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Décisions | Sommaires

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C/25264/2016

ACJC/1198/2019 du 08.08.2019 sur JTPI/512/2019 ( SFC ) , JUGE

Normes : CC.566; CC.573; LaCC.3.al1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25264/2016 ACJC/1198/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 8 AOÛT 2019

 

Monsieur A______, domicilié route ______, ______ (GE), recourant et intimé d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 janvier 2019, comparant en personne,

Et

1) Monsieur B______, domicilié rue ______, ______ (BE), intimé et recourant au susdit jugement, comparant en personne,

2) Monsieur C______ et le mineur D______, domiciliés chemin ______, ______ (GE), autres intimés, comparant en personne,

3) Madame E______, domiciliée rue ______, ______ (GE), autre intimée, comparant en personne.

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés, ainsi qu'à la Justice de paix, à l'Office des faillites, à l'Office des poursuites, au Registre du commerce et au Registre foncier le 27.08.2019.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/512/2019 du 14 janvier 2019. expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance, considérant qu'aucun des héritiers de la défunte n'avait allégué ni démontré avoir appris le décès de celle-ci à une date ultérieure à septembre 2017, a rejeté les conclusions de la Justice de paix visant l'ouverture de la liquidation selon les règles de la faillite de la succession de feu F______, décédée le _____ 2016.

B.            Par actes respectifs du 24 janvier 2019, A______ et G______ ont formé recours contre la décision précitée. Ils ont conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à ce que soit constaté que leur déclaration de répudiation était valable et donnée dans le respect du délai légal, à ce qu'il soit donné droit à l'avis de la Justice de paix du 10 octobre 2018, et à ce que soit ordonnée la liquidation par l'Office des faillites de la succession de feu F______, frais à charge de l'Etat de Genève.

Ils ont produit des pièces nouvelles et formé des allégués nouveaux.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. F______, née le ______ 1917 à ______ (Etats-Unis d'Amérique), est décédée le ______ 2016 à H______ (GE), laissant pour héritiers légaux sa nièce I______, et ses petits-neveux C______, D______, A______ et G______.

b. La Justice de paix a enregistré les déclarations de répudiation de la succession de F______ le 4 septembre 2017 de la part de I______, le 16 février 2018 de la part de C______ et D______, et le 10 octobre 2018 de la part de A______ et G______.

c. Le 15 octobre 2018, le Juge de paix a avisé le Tribunal des répudiations susmentionnées et conclu à ce que celui-ci ordonne la liquidation par l'Office des faillites de la succession répudiée.

d. Par ordonnance du 12 novembre 2018, le Tribunal, considérant que se posait la question de la validité des déclarations de répudiation susmentionnées, a imparti aux héritiers précités un délai pour se déterminer sur l'avis transmis le 10 octobre 2018 par le Juge de paix, et produire tous documents utiles.

Aucun des auteurs des déclarations de répudiation n'a fait parvenir de détermination au Tribunal.

Sur quoi, le Tribunal a rendu la décision attaquée.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est irrecevable contre les décisions pour lesquelles le tribunal de la faillite est compétent selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC).

En l'occurrence, la décision attaquée a été rendue par le juge de la faillite, en application de l'art. 193 LP, de sorte que le recours au sens de l'art. 319 CPC est ouvert.

1.2 Le recours doit être écrit et motivé (art. 321 al. 1 CPC). La procédure sommaire s'appliquant à la juridiction gracieuse (art. 248 let. e CPC), dont relève la répudiation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_594/2009 du 20 avril 2010 consid. 1.1), le délai de recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

En l'espèce, les deux recours ont été formés dans le délai et selon la forme prescrits, de sorte qu'ils sont recevables.

Ils seront traités conjointement dans la présente décision (cf. art. 125 CPC).

2. Les recourants allèguent des faits nouveaux et produisent une pièce nouvelle.

2.1 Les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux lorsqu'ils se sont produits avant le jugement de première instance (art. 194 al. 1 et 174 al. 1 LP).

2.2 Les allégations et la pièce nouvelles des recourants sont partant recevables.

3. Les recourants reprochent au Tribunal de ne pas avoir fait application de la maxime inquisitoire, en vue de les interpeller pour recueillir leurs déterminations sur la validité de leur répudiation.

