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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2977/2021

ACJC/1181/2021 du 20.09.2021 sur JTBL/367/2021 ( SBL ) , JUGE

Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2977/2021 ACJC/1181/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 20 SEPTEMBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 avril 2021, comparant par Me Fateh BOUDIAF, avocat, rue de l'Arquebuse 14, case postale 5006, 1211 Genève 11, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, c/o C______ SARL, sise ______, intimée, comparant par
Me Vadim HARYCH, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/367/2021 du 22 avril 2021, reçu par les parties le 3 mai 2021, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens, de toute personne dont il était responsable et de tout véhicule, l'arcade située à gauche de l'entrée de l'immeuble sis boulevard 1______ 14, [code postal] Genève, y compris les deux arrières salles formant la cuisine, la deuxième salle au rez-de-chaussée, le sous-sol attenant, la cave n° 2______ et le dépôt (ch. 1 du dispositif) ainsi que le parking extérieur n° 3______ attenant à l'immeuble sis boulevard 1______ 16 (ch. 2), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a.a Le 14 mai 2021, A______ a formé appel et recours contre ce jugement, concluant, sous suite de frais judiciaires et dépens, sur appel à l'annulation du jugement et cela fait, à ce que la requête en évacuation formée par B______ SA soit déclarée irrecevable et, sur recours, à l'annulation du chiffre 3 du dispositif de ce jugement, subsidiairement, si le principe de l'évacuation devait être confirmé, à ce que la Cour sursoie à l'exécution de l'évacuation tant que subsiste la pandémie COVID-19 et, plus subsidiairement encore, à ce que la Cour n'autorise l'évacuation que dans un délai d'une année dès l'entrée en force de la décision.

a.b Préalablement, A______ a conclu à ce que l'appel et le recours soient assortis de l'effet suspensif, ce à quoi s'est opposée B______ SA.

Par arrêt ACJC/637/2021 du 19 mai 2021, la Cour de justice a constaté la suspension de la force jugée et le caractère exécutoire du jugement entrepris et dit que la requête d'effet suspensif formée par le locataire était sans objet.

b. Le 25 mai 2021, B______ SA a conclu à la confirmation du jugement querellé.

Elle a produit une pièce nouvelle.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

A______ a produit une pièce nouvelle.

d. Les parties ont été informées le 9 juillet 2021 de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a.a B______ SA, la bailleresse, et A______, le locataire, ont conclu le 22 février 2010 un contrat de bail portant sur la location d'une arcade commerciale située à gauche de l'entrée de l'immeuble sis ______ [no] boulevard 1______ à Genève.

Le montant du loyer a été fixé à 5'500 fr. par mois.

Le contrat précise que les locaux sont destinés à l'exploitation d'un café-restaurant.

a.b Les parties ont également conclu le même jour un contrat de bail portant sur la location d'un parking extérieur n° 3______ attenant à l'immeuble sis boulevard 1______ à Genève. Le montant du loyer a été fixé à 250 fr. par mois.

b. Par avenant du 6 novembre 2017, les parties ont convenu que le locataire devrait s'acquitter, en sus du loyer brut inchangé de l'arcade, d'un montant mensuel de 300 fr. à titre d'acompte pour frais de chauffage et d'eau chaude dès le 1er février 2018.

Cette modification des conditions de bail a été confirmée par avis de majoration de loyer ou d'autres modifications du bail du 6 décembre 2017.

c. Par avis officiels du 12 juillet 2018, B______ SA a résilié les contrats de bail portant sur l'arcade et le parking avec effet au 31 janvier 2019 en invoquant notamment unchangement de destination des locaux sans son autorisation d'un café-restaurant en bar.

Cette résiliation a été contestée par le locataire et fait l'objet d'une autre procédure (C/4______/2018), laquelle est pendante, un recours au Tribunal fédéral ayant été formé par le locataire contre l'arrêt de la Cour de justice du 3 mai 2021, confirmant le jugement du 24 juillet 2020 déclarant valables les congés du 12 juillet 2018.

d. Le 1er novembre 2020, le Conseil d'Etat genevois a ordonné, en lien avec l'épidémie de COVID-19, la fermeture, dès le même jour, de tous les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, café-restaurants, etc.

