Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/27768/2007

ACJC/1156/2008 (3) du 25.09.2008 sur JTPI/6919/2008 ( SS ) , MODIFIE

Descripteurs : POURSUITE POUR DETTES; RÉQUISITION DE POURSUITE; REGISTRE DES POURSUITES; ACTION EN CONTESTATION; COMMANDEMENT DE PAYER; PÉREMPTION; RADIATION(EFFACEMENT)
Normes : LP.85. LP.88.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27768/2007 ACJC/1156/2008

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

1ère Section

Audience du jeudi 25 SEPTEMBRE 2008

 

Entre

Monsieur D______ C______, domicilié route______, Genève, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 20 mai 2008, comparant par Me Julien Blanc, avocat, rue Bellot 9, 1206 Genève, en l’étude duquel il fait élection de domicile,

et

E______ AG, sise______, intimée comparant par Me Anton Henninger, avocat, Freiburgstrasse 10, case postale 141, 3280 Morat, en l’étude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Le 19 décembre 2003, D______ et J______ C______, en qualité de maîtres de l'ouvrage, ont conclu un contrat d'entreprise avec l'entrepreneur E______ AG. Le prix de l'ouvrage, initialement fixé forfaitairement à 440'000 fr., a finalement été arrêté d'un commun accord à 443'700 fr.

Par courrier du 18 juillet 2005, E______AG a prié en vain les maîtres de l'ouvrage de lui régler le solde du prix, soit 82'500 fr., d'ici au 28 juillet 2005.

E______ AG a requis des poursuites à l'encontre des frères C______, poursuivis conjointement et solidairement, pour le montant précité avec intérêts à 7% dès le 12 décembre 2004. La poursuite diligentée à l'encontre de D______ C______, no ______, lui a été notifiée le 11 mai 2006, date à laquelle il a formé opposition à celle-ci.

Le 11 mai 2006, les frères C______ ont effectué deux versements (de 44'650 fr. et de 37'850 fr.) totalisant 82'500 fr.

E______ AG a accusé réception du paiement de 82'500 fr. par courrier du 16 juin 2006, précisant aux frères C______ qu'elle retirerait sa poursuite après règlement du solde de 8'930 fr. 75 d'ici au 30 juin 2006, comprenant 8'261 fr. 45 d'intérêts de retard calculés sur la somme de 82'500 fr., 247 fr. 50 de frais de poursuite et 421 fr. 80 de facture de régie du 17 août 2005 non comprise dans la poursuite en cause.

Le 21 mars 2007, les frères C______ ont requis en vain E______ AG de retirer les poursuites dirigées à leur encontre.

Selon un extrait du registre de l'Office des poursuites du 26 octobre 2007, la poursuite no ______ diligentée à l'encontre de D______ C______ totalisait 99'223 fr. 75.

B. Le 13 décembre 2007, D______ C______ a requis le Tribunal de première instance de constater l'inexistence de sa dette envers E______ AG et d'annuler la poursuite no ______. Il demandait en outre que celle-ci soit radiée des registres de l'Office des poursuites.

E______ AG a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais.

C. Par jugement du 20 mai 2008, reçu par D______ C______ le 22 mai 2008, le Tribunal l'a débouté de sa demande en annulation de poursuite, avec suite de dépens taxés à 570 fr.

Le premier juge a considéré que D______ C______ n'avait pas prouvé avoir acquitté intégralement sa dette envers E______ AG, puisque le paiement de 82'500 fr. n'était pas intervenu à l'échéance du 28 juillet 2005, mais seulement le 11 mai 2006, de sorte qu'il était encore redevable d'intérêts de retard et des frais de la poursuite.

D. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 2 juin 2008, D______ C______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation et persiste dans ses conclusions de première instance.

A teneur d'une attestation de l'Office des poursuites du 26 mai 2008, postérieure au jugement entrepris, l'appelant ne fait l'objet d'aucune poursuite en force dans le canton de Genève.

En substance, l'appelant fait valoir qu'il a payé l'intégralité de la somme due (82'500 fr.) et qu'il n'a jamais été mis en demeure de payer des intérêts, leur taux à 7% étant en tout état de cause injustifié.

