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Décisions | Sommaires

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C/24636/2012

ACJC/1050/2013 du 30.08.2013 sur OSQ/17/2013 ( SQP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 03.10.2013, rendu le 19.02.2014, CONFIRME, 5A_739/2013
Descripteurs : PROCÉDURE SOMMAIRE; OPPOSITION(PROCÉDURE); ORDONNANCE DE SÉQUESTRE
Normes : LP.278.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24636/2012 ACJC/1050/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 30 aoÛT 2013

 

Entre

A______, ayant son siège ______ (ZG), recourante contre un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 mai 2013, comparant par Me Eric Vazey, avocat, rue du Nant 6, case postale 6509, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, domicilié ______ (Russie), intimé, comparant par Me Julien Liechti, avocat, rue de la Coulouvrenière 29, case postale 5710, 1211 Genève 11, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a) Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 3 juin 2013, A______ recourt contre un jugement rendu le 21 mai 2013, reçu le 23 mai 2013, aux termes duquel le Tribunal de première instance a déclaré recevable l'opposition formée le 28 décembre 2012 par B______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 27 novembre 2012 dans la cause n° C/24636/2012 (ch. 1 du dispositif), écarté de la procédure la pièce n° 145 produite par A______ (ch. 2), admis l'opposition (ch. 3), révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre rendue le 27 novembre 2012 (ch. 4), mis les frais à la charge de A______ (ch. 5), arrêté le montant des frais judiciaires à 2'000 fr., ceux-ci étant compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par B______, tandis que A______ était condamnée à rembourser au prénommé la somme de 2'000 fr. (ch. 6), condamné A______ à verser à B______ la somme de 26'000 fr. à titre de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

A______ conclut principalement à l'annulation du jugement susvisé, à la confirmation de l'ordonnance de séquestre rendue le 27 novembre 2012 dans la cause n° C/24636/2012 et au déboutement de B______ de toutes autres conclusions, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

b) Préalablement, A______ a conclu à la suspension de la force de chose jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris.

Par décision du 6 juin 2013, la Chambre civile de la Cour de justice a déclaré la requête d'effet suspensif sans objet, vu l'art. 278 al. 4 LP.

c) Invité à se déterminer par écrit, B______ conclut au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de sa réponse, l'intimé produit un bordereau de cinq pièces non soumises au premier juge, comprenant une procuration du 7 juin 2013 en faveur de son conseil (pièce A), une procuration de C______ du 3 avril 2009 (pièce B), un extrait de registre social daté du 29 août 2011 (pièce C), un contrat de vente d'actions du 30 mars 2007 (pièce D) et diverses enveloppes timbrées aux mois d'octobre 2011 et de mai 2012 (pièce E).

d) Les parties ont été avisées de la mise en délibération de la cause le 26 juillet 2013.

B.            Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a) A______ est une société de droit suisse dont le siège se trouve à ______ (ZG), à l'adresse de la société zurichoise E______. Son ayant droit économique unique est un homme d'affaires russe, D______.

b) B______ est également un homme d'affaires russe, domicilié à ______ (Fédération de Russie). Il était notamment l'ayant droit économique unique de la société de droit suisse F______, constituée à Zoug à la même date et à la même adresse que A______. F______ a été mise en liquidation dans le courant de l'été 2012.

c) B______ et D______ se sont associés dans le cadre de la réalisation de projets immobiliers. A cette fin, ils ont constitué ensemble la société G______ aux Iles Vierges Britanniques, détenue à parts égales entre eux par le truchement de deux sociétés dont ils sont respectivement les uniques ayants droit. G______ était quant à elle, jusqu'au 28 juin 2010, actionnaire unique de la société H______, constituée à Chypre.

Le 26 février 2010, B______ et D______ ont signé un document aux termes duquel tous les droits concernant l'exécution des instructions liées aux intérêts économiques de diverses sociétés, parmi lesquelles H______ et G______, ont été confiés à un avocat russe, I______. La gestion de ces deux entités était notamment confiée à celui-ci. Le 18 mars suivant, B______ a également donné à I______ pouvoir de le représenter vis-à-vis de de F______.

d) Pour réaliser les investissements nécessaires à leur projets, B______ et D______ ont chacun octroyé à H______ deux prêts, respectivement par le truchement de F______ et de A______.

