Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/28353/2011

ACJC/1422/2013 du 02.12.2013 sur JTBL/410/2013 ( OBL ) , RENVOYE

Descripteurs : BAIL À LOYER; COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE
Normes : LOJ.89
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28353/2011 ACJC/1422/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 2 DECEMBRE 2013

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Genève, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 avril 2013, comparant par Me Alain de Mitri, avocat, rue de Rive 4, case postale 3400, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

d'une part,

et

1) B______, c/o D______, ______, Zurich,

2) C______, ayant son siège ______, Genève, intimées, comparant toutes les deux par Me Yves Bonard, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elles font élection de domicile,

d'autre part,

 


EN FAIT

A.            a. Par jugement JTBL/410/2013, rendu le 18 avril 2013 dans la cause C/28353/2011-4-OSB, le Tribunal des baux et loyers s'est déclaré incompétent à raison de la matière pour statuer sur la requête déposée le 30 décembre 2011 par A______ à l'encontre de B______ et C______ (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2), dit que la procédure était gratuite (ch. 3) et indiqué les voies de recours (ch. 4).

b. En substance, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a retenu que les parties étaient liées par un contrat de conciergerie, dont l'aspect du contrat de travail était prédominant, de sorte qu'il n'était pas compétent ratione materiae.

c. Par acte expédié à la Cour de justice le 27 mai 2013, A______ forme appel du jugement précité, dont il demande l'annulation. Il conclut à ce que qu'il soit dit que la juridiction des baux et loyers est compétente pour connaître la présente cause et au renvoi de celle-ci au Tribunal pour instruction.

Il produit une pièce nouvelle, soit un extrait du site Internet de la société D______.

d. Dans son mémoire responsif, B______ et C______ concluent, avec suite de dépens, à la confirmation du jugement entrepris.

e. Les parties ont été informées par plis de la Cour du 9 juillet 2013 de la mise en délibération de la cause.

B. Les faits pertinents sont les suivants :

a. Le 18 mars 1983, A______ a conclu, avec les propriétaires des immeubles sis rue E______ et F______ ainsi que G______, un "contrat de travail pour le service de concierge professionnel".

Le début du service dans les immeubles précités était fixé au 1er mai 1983, sous réserve de la disponibilité de l'appartement de service de 3 pièces ½ au 7ème étage de l'immeuble sis rue F______, qui était attribué au concierge (art. 1er).

Le salaire mensuel, de 3'500 fr., comprenait une prestation en nature représentée par la mise à disposition de l'appartement précité, chiffrée à 500 fr., et une "valeur en espèces" de 3'000 fr. (art. 4).

Le contrat stipulait que la jouissance du logement mis à la disposition du concierge ne pouvait, en raison même de la nature particulière du service de conciergerie, être dissociée du contrat de travail. Le concierge s'engageait donc à le restituer en parfait état d'entretien à l'expiration du contrat et à le rendre disponible dès cette date (art. 11).

b. A______ a emménagé dans ledit appartement avec son épouse et leur fils. Suite à la séparation du couple à une date indéterminée, celle-ci a quitté le domicile conjugal, puis le canton de Genève.

c. Le 1er avril 1997, un nouveau "contrat de travail pour le service de conciergerie" est entré en vigueur entre A______ et les nouveaux propriétaires des immeubles sis rue E______, F______, et G______, contrat qui a remplacé celui du 1er mai 1983.

A l'art. 3, intitulé "rémunération", les valeurs en espèces s'élevaient à 6'310 fr. brut par mois. La rubrique "valeur des prestations en nature" ne contenait pas de chiffre (art. 3).

L'art. 9 prévoyait, à l'instar du contrat du 18 mars 1983, que la jouissance du logement mis à disposition du concierge ne pouvait être dissociée du contrat de travail. Le concierge s'engageait donc à le restituer en parfait état d'entretien à l'expiration du contrat de travail et à le rendre disponible dès cette date.

Sous "dispositions particulières", il était prévu que le salaire net total serait versé directement par l'employeur à la fin du mois; en revanche, le concierge paierait son loyer au moyen des bulletins de versement en sa possession par avance et par mensualité (art. 12 let. a). L'art. 12 let. b précisait que le contrat de travail était lié au bail de l'appartement et vice versa. En cas de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, l'appartement devait être libéré.