De plus, E______ AG n'a jamais requis la mainlevée de l'opposition formée à la poursuite, attitude qui signifie à son sens une renonciation par actes concluants à exiger le paiement des intérêts et frais.

De surcroît, l'appelant met en exergue la péremption de la poursuite et reproche au Tribunal d'avoir violé la loi en refusant d'annuler une poursuite fondée sur un commandement de payer périmé.

Enfin, l'appelant sollicite la condamnation de E______ AG aux dépens, soulignant que le jugement entrepris est en contradiction avec la radiation de la poursuite effectuée par l'Office des poursuites.

b. E______ AG conclut au rejet de l'appel, avec suite de dépens.

Elle abonde dans le sens du premier juge, qui a constaté que la dette n'était éteinte ni en intérêts ni en frais. Elle conteste que son inaction dans le délai d'un an pour requérir la continuation de la poursuite puisse être interprétée comme une renonciation auxdits paiements.

c. D______ C______ a persisté dans son argumentation et ses conclusions à l'audience de plaidoiries du 10 juillet 2008. E______ AG n'a pas comparu.

EN DROIT

1. Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi (art. 29 al. 3, art. 354 et art. 356 LPC), l'appel est recevable.

Le Tribunal ayant statué par voie de procédure sommaire sur une requête fondée sur l'art. 85 LP, le jugement entrepris a été rendu en dernier ressort (art. 20 al. 1 let. c et 23 LALP).

Seul est en conséquence ouvert l'appel extraordinaire en violation de la loi (art. 292 LPC), dans le cadre duquel la Cour est liée par les faits constatés par le Tribunal. Est assimilée à une violation de la loi, l'appréciation juridique erronée d'un point de fait (art. 292 al. 1 lit. c LPC).

La production de pièces nouvelles en appel est prohibée dans le cadre d'un appel formé en violation de la loi, dès lors que la Cour doit statuer sur la base du dossier tel que soumis au premier juge (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 6 ad art. 292 LPC). Font cependant exception à cette règle les pièces qui se rapportent à l'ordre public, à un domaine où l'examen a lieu d'office, aux conditions de la recevabilité de l'appel extraordinaire, aux violations de règles de la procédure ou de l'organisation judiciaire, dont la constatation ne peut résulter ni du dossier, ni du jugement.

2. 2.1. Le débiteur poursuivi peut en tout temps requérir du tribunal du for de la poursuite l'annulation de la poursuite, s'il prouve par titre que la dette est éteinte en capital, intérêts et frais, ou la suspension de la poursuite, s'il prouve par titre que le créancier lui a accordé un sursis (art. 85 LP).

L'action en annulation de la poursuite a un caractère subsidiaire et n'est pas admissible, faute d'intérêt pour agir, lorsque le poursuivi a formé opposition en temps utile (ATF 125 III 149 = JdT 1999 II 67 consid. 2 c. et GILLIERON, Commentaire LP, n. 19 ad art. 85 LP et n. 16 et 22 ad art. 85a LP).

De plus, l'existence d'une poursuite valable est une condition sine qua non de cette procédure. Tel n'est pas le cas si la poursuite est éteinte par la forclusion du droit du poursuivant d'en requérir la continuation (GILLIERON, op. cit., n. 18 et 20 ad art. 85 LP).

Selon l'art. 88 LP, lorsque la poursuite n'est pas suspendue par l'opposition ou par un jugement, le créancier peut requérir la continuation de la poursuite à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de la notification du commandement de payer (al. 1). Ce droit se périme par un an à compter de la notification du commandement de payer. Si opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de la procédure judiciaire ou administrative et le jugement définitif (al. 2).

La péremption de la poursuite est un point que l'Office des poursuites doit examiner d'office (Arrêt du Tribunal fédéral 7B.256/2003 du 25.02.2004 consid. 4.1). Il en va de même, notamment, du juge de la mainlevée et du juge de la faillite (GILLIERON, op. cit., n. 48 ad art. 88 LP).

