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Décisions | Chambre civile

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C/16206/2020

ACJC/1069/2022 du 23.08.2022 sur JTPI/15803/2021 ( OOC ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 26.09.2022, rendu le 03.08.2023, CONFIRME, 4A_416/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16206/2020 ACJC/1069/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 23 août 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 décembre 2021, comparant par
Me Daniel TUNIK, avocat, LENZ & STAEHELIN, route de Chêne 30,
case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

SOCIETE COOPERATIVE B______, sise c/o Me C______, Etude D______, ______, intimée, comparant par Me Pierre DUCRET, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/15803/2021 du 14 décembre 2021, reçu le 16 décembre 2021 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a annulé la décision prise le 18 juin 2020 par l'assemblée générale de A______ SA en tant qu'elle modifiait l'art. 20 al. 2 de ses statuts (chiffre 1 du dispositif), ordonné en conséquence au Registre du commerce de procéder à l'inscription "Le groupe formé des actionnaires propriétaires des actions "B" a droit à quatre représentants au sein du Conseil d'administration. L'assemblée des actionnaires dudit groupe choisit ses candidats, que l'assemblée générale de la société ne peut refuser d'élire sans juste motifs" en tant qu'art. 20 al. 2 des statuts de A______ SA (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 15'200 fr., les a compensés avec l'avance de frais fournie par SOCIETE COOPERATIVE B______, mis les frais à la charge de A______ SA, ordonné la restitution de 35'000 fr. à SOCIETE COOPERATIVE B______ versés à titre d'avance de frais, condamné A______ SA à payer à SOCIETE COOPERATIVE B______ le montant de 15'200 fr. (ch. 3) ainsi que celui de 10'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé au guichet universel le 31 janvier 2022 et transmis à la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut au déboutement de la SOCIETE COOPERATIVE B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens de première et deuxième instances.

b. La SOCIETE COOPERATIVE B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens de première instance et d'appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du 14 juin 2022, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

e. Par courrier du 8 juillet 2022, SOCIETE COOPERATIVE B______ a fait valoir des faits nouveaux et a produit une pièce nouvelle.

f. Le 18 juillet 2022, la Cour a déclaré irrecevables l'écriture et la pièce précitée et les a retournées à SOCIETE COOPERATIVE B______.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. SOCIETE COOPERATIVE B______ est une société coopérative inscrite au Registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 1969. D'abord constituée en association sous la raison sociale ASSOCIATION B______, elle a pris son nom et sa forme juridique actuels suite à une modification de ses statuts le ______ 2000.

Son but social est de promouvoir et favoriser, dans l'intérêt de la santé publique et de ses membres, des soins médicaux de qualité. Ses statuts prévoient notamment qu'elle collabore à la bonne marche des établissements médicaux qu'elle détient en vertu de sa participation au capital social de A______ SA.

Les statuts de SOCIETE COOPERATIVE B______ exigent que seuls peuvent être coopérateurs des médecins pratiquant dans le canton de Genève.

b. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 1899, dont le but est la participation à des entreprises industrielles, commerciales, immobilières et financières, notamment dans le domaine des soins hospitaliers. Elle détient la société F______ SA, qui exploite la clinique du même nom.

c. Le 30 juin 1983, les actionnaires de A______ SA, dont la raison sociale était alors G______, ont accepté en assemblée générale l'augmentation de son capital-actions de 290'000 fr. à 2'500'000 fr., par l'émission au pair de 170 nouvelles actions "B" d'une valeur nominale de 13'000 fr. chacune (actions "B"). Avant l'augmentation, le capital social de 290'000 fr. était composé de 580 actions de 500 fr. chacune (actions "A").

L'intégralité du capital-actions augmenté, soit les actions "B", a été souscrit par SOCIETE COOPERATIVE B______ – constituée alors en association sous la raison sociale ASSOCIATION B______.

Lors de cette même assemblée, les actionnaires ont adapté les statuts à l'augmentation du capital-actions, en prévoyant notamment que:

-          chaque action donnait droit à une part égale des bénéfices nets de la société et du produit de liquidation (art. 8 al. 3 des statuts);

-          chaque action donnait droit à une voix sans égard à sa valeur nominale (art. 21);

-          le conseil d'administration était composé de onze membres, dont au moins deux médecins ou chirurgiens, pris parmi des actionnaires et nommés par l'assemblée générale (art. 9 al. 1);

-          le groupe formé des actionnaires propriétaires des actions "B" avait droit à quatre représentants au conseil d'administration, représentants choisis par ledit groupe, que l'assemblée générale ne pouvait refuser d'élire sans justes motifs (art. 9 al. 2).

