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C/2866/2021

ACJC/1111/2021 du 06.09.2021 sur JTPI/9053/2021 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2866/2021 ACJC/1111/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 6 SEPTEMBRE 2021

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 juillet 2021, comparant par Me Arun CHANDRASEKHARAN, avocat, Des Gouttes & Associés, avenue de Champel 4, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ AG, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, BARTH & PATEK, boulevard Helvétique 6, case postale , 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/9053/2021 du 5 juillet 2021, reçu par A______ SARL le 8 juillet 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire, à hauteur de 78'480 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 4 juin 2020, de l'opposition formée par A______ SARL au commandement de payer, poursuite n° 1______ notifié par B______ AG (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SARL à verser à cette dernière 500 fr. de frais judiciaires (ch. 2 et 3) ainsi que 2'166 fr. de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Le 19 juillet 2021, A______ SARL a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule et rejette la requête de mainlevée de l'opposition, avec suite de frais et dépens.

b. Le 26 juillet 2021, B______ AG a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 19 août 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 13 juillet 2018, B______ AG, en tant que bailleresse, a conclu avec A______ SARL et C______, locataires solidaires, un contrat de bail à loyer portant sur un bureau et des places de stationnement situés dans l'immeuble commercial sis avenue 2______, à Genève.

La durée du bail était de cinq ans, soit du 1er septembre 2018 au 31 août 2023.

Le loyer a été fixé à 19'620 fr. 15, payable par mois et d'avance au 1er jour du mois.

Il a été convenu que, du 1er septembre 2018 au 1er avril 2019, les locataires ne s'acquitteraient que des frais accessoires et que les loyers seraient dus à compter du 1er avril 2019.

b. Le 12 juin 2020, B______ AG a fait notifier à A______ SARL un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 81'360 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 4 juin 2020 au titre de loyers dus au 5 juin 2020.

Opposition a été formée à ce commandement de payer.

c. Le 16 février 2021, B______ AG a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition.

Elle a fait valoir dans sa requête que sa partie adverse avait cessé tout paiement dès le mois de février 2020. Elle restait ainsi lui devoir 81'360 fr. 20 au 5 juin 2020, "déduction faite de la facture de 1'238 fr. 55 du 9 novembre 2018 ne valant pas titre de mainlevée".

Elle a produit à l'appui de sa requête un décompte de gérance pour la période du 31 août 2017 au 1er février 2021, faisant état d'un montant de 82'599 fr. 15 dû au 1er juin 2020, sous déduction d'une facture de 1'238 fr. 55.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 28 juin 2021, A______ SARL a conclu au rejet de la requête, faisant valoir que ni le commandement de payer, ni la requête, ni les pièces ne permettaient de "renseigner" au sujet de la créance. Celle-ci n'était pas individualisée et l'on ignorait pour quelle période les loyers étaient réclamés. Il existait également une incertitude au sujet des intérêts qui étaient demandés dès le 4 juin 2020 alors que le loyer était dû dès le 1er jour du mois.

B______ AG a indiqué que quatre mois de loyers étaient dus, sous déduction d'un solde de frais accessoires en faveur de A______ SARL. Le loyer exigible au premier jour du mois l'était évidemment également le cinquième jour du mois. Elle persistait dès lors dans sa requête.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le recours a été déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.3 La procédure sommaire étant applicable (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. Le Tribunal a retenu qu'il ressortait du décompte produit par l'intimée que le loyer en 19'620 fr. 15 avait été payé 11 fois depuis le 1er avril 2019, de sorte que le loyer était à jour jusqu'en février 2020. Les loyers de mars à juin 2020 étaient échus le 12 juin 2020, jour de la notification du commandement de payer, soit quatre fois 19'620 fr. 15, correspondant à 78'480 fr. 60. La mainlevée de l'opposition devait être prononcée à concurrence de ce dernier montant, intérêts en sus, étant relevé que le décompte produit par l'intimée indiquait sans doute possible que les loyers n'étaient plus payés depuis février 2020 et que la locataire ne pouvait l'ignorer.

La recourante fait valoir que le contrat de bail ne vaut pas titre de mainlevée de l'opposition car l'intimée n'a pas joint à sa requête la formule officielle de fixation du loyer. A cela s'ajoutait que le commandement de payer ne mentionnait pas la période pour laquelle les loyers étaient requis. Le montant réclamé n'était pas un multiple du loyer de 19'620 fr. 15 et le décompte produit par l'intimée remontait jusqu'au 31 août 2017.

2.1.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.  

Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1). 

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 du 12 septembre 2018 consid. 4.1.1).