Le 10 novembre 2020, un accord a été conclu entrel'Union suisse des professionnels de l'immobilier (USPI Genève), la Chambre genevoise immobilière (CGI) et l'Asloca Genève, pour renouveler les mécanismes d'exonération de loyers commerciaux, déployés lors des trois premiers mois de crise liée au coronavirus, et en élargir le périmètre d'action. Le nouveau dispositif, qui s'adressait aux secteurs économiques du canton ayant l'obligation de rester fermés ou non, prévoyait la possibilité d'effectuer auprès du bailleur une demande d'exonération du paiement des mensualités de novembre et de décembre 2020, pour les baux commerciaux ne dépassant pas 7'000 fr. (hors charges). Si le bailleur acceptait la demande, l'Etat lui versait alors une indemnité équivalente à la moitié du montant exonéré. Le 7 décembre 2020, un formulaire a été mis à la disposition des locataires souhaitant effectuer une telle demande sur le site du canton de Genève.

Le 11 décembre 2020, le Conseil fédéral a décidé de renforcer les mesures de lutte contre la propagation du coronavirus. Ainsi, dès le 12 décembre, les restaurants et les bars, les magasins et les marchés, les musées et les bibliothèques ainsi que les installations de sport et de loisirs ont dû fermer à 19 h. Les restaurants et les bars pouvaient par contre rester ouverts le dimanche et les jours fériés. Les cantons dont l'évolution épidémiologique était favorable pouvaient repousser l'heure de fermeture jusqu'à 23 h, ce qui était le cas à Genève.

Le 18 décembre 2020, le Conseil fédéral a décidé de renforcer les mesures nationales visant à endiguer la pandémie. A partir du 22 décembre, les restaurants, les établissements culturels et sportifs ainsi que les lieux de loisirs ont alors dû fermer leurs portes à nouveau.

Dès avril 2021, le Conseil fédéral a décidé de mesures permettant la réouverture progressive des restaurants, bars, etc. (ouverture des terrasses, puis des salles, limitation du nombre de convives à table, etc.).

e. Par avis comminatoire du 12 novembre 2020, B______ SA a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours les montants de 5'800 fr. pour l'arcade et de 250 fr. pour le parking à titre d'arriérés de loyer et de charges pour le mois de novembre 2020 et l'a informé de son intention de résilier les baux conformément à l'art. 257d CO à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti.

Il était précisé que cet avis comminatoire intervenait sans préjudice des résiliations ordinaires signifiées le 12 juillet 2018.

f. Par courriel du 7 décembre 2020, A______ a requis l'exonération du loyer de l'arcade pour les mois de novembre et décembre 2020, compte tenu de la fermeture de son restaurant jusqu'au 11 janvier 2021, sur la base de l'accord mis en place dans l'hypothèse d'un consensus entre bailleur et locataire à ce sujet, le Conseil d'Etat ayant annoncé des mesures de fermeture de nombreux commerces dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire.

A______ a par ailleurs sollicité de son bailleur qu'il «annule» sa mise en demeure.

g. Par courrier du 15 décembre 2020, B______ SA a informé A______ que sa demande d'exonération de loyer était refusée en raison de sa récente mise en demeure et de la résiliation de son contrat de bail notifiée le 1er juillet 2018.

h. Considérant que la somme réclamée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ SA a, par avis officiels du 23 décembre 2020, résilié les baux pour le 31 janvier 2021.

i. A______ allègue avoir réglé à B______ SA un montant global de 1'300 fr. à titre d'acompte des loyers de novembre et décembre 2020 avant la réception de la résiliation des baux.

Selon les attestations bancaires produites, deux paiements de 650 fr. chacun ont été effectués le 24 décembre 2020 avec pour référence «loyer novembre acompte 650 chf», respectivement «loyer décembre acompte 650». Le 30 décembre 2020, A______ a réglé le solde du loyer du mois de novembre 2020, soit un montant de 5'400 fr. Le 29 janvier 2021, il a réglé le solde du loyer du mois de décembre 2020, soit un montant de 5'400 fr. Les loyers des mois de janvier et février 2021 ont été intégralement payés à la même date (soit 6'050 fr. pour chaque mois).

