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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9418/2020

ACJC/1063/2022 du 22.08.2022 sur JTBL/550/2021 ( OBL ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9418/2020 ACJC/1063/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 AOÛT 2022

 

Entre

COMMUNE DE A______, ayant son siège ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 juin 2021, comparant par
Me Tatiana GURBANOV, avocate, rue Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par sa curatrice, Madame C______, Service de protection des adultes (SPAD), boulevard Georges-Favon 28, case postale 5011, 1211 Genève 11,

2) Monsieur D______, autre intimé, anciennement domicilié ______, actuellement sans domicile ni résidence connus.


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/550/2021, rendu le 17 juin 2021, le Tribunal des baux et loyers a constaté la nullité du congé notifié par la COMMUNE DE A______ à D______ et B______ le 28 avril 2020 pour le 30 juin 2020, concernant l'appartement de 3 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à A______ (GE) (ch. 1), constaté la nullité du congé notifié par la COMMUNE DE A______ à D______ et B______ le 28 avril 2020 pour le 30 septembre 2020, concernant l'appartement précité (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu qu'en application de la théorie de la réception absolue, les avis de résiliation du 28 avril 2020 adressés à D______ ne lui avaient pas valablement été notifiés, de sorte que ces congés étaient frappés de nullité.

Ledit jugement a été communiqué aux parties par plis du greffe du ______ juin 2021, reçu le lendemain aux domiciles élus, et s'agissant de D______, par publication dans la Feuille d'Avis Officielle (FAO).

b. Par acte déposé le 16 août 2021 à la Cour de justice, la COMMUNE DE A______ (ci-après : l'appelante ou la bailleresse) a formé appel contre ce jugement. Elle sollicite, principalement, l'annulation dudit jugement et conclut à ce que la Cour constate que les congés notifiés à D______ et B______ le 28 avril 2020, respectivement pour le 30 juin 2020 et pour le 30 septembre 2020, sont valables à la forme, puis renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et décision au sens des considérants, et subsidiairement, à ce que la Cour annule le jugement et renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et décision au sens des considérants.

Elle invoque la violation des articles 266l et ss CO, 266o CO, 2 CC et 5 al. 3, 9 et 29 al. 1 Cst., ainsi qu'une constatation inexacte d'un fait.

c. Par mémoire du 20 septembre 2021, B______ a répondu à l'appel et conclu à la confirmation du jugement entrepris.

d. D______ n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti.

e. Le 24 septembre 2021, l'appelante a renoncé à répliquer.

f. Le greffe a avisé les parties, le 27 septembre 2021, de ce que la cause était gardée à juger.


B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 14 juin 1999, B______, locataire, a pris à bail un appartement de 3 pièces, situé au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, à A______ (GE).

Les locaux sont destinés exclusivement à l'usage d'habitation.

Le loyer a été fixé à 9'720 fr. par année et l'acompte provisionnel annuel pour charges à 1'200 fr.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année et deux mois, soit du 1er août 1999 au 30 septembre 2000, reconductible par la suite tacitement d'année en année, sauf résiliation donnée avec un préavis de trois mois.

b. Par ordonnance du 28 mai 2014, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une mesure de curatelle de représentation en faveur de B______.

c. Par avenant au contrat de bail du 8 juin 2015, D______ est devenu co-titulaire du bail, conjointement et solidairement avec son épouse, désormais désignée comme B______.

d. Dès le mois de janvier 2016, la régie a reçu plusieurs plaintes de voisins au sujet du comportement bruyant des locataires, de jour comme de nuit, ainsi que du fait que des excréments de chiens provenant de leur balcon tombaient sur ceux de leurs voisins et qu'ils laissaient leurs animaux se promener sans laisse dans les locaux communs.

La régie a mis en demeure les locataires à plusieurs reprises de se conformer aux règles et usages locatifs et de respecter leur devoir de diligence en faveur du voisinage.

e. Par jugement JTPI/13253/2018 du 31 août 2018, rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, le Tribunal de première instance a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à B______ et fixé un délai de deux mois à D______ pour le quitter.

f. Le jugement a été communiqué à la régie par le Service de protection des adultes (SPAD) en date du 25 janvier 2019, avec l'indication que D______ avait quitté le domicile en date du 1er novembre 2018 et en sollicitant que le bail soit modifié pour être mis au seul nom de B______.

g. Le 29 janvier 2019, la régie a répondu que le jugement ne transférait pas les droits et obligations découlant du contrat de bail à la seule B______ de sorte qu'elle ne pouvait modifier le bail en ce sens.

h. Le 4 mars 2019, après avoir reçu de nouvelles plaintes de voisins, la régie a mis en demeure B______ de cesser ses comportements contraires aux règles et usages locatifs et à son devoir de diligence, sous menace de résiliation de son contrat de bail.