Le dossier soumis à la Cour ne contient pas de pièces attestant du montant du loyer.

d. A une date indéterminée, B______ est devenue propriétaire des immeubles sis rue E______, F______, et G______. C______ a, par la suite, repris leur gérance.

e. Le 25 mai 2001, un nouveau "contrat de travail", de durée indéterminée, a été signé par A______ et C______ en qualité de représentante de la propriétaire. Ce contrat prévoyait son entrée en vigueur le 1er mai 2001.

En sus de l'activité à 100%, le contrat prévoyait que le concierge devait assurer un service de piquet les week-ends en cas de petites interventions de nettoyage dans les galeries ou en cas d'alarmes.

Le salaire mensuel était fixé à 6'425 fr. payables treize fois l'an. Il a été successivement augmenté pour atteindre 6'900 fr. brut (x 13 mois).

Au contrat étaient jointes des "Conditions d'engagement des concierges", rédigées sous l'en-tête de C______, faisant partie intégrante du contrat de travail (art. 1.2).

L'art. 3, intitulé "salaire" ne faisait aucune allusion à l'appartement occupé par A______. Aucune autre disposition n'y faisait, par ailleurs, référence.

Les décomptes de salaire ne mentionnaient que le salaire mensuel et les charges sociales.

f. A une date indéterminée entre 2000 et 2001, C______ a mis à la disposition de A______ un logement de 5 pièces (100 m2) situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue E______, pour un loyer mensuel de 1'000 fr., charges comprises.

Aucun contrat n'a été signé à cette occasion. Le loyer était payé par A______ à l'aide de bulletins de versement remis par la régie.

L'intimée allègue qu'il s'agissait de l'appartement précédemment occupé par le concierge auquel l'appelant a succédé en 1983, H______, ce qui semble ressortir du contrat de conciergerie conclu par ce dernier le 16 octobre 1980.

g. Par lettre du 25 août 2011 faisant suite à une demande téléphonique de A______ souhaitant obtenir une copie des baux à loyer relatifs à l'appartement de 5 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis E______ et au dépôt d'environ 18 m2 au 3ème sous-sol, C______ lui a répondu que l'examen de son dossier révélait l'existence d'un bail à loyer commercial pour le dépôt, mais qu'elle ne disposait d'aucun contrat s'agissant de l'appartement.

C______ concluait, dans ce courrier, que le changement de logement s'était effectué dans la continuité de la situation initiale, c'est-à-dire que le logement de fonction avait été déplacé sans pour autant être séparé du contrat de travail. L'occupation de l'appartement de 5 pièces n'avait donc pas fait l'objet d'un bail particulier car il restait toujours lié au contrat de travail, de sorte qu'une résiliation du contrat de travail entraînerait une résiliation de l'appartement.

h. Par courrier du 2 décembre 2011, C______ a résilié le contrat de travail de A______ pour le 31 mars 2012 et l'a prié de restituer l'appartement de 5 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis rue E______ à cette date, en lui rappelant qu'il s'agissait d'un logement de fonction lié au contrat de travail.

i. Le 1er juillet 2012, la gestion des immeubles rue E______ et F______ a été reprise par D______.

C. a. Par requête du 30 décembre 2011, portée devant le Tribunal des baux et loyers le 26 juillet 2012 après la non conciliation, A______ a conclu principalement à la nullité du congé, subsidiairement à son annulation et plus subsidiairement encore à une pleine et entière prolongation du bail de quatre ans.

A______ a soutenu que l'appartement ne constituait pas un logement de fonction, n'étant pas lié à ses rapports de travail, de sorte que l'absence de notification sur formule officielle, ainsi que l'absence de notification à son épouse entraînaient la nullité de la résiliation. Pour le surplus, il a souligné notamment sa mauvaise santé et ses difficultés à se déplacer, ainsi que son faible revenu consistant uniquement en sa rente AVS.

b. B______ et C______ ont conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande en raison de l'incompétence ratione materiae du Tribunal, et subsidiairement à la validité du congé.

Elles ont relevé que l'appartement était un logement de fonction, équipé d'un détecteur incendie pour l'immeuble sis G______, que A______ devait assurer un service de piquet les week-ends et que son salaire était largement supérieur au montant de sa redevance, de sorte que les règles du contrat de travail étaient applicables à la résiliation du contrat litigieux. Ainsi, la résiliation du contrat de travail entraînait l'obligation de restituer l'appartement de fonction.

c. Lors de l'audience de débats principaux du 17 janvier 2013, les parties ont confirmé que le dernier contrat liant les parties était celui du 25 mai 2001, dûment signé par A______.

