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Décisions | Chambre civile

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C/7591/2011

ACJC/1015/2014 du 29.08.2014 sur JTPI/17121/2013 ( OO ) , MODIFIE

Descripteurs : FRAIS DE LA PROCÉDURE; CALCUL
Normes : CPC.106; LaCC.23; RTFMC.5; RTFMC.7; RTFMC.84
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7591/2011 ACJC/1015/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 29 AOût 2014

 

Entre

A______, sise ______ Iles Vierges Britanniques,

B______, domicilié ______, Etats Unis d'Amérique,

recourants d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 décembre 2013, comparant par Me Pierre Schifferli, avocat,
8, avenue Jules-Crosnier, 1206 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

C______, domiciliée ______ Genève , intimée, comparant par Me Saverio Lembo, avocat, 12, quai de la Poste, case postale 5056, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par demande déposée devant le Tribunal de première instance le 13 septembre 2011, A______ et B______ ont agi en paiement de 10'422'703,43 US$ et 1'000'000 US$ contre C______, précisant que la contrevaleur de ces montants était de 9'937'751 fr. 98 (1 US$ = 0,87 CHF).

La demande porte sur les dommages et intérêts subis par B______, ayant droit économique de A______, du fait que la banque ne l'a pas averti de la requête des autorités fiscales américaines de leur transmettre certains documents bancaires concernant A______. B______ a fait valoir les frais d'avocat (2'022'703,43 US$) nécessaires à sa défense aux Etats-Unis dans une procédure pour fraude fiscale qui s'est soldée par une peine ferme, son gain manqué (8'400'000 US$) et son tort moral (1'000'000 US$). La demande expose que B______ avait conclu avec la banque un contrat de gestionnaire indépendant, selon lequel il percevait une rétrocession partielle sur les montants perçus par C______ sur les comptes des clients de B______ ainsi que des honoraires d'apporteur d'affaires lors d'ouvertures de comptes de nouveaux clients ou d'apports d'actifs déjà existants. La banque lui avait expliqué sa stratégie de recrutement de clients nord- et latino-américains.

b. Le Tribunal a fixé l'avance de frais à 120'000 fr.

c. Les demandeurs n'ont pas contesté la requête aux fins de sûretés introduite par C______, qui a réclamé à ce titre 191'449 fr. 33, composés de 25'000 fr. de débours de la banque, 141'276 fr. 44 d'honoraires d'avocat (128'433 fr. 13 selon la valeur litigieuse prévue à l'art. 85 RTFMC, majorés de 10%), 12'843 fr. 31 de débours de l'avocat (10% des honoraires non majorés) et 12'329 fr. 58 de TVA.

d. Après le premier échange d'écritures, les parties sont convenues de limiter le litige, dans un premier temps, à la question de la légitimation active des demandeurs.

La demande comporte 22 pages ainsi que 20 pièces, la requête en fixation de sûretés 9 pages, la réponse 33 pages et une trentaine de pièces. Les parties ont encore déposé chacune un mémoire complémentaire de 12/13 pages ainsi qu'une réplique de 11 pages et une duplique de 14 pages relatives à la légitimation active. Le Tribunal a procédé à deux audiences de débats d'instruction, une audience de débats principaux consacrée à l'audition des parties, une audience d'audition de quatre témoins donnant lieu à un procès-verbal de 11 pages et une audience de plaidoiries finales. Il a rendu une dizaine d'ordonnances (de preuve, d'instruction ou autres ordonnances).

e. Par jugement du 17 décembre 2013, notifié le 21 janvier 2014 à A______ et B______, leur demande a été déclarée irrecevable pour défaut de qualité pour agir (ch. 1). Les frais judiciaires de 122'320 fr. (120'000 fr. d'émolument de décision et 2'320 fr. de frais d'administration des preuves) ont été mis à la charge de ceux-ci (ch. 2), qui ont, en sus, été condamnés à verser la somme de 166'449 fr. à titre de dépens et 750 fr. à titre de remboursement d'avance de frais (ch. 3).