2.1.2 Le contrat de bail vaut titre de mainlevée pour le loyer initial. Dans les cantons où l'usage de la formule officielle est obligatoire à la conclusion de tout nouveau bail (art. 270 al. 2 CO), le contrat de bail ne vaut titre de mainlevée que si le créancier y joint la formule officielle (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 162 ad art. 82 LP; Trümpy, La mainlevée d'opposition provisoire en droit du bail, le titre, les exceptions et la nouvelle procédure civile, BlSchK 2010, p. 106).

La possibilité prévue par l'art. 270 al. 2 CO ne s'applique que pour un bail relatif à un logement, la formule officielle ne pouvant pas être imposée pour la conclusion d'un bail commercial (ATF 117 Ia 328 consid. 3; 124 I 127 consid. 2).

2.1.3 Selon la jurisprudence, le commandement de payer et la requête de mainlevée en matière de prestations périodiques doivent renseigner exactement le débiteur sur chaque détail de la créance déduite en poursuite et sur les imputations à faire valoir. Cette exigence n'a pas pour seule raison d'être de permettre au débiteur de préparer sa défense, mais elle est encore destinée à donner au juge de la mainlevée les moyens de trancher une contestation éventuelle portant sur la libération du débiteur. Il appartient au juge d'examiner d'office cette question (SJ 1988 p. 506).

Néanmoins, il ne s'agit pas d'une règle absolue, dans la mesure où il suffit que le débiteur sache à quoi s'en tenir sans que le commandement de payer et la requête de mainlevée le renseignent de façon spécifique sur le détail de chaque créance s'il dispose d'éléments clairs et cohérents quant à la teneur de la créance en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral du 21 décembre 2005 dans la cause 5P_149/2005 consid. 2.3). Toute périphrase relative à la cause de la créance, qui permet au poursuivi, conjointement avec les autres indications figurant sur le commandement de payer, de reconnaître la somme déduite en poursuite, doit suffire. Il suffit que la cause de la créance soit exprimée succinctement en vertu du principe de la bonne foi, qui doit aussi être observé dans le droit de l'exécution forcée (ATF 121 III 18 consid. 2 = JT 1997 II 95).

2.1.4 Les conclusions dans une procédure de mainlevée portent sur l'octroi de celle-ci. La conclusion tendant simplement au prononcé de la mainlevée est suffisante. En cas d'imprécision ou d'erreur, notamment sur le numéro de la poursuite ou sur le montant, le juge peut interpréter les conclusions selon le principe de la confiance. Il n'est par ailleurs par lié par le type de mainlevée requis (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 64 ad art. 84 LP).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce que fait valoir la recourante, l'intimée n'était pas tenue de produire la formule de fixation officielle du loyer à l'appui de sa requête de mainlevée car cette formule n'est obligatoire que pour les baux d'habitation. Or les parties sont liées par un bail commercial.

C'est par ailleurs à juste titre que le Tribunal a retenu que les exigences légales s'agissant de la précision de la désignation de la créance poursuivie étaient respectées.

Il résulte en effet des allégations figurant dans la requête de mainlevée et du décompte produit par l'intimée à l'appui de celle-ci que le loyer, en 19'620 fr. 15, n'a plus été versé depuis mars 2020. L'intimée pouvait et devait ainsi comprendre à la lecture des documents fournis par sa partie adverse que, au 5 juin 2020, quatre mois de loyer étaient échus, soit 78'480 fr. 60.

Le fait que le commandement de payer indique un montant supérieur ne fait pas échec au prononcé de la mainlevée provisoire puisque le juge peut allouer à une partie un montant inférieur à celui qui est requis (art. 58 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_449/2014 du 2 octobre 2014 consid. 6.2.1 et 6.2.2: du 2.10.2014 c. 6.2).

Le fait que la somme figurant dans le commandement de payer ne soit pas un multiple du montant du loyer est quant à lui dénué de pertinence, de même que le fait que le décompte produit par l'intimée couvre, en plus de la période pertinente, une période antérieure à la date de la conclusion du bail.

Il était en outre loisible à l'intimée de réclamer des intérêts moratoires dès le 5 juin 2020, alors même qu'elle aurait pu en réclamer pour une période antérieure.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a prononcé à bon droit la mainlevée provisoire de l'opposition à concurrence de 78'480 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 4 juin 2020.

Le recours sera dès lors rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

Un montant de 2'000 fr., débours et TVA inclus, sera alloué à l'intimée à titre de dépens de recours (art. 85, 88, 89 et 90 RTFMC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 19 juillet 2021 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/9053/2021 rendu le 5 juillet 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2866/2021.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires de recours, arrêtés à 750 fr. et compensé avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève, à la charge de A______ SARL.

Condamne A______ SARL à verser à B______ AG 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.