3.1 Les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession. Ils sont tenus personnellement de ses dettes (art. 560 CC). Les héritiers ont la faculté de répudier la succession (art. 566 CC) dans le délai de trois mois. Le délai court, pour les héritiers légaux, dès le jour où ils ont connaissance du décès, à moins qu'ils ne prouvent n'avoir connu que plus tard leur qualité d'héritiers (art. 567 CC). Les héritiers qui ne répudient pas dans le délai fixé acquièrent la succession purement et simplement (art. 571 CC). Est déchu de la faculté de répudier l'héritier qui, avant l'expiration du délai, s'immisce dans les affaires de la succession (art. 571 al. 2 CC).

L'autorité compétente peut, pour de justes motifs, accorder une prolongation du délai pour répudier ou fixer un nouveau délai aux héritiers légaux et institués (art. 576 CC).

La succession répudiée par tous les héritiers légaux du rang le plus proche est liquidée par l'Office des faillites (art. 573 CC).

3.2 L'autorité compétente informe le juge de la faillite de ce que tous les héritiers ont expressément répudié la succession ou que celle-ci est présumée répudiée (art. 566 et ss et 573 CC). Dans ces cas, le juge ordonne la liquidation selon les règles de la faillite (art. 193 al. 1 ch. 1 et al. 2 LP).

A Genève, selon l'article 3 al. 1 let. g de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC - E 1 05), le juge de paix reçoit les déclarations de répudiation et intervient pour les mesures consécutives à la répudiation (art. 570 et 574 à 576 CC).

3.3 La Cour considère qu'il n'appartient pas au juge de la faillite de statuer préjudiciellement sur la validité ou l'invalidité d'une répudiation, quel qu'en soit le motif (immixtion ou tardiveté), même si celle-ci est manifeste, cette compétence relevant exclusivement du juge civil ordinaire. Cette solution ne prétérite pas les créanciers de la succession, puisque si certains entendent se prévaloir d'une déchéance du droit de répudier et s'en prendre au patrimoine des héritiers répudiants, la voie civile ordinaire leur sera ouverte (ACJC/1040/2019 du 14 juin 2019 et les références citées).

3.4 En l'occurrence, le premier juge a tranché à tort la question préjudicielle de la validité des déclarations de répudiation, qui ne relevait pas de sa compétence.

Même s'il fallait admettre la compétence du juge pour juger de l'invalidité des répudiations qui lui sont soumises lorsque celle-ci est manifeste (cf. STEINAUER, Le droit des successions, 2ème éd. 2015 n. 976a), la décision querellée devrait tout de même être annulée.

En effet, le seul fait que la répudiation soit intervenue plus de trois mois après le décès ne suffit pas à considérer, en l'absence de tout autre élément, que l'héritier serait déchu de son droit. En effet, le point de départ du délai est la connaissance du décès et non le décès lui-même. De plus, l'héritier peut cas échéant solliciter une prolongation de ce délai. Ainsi, quand bien même les héritiers interpellés par le premier juge ne se sont pas déterminés, il ne pouvait pas être déduit, en l'absence de tout autre élément, qu'il était manifeste que les répudiations étaient tardives. D'ailleurs, au vu des allégations nouvelles des recourants, une telle conclusion n'est pas manifeste.

Les recours sont ainsi fondés, quoi qu'il en soit de la position des héritiers qui n'ont pas recouru, de sorte que le jugement attaqué sera annulé et la faillite prononcée.

4. Les recourants obtenant gain de cause, les frais de recours, arrêtés à 150 fr. par recours, seront laissés à la charge de l'Etat (art. 106 al. 1 CPC). L'avance fournie par les recourants leur sera restituée. Il ne sera pas alloué de dépens, les recourants n'en ayant pas sollicité l'octroi.

* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par B______ et A______ contre le jugement JTPI/512/2019 rendu le 14 janvier 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25264/2016-22 SFC.

Au fond :

Annule ce jugement, et statuant à nouveau :

Ordonne la liquidation par l'Office des faillites de la succession répudiée de F______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1917 à ______ (Etats-Unis d'Amérique), originaire de ______ (BE), en son vivant domiciliée rue ______ à H______ (Genève), décédée le ______ 2016 à H______ (GE).

Déboute B______ et A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des recours à 150 fr. par recours et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à B______ 150 fr. et à A______ 150 fr.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.