Ecartant l'application in casu de la théorie du "Durchgriff", le Tribunal a considéré que seule A______ était liée à C______ par un contrat. Or, A______ ne pouvait pas faire valoir des créances en dommages et intérêts, dont B______ était titulaire. A______ devait donc se voir dénier la qualité pour agir.

B. Par acte déposé le 19 février 2014 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ forment recours contre les chiffres 2 et 3 du dispositif ce jugement, dont ils demandent l'annulation. Ils concluent à ce que les frais judiciaires de première instance soient arrêtés à 62'320 fr. et les dépens à 69'353 fr. 85.

C______ conclut au rejet du recours.

Dans leur réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives. Leurs arguments seront examinés ci-après, dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. La voie du recours est ouverte pour critiquer la répartition des frais et dépens (art. 110 CPC).

Interjeté dans la forme et le délai prescrits (art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

Les allégations de fait et preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC). La seule pièce nouvelle produite par les parties devant la Cour, à savoir la note de frais du conseil de l'intimée (pièce 2 int.), est ainsi irrecevable.

2.             Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513 à 2515; Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure fédérale, in SJ 2009 II p. 264 et 265, n. 16 et 20).

3.             Les recourants se plaignent, dans leur premier moyen, de la violation de l'art. 7 al. 2 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC; RS/GE E 1 05.10). Compte tenu du jugement d'irrecevabilité, les frais judiciaires auraient dû être réduits.

L'intimée relève que le défaut de légitimation entraîne le rejet de l'action et non son irrecevabilité. Par ailleurs, celle-ci n'a pas été prononcée en raison de l'absence d'une condition prévue à l'art. 59 CPC. L'art. 7 al. 1 RTFMC ne trouve ainsi pas application.

3.1 Aux termes de l'art. 106 CPC, les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie succombante (al. 1).

L'application de ces règles sur le plan cantonal est régie, à Genève, par l'art. 19 LaCC. Cette disposition prévoit que les frais judiciaires comprennent notamment un émolument forfaitaire en couverture des prestations fournies (al. 1), qu'ils doivent correspondre aux coûts effectifs des actes concernés (al. 2) et qu'ils sont calculés en fonction de la valeur litigieuse et, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la cause (al. 3), ceci en particulier dans une fourchette comprise entre 200 fr. et 100'000 fr. lorsque la valeur litigeuse de la cause n'excède pas 10'000'000 fr., respectivement entre 100'000 fr. et 200'000 fr. lorsque la valeur litigieuse excède ce montant. (al. 3 let. d). Si des motifs particuliers le justifient, ces émoluments peuvent être supprimés ou réduits pour tenir compte des efforts des parties de régler leur différend à l'amiable ou si d'autres motifs particuliers le justifient (al. 5). En toute hypothèse, les frais judiciaires doivent respecter les principes de la couverture des frais et de l'équivalence (ATF 139 III 334 consid. 3.2.3; 120 Ia 171 consid. 2a).

3.1.1 Le règlement fixant le tarif des greffes en matière civile (RTFMC, E 1.05.10), adopté en exécution des dispositions qui précèdent, prévoit, dans les procédures dont la valeur litigieuse dépasse 10'000'001 fr. la perception d'un émolument forfaitaire de décision se situant dans une fourchette allant de 100'000 fr. à 200'000 fr. (art. 17 RTFMC), étant précisé que lors de la fixation dudit émolument, il doit être tenu compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure ou de l'importance du travail qu'elle a impliqué (art. 5 RTFMC). En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, l'émolument est majoré de 20% (art. 13 RTFMC). L'émolument forfaitaire de conciliation se monte entre 100 fr. et 200 fr. (art. 16 RTFMC), celui des ordonnances d'instruction et autres décisions entre 300 fr. et 5'000 fr. (art. RTFMC) et celui de décisions relatives aux sûretés entre 300 fr. et 2'000 fr. (art. 21 RTFMC).