Enfin, l'assemblée a donné lieu au changement de la raison sociale G______ en F______, qui prendra finalement celle de A______ SA en 1998.

d. Le 16 juin 1994, le capital-actions de A______ SA a fait l'objet d'un splitting dans une proportion de 1:10. La catégorie "A" des actions a été divisée en 5'800 actions d'une valeur nominale de 50 fr. chacune, et la catégorie "B" en 1'700 actions d'une valeur de 1'300 fr. chacune.

e. Depuis 1998, les statuts de A______ SA prévoient que son conseil d'administration est composé de 9 à 12 membres.

f. H______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Vaud depuis le ______ 2012, dont le but est notamment la prise de participations à toutes entreprises poursuivant une activité commerciale, industrielle ou financière en Suisse ou à l'étranger.

Elle est entièrement détenue par I______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Fribourg depuis le ______ 2012, dont le but est notamment la prise de participations à toutes entreprises poursuivant une activité commerciale, industrielle ou financière en Suisse ou à l'étranger.

g. A la suite d'une offre d'achat émise le 14 septembre 2016 ainsi que d'une convention de vente conclue avec un actionnaire détenant 29% du capital-actions, H______ SA est devenue actionnaire majoritaire de A______ SA au mois de novembre 2016, détenant environ 69.39% des droits de vote.

h. SOCIETE COOPERATIVE B______ a soutenu la décision du conseil d'administration de A______ SA prise à l'unanimité de recommander aux actionnaires d'accepter l'offre formulée par H______ SA. Elle a néanmoins refusé l'offre d'achat et est restée actionnaire minoritaire, ses actions "B" dont elle est restée seule détentrice correspondant à 22.66% des droits de vote.

i. Avant l'entrée de H______ SA au capital de A______ SA, l'actionnariat était composé de plus de 500 actionnaires, dont notamment des actionnaires institutionnels.

j. J______, K______ et L______, administrateurs de H______ SA et de I______ SA, siègent également au conseil d'administration de A______ SA depuis son acquisition par la première nommée.

k. Des conflits sont apparus entre H______ SA, actionnaire majoritaire, et SOCIETE COOPERATIVE B______, actionnaire minoritaire, depuis à tout le moins l'assemblée générale ordinaire du 17 avril 2018 de A______ SA.

Lors de cette dernière, SOCIETE COOPERATIVE B______ a proposé comme représentants au conseil d'administration M______, N______, O______ et P______.

Ils étaient proposés en remplacement de Q______, R______, démissionnaires, et de S______ et T______, dont les mandats d'administrateurs au sein de SOCIETE COOPERATIVE B______ arrivaient à leur terme, ceux-ci ayant été radiés du Registre du commerce en ______ 2018. Les mandats des précités devaient être révoqués, ceux-ci ne représentant plus la coopérative.

L'assemblée générale a élu M______ et O______ et refusé l'élection de N______ et de P______.

l. Lors de l'assemblée générale du 13 mai 2019, SOCIETE COOPERATIVE B______ a proposé comme représentants C______ en remplacement de O______, démissionnaire, ainsi que U______ et N______.

L'assemblée générale a refusé leur élection.

m. Dans ce contexte, SOCIETE COOPERATIVE B______ a intenté contre A______ SA deux actions judiciaires, l'une en annulation de la décision prise par l'assemblée générale du 17 avril 2018, l'autre en annulation de la décision prise lors de l'assemblée générale du 13 mai 2019, lesquelles ont été jointes par le Tribunal sous la cause C/1______/2018 et sont encore pendantes, au dernier état des conclusions d'appel.

Les deux actions inscrites sous la cause C/1______/2018 tendent au dernier stade connu des conclusions à faire constater l'élection de C______, U______ et N______.

SOCIETE COOPERATIVE B______ reproche à A______ SA, en substance, de violer l'art. 20 al. 2 des statuts, en refusant d'élire sans justes motifs des administrateurs qu'elle a choisis pour la représenter au conseil d'administration, de telle sorte qu'elle ne dispose pas de quatre représentants au conseil. A______ SA conteste quant à elle toute violation des statuts.

n. Dans la perspective de l'assemblée générale qui s'est tenue le 18 juin 2020, le conseil d'administration de A______ SA a notamment proposé de modifier l'art. 20 des statuts comme suit:

"La société est administrée par un Conseil d'administration composé de neuf à douze membres, pris parmi les actionnaires et nommés par l'assemblée générale. Le Conseil doit compter dans son sein au moins deux médecins ou chirurgiens. La majorité des membres du Conseil d'administration doit être de nationalité suisse et domiciliée en Suisse.