Les contrats de prêt ont été signés entre les 22 et 29 décembre 2009. Les montants prêtés à H______, de 8'230'000 USD et 4'840'000 EUR, étaient identiques pour les deux parties.

e) Par courrier du 24 juin 2010, I______ a instruit E______ de lui transférer l'intégralité des actions de H______. Ce courrier indiquait qu'il avait initialement été envisagé de transférer les titres en faveur de A______ et de F______, mais qu'il avait finalement été décidé de procéder à un transfert en faveur de lui-même, I______.

Le 28 juin 2010, G______ et I______ ont en conséquence signé un instrument de transfert d'actions selon lequel la première cédait au second 2'000 actions de la société H______, d'une valeur nominale de 1 EUR chacune, représentant l'intégralité de son capital-actions.

f) Par courrier de ses conseils du 7 septembre 2011, A______ a demandé à H______ de lui fournir diverses informations financières. Elle a attiré son attention sur le fait que toute restructuration requérait son accord préalable conformément aux contrats de prêt.

Dans un courriel daté du 8 septembre 2011, le conseil chypriote de H______ a fait état de la situation corporative de la société, en indiquant que l'intégralité du capital-actions était détenue par I______.

Par courrier de ses conseils du 15 septembre 2011, A______ a indiqué à H______ que l'absence de réponse de cette dernière à sa demande d'informations du 7 septembre 2011 constituait un event of default au sens des contrats de prêts. Elle ajoutait avoir depuis lors appris, par une recherche menée dans les registres publics chypriotes, le changement d'actionnaire intervenu le 28 juin 2010. L'absence de communication de ce changement constituait également un event of default. A______ sollicitait des informations détaillées sur le nouvel actionnaire et réservait ses droits s'agissant d'une dénonciation des prêts.

Le 15 septembre 2011, agissant par le biais de la fille de B______, C______, depuis peu au bénéfice d'une procuration, F______ a adressé à H______ un courrier à la teneur similaire à ceux envoyés par les conseils de A______ les 7 et 15 septembre 2011. F______ sollicitait les mêmes informations financières et faisait état de ce que les participations dans H______ avaient été cédées à I______ sans qu'elle n'en soit informée, ce qui constituait un event of default. F______ demandait toutes explications y relatives.

g) Par courriers datés des 15 et 27 septembre 2011, F______ et A______ ont dénoncé les prêts accordés à H______ et sollicité leur remboursement en capital et intérêts.

Elles se sont prévalues du changement de la répartition des droits de vote au sein de H______, ainsi que du fait que la cession des actions en faveur de I______ ne leur avait pas été communiquée.

h) Les 3 et 4 octobre 2011, E______ a adressé à I______ des courriels sollicitant des clarifications et des documents afin de déterminer comment il convenait d'appréhender la situation en lien avec les courriers de dénonciation susvisés.

En date du 25 octobre 2011, I______ a adressé un courriel à la directrice chypriote démissionnaire de H______, par lequel il expliquait notamment qu'il avait été envisagé, au mois de mars 2010, que les actions de H______ soient transférées pour moitié à A______ et pour moitié à F______. A cette fin, des renseignements concernant les ayants droit économiques de A______ et F______ auraient dû être communiqués aux autorités chypriotes, ce avec quoi D______ n'était pas d'accord. En conséquence, ce dernier avait pris la décision de lui transférer l'intégralité de la participation dans H______.

I______ s'est présenté comme étant l'unique ayant droit économique de H______ dans les différentes correspondances échangées en lien avec le changement de directeur de la société.

i) La question du remboursement des prêts consentis par A______ à H______ fait actuellement l'objet d'une procédure intentée le 30 septembre 2011 par la première contre la seconde par-devant les juridictions du canton de Zoug. A______ y invoque la réalisation de plusieurs events of default prévus dans les contrats de prêt, notamment le changement d'actionnariat de H______, dont elle indique qu'il est intervenu sans lui avoir été annoncé.

Dans ce contexte, I______ a échangé au mois de mars 2012 plusieurs courriels avec les représentants en Suisse d'une étude d'avocats britannique, ainsi qu'avec le conseil chypriote de H______. Ces courriels avaient pour objet de préparer la défense de H______ devant les tribunaux zougois et de lui permettre de s'opposer à toute tentative de recouvrement de la part de A______, au cas où une décision serait rendue en sa défaveur. Il a notamment été envisagé que H______ se sépare de ses actifs et entre en phase de liquidation.