Ce dernier a indiqué payer un loyer de 850 fr., plus 150 fr. de charges. Son appartement était équipé d'un tableau d'alarmes, relié à un autre tableau au rez-de-chaussée. Agé de 68 ans, il percevait une rente AVS depuis 3 ans. Il occupait seul son appartement. Sauf erreur, son épouse avait déménagé en juin 2012. Il avait effectué des recherches de logement en s'inscrivant auprès de la Gérance Immobilière et de l'Office du logement.

Le conseil des bailleresses a confirmé que A______ avait d'abord occupé un logement de fonction de 3 pièces ½ dans l'immeuble sis rue F______, puis s'était vu attribuer son logement actuel de 5 pièces au 2ème étage de la rue E______. Cet appartement était spécialement équipé pour une activité de concierge, notamment s'agissant d'une installation de retour d'alarmes. Suite à la résiliation du contrat de travail de A______, un nouveau concierge avait été engagé en la personne de I______. Le logement actuellement occupé par A______ lui avait été promis.

A______ a sollicité la production, par la bailleresse, du contrat de travail de I______, ce à quoi l'avocat de celle-ci a répondu qu'il ne voyait pas en quoi cette pièce était pertinente pour l'issue du litige s'agissant de la qualification juridique du contrat entre les parties.

d. Le Tribunal a fixé un délai au 28 janvier 2013 aux parties pour la production du contrat de travail de A______ et de toutes autres pièces utiles éventuelles, ainsi qu'un délai au 28 février 2013 pour les écritures sur la question de la compétence du tribunal à raison de la matière.

e. Le 18 janvier 2013, B______ et C______ ont produit plusieurs pièces, parmi lesquelles le contrat de travail du prédécesseur de A______, mais aucune pièce relative à son successeur, I______, ni en relation avec les tableaux d'alarmes.

A______ n'a pas produit de pièces complémentaires.

f. Dans ses écritures du 28 février 2013, A______ a persisté dans ses conclusions et a requis l'ouverture d'enquêtes.

Il a relevé que l'appartement qu'il occupait n'était pas le seul à pouvoir être mis à la disposition d'un éventuel concierge, puisque lui-même avait, précédemment, occupé un autre appartement. Un tableau d'alarmes était installé dans l'immeuble, de sorte que celui situé dans son appartement n'était plus en service.

En outre, il a contesté que la conciergerie soit désormais assumée par I______. L'entretien du ou des immeuble(s) serait, bien au contraire, assumé par des entreprises externes, raison pour laquelle il avait sollicité la production du prétendu contrat de conciergerie allégué par B______ et C______ - que ces dernières n'avaient pas produit - et requis l'ouverture d'enquêtes pour entendre I______.

Au vu des faits exposés, A______ a conclu qu'il n'y avait plus aucun lien entre l'appartement et l'activité de conciergerie, de sorte que le Tribunal était compétent pour connaître de l'action en contestation du congé déposée par devant lui.

g. B______ et C______ ont persisté dans leurs conclusions visant à faire constater l'incompétence ratione materiae.

Elles ont relevé que lors du transfert d'appartement, aucun contrat de bail n'avait été signé étant donné qu'il s'agissait d'un logement de fonction lié à l'activité professionnelle de A______. L'appartement de 5 pièces mis à la disposition de ce dernier était en outre l'appartement de fonction du précédent concierge, H______, et il était équipé d'un tableau d'alarmes relié aux immeubles dont A______ avait la charge. A______ devait assurer un travail de piquet les week-ends et son salaire était largement supérieur au montant de son loyer. Les règles du contrat de travail étaient dès lors applicables à la résiliation du contrat litigieux.

h. Devant la Cour, A______ a repris ses allégués relatifs à l'inutilité du tableau d'alarmes présent dans son logement et l'absence de contrat de conciergerie avec I______.