Le groupe formé des actionnaires propriétaires des actions "B" a droit à quatre un représentants au sein du Conseil d'administration. L'assemblée des actionnaires dudit groupe choisit ses son candidats, que l'assemblée générale de la société ne peut refuser d'élire sans justes motifs".

o. SOCIETE COOPERATIVE B______ s'est opposée à la modification de l'art. 20 al. 2 des statuts par courrier du 11 juin 2020 et a voté contre cette proposition.

p. Lors de l'assemblée générale du 18 juin 2020, la proposition de modifier l'art. 20 des statuts a été acceptée par 5'209 voix, représentant les actions de H______ SA, tandis que les autres actionnaires présents s'y sont opposés par 2'158 voix, dont 2'154 voix appartenant à SOCIETE COOPERATIVE B______.

q. Par requête de mesures provisionnelles déposée au Tribunal le 29 juin 2020, SOCIETE COOPERATIVE B______ a conclu à ce que la modification de l'art. 20 al. 2 des statuts ne soit pas inscrite au Registre du commerce, jusqu'à droit jugé dans son action en annulation de la décision de l'assemblée générale.

r. Par ordonnance OTPI/643/2020 du 16 octobre 2020, le Tribunal a débouté SOCIETE COOPERATIVE B______ de sa requête sur mesures provisionnelles.

s. L'appel dirigé le 29 octobre 2020 contre cette ordonnance a été retiré le 9 décembre 2020, l'inscription le 28 octobre 2020 par le Registre du commerce de la modification contestée privant l'appel de son objet.

D.           a. Par requête de conciliation déposée le 17 août 2020 contre A______ SA, SOCIETE COOPERATIVE B______ a conclu à l'annulation de la décision de l'assemblée générale en tant qu'elle modifiait l'art. 20 al. 2 des statuts.

b. Aucun accord n'étant intervenu lors de l'audience de conciliation du 15 octobre 2020, le Tribunal a délivré le jour même l'autorisation de procéder à SOCIETE COOPERATIVE B______, laquelle a introduit sa demande le 10 décembre 2020.

En substance, SOCIETE COOPERATIVE B______ a allégué que la modification litigieuse violait les statuts en tant que son droit à être représentée par quatre membres au conseil d'administration venait contrebalancer le déséquilibre (tant du point de vue des voix que de la participation au résultat) induit par la création d'actions privilégiées "A" lors de son entrée dans le capital-actions et sa souscription d'actions "B" spécialement créées, et qu'il s'agissait d'un droit acquis. La modification statutaire constituait également une mesure de représailles à la suite des deux procédures judiciaires qu'elle avait intentées (C/1______/2018), étant précisé que jusqu'à l'arrivée de H______ SA au capital-actions, son droit élargi de participer au conseil d'administration n'avait donné lieu à aucun différend. La gestion de A______ SA était également remise en cause dans ses relations avec l'actionnaire principal, en tant que la société versait des management fees et octroyait des prêts à H______ SA et ses sociétés affiliées.

c. A______ SA a conclu au rejet de la demande.

Selon elle, la modification litigieuse ne violait ni les statuts, ni la loi, le droit à disposer d'au minimum un représentant au conseil d'administration n'étant pas atteint. La version précédente des statuts conférait à SOCIETE COOPERATIVE B______ un avantage que l'assemblée générale pouvait librement modifier. Enfin, la question des représentants de la précitée était source de préoccupations majeures, notamment en raison des diverses procédures judiciaires successives intentées à son encontre. En invoquant le droit qui lui était conféré par la clause statutaire, SOCIETE COOPERATIVE B______ avait adopté un comportement inconsistant et confus quant au choix de ses représentants, lequel avait eu pour conséquence de faire supporter les effets de "ses propres querelles intestines" par la société. Cette situation étant devenue intenable et engendrant des nuisances importantes pour elle, elle avait souhaité y mettre un terme par le biais de la modification de l'art. 20 al. 2 des statuts.

d. Les parties ont produit des pièces, notamment un avis de droit chacune, confirmant le bien-fondé juridique de leurs positions respectives.

e. Au cours de l'audience de comparution personnelle des parties et de plaidoiries finales du 18 octobre 2021, SOCIETE COOPERATIVE B______, représentée par C______, et A______ SA, représentée par K______, ont été entendues.