Le 10 septembre 2012, A______ et sa société mère ont par ailleurs introduit devant les juridictions de Zurich une demande en conciliation à l'encontre de I______ et de B______, tendant au paiement de 8'442'739.86 USD, 4'965'110.68 EUR et 7'000'000 fr. Les demanderesses y invoquent la responsabilité délictuelle des défendeurs liée à la cession de la totalité du capital-actions de H______ à I______.

j) Le 26 novembre 2012 A______ a requis du Tribunal de première instance de Genève le séquestre à concurrence de 7'884'674 fr. 70 (contre-valeur de 8'442'739.86 USD) et de 5'983'951 fr. 30 (contre-valeur de 4'965'110.68 EUR) plus intérêts, en mains des banques ______ à Genève et ______ à Zurich, de tous avoirs et biens, sous nom propre ou pseudonyme, désignation conventionnelle ou numérique, ou au nom de tiers, notamment de personnes morales, trusts, trustees, société offshore ou autres entités similaires, mais appartenant en réalité à B______.

A l'appui de sa requête, A______ indiquait que B______ avait commis un acte illicite à son encontre en causant, par l'intermédiaire de son employé I______, le transfert des actions de H______ à ce dernier, dans le but de s'assurer le contrôle total de la société et d'empêcher tout remboursement des prêts qu'elle lui avait octroyés. Ledit transfert avait été effectué sans aucune autorisation de D______, l'autre ayant droit économique de H______, et avec l'assistance active de E______ en Suisse. L'existence de biens appartenant à B______ ressortait d'une déclaration écrite de D______.

k) Par ordonnance de séquestre rendue le 27 novembre 2012, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre requis, à l'exception des biens désignés comme étant au nom "notamment de personnes morales, trusts, trustees, société offshore ou autres entités similaires".

A______ a quant à elle été astreinte à fournir des sûretés à hauteur de 1'000'000 fr., lesquelles ont été fournies sous forme d'une garantie bancaire émise le 17 décembre 2012.

l) En date du 28 décembre 2012, B______ a formé opposition contre l'ordonnance de séquestre prononcée le 27 novembre 2012.

A l'appui de son opposition, B______ a notamment contesté la créance invoquée par A______, rien ne laissant apparaître qu'il aurait instigué le transfert des actions de H______ en faveur de I______. Ce dernier détenait une procuration générale pour agir au nom de A______ et de son ayant droit, D______, lequel était parfaitement au courant de la cession opérée.

C.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré en substance que les éléments de la procédure ne permettaient pas de retenir que I______, qui était au bénéfice d'une procuration générale signée par D______, aurait agi en violation des instructions de ce dernier. Il ressortait des instructions à E______ et des explications données par I______ que le transfert des titres de H______ avait été décidé notamment par D______, afin d'éviter de communiquer certains renseignements aux autorités chypriotes. Les pièces du dossier indiquant que D______ n'aurait pas été au courant du transfert d'actions opéré en faveur de I______ étaient des documents qui paraissaient avoir été établis par A______ elle-même, respectivement par son ayant-droit économique, de sorte qu'elles ne suffisaient pas à rendre vraisemblables les faits concernés.

A supposer que le transfert d'actions en faveur de I______ ait été opéré à l'insu de D______, la procédure ne comportait aucun élément étayant une quelconque implication de B______ dans ces agissements. S'il devait être établi que I______ avait commis un acte illicite en faisant transférer les actions de H______ en sa faveur, il aurait agi de la sorte au détriment tant de D______ que de B______. Une collusion entre I______ et B______, dont il résulterait une éventuelle responsabilité délictuelle de ce dernier, n'était en l'état pas rendue vraisemblable.

A______ n'avait ainsi pas rendu vraisemblable l'acte illicite sur lequel elle fondait la créance invoquée à l'appui du séquestre. L'opposition devait en conséquence être admise et le séquestre levé.

D.           L'argumentation juridique des parties sur recours sera examinée ci-dessous, dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Les recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP; art. 142 al. 3 et 321 al. 2 CPC). Ils doivent aussi satisfaire aux exigences de l'art. 130 CPC (art. 251 let. a et 252 CPC).

Déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, le recours est en l'occurrence recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2.             2.1 La loi prévoit que des faits nouveaux peuvent être allégués (art. 278 al. 3 LP et 326 al. 2 CPC).