Aux termes de l'art. 7 al. 1 RTFMC, lorsqu'une cause est retirée, transigée, déclarée irrecevable, jointe à une autre cause ou lorsque l'équité le justifie, l'émolument minimal peut être réduit, au maximum à concurrence des ¾, mais, en principe, pas en deçà d'un solde de 1'000 fr. Selon le texte de la disposition, il s'agit d'une disposition potestative. Elle existait déjà dans le règlement fixant le tarif des greffes (RS/GE E 3 05.10), applicable aux procédures régies par l'ancienne Loi de procédure civile. La réduction importante de l'émolument qu'elle prévoit vise des cas très particuliers. A cet égard, le Tribunal dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 111 V 48 consid. 4a).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse s'est élevée à 11'422'703 US$, ce qui représente, au taux de change allégué par les recourants de US$ = 0 fr. 87 le 13 septembre 2011, un montant de 9'937'752 fr. Ce montant se situant légèrement en dessous du maximum de la "fourchette" allant de 100'001 fr. à 10'000'000 fr., l'émolument de décision pouvait atteindre 120'000 fr., compte tenu de la majoration admissible de 20% en raison de la pluralité de demandeurs.

Il convient toutefois de relever que selon le convertisseur fxtop (http://www.fxtop.com) utilisé par le Tribunal fédéral (ATF 138 III 628 consid. 5.5; 137 III 626 consid. 3; 135 III 88 consid. 4.1), le taux de change était le 13 septembre 2011 de 0.882155 fr., de sorte que la valeur litigieuse se monte à 10'076'595 fr. Pour les causes pécuniaires dont la valeur litigieuse dépasse 10'000'000 fr., la "fourchette" relative à l'émolument de décision s'étend de 100'000 fr. à 200'000 fr. (art. 17 RTFMC). Le montant querellé de 122'320 fr. (incluant les frais d'administration de preuve de 2'2'30 fr.) se situe ainsi dans la limite des montants prévus dans le règlement sur le tarif des greffes, que la valeur litigieuse soit de 9'937'752 fr. ou de 10'076'595 fr. Les recourants ne le contestent d'ailleurs pas. Ils soutiennent toutefois que ce montant est excessif, compte tenu de l'irrecevabilité qui a été prononcée et du travail ainsi moindre lié à la cause.

Certes, le jugement déclare la demande irrecevable. Comme le relève toutefois l'intimée, l'irrecevabilité ne découle pas de l'absence d'une (simple) condition de forme. Elle résulte d'une analyse juridique ayant impliqué l'examen de la légitimation active des recourants, soit d'un examen au fond. Par ailleurs, l'art. 7 RTFMC octroie au juge la possibilité de réduire l'émolument en cas d'irrecevabilité, mais ne la lui impose pas. En outre et contrairement à ce que soutiennent les recourants, la cause présente une certaine complexité du fait qu'il convenait, en particulier, de déterminer si le recourant se confondait avec la société, dont il est l'ayant droit économique. Si l'instruction s'est limitée à cette question, elle a toutefois donné lieu à deux audiences de débats d'instruction, une audience de débats principaux consacrée à l'audition des parties, une audience d'audition de quatre témoins, dont les déclarations sont consignées dans un procès-verbal de 11 pages, et une audience de plaidoiries finales. En outre, le Tribunal a rendu une dizaine d'ordonnances. L'étude du dossier a compris la lecture des écritures des parties totalisant environ 120 pages ainsi que des 60 pièces produites par elles. Le litige s'est terminé par un jugement de 10 pages. Dans ces circonstances, le Tribunal n'a pas violé la loi en ne retenant pas l'hypothèse du jugement d'irrecevabilité visée par l'art. 7 al. 1 RTFMC.

En revanche, les recourants soulignent à juste titre que le travail du Tribunal a été limité à un seul aspect du litige, à savoir la légitimation active des recourants qu'il a niée. Le premier juge n'a ainsi pas dû examiner le principe de la responsabilité, ni se prononcer sur l'existence et la quotité du dommage. Par ailleurs, la pluralité de demandeurs n'a pas engendré un surcroît de travail; au contraire, l'examen de la relation entre les recourants a conduit au jugement d'irrecevabilité. Enfin, les recourants ayant acquiescé à la requête en fixation de sûretés, le Tribunal n'a pas eu à se pencher plus avant sur cette question.