La mise en demeure a été envoyée par pli recommandé, à B______ uniquement, et a été réceptionnée par cette dernière au guichet postal le 12 mars 2019.

i. Le 30 avril 2019, B______ a informé la régie de ce que son conjoint avait quitté le logement conjugal depuis le 1er octobre 2018, qu'il n'avait pas effectué les démarches de changement d'adresse auprès de l'office compétent pour ne pas perdre son permis de séjour mais qu'il vivait en France, à E______.

j. Par avis officiels du 3 juin 2019, adressés par plis séparés à D______ et B______ à l'adresse de l'appartement loué, ainsi qu'au SPAD, la régie a résilié le bail avec effet au 31 juillet 2019, en application de l'art. 257f al. 3 CO.

Le pli destiné à B______ a été réceptionné par cette dernière au guichet postal le 12 juin 2019, celui destiné au SPAD, par le biais de la case postale, le 6 juin 2019, alors que le pli adressé à D______ a été retourné à l'expéditeur avec la mention « introuvable à l'adresse indiquée ».

B______ a seule contesté le congé.

Par jugement JTBL/192/2020 du 21 février 2020, le Tribunal des baux et loyers a constaté l'absence de légitimation active de B______, faute d'avoir assigné également en justice D______, co-titulaire du bail, et l'a en conséquence déboutée de ses conclusions. Le Tribunal des baux et loyers a également relevé que le congé notifié était nul, dans la mesure où la mise en demeure n'avait pas été notifiée à D______, co-titulaire du bail, et où l'avis officiel de résiliation ne lui avait pas non plus été notifié valablement.

k. Le 19 août 2019, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a fait parvenir à la régie deux attestations, indiquant que B______ était domiciliée au chemin 1______ no. ______, à A______ (GE), alors que D______ se trouvait « actuellement sans domicile connu ».

l. Par plis recommandés du 3 avril 2020, adressés séparément à B______, à son adresse de domicile, ainsi qu'au SPAD, et à D______ « p.a. B______ » à l'adresse du bail, la régie a mis en demeure les locataires de mettre un terme aux nuisances sonores provenant de leur logement, y compris aux bruits de leurs chiens, ainsi qu'à leur habitude de fumer dans les communs de l'immeuble, ces différents comportements étant contraire aux règles et usages locatifs, sous menace de résiliation de leur bail.

m. Par avis officiels du 28 avril 2020, adressés par plis séparés et recommandés à B______, à son adresse de domicile ainsi qu'au SPAD et à D______, à l'adresse du bail ainsi qu'à la rue 2______ no. ______, à E______, en France, la bailleresse a résilié le contrat de bail avec effet au 30 juin 2020, sur la base de l'article 257f al. 3 CO, et avec effet au 30 septembre 2020 de manière ordinaire.

Le justificatif de distribution de la poste française indique que les plis recommandés adressés à D______ ont été retournés à la régie le 5 mai 2020, s'agissant du congé extraordinaire, et le 11 mai 2020, s'agissant du congé ordinaire, à la suite d'une tentative de distribution infructueuse, le destinataire étant inconnu à l'adresse mentionnée.

Les plis envoyés à D______ à l'adresse du bail ont également été retournés à l'expéditeur, le 29 avril 2020, avec la mention que le destinataire était introuvable à l'adresse indiquée.

Quant aux plis adressés à B______, avisés pour retrait dans la boîte aux lettres le 29 avril 2020, ils ont été retournés à l'expéditeur à l'échéance du délai de garde de sept jours, le 7 mai 2020. La régie les lui a renvoyés par plis simples du 12 mai 2020.

Les plis adressés au SPAD ont été distribués le 29 avril 2020.

n. Par requêtes déposées le 25 mai 2020 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarées non conciliées lors de l'audience de conciliation du 2 octobre 2020 et portées devant le Tribunal le 26 octobre 2020, B______ a conclu, principalement, à la constatation de l'inefficacité du congé extraordinaire (cause enrôlée sous le numéro C/3______/2020) et du congé ordinaire (cause C/9418/2020), subsidiairement, à ce que ces congés soient annulés.

o. Les requêtes en contestation de congé ont été dirigées aussi contre D______, indiqué comme domicilié avenue 4______ no. ______, à F______ (France), devant la Commission de conciliation, puis sans domicile connu sur la demande déposée au Tribunal. N'ayant pu être atteint à l'adresse précitée pour l'audience de conciliation, D______ a finalement été convoqué par publication dans la FAO.

p. Les deux causes ont été jointes par ordonnance du Tribunal du 5 novembre 2020 sous le numéro C/9418/2020.

q. Par écriture du 10 décembre 2020, la bailleresse a conclu sur demande principale à la constatation de la validité des congés et, sur demande reconventionnelle, à l'évacuation des locataires, avec mesures d'exécution directe.

