquent, la décision entreprise sera entièrement confirmée.

5. 5.1 Les frais de la procédure seront arrêtés à 5'000 fr., compte tenu de l'ampleur de la valeur litigieuse et de la complexité de la cause (art. 31 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelant au vu de l'issue du litige et de la nature familiale de celui-ci (art. 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC) et partiellement compensés avec l'avance versée en 3'950 fr., qui demeurera acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), l'appelant étant condamné à verser le solde à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

5.2 Au vu de la nature et de l'issue du litige, chaque partie supportera ses dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/3728/2019 rendu le 12 mars 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9737/2016-1.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance en 3'950 fr. versée par celui-ci qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'050 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.