Si l'émolument contesté demeure dans la "fourchette" prévue par les art. 17 et 13 RTFMC, il ne tient ainsi pas compte des autres critères à prendre en considération, tels la complexité de la cause, l'ampleur de la procédure et l'importance du travail qu'elle a impliqué (art. 5 RTFMC). Compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce, le Tribunal ne pouvait, sans violer les art. 19 al. 3 LaCC et 5 RTFMC, déterminer l'émolument de décision en se fondant exclusivement sur la valeur litigieuse. Le premier grief des recourants est donc fondé.

En tenant compte de l'ampleur de la procédure et du travail qu'elle a impliqué, éléments décrits supra, de la relative complexité du seul point traité, des intérêts en jeu et de la valeur litigieuse, l'émolument sera fixé à 62'320, frais d'administration des preuves inclus. Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera donc réformé dans ce sens. La condamnation des recourants à verser 750 fr. à l'intimée en remboursement de ses frais judiciaires de première instance, non contestée, sera maintenue.

4.             Dans leur second grief, les recourants reprochent au Tribunal d'avoir retenu le montant de 25'000 fr. à titre de débours de l'intimée. Seuls trois témoins avaient été entendus et le représentant de l'intimée était domicilié à Genève. Les débours du conseil de l'intimée n'étaient pas justifiés par pièce et celui-ci n'avait finalement pas déployé une grande activité. La cause n'avait pas présenté de difficultés particulières ni impliqué une durée excessive. Conformément à l'art. 23 LaCC, le défraiement du conseil de l'intimée devait être réduit.

4.1 L'intimée expose que ce n'est qu'après le premier échange d'écritures que l'instruction de la cause a été limitée à la légitimation active, de sorte qu'elle avait dû se déterminer sur l'ensemble des allégations de sa partie adverse. Compte tenu de la valeur litigieuse, son conseil avait encouru une responsabilité accrue. La cause, qui s'inscrivait dans le cadre du différend fiscal opposant les Etats-Unis à la Suisse depuis 2008, présentait une certaine complexité. Bien que la notion de "Durchgriff" soit connue, son application au cas d'espèce s'était révélée ardue. 642 heures 10 avaient été consacrées au dossier. L'art. 23 al. 2 LaCC ne trouvait pas application, le jugement se prononçant sur le fond de la demande.

4.2 L'art. 95 al. 3 let. b CPC prévoit que les dépens comprennent le défraiement du représentant professionnel. Les cantons fixent le tarif des frais (art. 96 CPC). Aux termes de l'art. 20 al. 1 LaCC, dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'Etat, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. Le Conseil d'Etat prévoit un tarif réduit ou spécial pour les procédures ne conduisant pas au prononcé d'un jugement à caractère final, pour les affaires judiciaires relevant de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889, pour les procédures d'appel ou de recours, ou pour les procédures de révision, d'interprétation et de rectification d'une décision (art. 20 al. 4 LaCC).

4.3 Le juge fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée. La décision est motivée (art. 26 al. 1 LaCC). Un état de frais peut être déposé (al. 2). La fixation des dépens est sans effet sur les rapports contractuels entre l’avocat et son client (al. 3). Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC).

Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse (art. 84 al. 1 RTFMC). Pour une valeur litigieuse allant de 4'000'000 fr. à 10'000'000 fr., les dépens s'élèvent à 61'400 fr. plus 0,75% de la valeur litigieuse dépassant 1'000'000 fr. Au-delà de 10'000'000 fr., les dépens sont de 106'400 fr. plus 0,5% de la valeur litigieuse dépassant 10'000'000 fr. (art. 85 RTFMC). Le juge peut s'écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte de l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 al. 2 RTFMC).

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la LaCC et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC). Lorsque le procès ne se termine pas par une décision au fond mais en particulier par un retrait du recours, un désistement, une transaction ou une décision d'irrecevabilité, le défraiement peut être réduit en conséquence (art. 23 al. 2 LaCC); cette énumération est exemplative (Tappy, in: Code de procédure civile commenté, 2011, n. 22 ss ad art. 107).