Il n'en demeure pas moins que les poursuites périmées restent inscrites dans le registre des poursuites, sont communiquées aux tiers intéressés et figurent sur les extraits du registre des poursuites (ATF 115 III 81 = JdT 1992 II p. 7; GILLIERON, op. cit., n. 54 ad art. 88 LP).

L'argument tiré de la péremption de la poursuite est dénué de pertinence au regard de l'action en annulation de l'art. 85 LP, dont les conditions requièrent du poursuivi qu'il prouve par titre l'extinction de sa dette (ACJC/141/2006 du 16.02.2006).

2.2. En l'espèce, l'appelant a valablement formé opposition au commandement de payer qui lui avait été notifié et n'a pas retiré celle-ci, de sorte qu'il a usé d'un moyen de droit pour suspendre la poursuite (art. 88 al. 1 LP). La voie de l'action en annulation de la poursuite ne lui est dès lors pas ouverte, puisque cette possibilité d'agir a été introduite comme moyen de défense supplémentaire pour le poursuivi qui avait notamment omis de former opposition (ATF 125 III 149 = JdT 1999 II 67).

Le Tribunal, qui a débouté l'appelant, aurait dès lors dû déclarer son action irrecevable.

Au surplus, la poursuite en cause notifiée le 11 mai 2006 à l'appelant était valable jusqu'au 11 mai 2007 (art. 31 al. 2 LP; ACJC/159/2002 du 21.02.2002), de sorte qu'elle était périmée lorsque le premier juge a statué le 20 mai 2008. Or, l'action en annulation de la poursuite présuppose que la poursuite soit en cours.

Il convient en outre de préciser que l'action en annulation de la poursuite n'est pas une voie de droit ouverte pour requérir la radiation d'une poursuite périmée (ACJC/141/2006 du 16.02.2006). L'art. 85 LP exige que le poursuivi démontre par titre avoir éteint l'intégralité de la dette, en capital, intérêts et frais, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, puisque le poursuivi n'a pas soldé la poursuite.

Enfin, le chef de conclusions de l'appelant en radiation de la poursuite en cause est devenu sans objet à la suite de la suppression de celle-ci opérée par l'Office des poursuites, confirmée par l'attestation du 26 mai 2008.

3. Dans les procédures sommaires en matière de poursuite (art. 25 ch. 2 LP), le juge peut, sur demande de la partie qui obtient gain de cause, condamner la partie qui succombe au paiement d'une indemnité équitable à titre de dépens; il en fixe le montant dans le jugement (art. 62 al. 1 OELP).

En l'occurrence, l'appelant a formé en vain une action en annulation de la poursuite, puisque celle-ci, en raison de son opposition formée à ladite poursuite, est irrecevable. L'appelant sera ainsi condamné aux frais d'appel, ainsi qu'à une indemnité à titre de dépens en faveur de sa partie adverse.

Le dispositif du jugement entrepris, qui a débouté l'appelant de sa demande en annulation de poursuite, sera dès lors modifié en ce sens que ladite action est irrecevable.

4. En relation avec les voies de recours selon la LTF, l'appelant a pris des conclusions en constatation de l'inexistence de la poursuite no ______ et en radiation de celle-ci du registre de l'Office. Elle y figurait pour un montant de 99'223 fr. 75 le 26 octobre 2007, de sorte que la valeur litigieuse est a priori supérieure à 30'000 fr., cela quand bien même la créancière a explicitement admis l'imputation de 82'500 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par D______ C______ contre le jugement JTPI/6919/2008 rendu le 20 mai 2008 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27768/2007-JS SS.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du jugement entrepris en tant qu'il déboute D______ C______ de sa demande en annulation de la poursuite no ______.

Et, statuant à nouveau sur ce point :

1. Déclare irrecevable l'action en annulation de la poursuite no ______ formée par D______ C______.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Condamne D______ C______ aux frais d'appel, ainsi qu'à une indemnité de 800 fr. à titre de dépens en faveur de E______ AG.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Marguerite JACOT-DES-COMBES, présidente; Monsieur François CHAIX et Monsieur Daniel DEVAUD, juges; Madame Fatina SCHAERER, greffier.

La présidente :

Marguerite JACOT-DES-COMBES

 

Le greffier :

Fatina SCHAERER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.