K______ a notamment déclaré, en lien avec la modification de l'art. 20 al. 2 des statuts, que la situation au sein du conseil d'administration de A______ SA s'était compliquée en raison du conflit interne chez SOCIETE COOPERATIVE B______. Celle-ci faisait des propositions contradictoires en voulant révoquer certains de ses représentants et en voulant en nommer d'autres ou en ne respectant pas le nombre prévu. Elle proposait différentes personnes d'une année à l'autre. Ces personnes avaient été refusées pour partie, ce qui avait donné lieu à des procédures judiciaires. Une des personnes élues avait démissionné quelques mois plus tard. Cela devenait intenable et ils avaient pris la décision de revenir à la règle légale, soit un représentant par catégorie d'actions. La première assemblée qui s'était tenue depuis cette modification n'avait pas donné lieu à une contestation ou à une procédure en justice.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions à l'issue de l'audience, à la suite de quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu que la réforme du droit de la société anonyme de 1992 avait mis un terme à la distinction entre "droit acquis relatifs" et "droits acquis absolus", et instauré par l'adoption des art. 706 à 706b CO un mécanisme fondé sur les conséquences juridiques de la violation, soit l'annulabilité ou la nullité. Dans ce contexte, la nature acquise ou non du droit de SOCIETE COOPERATIVE B______ à disposer de quatre représentants au conseil d'administration ne revêtait pas de portée juridique particulière en dehors de la possibilité de conclure à l'annulation de la décision sur la base de l'art. 706 al. 2 ch. 2 CO.

En l'occurrence, la décision de l'assemblée générale de limiter au minimum légal la représentation de SOCIETE COOPERATIVE B______ au conseil d'administration apparaissait comme étant constitutive d'un abus de droit et devait être annulée. En effet, A______ SA avait justifié sa décision par l'existence des procédures en cours, qui seraient à l'origine pour elle d'importantes et coûteuses préoccupations. Or, la modification statutaire litigieuse, si elle devait entrer en vigueur, viendrait vider de leur substance lesdites procédures. Il n'appartenait pas au Tribunal de déterminer dans la présente cause si l'assemblée générale disposait de justes motifs ou non pour refuser les représentants proposés par SOCIETE COOPERATIVE B______. Néanmoins, A______ SA, singulièrement son actionnaire majoritaire, ne pouvait de bonne foi prétendre disposer de justes motifs pour refuser l'élection des représentants choisis par SOCIETE COOPERATIVE B______, tout en privant ultérieurement cette dernière de son privilège ou avantage, et ce dans la mesure où elle en venait à contester judiciairement l'existence de tels motifs. En d'autres termes, A______ SA ne pouvait reprocher à SOCIETE COOPERATIVE B______ de mener des procédures judiciaires, alors que leur origine se trouvait dans le refus (justifié ou non) de la première à nommer les représentants choisis par la seconde. La situation serait naturellement différente si les parties étaient opposées depuis de nombreuses années dans des procédures bloquant la bonne gestion de la société, ou si SOCIETE COOPERATIVE B______ serait prima facie quérulente dans ses démarches, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Le caractère disproportionné de la modification statutaire était accentué par la position de SOCIETE COOPERATIVE B______ dans la société. Il ressortait clairement des faits de la cause qu'elle revêtait la qualité d'actionnaire "historique" de A______ SA, tout du moins dans sa forme récente, et que sa participation élargie au conseil d'administration venait contrebalancer le déséquilibre induit par la création d'actions privilégiées "A" lors de son entrée au capital-actions. Par ailleurs, sa qualité d'actionnaire depuis 1983 était stable et son droit élargi à participer au conseil d'administration n'avait pas fait l'objet de différend particulier, et ce jusqu'à l'arrivée récente de H______ SA au capital social.

SOCIETE COOPERATIVE B______ et H______ SA, actionnaire majoritaire, étaient par ailleurs en conflit quant à un aspect particulier de la gestion de A______ SA, soit les prêts et management fees octroyés par cette dernière à l'actionnaire principale et à des sociétés affiliées. Dans cette constellation, une limitation du droit élargi à participer au conseil d'administration de SOCIETE COOPERATIVE B______ ne semblait pas répondre en premier lieu aux intérêts de la société. De surcroît, l'annulation de la modification statutaire n'atténuait en rien le poids de l'actionnaire principal, lequel continuerait à disposer d'une majorité de représentants au conseil d'administration.

En définitive, la modification statutaire ne reposait sur aucun intérêt digne de protection et favorisait de manière disproportionnée les intérêts de l'actionnaire majoritaire, au détriment de SOCIETE COOPERATIVE B______, de sorte qu'elle devait être annulée.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Selon l'art. 91 al. 2 CPC, lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée.

L'action en annulation d'une décision de l'assemblée générale est de nature pécuniaire. La valeur déterminante est celle de l'intérêt de la société au maintien des décisions contestées, intérêt dont la valeur est en principe plus élevée que celle de l'intérêt personnel de l'actionnaire demandeur (ATF 133 III 368 consid. 1.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_630/2012 du 19 mars 2013 consid. 1.1).