B______ et C______ allèguent que l'activité de conciergerie est entièrement assumée par I______, lequel ne peut résider dans les immeubles dont il a la garde puisque l'appartement dévolu au concierge est occupé par A______. Ils offrent de prouver ces faits par l'audition de Messieurs I______, J______ et K______. Par ailleurs, elles précisent que le tableau de rappel et relais pour alarmes incendie destiné à l'immeuble sis G______, installé dans l'appartement litigieux, fonctionne bel et bien, et revêt une utilité pour la personne en charge de la conciergerie. Elles offrent de prouver ces faits par l'audition de Messieurs L______ et M______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), sous réserve des exceptions prévues à l'art. 309 CPC. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Il est précisé qu'il s'agit des dernières conclusions de première instance (Jeandin, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 13 ad art. 308).

En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation.

Il peut être formé pour violation de la loi (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

1.2 En l'espèce, la contestation porte sur la validité de la résiliation du bail du 2 décembre 2011. En pareil cas, et contrairement à l'opinion de l'appelant selon laquelle la présente affaire n'a pas de valeur litigieuse, cette dernière se détermine selon le loyer dû pour la période pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné ou l'a été effectivement (ATF 111 II 384 consid. 1 et la jurisprudence citée; 119 II 147 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997, reproduit in SJ 1997 p. 493, consid. 2a). Lorsque, comme en l'espèce, le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient en principe de prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2007 du 11 mars 2008, consid. 1.1).

En l'occurrence, le loyer annuel est de 12'000 fr. (1'000 fr. x 12); la valeur litigieuse, correspondant à trois ans de loyer, dépasse manifestement le seuil de 10'000 fr. fixé par l'art. 308 al. 2 CPC, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Pour le surplus, déposé dans le délai et la forme prévus par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel est recevable.

2. Dans les litiges relevant de la protection contre les congés, les faits sont établis d'office (art. 243 al. 2 let. c et 247 al. 2 let. a CPC).

3. A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

L'appelant produit, sous pièce 23, un extrait du site Internet de la société D______ qui lui était accessible déjà en première instance. Or, il n'indique pas pour quel motif il ne s'en est pas prévalu devant les premiers juges, alors même que le changement de gérance était connu.

Partant, ce moyen de preuve nouveau et l'allégué de fait n° 17 s'y rapportant seront déclarés irrecevables et écartés de la procédure.

4. 4.1 La compétence ratione materiae de la juridiction genevoise des baux et loyers est définie à l'art. 89 LOJ. Selon cette disposition, le Tribunal des baux et loyers est compétent pour statuer sur tout litige relatif au contrat de bail à loyer (art. 253 à 273c CO) ou au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO), portant sur une chose immobilière.

4.2 Le contrat de conciergerie constitue un contrat mixte qui combine des prestations du contrat individuel de travail et du contrat de bail à loyer, en sorte qu'il est régi par le droit du contrat de travail pour ce qui a trait à l'activité de conciergerie et par le droit du bail pour la cession de l'usage du logement mis à disposition du concierge. C'est seulement pour la résiliation que le régime contractuel applicable dépendra de la prestation prépondérante (ATF 131 III 566 consid. 3.1 et références citées).

L'application des dispositions sur l'extinction du bail est exclue lorsque la cession de l'usage de l'objet du contrat n'apparaît que comme un élément purement accessoire et secondaire, l'accent étant mis sur d'autres éléments du contrat. Un des critères utilisés par la jurisprudence de la Chambre d’appel des baux et loyers pour déterminer le caractère prédominant est celui de l'importance respective des prestations : si le loyer est plus élevé que le salaire du concierge, il y a bail à loyer, et vice versa. La nature du logement constitue également un critère important : s'il s'agit d'un logement de service, autrement dit si le concierge a besoin de ce logement pour exercer son activité, l'aspect du contrat de travail est prépondérant (ACJ/728/2008 du 16 juin 2008, consid. 2.1 et références citées; arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève du 15 juin 1998 publié in SJ 1999 I p. 29 et 30).