Les 22 février, 22 mars et 13 avril 2021, les loyers des mois de mars à mai 2021 ont été réglés.

j. Le 22 janvier 2021, A______ a déposé par devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en annulation des congés signifiés le 23 décembre 2020 (C/5______/2021 et C/6______/2021).

k. Le 17 février 2021, la bailleresse a requis du Tribunal l'évacuation immédiate du locataire par la voie de la protection pour les cas clairs et a sollicité le prononcé de mesures d'exécution directe.

l. Par courrier du 19 avril 2021, A______ a demandé à B______ SA de bien vouloir réduire le loyer de moitié dès le 16 mars 2020 jusqu'à la disparition du défaut de la chose louée, lié à la pandémie COVID-19.

m. Lors de l'audience du 22 avril 2021, A______ a notamment expliqué avoir payé le loyer avec du retard car il entendait le compenser avec le trop-perçu du loyer, estimant qu'il avait droit à une réduction de loyer selon un avis de doctrine récent qu'il produisait. Il avait donc procédé à une «auto-réduction de loyer». Il s'opposait à la requête au motif que le cas n'était pas clair.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse correspond à la valeur du loyer pour la chose louée pour six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).

1.2 En l'espèce, l'appelant conteste la validité de la résiliation des baux des locaux commerciaux et du parking et fait valoir que le cas n'est pas clair, étant précisé que les loyers sont respectivement de 5'500 fr. et 250 fr. par mois. En prenant en compte une période de six mois, la valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.

L'appel a par ailleurs été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC) de sorte qu'il est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416).

1.4 En revanche, seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution de l'évacuation prononcées par les premiers juges (art. 309 let. a CPC).

Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Les conditions de recevabilité sont respectées en l'espèce, de sorte que le recours est recevable.

1.5 L'appel et le recours, formés contre la même décision, seront traités ensemble dans le présent arrêt (art. 125 CPC). Par souci de simplification, le locataire sera désigné en qualité d'appelant.

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

2.1 2.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et ne pouvait l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

La nature particulière de la procédure sommaire de protection des cas clairs de l'art. 257 CPC exige que le juge d'appel apprécie les faits sur la base des preuves déjà appréciées par le premier juge. La production de pièces nouvelles est ainsi exclue, même si celles-ci pourraient être prises en considération selon l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; ATF 144 III 462 consid. 3.3.2).

2.1.2 Les faits notoires sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge. La situation générale en Suisse après l'apparition du coronavirus (COVID-19) et les conséquences générales des mesures prises dans le contexte doivent être considérées comme des faits notoires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_467/2020).

2.2 Les pièces nouvelles produites par les parties, qui ne sont au demeurant pas pertinentes, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont donc irrecevables, de sorte que la Cour examinera la cause sur la base du dossier qui se trouvait en mains du Tribunal.

En revanche, les faits allégués en lien avec la pandémie et la fermeture des établissements publics ordonnée par les autorités cantonales et fédérales constituent des faits notoires, recevables.

3. L'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il considère que les premiers juges ont omis de traiter et d'analyser les arguments qu'il avait soulevés en première instance en lien avec la situation engendrée par la pandémie.

3.1 3.1.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst., le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2). Les parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit retenus par le juge pour arriver au dispositif. Une motivation insuffisante constitue une violation du droit d'être entendu (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 IV 81 consid. 2.2; 133 III 235 consid. 5.2).

3.1.2 Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2; 133 I 201 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_126/2018 du 14 septembre 2018 consid. 5 et 6; 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.2), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 a contrario).

3.2 En l'espèce, le Tribunal n'a pas examiné l'argument de l'appelant selon lequel il était autorisé à réduire le loyer du fait de l'impossibilité d'exploiter son restaurant en raison de l'interdiction prononcée par les autorités genevoises en raison de la pandémie de COVID-19.

Ce faisant, le Tribunal a violé le droit d'être entendu de l'appelant. Cette violation peut cependant être réparée devant la Cour, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit.

4. Le Tribunal a retenu que l'appelant avait reconnu avoir payé le loyer en retard et qu'il avait attendu le 19 avril 2021 pour formuler sa demande en réduction de loyer et l'audience du 22 avril 2021 pour exciper de compensation. L'appelant n'avait en revanche pas allégué avoir formellement invoqué en compensation sa prétendue créance dans le délai comminatoire, conformément aux exigences de la jurisprudence. Cette créance ne faisait dès lors pas obstacle à la résiliation du bail. Les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient donc manifestement réunies en l'espèce. En continuant à occuper les locaux, l'appelant violait l'art. 267 al. 1 CO de sorte que le Tribunal devait prononcer l'évacuation de celui-ci.