Dans la mesure où le moment déterminant pour apprécier le cas de séquestre est celui où l'autorité de recours statue (Hohl, Procédure civile, tome II, 2010 n. 1642-1644 p. 300), l'art. 278 al. 3 LP admet tout fait nouveau (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 4 ad art. 326 CPC). Ils comprennent tant les vrais que les faux nova. A cet égard, les parties peuvent alléguer des faits nouveaux improprement dits (ou pseudo-nova) survenus avant la décision du juge sur l'opposition, mais que l'opposant ou le créancier séquestrant n'a pas pu invoquer plus tôt. Ainsi, la Cour de céans considère que les parties peuvent, à l'appui de ces faits nouveaux, offrir des preuves nouvelles mais à condition que la partie qui s'en prévaut ait ignorés lesdits faits sans faute, ne soit pas censée les connaître ou n'ait eu aucune raison de les invoquer plus tôt (ACJC/1016/2010 consid. 4.1; ACJC/224/2010 consid. 3).

On rappellera que la procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques : simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire. Elle a en outre un objet et un but particulier puisque le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure conservatoire, soit la mise sous main de justice de biens du débiteur, qui permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au séquestre est aussi une procédure sur pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2).

2.2 En l'espèce, l'intimée produit à l'appui de sa réponse au recours cinq pièces nouvelles qui, à l'exception de la première d'entre elles (procuration en faveur de son conseil, pièce A), sont antérieures d'un an au moins au prononcé de la décision entreprise. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la production de telles pièces ne peut être admise sur recours que si celles-ci ont trait à des faits nouveaux (improprement dits) eux-mêmes admissibles au regard de ces mêmes principes.

Or, en l'occurrence, l'intimée ne démontre pas ni même n'allègue qu'elle aurait ignoré sans sa faute les faits auxquels se rapportent ces pièces (soit pour la pièce B : existence d'une procuration d'une société détenue par l'ayant droit économique de la recourante en faveur de la fille de l'intimé; pièce C: existence d'une autre société dans laquelle l'ayant droit économique de la recourante aurait collaboré avec I______; pièce D : représentation de l'ayant-droit économique de la recourante par la fille de l'intimé aux fins de vente de titres d'une société tierce; pièce E : existence d'une adresse professionnelle que l'ayant droit économique de la recourante partagerait avec l'intimé et/ou avec I______). L'intimée n'indique pas non plus qu'elle n'ait pas été censée connaître ces faits lors de la procédure devant le premier juge, ni qu'elle n'ait pas été en mesure de les invoquer plus tôt. Par conséquent, les pièces B, C D et E produites par l'intimée devant la Cour seront déclarées irrecevables.

3.             Le recourante reproche au juge de l'opposition d'avoir considéré que sa créance n'était pas rendue suffisamment vraisemblable, de sorte que les conditions du séquestre n'étaient pas réunies.

3.1.1 Selon l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur lorsque ce dernier n'habite pas en Suisse, s'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur un jugement exécutoire ou sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

Selon l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable : 1. que sa créance existe; 2. qu'on est en présence d'un cas de séquestre; 3. qu'il existe des biens appartenant au débiteur.

Dans la procédure d'opposition au séquestre, tant le premier juge que l'autorité cantonale supérieure statuent uniquement sous l'angle de la vraisemblance de la réalisation des conditions du séquestre (arrêts du Tribunal fédéral 5A_870/2010 du 15 mars 2011, consid. 3.2; 5P.341/2006 du 23 novembre 2006, consid. 3.2). Savoir si le degré de vraisemblance est atteint est une question relevant de l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_817/2008 du 30 juin 2009, consid. 6.2; TF, SJ 1998 p. 145).

3.1.2 Afin de rendre sa créance vraisemblable, le créancier doit alléguer les faits et, pratiquement, produire une pièce ou un ensemble de pièces qui permettent au juge du séquestre d'acquérir, sur le plan de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible. Il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le juge acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits allégués, sans pour autant qu'il doive exclure qu'il puisse en aller autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_365/2012 du 17 août 2012, consid. 5.1; 5A_877/2011 du 5 mars 2012, consid. 2.1; 5A_870/2010 cité, consid. 3.2).

Par cela, il faut comprendre que, dans l'échelle allant de l'incertitude (0%) à la certitude (100%), la vraisemblance (Wahrscheinlichkeit) est plus proche de la certitude que la simple possibilité (Möglichkeit), cas dans lequel il y a autant de probabilités que l'événement en cause se soit produit, ou non (50% - 50% ; Chaix, Jurisprudences genevoises en matière de séquestre, in SJ 2005 II p. 357ss, p. 363).