En l'occurrence, les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée (art. 91 al. 2 CPC), de sorte que la valeur litigieuse correspond à l'intérêt de la société appelante au maintien de la décision prise par l'assemblée générale du 18 juin 2020. Le Tribunal a arrêté cette valeur litigieuse à la valeur totale du capital-actions de l'appelante, ce qui n'est pas remis en cause par les parties et n'est pas critiquable. Cette valeur étant largement supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai de 30 jours (art. 143 al. 1, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), de sorte qu'il est recevable. Il en va de même de la réponse à l'appel et des écritures subséquentes des parties, déposées en temps utile (art. 312 al. 2 et 316 al. 2 CPC), à l'exception de celle du 8 juillet 2022 et de la pièce qui l'accompagnait, lesquelles sont irrecevables dès lors que la cause a été gardée à juger vingt-quatre jours auparavant et qu'aucun fait ou moyen de preuve nouveau n'est admissible après ce moment (ATF 143 III 272 consid. 2.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_467/2019 et 4A_469/2019 du 23 mars 2022 consid. 7.3.1.2).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3).

1.4 La maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables à la présente procédure.

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que la modification statutaire litigieuse était constitutive d'un abus de droit, en violant l'art. 706 al. 2 ch. 2 CO et en constatant les faits de manière inexacte.

2.1 Selon l'art. 706 CO, chaque actionnaire peut attaquer en justice les décisions de l'assemblée générale qui violent la loi ou les statuts (al. 1). Sont en particulier annulables les décisions qui suppriment ou limitent les droits des actionnaires en violation de la loi ou des statuts (al. 2 ch. 1), suppriment ou limitent les droits des actionnaires d'une manière non fondée (al. 2 ch. 2), entraînent pour les actionnaires une inégalité de traitement ou un préjudice non justifiés par le but de la société (al. 2 ch. 3) ou suppriment le but lucratif de la société sans l'accord de tous les actionnaires (al. 2 ch. 4).

Les décisions qui "suppriment ou limitent les droits des actionnaires d'une manière non fondée" correspondent, d'une manière générale, aux décisions contraires aux intérêts des actionnaires sans que celles-ci ne se fondent sur un intérêt reconnaissable (Montavon, Droit suisse de la SA, 2004, p. 539). Sont en particulier annulables les décisions constitutives d'un abus de droit.

A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas. L'emploi dans le texte légal du qualificatif « manifeste » démontre que l'abus de droit ne doit être admis qu'avec restriction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_205/2008 du 19 août 2008 consid. 4.1 et les références citées). L'interdiction de l'abus de droit est valable pour tout l'ordre juridique, y compris pour l'exercice du pouvoir dans la société anonyme par les actionnaires majoritaires (arrêts du Tribunal fédéral 4A_205/2008 précité consid. 4.1 et les références citées; 4C.386/2002 du 12 octobre 2004 consid. 3.4.1 non publié aux ATF 131 III 38; 4C.424/2001 du 5 mars 2003 consid. 5.1). Une décision prise par la majorité sera abusive au sens de l'art. 2 al. 2 CC si elle n'est pas justifiée par des motifs économiques raisonnables, si elle lèse manifestement les intérêts de la minorité et si elle favorise sans raison les intérêts particuliers de la majorité. Le juge n'a pas à apprécier le caractère opportun de la décision au regard des intérêts de la société et de l'ensemble des actionnaires (ATF 145 III 351 consid. 3.2.1; 95 II 157 consid. 9.c).

En vertu du principe de la majorité qui gouverne les décisions de la société anonyme, l'actionnaire admet que la majorité présente à l'assemblée générale puisse faire passer ses intérêts avant ceux de la minorité. Le juge ne peut intervenir que si les actionnaires majoritaires ont manifestement abusé du pouvoir que l'art. 703 CO leur confère, eu égard aux intérêts contraires des actionnaires minoritaires (arrêts du Tribunal fédéral 4C_419/2006 du 19 avril 2007 consid. 3.3; 4A_205/2008 précité consid. 4.1 et les références citées; 4C_386/2002 précité consid. 3.4.1 non publié aux ATF 131 III 38; 4C.424/2001 précité consid. 5.1).

2.1.2 Selon l'art. 709 al. 1 CO, s'il y a plusieurs catégories d'actions en ce qui concerne le droit de vote ou les droits patrimoniaux, les statuts assurent à chacune d'elles l'élection d'un représentant au moins au conseil d'administration.

Les statuts peuvent prévoir des dispositions particulières pour protéger les minorités ou certains groupes d'actionnaires (art. 709 al. 2 CO).