Un appartement est considéré comme logement de service non seulement en raison de ses caractéristiques spéciales, mais également si l'immeuble a toujours été pourvu d'un concierge à demeure, si celui-ci a des obligations de garde ou si le logement est le seul disponible pour son successeur (arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève du 19 juin 1992, paru aux Cahiers du bail 1/93, p. 29; Barbey, Protection contre les congés concernant les baux d'habitation et locaux commerciaux, 1991, p. 70). Le cas échéant, le logement mis à la disposition du concierge peut être situé dans un endroit approprié (proche de l'entrée principale du bâtiment) ou doté d'équipements particuliers (tels des vannes des circuits de canalisation d'eau et de chauffage, etc.). La présence de ce genre de dispositifs dans l'habitat n'est pas sans incidence sur la qualification du rapport juridique existant entre les parties à la fin de leur relation (Siegrist, La conciergerie, 15e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2008, p. 103 N 50). Le taux d'occupation déterminé pour les prestations de travail est également un critère important (ACJC/74/2013 du 21 janvier 2013).

Selon une partie de la doctrine, il est toutefois parfaitement concevable qu'ensuite de la survenance de circonstances particulières, un contrat de conciergerie - prévoyant la mise à disposition d'un logement de service au concierge et la fourniture de prestation de travail par ce dernier - se transforme, tacitement, en une location ordinaire ou en un simple contrat de travail. La première des hypothèses susvisées intervient notamment lorsque le concierge prend sa retraite ou devient incapable de travailler, tout en conservant l'usage de son logement (Siegrist, op. cit., ch. 45, p. 100 et 101; ACJC 502/2013 du 22 avril 2013).

4.3 En l'espèce, l'appelant a conclu, en 1983, 1997 et 2001, trois contrats de travail successifs, pour l'activité de concierge à temps plein, avec les propriétaires des immeubles sis rue E______ et F______ ainsi que G______ qui se sont succédés.

4.3.1 Le premier contrat indiquait expressément que le salaire versé au concierge (3'500 fr.) comprenait une partie en nature sous la forme de la mise à disposition d'un appartement de 3 pièces ½ au 7ème étage de l'immeuble sis rue F______ (pour 500 fr.) et le versement d'espèces (de 3'000 fr.).

Le deuxième contrat prévoyait le versement de valeur en espèces (6'310 fr.) mais pas de prestations en nature. Toutefois, les art. 9 et 12 let b du contrat prévoyaient que la jouissance du logement mis à disposition du concierge était indissociée du contrat de travail, le concierge s'engageant à le restituer à l'expiration du contrat de travail. L'art. 12 let. a) prévoyait en outre que le salaire net total était versé par l'employeur au concierge, ce dernier devant payer son loyer (dont le montant ne figure pas dans les pièces soumises à la Cour) au moyen des bulletins de versement en sa possession.

Ces deux contrats, tous deux intitulés "contrats pour le service de conciergerie" étaient, au vu des principes jurisprudentiels sus-rappelés, des contrats de conciergerie dont l'aspect de la relation de travail revêtait un caractère prépondérant.

4.3.2 Le troisième contrat, conclu entre les parties en 2001, était simplement intitulé "contrat de travail" et prévoyait un salaire mensuel brut de 6'425 fr. Au moment de la conclusion de ce contrat, l'appelant occupait encore l'appartement de 3 pièces ½ au 7ème étage de l'immeuble sis rue F______ mis à sa disposition en 1983, lors de sa prise de fonction. Par la suite, la société gérante lui a accordé l'appartement de 5 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis rue E______, qu'il occupe toujours, sans conclure un contrat de bail écrit. Dans cet appartement se trouvait un tableau d'alarmes nécessaires à l'exécution des tâches de l'appelant, en particulier pour le service de piquet. Le loyer, versé séparément par l'appelant, s'élevait à 1'000 fr. par mois, charges comprises.

Contrairement aux deux précédents contrats de travail conclus par l'appelant, ce dernier contrat a ceci de particulier qu'il contient uniquement des dispositions relatives à l'activité de conciergerie et passe totalement sous silence la mise à disposition d'un logement de fonction.

La Cour de céans a considéré, dans un arrêt ACJC/728/2008 du 16 juin 2008 confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 4A_375/200 du 18 novembre 2008 consid. 3.1), que lorsque les parties étaient liées par deux contrats distincts (travail et bail), mais connexes, ces deux conventions étaient liées selon la volonté des parties et formaient ainsi un contrat composé. Il y a lieu d'appliquer cette jurisprudence au cas d'espèce et de considérer qu'en l'absence de conclusion de contrat de bail en la forme écrite et de mention de l'appartement de fonction dans le contrat de travail, les parties sont liées par un contrat de bail, de fait, connexe au contrat de travail, ces deux conventions formant un contrat composé de conciergerie.

