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Décisions | Chambre civile

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C/29140/2010

ACJC/1169/2015 du 24.09.2015 sur JTPI/2024/2015 ( OO )

Descripteurs : DROIT DES POURSUITES ET FAILLITES; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE
Normes : LP.207; LDIP.170
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29140/2010 ACJC/1169/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 24 SEPTEMBRE 2015

 

Entre

A______, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 février 2015, comparant par
Me Vincent Jeanneret, avocat, 15bis, rue des Alpes, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

1. B______, en liquidation, sise ______,

2. C______, sise ______,

3. D______, sise ______,

cessionnaires (au sens de l'art. 260 LP) de E______, en faillite, intimées, comparant par Me Christophe Emonet, avocat, 13, cours de Rive, 1204 Genève, en l'étude duquel elles font élection de domicile aux fins des présentes,

4. F______, sise ______, mais déclarée en faillite par le Tribunal de Commerce d'Anvers, Belgique le ______ 2010, représentée par Me Annemie Moens, curatrice, 177-179 Prins Boudewijnlaan, 26 Wilrijk, Belgique, comparant en personne,

5. Masse en faillite ancillaire de B______, en liquidation, représentée par l'Office des Faillites, 54, route de Chêne, case postale 115, 1211 Genève 17, intervenante, comparant par ______, chargé de faillite.

Vu, EN FAIT, l'action révocatoire formée le 17 décembre 2010 devant le Tribunal de première instance par la masse en faillite de E______, société de droit suisse sise à Genève, représentée par l'Office des faillites, dirigée contre A______ et F______, sociétés de droit belge;

Attendu que la masse en faillite de E______ a cédé, le 3 février 2011, ses prétentions révocatoires contre A______ et F______ à B______, C______ et D______, sociétés de droit israélien;

Que B______, C______ et D______ participent ainsi à la procédure, alors que la masse en faillite de E______ a été écartée de celle-ci, compte tenu de la cession précitée;

Que le litige se rapporte à la vente de diamants par B______ à E______, acquis précédemment par B______ au moyen de crédits accordés par C______ et D______, qui disposent d'un droit de gage général ("floating charge") de B______ en leur faveur;

Que par jugement du 17 décembre 2012, le Tribunal de première instance a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse le jugement israélien prononçant la liquidation et la liquidation judiciaire de B______ et a prononcé l'ouverture d'une procédure de faillite ancillaire;

Que ce jugement a été confirmé, en dernier lieu par le Tribunal fédéral par arrêt du 8 novembre 2013;

Que par ordonnance du 5 juillet 2013, la qualité de B______ a été modifiée en "B______ sous Receivership agissant par son Receiver Me ______";

Que A______ a soulevé différents incidents relatifs à la qualité pour agir de B______, à sa propre légitimation passive, à la compétence à raison du lieu des tribunaux genevois, à l'autorité de la chose jugée et a sollicité la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans l'action pendante devant la Cour d'appel d'Anvers (Belgique);

Que, par jugement JTPI/2024/2015 du 16 février 2015, notifié le 26 février 2015, le Tribunal a, préalablement, ordonné la substitution de "B______ sous Receivership agissant par son Receiver Me ______" par la "Masse en faillite ancillaire de B______ en liquidation", en qualité de partie au procès et, principalement, rejeté les incidents soulevés par A______;

Que le Tribunal a, notamment, relevé que la faillite de B______ et la désignation de ______ comme liquidateur judiciaire avaient été reconnues et déclarées exécutoires en Suisse le 17 décembre 2012 par le Tribunal, qui avait en outre ordonné l'ouverture de la faillite ancillaire de B______ en liquidation; le Tribunal fédéral avait confirmé ce jugement le 8 novembre 2013;

Vu l'appel déposé à la Cour de justice le 13 avril 2015 par A______ contre le jugement du 16 février 2015, dont elle demande l'annulation, concluant, principalement, à ce que les chiffres 2 et 3 de l'état de faits soient rectifiés, qu'il soit dit que B______, en liquidation n'a pas la qualité pour agir, que les conclusions 5 à 10 de la masse en faillite de E______ soient déclarées irrecevables, que le jugement du Tribunal de commerce de l'arrondissement d'Anvers du 24 juin 2011 à l'encontre de la masse en faillite de E______ soit reconnu et déclaré exécutoire, que l'action révocatoire soit déclarée irrecevable en tant qu'elle vise la révocation de la convention tripartite en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement anversois et, subsidiairement, que la présente procédure soit suspendue jusqu'à droit jugé dans la procédure d'appel pendante devant la Cour d'appel d'Anvers;

Que par courrier adressé à la Cour le 12 juin 2015, A______ expose qu'à la lecture de la publication dans la FOSC du ______ 2015 du délai pour produire dans la faillite ancillaire de B______, elle a réalisé qu'il n'y avait pas eu, à sa connaissance, de publication dans la FOSC de l'ouverture de cette faillite ancillaire ni de dépôt de l'état de collocation; l'art. 207 al. 1 LP s'appliquait également dans le contexte international; elle sollicitait donc que cet incident soit immédiatement instruit; elle précisait, en outre, que la co-signature par ______ pour la Masse en faillite ancillaire du courrier du 17 février 2015 adressé par B______ en liquidation au Tribunal ne modifiait pas la situation, la suspension de l'art. 207 LP s'opérant ex lege;