2.2.1 Dans le présent cas, l'appelante reproche en premier lieu au Tribunal de ne pas avoir examiné si les intérêts de la minorité étaient manifestement lésés, condition pourtant requise par la jurisprudence pour retenir l'existence d'un abus de droit et qui n'est selon elle pas remplie en l'espèce. Elle soutient en effet que malgré la modification statutaire litigieuse, l'intimée conserve le droit de nommer un représentant au conseil d'administration, dispose toujours du droit à l'information et à la participation audit conseil ainsi que d'un droit de regard sur les décisions qui y sont prises. De plus, son droit de vote, la valeur de sa participation ainsi que sa part au bénéfice ainsi qu'à l'excédent de liquidation demeurent inchangés, et la diminution du nombre de ses représentants n'a pas d'impact décisif sur sa capacité à influencer les décisions qui sont prises par cet organe au sein duquel elle a toujours été minoritaire.

En l'occurrence, si le Tribunal a retenu que la modification statutaire était intervenue au détriment de l'intimée, il n'a pas examiné dans quelle mesure les intérêts de cette dernière étaient lésés, condition pourtant requise par la jurisprudence rappelée ci-avant, comme le relève à juste titre l'appelante. Cela ne porte toutefois pas à conséquence en l'espèce dès lors que cette condition est en tout état remplie. En effet, la décision litigieuse réduit le nombre de représentants dont l'intimée dispose au conseil d'administration de quatre à un, ce qui diminue considérablement l'influence qu'elle peut exercer sur les décisions qui sont prises par cet organe dans l'intérêt de la société. Quoiqu'en dise l'appelante, le fait que l'intimée a toujours été minoritaire au sein du conseil d'administration n'enlève en rien son intérêt à conserver un maximum de représentants au sein de celui-ci, dès lors qu'il ne peut être d'emblée exclu que les autres administrateurs - dont il n'est du reste pas établi qu'ils seraient tous membres de l'actionnaire majoritaire - puissent soutenir la minorité dans ses votes. A cet égard, la réduction de quatre à un représentant réduit fortement les chances de l'intimée d'obtenir la majorité des voix lors de décisions prises par le conseil d'administration, celle-ci devant désormais obtenir l'appui de six autres administrateurs au lieu de trois auparavant, et n'ayant plus qu'un seul représentant pour convaincre ceux-ci d'aller dans son sens, étant précisé qu'une personne a moins de poids que quatre. Le fait que l'intimée conserve par ailleurs d'autres droits, listés par l'appelante, n'atténue pas ce qui précède et est dès lors irrelevant, aucune constatation inexacte des faits ne pouvant dès lors être reprochée au Tribunal sur ce point. Il en va de même du fait que l'intimée ait indiqué que l'ancienne version de l'art. 20 al. 2 des statuts permettait de "tempérer très légèrement la domination des actionnaires A". En effet, cet article ne lui conférait un avantage qu'au sein du conseil d'administration et non à l'assemblée générale, laquelle prend les décisions les plus impactantes pour la société. Il n'en demeure pas moins que quand bien même seule une partie des décisions de l'appelante sont concernées, à savoir celles du conseil d'administration, les intérêts de l'intimée sont manifestement lésés, dès lors que sa capacité à influencer les décisions qui sont du ressort de cet organe est considérablement réduite par la décision litigieuse. Au vu de ce qui précède, les intérêts de la minorité sont manifestement lésés, de sorte que la première condition posée par la jurisprudence est remplie.

2.2.2 S'agissant de la deuxième condition posée par la jurisprudence, à savoir la favorisation sans raison des intérêts particuliers de la majorité, l'appelante critique le raisonnement du premier juge dès lors qu'il a retenu que "l'annulation de la modification statutaire n'atténu[ait] en rien le poids de l'actionnaire principal, lequel continuera[it] à disposer d'une majorité de représentants au conseil d'administration". Elle soutient que ce raisonnement est contradictoire en tant que le Tribunal a estimé que l'actionnaire principal demeurait majoritaire au sein du conseil d'administration et ne disposait ainsi d'aucun intérêt en lien avec la décision litigieuse, tout en retenant dans le même temps que l'actionnaire minoritaire voyait ses intérêts manifestement lésés par cette décision, alors que son poids au sein de l'organe précité demeurait également inchangé. Ce raisonnement est par ailleurs erroné selon l'appelante, dès lors que l'absence d'intérêt de l'actionnaire majoritaire aurait dû conduire le premier juge à retenir que la deuxième condition posée par la jurisprudence n'était pas remplie.