Cela étant posé, il convient encore de déterminer quelle était la prestation prépondérante prévue par les parties, dans le but de déterminer quelles dispositions légales sont applicables à la résiliation du contrat (cf. ATF 131 III 566 consid. 3.1 précité).

4.3.3 Si l'on ne tient compte, comme le soutient l'intimée, que de la proportion du salaire (6'900 fr. en dernier lieu) en regard de celle du loyer (1'000 fr.), et du fait que dans l'appartement se trouvait un tableau des alarmes nécessaires à l'activité de concierge, en particulier pour les piquets, la prestation prépondérante paraît être celle relative au contrat de travail.

Cependant, il a été rappelé supra qu'une partie de la doctrine admet qu'ensuite de la survenance de circonstances particulières, un contrat de conciergerie peut se transformer, tacitement, en une location ordinaire ou en un simple contrat de travail.

De surcroît, la Cour de céans a jugé, dans un arrêt du 17 mai 2010, que même lorsque le logement avait été mis à la disposition du concierge pour lui permettre d'effectuer son activité de conciergerie, il appartenait à la bailleresse de démontrer que cet appartement était pourvu de caractéristiques spéciales ou doté d'équipements particuliers indispensables pour effectuer le travail de conciergerie, et que, tel n'était manifestement pas le cas lorsque la bailleresse avait finalement supprimé tout service de conciergerie dans l'immeuble et confié cette tâche à une entreprise extérieure (ACJC/563/2010 consid. 3.3 cité in Droit au logement, novembre 2011, n° 202, p. 5).

In casu, l'argument de l'intimée selon lequel l'appartement litigieux était celui mis à la disposition du prédécesseur de l'appelant n'est pas de nature à démontrer que ce logement était indissociablement lié à la conciergerie, puisque cet appartement n'a pas été occupé par un concierge en fonction durant plus de dix-huit ans (de 1983 - date de l'entrée en fonction de l'appelant - à son emménagement dans l'appartement litigieux après 2001), de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il a entretemps perdu les éventuelles caractéristiques qui l'avaient, par le passé, désigné comme logement de fonction du concierge.

En revanche, à teneur des principes de jurisprudence sus-rappelés, est pertinente la réponse aux questions relatives, d'une part, à la nécessité - ou non - d'utiliser en particulier le tableau d'alarmes se trouvant dans l'appartement occupé par l'appelant (à défaut de tout autre tableau situé ailleurs), puisqu'il s'agit là de la seule caractéristique spéciale alléguée par l'intimée liant ce logement au travail de conciergerie, et, d'autre part, à l'existence - ou non - d'un contrat de conciergerie, pour les immeubles concernés, après la résiliation du contrat de l'appelant.

Ces éléments sont contestés par les parties et n'ont pas été établis par pièces. Ils n'ont pas non plus fait l'objet d'enquêtes.

Dans la mesure où les premiers juges n'ont pas invité l'intimée à documenter ses allégations relatives à l'existence d'un nouveau contrat de conciergerie, alors que les faits devaient être établis d'office (cf. supra consid. 2) et que l'appelant avait requis l'ouverture d'enquêtes, la Cour ne peut tirer aucune conclusion de l'absence de preuve relative aux deux questions de fait précitées.

4.4 A teneur du dossier, il n'est pas possible à la Cour de statuer.

Par conséquent, l'appel sera admis et la Cour renverra la cause au Tribunal des baux et loyers afin qu'il procède aux mesures d'instruction nécessaires, et rende une nouvelle décision sur sa compétence ratione materiae (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC).

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

Il n'est pas non plus alloué de dépens (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

6. S'agissant d'une décision incidente (ATF 133 V 477 consid. 4.2), le recours en matière civile au Tribunal fédéral est ouvert selon les modalités de l'art. 93 al. 1 LTF.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTBL/410/2013 rendu le 18 avril 2013 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/28353/2011-4-OSB.

Déclare irrecevables la pièce n° 23 produite par l'appelante et l'allégué de fait n° 17 s'y rapportant.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE-CONUS, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ et Madame Laurence CRUCHON, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, selon les modalités de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

La valeur litigieuse, au sens de l'art. 51 LTF, est supérieure à 15'000 fr. (consid. 2.1).