Cela étant et de manière générale, si la valeur litigieuse influe sur la responsabilité de l'avocat, elle ne saurait reléguer à l'arrière-plan le facteur de l'activité déployée par l'homme de loi, dont la rétribution doit rester dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie. Ce qui reste décisif pour l'allocation de dépens est moins l'issue du procès que l'activité déployée par l'avocat (ATF 93 I 116 consid. 5a).

4.4 En l'espèce, le Tribunal a fixé le montant des dépens, débours et TVA compris, à 166'449 fr. en se référant aux art. 84 et 85 RTFMC. Le montant de 166'449 fr. correspond à celui articulé par l'intimée dans sa requête en fourniture de sûretés, déduction faite des débours de 25'000 fr. que faisait valoir l'intimée. Celle-ci y détaillait des honoraires de 128'433 fr. 13, fondés sur une valeur litigieuse de 9'937'752 fr., majorés de 10%, soit 141'276 fr. 44, auxquels elle avait ajouté des débours de son conseil équivalent à 10% des honoraires non majorés, soit 12'843 fr. 31, et 8% de TVA, soit 12'329 fr. 58 (141'276 fr. 44 + 12'843 fr. 31 + 12'329 fr. 58 = 166'449 fr. 33).

La valeur litigieuse s'élève à un peu plus de 10'000'000 fr. Les dépens pour une telle valeur litigieuse se montent, selon l'art. 85 RTFMC, à 106'400 fr. L'intimée n'a produit aucune pièce en première instance, qui attesterait de ses propres débours ni de ceux de son conseil. Par ailleurs, aucun élément ne s'oppose à estimer les débours selon l'art. 25 LaCC à 3% des honoraires, soit à 3'192 fr.. Compte tenu de la TVA de 8% (8'512 fr.), les dépens s'élèvent donc en chiffres ronds à 120'000 fr.

En retenant la valeur litigieuse alléguée par les recourants de 9'937'752 fr., l'émolument se monte à 128'433 fr. (61'400 fr. + 67'033 fr.), ce qui porte les dépens, augmentés des débours de 3% (3'853 fr.) et de la TVA de 8% (10'275 fr.), à 143'000 fr. En admettant une majoration de 10%, les dépens s'élèvent, selon la valeur litigieuse retenue par les recourants, à 156'816 fr. (141'276 + 4'238 fr. (débours) + 11'302 fr. (TVA)).

Quelle que soit la valeur litigieuse retenue, le montant de 166'449 fr. arrêté par le Tribunal se situe au-delà des limites fixées par les dispositions qu'il a invoquées, à savoir les art. 84 et 85 RTFMC. Dès lors qu'il s'en écarte sans autre motivation, en particulier sans expliquer pour quel motif il a dépassé la majoration de 10% prévue à l'art. 84 al. 2 RTFMC, la Cour constate que ces deux dispositions ont été violées. Il y a donc lieu de fixer à nouveau le montant des dépens.

Selon l'art. 85 RTFMC, ceux-ci se montent, comme cela vient d'être exposé, à 120'000 fr., débours et TVA compris, pour une valeur litigieuse de 10'076'595 fr. Il convient encore d'examiner si ce montant tient dûment compte des circonstances du cas d'espèce.

La valeur litigieuse et la responsabilité qui en découle pour le conseil de l'intimée sont importantes. Ce dernier a dû se déterminer, dans la réponse, sur l'ensemble de la demande. Celle-ci portait sur l'éventuelle responsabilité de l'intimée engagée par la transmission de sa part de données - jusqu'alors considérées comme étant protégées par le secret bancaires - aux autorités fiscales américaines. Au-delà des montants que faisaient valoir les recourants, l'enjeu revêtait ainsi une importance certaine pour l'intimée. Ces éléments plaident en faveur d'une augmentation de 10% des dépens. Toutefois, après le premier échange d'écritures, le litige a été limité à la question de la légitimation active. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'art. 23 al. 2 LaCC ne trouve toutefois pas pour autant application. En effet, bien que le dispositif du jugement querellé déclare la demande irrecevable, il ressort clairement de la motivation de celui-ci (p. 10, let. A, notamment) que le Tribunal a examiné une question relevant du fond, à savoir la légitimation active (dont l'irrecevabilité n'est que la conséquence procédurale).