En l'occurrence, il est vrai que si l'actionnaire principal disposait d'une majorité de représentants au conseil d'administration tant avant qu'après la modification statutaire litigieuse, ses intérêts n'apparaitraient pas favorisés par celle-ci de prime abord et la deuxième condition posée par la jurisprudence ne serait pas remplie. Cela étant, le raisonnement du Tribunal est erroné sur ce point. Il ne ressort en effet pas des faits qu'il a constatés que les administrateurs qui ne représentent pas l'intimée représenteraient tous l'actionnaire majoritaire. Les titulaires des actions "A" n'ont pas droit à plus d'un représentant au conseil d'administration (art. 709 al. 1 CO et art. 20 a contrario des statuts) et la procédure n'indique pas que les autres administrateurs, soit au moins la majorité d'entre eux, seraient membres des actionnaires majoritaires, seuls trois d'entre eux faisant partie de H______ SA et I______ SA selon l'état de fait du jugement, lequel ne fait l'objet d'aucune critique sur ce point. De plus, les administrateurs ne doivent pas nécessairement être désignés parmi les actionnaires selon la nouvelle teneur de l'art. 20 al. 1 des statuts de l'appelante. Le Tribunal n'était ainsi pas fondé à retenir que l'actionnaire principal disposait d'une majorité de représentants au conseil d'administration.

Cela étant et bien que le raisonnement du Tribunal soit incorrect sur ce point, la modification statutaire favorise bien sans raison les intérêts de la majorité. En effet, en réduisant le nombre de représentants dont dispose la minorité au sein du conseil d'administration, la majorité s'assure de pouvoir contrôler plus aisément les décisions prises par cet organe, dès lors que la capacité de l'intimée à influencer ces décisions est considérablement réduite (cf. supra consid. 2.2.1). Cet avantage n'étant justifié par aucune raison particulière, comme il sera détaillé ci-après (cf. infra consid. 2.2.3), la deuxième condition posée par la jurisprudence est ainsi également remplie. L'appelante ne saurait tirer profit du seul principe selon lequel en entrant dans la société, la minorité admet que la majorité présente à l'assemblée générale puisse faire passer ses intérêts avant ceux de la minorité, dès lors que ce principe trouve précisément sa limite dans l'abus de droit. Enfin, le fait que l'intimée ne se soit pas assurée que l'art. 20 al. 2 des statuts ne puisse pas être modifié sans une majorité qualifiée de quatre-cinquièmes des voies attribuées à l'ensemble du capital-actions ne saurait la priver de la protection contre l'abus de droit. Aucune constatation manifestement inexacte des faits ne peut dès lors être reprochée au Tribunal sur ce point, cet élément n'étant pas pertinent pour l'issue du litige.

2.2.3 L'appelante reproche enfin au premier juge d'avoir retenu que la décision de la majorité n'était pas justifiée par des motifs économiques raisonnables, en se fondant sur des faits inexacts, incomplets ou non pertinents selon elle. Elle lui fait en particulier grief d'avoir retenu à tort qu'elle avait justifié la décision litigieuse par l'existence des procédures en cours (C/1______/2018), lesquelles seraient à l'origine pour elle d'importantes et coûteuses préoccupations, alors qu'elle aurait soutenu tout au long de la procédure que la raison à l'origine de la modification statutaire était la question des représentants de l'intimée au sein du conseil d'administration, laquelle était source de préoccupations majeures, dont faisaient seulement partie les procédures judiciaires qui en découlaient. Selon elle, l'intimée aurait adopté un comportement inconsistant et confus quant au choix de ses représentants, en changeant fréquemment et en faisant des propositions inconsistantes à ce sujet, proposant également des membres hostiles envers la société. Cette attitude ne pouvait que nuire au bon fonctionnement du conseil d'administration, cet organe ayant en effet besoin de bénéficier d'une bonne entente en son sein et d'être composé de membres qui ne devaient pas constamment se familiariser avec les activités de la société.

En l'occurrence, le Tribunal n'a certes examiné qu'un aspect de l'argumentation de l'appelante. Cela étant, les raisons invoquées par celle-ci pour justifier la modification statutaire litigieuse ne constituent pas des motifs économiques raisonnables.

Tout d'abord, il ne peut être retenu que l'intimée serait inconsistante au motif qu'elle aurait proposé deux années de suite des nouveaux représentants et qu'elle répercuterait ses propres conflits internes sur la société. La première année, elle a en effet proposé deux nouveaux représentants afin de remplacer deux administrateurs démissionnaires, et deux autres représentants en vue de remplacer deux administrateurs dont le mandat en son sein arrivait à échéance. A cet égard et contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir retenu que les mandats de S______ et T______ devaient être révoqués dès lors qu'ils ne représentaient plus l'intimée. Si la pièce produite par l'intimée sur ce point ne démontre pas précisément ce qui précède, il ressort en revanche clairement du Registre du commerce, qui constitue un fait notoire (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1 et 1.2), que les précités ne sont plus administrateurs de l'intimée depuis octobre 2018 et que leurs mandats respectifs arrivaient donc bel et bien à leur terme lorsque leur remplacement a été proposé. S'ils n'ont certes pas été révoqués dans leur rôle d'administrateur de l'appelante, ils ne représentaient plus l'intimée et devaient ainsi être remplacés dans ce rôle. S'agissant de la deuxième année, deux des représentants proposés la première année avaient été refusés par l'appelante et une personne était démissionnaire, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'intimée d'avoir alors présenté trois nouveaux représentants, celle-ci ne disposant plus que d'un représentant à ce moment-là. Enfin, il n'est pas établi que la nécessité de remplacer les anciens représentants de l'intimée serait due à "ses propres querelles intestines" comme le soutient l'appelante. Elle n'explique pas en quoi ces querelles consistaient et cela ne ressort en particulier pas du jugement entrepris, sans qu'elle ne fasse valoir de constatation incomplète des faits sur ce point. Au vu de ce qui précède, les demandes de l'intimée de nommer des nouveaux représentants au conseil d'administration étaient légitimes et il ne peut ainsi lui être reproché d'avoir adopté un comportement inconsistant à cet égard. Dans ces conditions, les craintes de l'appelante quant au bon fonctionnement du conseil d'administration ne sont pas fondées.