A l'appui de ses conclusions, elle a produit une attestation délivrée par l'Office cantonal de la population et des migrations du 8 décembre 2020, indiquant que D______ était domicilié avenue 4______ no. ______, à F______ (France).

r. B______ a conclu au déboutement de la bailleresse de ses conclusions en évacuation avec exécution directe, par mémoire du 15 janvier 2021.

s. Lors de l'audience du 20 avril 2021, D______, bien que convoqué, ne s'est pas présenté.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions.

La bailleresse a indiqué qu'elle ne pensait pas que l'avis de résiliation adressé à D______ avait été notifié à une autre adresse et a confirmé n'avoir jamais réussi à atteindre ce locataire. Contrairement à leurs obligations découlant du bail, ni ce dernier ni son épouse n'avait transmis les informations relatives à sa nouvelle adresse, de sorte que la notification à l'adresse du bail était valable, ce d'autant plus que D______ était parti vivre en France sans avoir fait de changement d'adresse. Aucun avis de résiliation n'avait été adressé à ce dernier à l'adresse transmise le 8 décembre 2020 par l'OCPM.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.            1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer annuel de l'objet litigieux, charges comprises, s'élève à 10'920 fr., de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al.1 CPC, en tenant compte de la suspension de délai de l'art. 145 al. 1 let. b CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ, Procédure civile suisse, les grands thèmes pour les praticiens. Neuchâtel 2010, p. 349 ss, n° 121).

2. 2.1 Le premier grief invoqué par l'appelante porte sur le fait que le Tribunal a considéré que les plis recommandés destinés à D______ ne lui avaient pas été notifiés valablement, de sorte que les congés devaient être déclarés nuls. Elle considère que les art. 266l et ss, notamment 266o CO, ont ainsi été violés.

2.2
2.2.1
Lorsque deux ou plusieurs personnes signent un contrat de bail en s'engageant conjointement et solidairement, la solidarité n'est pas limitée au paiement du loyer et au cas de la solidarité passive. L'engagement solidaire se rapporte à l'ensemble de la relation contractuelle. Le contrat de bail étant un contrat bilatéral parfait, les colocataires sont aussi créanciers solidaires du bailleur. En outre, le rapport de solidarité ne se limite pas aux seules créances et dettes pécuniaires mais s'étend à l'ensemble des droits et obligations que le contrat et la loi confèrent aux cocontractants, qu'il s'agisse des obligations principales ou contractuelles ou de droits formateurs, exceptions et objections (ROMY, Commentaire romand CO I, 2021, n. 1 ad art. 145 CO).

Le contrat de bail commun est un rapport juridique uniforme (ATF 136 III 431 consid. 3.1). Le droit de résiliation, qui est un droit formateur indissociable, doit donc être exercé par tous les locataires ou par tous les bailleurs ensemble, à l'encontre de tous les bailleurs ou de tous les locataires, sous peine de nullité de la résiliation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_189/2009 du 13 juillet 2009 consid. 2.1; 4C_133/1993 du 20 juin 1994 consid. 5b; ATF 140 III 491 consid. 4.2.1, SJ 2015 I 126 et références citées).

2.2.2 Selon l'art. 266n CO, le congé donné par le bailleur pour le logement de famille, doit être communiqué séparément au locataire et à son conjoint ou à son partenaire enregistré. On entend par logement de la famille l'appartement ou la maison qui sert de domicile aux époux, le foyer où se déroule la vie familiale commune (ATF 118 II 489 consid. 2).

Le congé qui ne satisfait pas aux conditions prévues aux art. 266l à 266n est nul (art. 266o CO).