De son côté, le poursuivi (i.e. l'opposante) doit s'efforcer de démontrer, en s'appuyant sur les moyens de preuve à sa disposition, que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant (arrêts 5A_482/2010 du 16 septembre 2010, consid. 2.1; 5P.336/2003 du 21 novembre 2003, consid. 2). Compte tenu des effets rigoureux du séquestre, la Cour de justice se montre sévère dans son appréciation de la vraisemblance de la créance (TF, SJ 1998 p. 145, consid. 3b; ACJC/1528/2004 du 9 décembre 2004, consid. 5, cité par Chaix, loc. cit.).

3.2.1 En l'espèce, la recourante reproche tout d'abord au premier juge d'avoir considéré qu'il n'était pas vraisemblable que I______ ait agi en violation des instructions de son ayant droit économique, D______, en procédant au transfert en sa faveur de l'ensemble du capital-actions de la société H______.

Comme le Tribunal, la Cour de céans constate cependant que I______ était au bénéfice d'une procuration générale dûment octroyée par D______, comme par l'intimé, lui confiant notamment la gestion des sociétés H______ et de sa société mère G______. A deux reprises au moins, I______ a indiqué qu'il avait d'abord été envisagé de céder le capital-actions de H______ à la société F______ et à la recourante A______, mais qu'en raison de l'opposition notamment de D______, il avait été finalement décidé de lui transférer personnellement le capital-actions en question, à titre fiduciaire. Il apparait ainsi, prima facie, que I______ a agi conformément aux instructions de l'ayant droit économique de la recourante, et non contrairement à celle-ci.

La recourante, qui conteste ce qui précède, ne démontre pas en quoi un tel déroulement des faits serait invraisemblable. Il n'est en effet pas contesté que tant l'intimé que l'ayant-droit économique de la recourante ont dans un premier temps fait confiance à I______, au point de lui confier la gestion des sociétés constituées en commun. On ne voit pas pourquoi les ayants droit susvisés n'auraient pas pu envisager de confier au prénommé la détention du capital-actions de l'une de ces sociétés, notamment à titre fiduciaire. Le fait que la recourante ait ensuite reproché à H______ de ne pas l'avoir informée du changement survenu dans son actionnariat ne permet pas d'exclure que l'ayant droit économique de la recourante ait lui-même été informé de ce changement, ni qu'il y ait consenti ou qu'il en soit à l'origine. Il n'y a en effet pas d'identité personnelle entre la recourante et son ayant droit économique et l'ignorance d'un fait par la première ne signifie pas nécessairement que le second l'ignorait aussi.

Par conséquent, c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il n'était pas rendu vraisemblable que le dénommé I______ aurait agi en violation des instructions de l'ayant droit économique de la recourante lors du transfert en son nom du capital-actions de H______.

3.2.2 Contrairement à ce que soutient ensuite la recourante, le fait que I______ ait pu agir en violation des instructions de l'ayant droit économique de la recourante, ou au détriment des intérêts économiques de celle-ci, ne signifie par ailleurs pas nécessairement que l'intimé soit l'instigateur des actes illicites potentiellement commis, ni qu'il en ait tiré un quelconque profit.

A cet égard, les allégations de la recourante selon lesquelles le dénommé I______ serait l'employé de l'intimé ne sont étayées par aucun élément probant. A teneur de la procédure, I______ intervenait en effet dans la gestion des sociétés communes comme représentant des deux parties, au bénéfice d'une procuration confiée par les ayants droit économiques de celles-ci. Le seul fait que l'intimé ait en sus chargé I______ de le représenter vis-à-vis de sa société F______, ce que n'a pas fait l'ayant droit économique de la recourante vis-à-vis de celle-ci, ne suffit pas à rendre vraisemblable que I______ ait été principalement au service de l'intimé, tant il semble également plausible que l'ayant droit économique de la recourante aurait pu conférer à I______ des pouvoirs semblables s'il l'avait souhaité. Les affirmations de la recourante selon lesquelles l'intimé partagerait avec I______ une adresse professionnelle, l'aurait instruit de transmettre à son enfant la correspondance bancaire relative au compte de H______, ou lui confierait le soin de le représenter en relation avec de nombreuses autres sociétés dont l'intimé serait l'ayant-droit économique, affirmations articulées pour la première fois devant la Cour mais se référant toutes aux pièces produites par la recourante devant le premier juge, portent sur autant de faits nouveaux non recevables en vertu des principes rappelés sous consid. 2.1 ci-dessus. Elles sont dès lors impropres à rendre vraisemblable que I______ devrait être considéré comme un employé de l'intimé, agissant essentiellement sur instructions et dans l'intérêt de celui-ci.