En tout état, le simple fait que de nouveaux administrateurs entrent au conseil d'administration n'implique pas nécessairement une mauvaise entente au sein de celui-ci. Sur ce point, l'appelante n'expose en particulier pas en quoi les représentants proposés par l'intimée seraient hostiles envers la société, ce qui ne ressort pas des faits constatés par le Tribunal sans que l'appelante ne reproche une constatation incomplète des faits sur ce point, étant rappelés que les renvois aux écritures et aux pièces de première instance ne répondent pas à l'exigence de motivation posée par l'art. 311 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4D_56/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3; 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3).

Par ailleurs et bien qu'un nouvel administrateur doive effectivement se familiariser avec les affaires de la société, le dossier ne contient aucun élément permettant de retenir que cela l'empêcherait de contribuer efficacement à la gestion de celle-ci, l'appelante n'apportant aucun élément concret sur ce point. L'appelante a ainsi failli à démontrer que le bon fonctionnement du conseil d'administration était mis en péril par l'exercice, par l'intimée, du droit que lui conférait l'ancien art. 20 al. 2 des statuts.

S'agissant des procédures initiées par l'intimée à l'encontre de l'appelante, elles ne sauraient davantage justifier la décision litigieuse, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal. Indépendamment du bien-fondé de celles-ci, qu'il n'appartient ni à la Cour ni au Tribunal d'examiner dans la présente cause, il ne peut en effet être reproché à l'intimée d'avoir initié ces procédures qui trouvent leur origine dans le refus de l'appelante de nommer les représentants proposés par l'intimée. La modification statutaire qui y fait suite rendrait vaines ces procédures et a davantage l'apparence de représailles dans les circonstances du cas d'espèce. Dans ces conditions, ces procédures ne constituent pas non plus une raison économique raisonnable au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, la décision litigieuse n'est pas justifiée par des motifs économiques raisonnables. L'admission hypothétique des griefs – notamment en constatation manifestement inexacte des faits – formulés par l'appelante sur le raisonnement du Tribunal en lien avec les raisons de l'introduction de la participation élargie de l'intimée au conseil d'administration, la position de l'intimée dans la société, le fait que ce droit n'avait pas fait l'objet de différend particulier jusqu'à l'arrivée de H______ SA au capital social ainsi que les circonstances entourant les prêts et managements fees octroyés, ne modifierait pas ce qui précède, de sorte qu'il n'est pas utile de les examiner plus avant.

2.2.4 La modification statutaire étant constitutive d'abus de droit, le Tribunal était fondé à l'annuler. Partant, le jugement entrepris sera confirmé.

2.2.5 Dans la mesure où le jugement entrepris est confirmé, il n'est pas utile d'examiner le grief de l'intimée relatif au droit acquis. Il en va de même du grief en constatation inexacte des faits en lien avec le fait que les titres de l'appelante étaient ouverts au public et traités sur un marché organisé, dès lors que ce grief n'est soulevé que dans l'hypothèse où celui des droits acquis serait examiné.

3.             L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 15'000 fr. (art. 95, 96 et 104 al. 1 CPC; art. 7 al. 1, 17 et 35 RTFMC; art. 19 al. 5 LaCC) et compensés avec l'avance de frais de même montant versée par l'appelante (art. 111 al. 1 CPC), laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Les dépens d'appel seront également mis à la charge de l'appelante (art. 106 al. 1 CPC). Afin de tenir compte de la disproportion manifeste entre le taux applicable en lien avec la valeur litigieuse et le travail effectif de l'avocat (art. 23 al. 1 LaCC), ils seront arrêtés à 7'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 31 janvier 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/15803/2021 rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16206/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 15'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de même montant fournie par elle, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à SOCIETE COOPERATIVE B______ la somme de 7'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.