L'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de la situation - factuelle et juridique - engendrée par le COVID-19, laquelle a pour conséquence que le cas n'est pas clair au sens de l'art. 257 CPC, de sorte que la requête de l'intimée est irrecevable. Le Tribunal avait retenu à tort que la déclaration de l'exception de compensation devait intervenir avant l'expiration du délai de grâce.

4.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

4.1.1 Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du tribunal, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée (ATF 144 III 462 consid. 3.1). En règle générale (cf. toutefois arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du tribunal ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les références citées).

Si le tribunal parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le tribunal doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.1).

4.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, comme celle pour défaut de paiement du fermage au sens de l'art. 282 CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO), respectivement art. 299 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément aux art. 257d ou 282 CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

4.1.3 Le débiteur peut opposer la compensation même si sa créance est contestée (art. 120 al. 2 CO). Il n'est pas nécessaire que la contre-créance soit déterminée avec certitude dans son principe et son montant pour que le débiteur puisse invoquer la compensation. Toutefois, l'effet compensatoire n'intervient que dans la mesure où l'incertitude est ultérieurement levée par le juge (ATF 136 III 624 consid. 4.2.3 p. 626), à savoir s'il est judiciairement constaté que la contre-créance existe réellement. La possibilité d'opposer en compensation une contre-créance contestée existe aussi pour le locataire mis en demeure de payer un arriéré de loyer (art. 257d CO); la déclaration de compensation doit toutefois intervenir avant l'échéance du délai de grâce. Si le bailleur donne néanmoins le congé et si le locataire en conteste la validité en soutenant avoir payé son dû par compensation, le juge devra à titre préjudiciel se prononcer sur l'existence et le montant de la contre-créance, et partant instruire sur ce point (arrêts du Tribunal fédéral 4A_140/2014; 4A_250/2014 du 6 août 2014 consid. 5).

4.1.4 La question du paiement du loyer des locaux commerciaux pendant la pandémie de COVID-19, en particulier concernant les établissements publics dont la fermeture a été ordonnée par les autorités tant cantonales que fédérales, n'a pas encore été tranchée à ce jour par le Tribunal fédéral.

De nombreux avis de droit ont été requis et publiés par les milieux concernés et parviennent à des conclusions diamétralement opposées, les premiers considérant que la cessation de règlement des loyers ne peut être envisagée (https://www.cgionline.ch/wp-content/uploads/2020/03/avis-de-droit.pdf), et les seconds que le loyer n'est pas dû, en application des règles sur le défaut de la chose louée (art. 259d), l'impossibilité subséquente d'exécution (art. 119 CO), la notion d'exorbitance (art. 97 al. 1 CO) ou l'adaptation du contrat par le juge (https://www.asloca.ch/wp-content/uploads/2020/03/Avis-de-droit-loyers_locaux_
commerciaux_ASLOCA-1.pdf; Lachat/ Brutschin, Le bail aux temps du coronavirus, in SJ 2020 II p. 111 ss.).

4.2 En l'espèce, le bail a été résilié en raison du défaut de paiement du loyer du mois de novembre 2020. Or, à cette période, l'appelant ne pouvait pas exploiter son restaurant en raison de l'interdiction prononcée par les autorités cantonales.

La question de savoir quelle conséquence une telle interdiction a sur le paiement du loyer est complexe et nécessite un examen approfondi, qui excède celui que peut faire le juge chargé d'une procédure de cas clair, qui statue par la voie de la procédure sommaire.

La doctrine est divisée sur la question et le Tribunal ne s'est pas encore prononcé sur celle-ci.

L'on ne saurait par conséquent retenir que l'application de l'une ou l'autre des normes invoquées par les parties s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il n'est en particulier pas certain que l'appelant était tenu, au vu des circonstances, d'invoquer formellement sa contre-créance dans le délai comminatoire. Certains auteurs soutiennent notamment que, en application de l'art. 119 CO, la réduction de loyer serait due ipso facto sans même que le locataire ait à la demander (Lachat/ Brutschin, op. cit., p. 135).

La situation juridique n'est donc pas claire, ce qui entraîne l'irrecevabilité de la requête déposée par l'intimée.

Le jugement querellé sera par conséquent annulé et il sera statué à nouveau en ce sens.

Le recours devient sans objet.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 14 mai 2021 par A______ contre le jugement JTBL/367/2021 rendu le 22 avril 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2977/2021-8-SE.

Au fond :

Annule ce jugement et statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la requête en protection de cas clair formée le 17 février 2021 par B______ SA à l'encontre de A______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.