Le travail du conseil de l'intimée a, pour l'essentiel, consisté à prendre connaissance des écritures et pièces des recourants, rédiger la requête en fixation de sûretés, le mémoire réponse, les déterminations sur la légitimation active et la duplique et à préparer et assister aux audiences de débats principaux, d'audition des parties et des quatre témoins et de plaidoiries finales. Si l'intimée a dû se déterminer dans le mémoire réponse sur tous les points plaidés dans la demande, elle n'a ensuite plus eu à sa prononcer sur le principe de sa responsabilité et le dommage. L'examen de l'application de la théorie du "Durchgriff" au cas d'espèce n'était pas particulièrement complexe; sa difficulté peut être qualifiée de moyenne.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, à savoir notamment la responsabilité encourue par l'avocat de l'intimée, la valeur litigieuse d'environ 10 millions de francs suisses, les intérêts en jeu, l'ampleur du travail fourni et la difficulté moyenne de celle-ci, les dépens de première instance seront arrêtés à 120'000 fr., débours et TVA inclus. Le jugement sera donc réformé dans ce sens.

5. Les frais judiciaires du recours sont arrêtés, compte tenu de la valeur litigeuse de 179'775 fr. 48 et de l'ampleur modérée du travail que le dossier a impliqué, à 3'600 fr. (art. 5, 13, 17 et 38 RTFMC), partiellement compensés par l'avance de frais de 1'200 fr. opérée par les recourants.

Ceux-ci obtiennent entièrement gain de cause sur leur premier grief et leurs conclusions relatives à leur second grief sont accueillies à environ 50%. L'intimée, qui ne s'est pas contentée de s'en rapporter s'agissant de l'émolument de décision, a conclu à la confirmation du jugement. Au vu de l'issue du recours, les frais et dépens du recours seront mis à la charge de l'intimée à concurrence de 2/3 et à celle des recourants à hauteur de 1/3 (art. 106 al. 2 CPC). Les dépens seront fixés, compte tenu de la valeur litigieuse, du fait que les questions litigieuses ne posaient pas de difficultés particulières et de la faible ampleur de la procédure de recours à 3'600 fr., TVA et débours inclus (art. 23 et 26 LaCC, art. 84, 85 et 90 RTFMC). Les recourants verseront ainsi à l'intimée des dépens de 1'200 fr. et celle-ci leur versera des dépens de 2'400 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ et B______ contre les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement JTPI/17121/2013 rendu le 17 décembre 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7591/2011-3.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 précités et statuant à nouveau :

Arrête les frais judiciaires de première instance à 62'320 fr., les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux, les compense partiellement avec l'avance de 120'000 fr. fournie par eux, qui reste acquise à l'Etat de Genève à concurrence de 62'320 fr.

Ordonne, par conséquent, la restitution par les Services financiers du Pouvoir judiciaire du solde de l'avance de frais versée par A______ et B______, solidairement entre eux.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser à C______ la somme de 750 fr. à titre de remboursement de leurs frais judiciaires de première instance.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser à C______ la somme de 120'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Ordonne, par conséquent, la restitution par les Services financiers du Pouvoir judiciaire du solde des sûretés fournies par A______ et B______, solidairement entre eux.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 3'600 fr., les met à la charge d'C______ à concurrence de 2'400 fr. et à charge de A______ et B______, solidairement entre eux, à concurrence de 1'200 fr. et les compense partiellement avec l'avance de 1'200 fr. fournie par ces derniers, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à verser 2'400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de frais judiciaires de recours.

Condamne C______ à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, la somme de 2'400 fr. à titre de dépens de recours.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser à C______ 1'200 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

 


















Indication des voies de recours
:


Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.