Que par courrier du 24 juin 2015, C______, "B______ sous receivership" et D______ ont dénoncé une manœuvre dilatoire de l'appelante, qui savait depuis décembre 2012 que la faillite ancillaire de B______ était ouverte; le délai maximal de suspension en cas de faillite liquidée en la forme sommaire était de 10 jours après le dépôt de l'état de collocation; les frais de la procédure étaient supportés par les précitées, de sorte que la masse en faillite ancillaire, désargentée, n'était pas exposée à engager des frais en relation avec la poursuite de la présente procédure; l'intérêt des créanciers de la masse était que la procédure "aille de l'avant"; C______, "B______ sous receivership" et D______ demandaient donc que l'incident soulevé par l'appelante soit tranché avec le fond ou alors que des brefs délais soient impartis aux parties pour se déterminer sur celui-ci; le courrier était cosigné par le représentant de la Masse en faillite ancillaire;

Que l'appelante a relevé que la suspension selon l'art. 207 LP s'opérait ex lege, de sorte que le délai de 20 jours qui lui avait été imparti pour répliquer au mémoire-réponse des intimées était sans incidence;

Que C______, "B______ sous receivership" et D______ se sont opposées à ce que le délai pour répliquer soit reporté, l'incident formé par l'appelante ne poursuivant qu'un but dilatoire et abusif; de toute manière, cet incident deviendrait sans objet dans les 20 jours suivant le dépôt de l'état de collocation; il n'y avait par ailleurs pas lieu d'accorder un droit de réplique ni un second échange d'écritures, l'appelante ayant uniquement conclu à pouvoir brièvement plaider devant la Cour; ce courrier était également cosigné par le représentant de la Masse en faillite ancillaire;

Que ce dernier, C______, "B______ sous receivership" et D______ ont informé la Cour que l'état de collocation avait été déposé le 21 juillet 2015 et ont sollicité que l'audience de plaidoiries requise par l'appelante soit appointée au plus vite;

Que les publications dans la FOSC et la FAO du ______ 2015 relatives à B______ sont intitulées "Publication de faillite/appel aux créanciers, LP 231, 232", qu'elles mentionnent comme débitrice "B______, c/o Maître ______, ISRAEL" ainsi que la date de la faillite (17 décembre 2012, date du jugement genevois ouvrant la faillite ancillaire);

Que l'état de collocation publié le 21 juillet 2015 dans la FOSC et la FAO fait état des créances gagées de C______ de 19'349’031 fr. et de 3’250’936 fr. 67, les précisions suivantes figurant au sujet de la seconde créance "Créances gagées dépendant du résultat de l’action révocatoire (USD 3’213’023 produits, convertis au taux de 1.01180 applicable le 14.9.2010)", puis "créance provisoire, susceptible de modification. En cas d’augmentation, l’état de collocation sera complété puis déposé et publié à nouveau, frais à charge du créancier - art. 59 al. 3 in fine OAOF";

Que l'état de collocation retient également les créances gagées de D______ de 7’687’351 fr. et de 1’285’814 fr. 66, avec la précision pour la seconde créance "Créances gagées dépendant du résultat de l’action révocatoire (USD 1’270’819.- produits, convertis au taux de 1.01180 applicable le 14.9.2010)" et "Créance provisoire, susceptible de modification. En cas d’augmentation, l’état de collocation sera complété puis déposé et publié à nouveau, frais à charge du créancier - art. 59 al. 3 in fine OAOF";

Que C______ et D______ sont les seuls créanciers de la masse en faillite ancillaire;

Que l'état de collocation n'a pas été contesté;

Que l'appelante a indiqué qu'avant l'échéance des 20 jours faisant suite au dépôt de l'état de collocation, la procédure demeurait suspendue en vertu de l'art. 207 LP, ce qui se justifiait d'autant plus que la masse en faillite ancillaire n'avait pas encore décidé si elle entendait poursuivre la procédure;

Que par courrier du 21 août 2015, la Cour a annulé le délai de réplique arrivant à échéance le 31 août 2015, compte tenu de l'instruction sur incident de suspension;

Que C______, "B______ sous receivership" et D______ et la Masse en faillite ancillaire se sont étonnés de ce courrier, le délai de 20 jours depuis le dépôt de l'état de collocation étant échu, de sorte que l'incident était devenu sans objet; les précitées ont à nouveau requis de la Cour de bien vouloir statuer sur l'incident en même temps que sur l'appel et de convoquer les parties en audience de plaidoiries à brève échéance;

Que par courrier du 4 septembre 2015 adressé aux parties, la Cour a indiqué que F______ ne s'était pas déterminée dans le délai imparti et que la cause était gardée à juger sur incident de suspension au sens de l'art. 207 LP;