2.2.3 La résiliation du bail est une déclaration unilatérale de volonté de l'une des parties au contrat, qui est soumise à réception (ATF 137 III 208 consid. 3.1.1). Comme l'a rappelé à de nombreuses reprises le Tribunal fédéral, la communication de la résiliation du bail est soumise à la théorie de la réception dite absolue (ATF 143 III 15 consid. 4.1; ATF 140 III 244 consid. 5; ATF 137 III 208 consid. 3.1.2; ATF 118 II 42 consid. 3; ATF 107 II 189 consid. 2). Le point de départ du délai correspond au moment où la manifestation de volonté (i.e. la résiliation du bail) est parvenue dans la sphère d'influence (Machtbereich) du destinataire ou de son représentant, de telle sorte qu'en organisant normalement ses affaires, celui-ci est à même d'en prendre connaissance (ATF 137 III 208 consid. 3.1.2). Lorsque la manifestation de volonté est communiquée par pli recommandé, si l'agent postal n'a pas pu le remettre effectivement au destinataire (ou à un tiers autorisé à prendre livraison de l'envoi) et qu'il laisse un avis de retrait ("invitation à retirer un envoi") dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, le pli est reçu dès que le destinataire est en mesure d'en prendre connaissance au bureau de la poste selon l'avis de retrait; il s'agit soit du jour même où l'avis de retrait est déposé dans la boîte aux lettres si l'on peut attendre du destinataire qu'il le retire aussitôt, sinon en règle générale le lendemain de ce jour (ATF 137 III 208 consid. 3.1.2; ATF 107 II 189 consid. 2 p. 192; arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2013 du 11 novembre 2013 consid. 2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la théorie de la réception absolue tient compte de manière équitable des intérêts antagonistes des deux parties, à savoir ceux de l'expéditeur et ceux du destinataire. L'expéditeur supporte le risque de transmission du pli jusqu'au moment où il parvient dans la sphère d'influence du destinataire, alors que celui-ci supporte le risque, à l'intérieur de sa sphère d'influence, du fait qu'il prend connaissance tardivement, respectivement ne prend pas connaissance du support de la communication. Cet équilibre serait rompu si la théorie de la réception relative - selon laquelle le pli est reçu au moment où il est effectivement retiré à la poste ou, s'il n'est pas retiré, le 7e et dernier jour du délai de garde - devait s'appliquer (ATF 137 III 208 consid. 3.1.3. in fine; ATF 140 III 244 consid. 5.1 in fine).

2.2.4 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge peut retenir un intérêt pour agir "lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties et qu'une constatation judiciaire sur l'existence et l'objet du rapport pourrait l'éliminer" (ATF 114 II 253 consid. 2).

2.3 En l'espèce, il sied de constater que la bailleresse a correctement adressé les avis de résiliation, séparément, aux deux locataires, bien que D______ n'ait pas reçu les avis de résiliation qui lui étaient destinés. Il est en effet avéré que ni la poste française, ni la poste suisse n'ont réussi à procéder à une distribution des plis recommandés qui lui ont été expédiés par la bailleresse.

Toutefois, les échecs de distribution précités ne doivent pas être supportés par la bailleresse dans le cas d'espèce.

En effet, celle-ci s'est trouvée placée, sans faute de sa part, face à une impossibilité objective de notification puisque, contrairement à ses obligations contractuelles, D______ n'a pas pris les mesures commandées par les circonstances pour faire suivre son courrier de manière effective après sa séparation d'avec B______. On ne saurait en effet retenir que celui-ci a « organisé normalement ses affaires », en disparaissant du canton de Genève sans faire le nécessaire pour faire suivre son courrier.

En outre, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral le logement perd son caractère familial lorsque l'un des époux bénéficiaires de la protection légale quitte, de son propre chef, le logement de manière définitive ou pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_569/2017 du 27 avril 2018, consid. 5; ATF
139 III 7, consid. 2.3.1), de sorte que dans le cas d'espèce, D______ n'a pas de raison de se prévaloir de la protection de l'art. 266n CO.

Enfin, vu son départ définitif du logement litigieux - qui n'a été contesté par aucune des parties -, D______ a renoncé au droit d'usage provenant du contrat de bail litigieux.

Au de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la bailleresse a satisfait à son devoir de diligence en adressant les avis de résiliation aux deux locataires, séparément, aux adresses dont elle disposait, que D______ ne possède plus aucun intérêt juridique pour agir en contestation du congé, que B______, seule personne dont les droits sont en jeu, a dûment pu les faire valoir en justice, de sorte que la nullité des avis de résiliation ne peut pas être constatée.

Le jugement attaqué sera par conséquent annulé, la validité à la forme des congés notifiés sera constatée et la cause renvoyée au Tribunal pour suite d'instruction et nouvelle décision sur la question de l'efficacité du congé vis-à-vis de B______ et ses conséquences.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 août 2021 par la COMMUNE DE A______ contre le jugement JTBL/550/2021 rendu le 17 juin 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9418/2020.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait :

Constate la validité formelle des congés notifiés le 28 avril 2020 par plis séparés à B______ et D______.

Renvoie la cause au Tribunal pour suite d'instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 


 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr. cf. consid. 1.1.