Comme le Tribunal, la Cour constate qu'à supposer que I______ se soit approprié de manière illicite le capital de H______, il paraît à ce stade avoir agi tant au détriment de l'intimé que de l'ayant droit économique de la recourante. A teneur de la procédure, la société de l'intimé F______ a, comme la recourante, requis des explications puis dénoncé les prêts octroyés à H______ lorsque la détention du capital de celle-ci par I______ est devenue litigieuse. Pour cela, l'intimé a notamment fait intervenir sa fille en lieu et place de I______, ce qui tend à indiquer que l'intimé a alors lui aussi remis en question la confiance qu'il convenait d'accorder au prénommé.

Le fait que que I______ ait ensuite consulté des conseils britanniques et chypriotes afin de permettre à H______ de se prémunir contre les prétentions de la recourante ne permet pas non plus de retenir que l'intimé serait à l'origine des opérations ainsi conduites par I______, ni que ces opérations seraient en définitives destinées à lui bénéficier. Comme le relève l'intimé, ni son nom ni celui de l'une de ses sociétés ne sont mentionnés dans les échanges en question. La recourante reconnaît d'ailleurs elle-même que d'éventuelles instructions de l'intimé à I______, lui enjoignant d'agir à son détriment, font en l'espèce défaut. Le seul fait que, selon la conception de la recourante, l'intimé puisse avoir eu intérêt à dissimuler de telles instructions ne suffit pas à rendre leur existence vraisemblable, en l'absence de tout autre élément probant.

De même, le fait que la société de l'intimé F______ ne soit pas mentionnée, dans les échanges entre I______ et ses conseils, comme une créancière aux prétentions desquelles I______ aurait eu l'intention de s'opposer, voire de se soustraire, s'explique vraisemblablement par le fait que la recourante avait effectivement ouvert action contre H______, ce qui n'était pas le cas de F______. On ne saurait dès lors en déduire une quelconque collusion entre I______ et l'intimé, destinée à porter préjudice à la recourante. Une telle collusion ne saurait davantage être déduite du simple fait que, à teneur de la procédure, F______ n'a pas ouvert une telle action contre H______ ou contre I______. Les raisons pour lesquelles F______ n'a apparemment pas intenté action en remboursement (contre la première) ou en responsabilité (contre le second) ne sont en effet pas connues et sont susceptibles d'être multiples, telles que par exemple le défaut de ressources financières suffisantes; il n'est en tous les cas pas allégué ni établi que F______ ou son ayant droit auraient, contrairement à la recourante, obtenu le remboursement des prêts consentis à H______ avant la mise en liquidation de F______.

3.3 Au vu des considérants qui précèdent, la Cour constate que l'éventuelle instigation de I______ par l'intimé, aux fins de commettre un acte illicite au préjudice de la recourante, relève en l'état d'une hypothèse certes concevable, mais dont la réalisation n'est pas plus proche de la certitude que de la simple possibilité, au sens des principes rappelés ci-dessus. Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a admis l'opposition et ordonné la levée du séquestre, au motif que la créance de la recourante n'était pas rendue suffisamment vraisemblable.

Le recours sera en conséquence rejeté.

4.             La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires du recours (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC), arrêtés à 3'000 fr. (art. 48 et 61
al. 1 OELP). Ces frais seront compensés avec l'avance fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera également condamnée à verser à l'intimé la somme de 12'000 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 95 al. 3 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 LaCC; art. 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC), cette somme correspondant à l'activité réduite de son avocat devant la Cour de céans.

5.             La présente décision, rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2
lit. a LTF), est susceptible d'un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. L'arrêt sur opposition au séquestre (art. 278 al. 3 LP) porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 232 consid. 1.2); la partie recourante ne peut donc dénoncer qu'une violation de ses droits constitutionnels (ATF 133 III 638 n° 87; 134 II 349 consid. 3, et les arrêts cités).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

À la forme :

Déclare recevable le recours formé le 3 juin 2013 par A______ contre le jugement OSQ/17/2013 rendu le 21 mai 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24636/2012-11 SQP.

Déclare irrecevables les pièces B, C, D et E produites par B______ à l'appui de sa réponse au recours.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 3'000 fr.

Met les frais judiciaires du recours à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 12'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Pierre CURTIN, président; Monsieur Jean-Marc STRUBIN et Madame Sylvie DROIN, juges; Madame Véronique BULUNDWE, greffière.

 

Le président :

Pierre CURTIN

 

La greffière :

Véronique BULUNDWE

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. La partie recourante ne peut dénoncer qu'une violation de ses droits constitutionnels (98 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.