Considérant, EN DROIT, qu'à teneur de l'art. 170 al. 1 LDIP, la reconnaissance en Suisse d'une faillite étrangère entraîne, pour le patrimoine de celle-ci sis en Suisse, les effets de la faillite selon le droit suisse;

Que l'office des faillites est exclusivement compétent pour administrer et réaliser les droits patrimoniaux du débiteur commun en Suisse à l'exclusion de l'administration de la faillite étrangère (ATF 135 III 40 consid. 2.5.1; 137 III 631 consid. 2.3.3), ce qui a in casu conduit à la substitution de "B______ sous Receivership agissant par son receiver Me ______" par la "Masse en faillite ancillaire de B______, en liquidation";

Que la faillite ancillaire est liquidée conformément aux règles de la procédure sommaire (art. 231 LP et art. 98 OAOF);

Que l'art. 170 al. 3 LDIP prévoit qu'il n'y a ni assemblée des créanciers ni commissions de surveillance en cas de faillite ancillaire;

Qu'une fois la décision de reconnaissance de la faillite étrangère passée en force, le failli est dessaisi de ses biens en Suisse (art. 204 LP) et les procès pendants sont suspendus (art. 207 al. 1 LP; cf. aussi Andrea Braconi, La collocation des créances en droit international suisse de la faillite, Schulthess 2005, p. 37 n. 2.2);

Qu'il s'ensuit que les procès civils auxquels le failli est partie et qui influent sur l'état de la masse en faillite ne peuvent être continués, en cas de liquidation sommaire, qu'après les vingt jours qui suivent le dépôt de l'état de collocation (art. 207 LP; arrêt du Tribunal fédéral 2C_303/2010 du 24 octobre 2011 consid. 2.4);

Que cette suspension intervient de par la loi dès l'ouverture de la faillite aux fins de laisser aux créanciers le temps nécessaire pour se déterminer sur la suite à donner aux procès actifs ou passifs pendants touchant le patrimoine du failli et dont l'issue peut influer sur la composition de la masse active ou passive (ATF 130 III 771 consid. 2 et 3, in JdT 2006 II 139; 120 III 143 consid. 3a et c);

Qu'en l'espèce, il convient, en premier lieu, de relever que contrairement à ce que souhaitent les intimés, il y a lieu de trancher l'incident soulevé par l'appelante avant de statuer sur le fond, l'admission de celui-ci étant de nature à influer sur la suite de la procédure d'appel;

Que, certes, l'ouverture de la faillite ancillaire a été publiée très tardivement, soit le ______ 2015, alors qu'elle a été prononcée le 17 décembre 2012 et est entrée en force avec l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 novembre 2013;

Que l'entrée en force de l'ouverture de la faillite ancillaire a, de par la loi, eu pour conséquence la suspension de la présente procédure;

Que la masse a cependant manifesté son intention de poursuivre le procès en continuant d'y participer, que ce soit en contresignant les écritures tant de première instance que d'appel de C______ et D______ ou encore en plaidant devant le Tribunal;

Qu'en outre, les deux seuls créanciers figurant dans l'état de collocation de la faillie ancillaire – désormais définitif - ont clairement exprimé leur volonté que la masse en faillite poursuive la présente procédure;

Que ceux-ci ont, en particulier, indiqué dans leur courrier du 24 juin 2015 adressé à la Cour que l'intérêt des créanciers de la masse était que la procédure "aille de l'avant";

Qu'en appuyant les précités dans leur opposition à la suspension de la présente procédure, le représentant de la masse en faillite a derechef fait part de la volonté de celle-ci que la procédure se poursuive;

Qu'il apparaît ainsi que la volonté de la masse, soutenue par le comportement des créanciers de la faillie, de poursuive la procédure est établie;

Que, partant, les motifs justifiant la suspension au sens de l'art. 207 LP ont pris fin;

Que l'incident de suspension soulevé par l'appelante sera donc rejeté;

Qu'il est encore relevé que les actes accomplis pendant la période de suspension ne sont pas frappés de nullité (arrêts du Tribunal fédéral 7B.136/2002 du 23 octobre 2002 consid. 2.3.1; 4P.180/1994);

Qu'enfin, la Cour ayant précédemment octroyé expressément la possibilité à l'appelante de répliquer sur le fond, il convient, sauf à décevoir la bonne foi de celle-ci, de lui impartir un nouveau délai pour ce faire, celui initialement fixé ayant été annulé;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens du présent arrêt sur incident avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC);

Que la présente décision, de nature incidente, est susceptible d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral, dans les limites de l'art. 93 LTF.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur incident de suspension selon l'art. 207 LP :

Rejette l'incident soulevé par A______.

Impartit à A______ un délai de 20 jours dès réception de la présente pour répliquer à la réponse déposée par C______, D______ et la Masse en faillite ancillaire de B______ sous Receivership.

Dit qu'il sera statué sur les frais et dépens de l'incident avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Jean-Marc STRUBIN, Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Marie NIERMARÉCHAL, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Marie NIERMARÉCHAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.