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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9236/2015

ACJC/100/2019 du 24.01.2019 sur JTBL/43/2018 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 01.03.2019, rendu le 19.02.2020, CONFIRME, 4A_108/2019
Descripteurs : BAIL À LOYER ; MODIFICATION DE LA DEMANDE ; ERREUR ESSENTIELLE ; LOGEMENT; SURFACE ; LOYER ; DÉFAUT DE LA CHOSE ; MOTIF; RÉDUCTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPC.197; CPC.227; CPC.230; CO.23; CO.256.al1; CO.259a; CO.259d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9236/2015 ACJC/100/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 24 JANVIER 2019

 

Entre

A______ SA, sise quai ______ Zurich, appelante et intimée sur appel joint d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 janvier 2018, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, 1205 Genève, en l’étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ et C______, domiciliés ______ Genève, intimés et appelants sur appel joint, représentés par U______ SA, ______ (GE), en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/43/2018 du 22 janvier 2018, expédié pour notification aux parties le 24 janvier 2018, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer mensuel de l’appartement de 6 pièces situé au 7ème étage de l’immeuble sis ______ à Genève à 3'057 fr., frais accessoires non compris, dès le 1er mai 2010 (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à restituer à
B______ et C______ le trop-perçu de loyer en résultant, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er mars 2014 (ch. 2), ordonné à A______ SA d’entreprendre les travaux visant à supprimer, dans l’appartement concerné, l’arrivée de mauvaises odeurs par la salle de douche et les conduits électriques (ch. 3), réduit le loyer de 5% dès le 21 décembre 2010 et jusqu’à complète exécution de ces travaux (ch. 4), condamné A______ SA à rembourser à B______ et C______ le
trop-perçu de loyer résultant de cette réduction, avec intérêts à 5% l’an dès le 30 avril 2015 pour les loyers versés jusqu’à cette date, et dès le 15 août 2016 pour les loyers versés entre le 1er mai 2015 et le 30 novembre 2017 (ch. 5), réduit le loyer de l’appartement de 5% supplémentaires du 28 octobre 2010 au 30 avril 2011 et pendant chaque période hivernale du 1er octobre au 30 avril, dès le mois d’octobre 2011 et jusqu’au 30 avril 2016 (ch. 6), condamné A______ SA à rembourser à B______ et C______ le
trop-perçu de loyer découlant de cette réduction, avec intérêts à 5% l’an dès le 30 avril 2015 pour les loyers versés jusqu’à cette dernière date, et dès le 15 janvier 2016 pour les loyers d’octobre 2015 à avril 2016 (ch. 7), réduit le loyer de 10% supplémentaires du 7 juillet au 30 novembre 2016 (ch. 8), condamné A______ SA à rembourser à B______ et C______ le trop-perçu de loyer résultant de cette réduction, avec intérêts à 5% l’an dès le 22 décembre 2016 (ch. 9), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10) et dit que la procédure était gratuite (ch. 11).

En substance, les premiers juges ont retenu que les nouvelles conclusions formées par B______ et C______ devant le Tribunal étaient recevables car elles avaient été formulées avant la clôture des débats principaux et présentaient un lien de connexité avec leurs autres prétentions. Sur le fond, B______ et C______ avaient valablement invalidé partiellement le contrat pour cause d’erreur essentielle. Objectivement, l’appartement mesurait 4,16% de moins que la surface annoncée. D’un point de vue subjectif également, l’indication erronée de la surface avait un caractère essentiel pour B______ et C______. Il se justifiait ainsi de réduire le loyer en conséquence et donc de le fixer à 3'057 fr. par mois, frais accessoires non compris, à compter du 1er mai 2010. Quand bien même B______ et C______ n’avaient pas réussi à démontrer que les dysfonctionnements des radiateurs, ayant perduré durant plusieurs années, auraient entraîné des températures inférieures à la norme, sauf à de rares exceptions, il fallait retenir que ces dysfonctionnements, du fait de leur fréquence, étaient constitutifs d’un défaut. Le loyer devait donc être réduit de 5% du 28 octobre 2010 au 30 avril 2011 et pendant chaque période hivernale du 1er octobre au 30 avril de chaque année, du mois d’octobre 2011 jusqu’au 30 avril 2016, le problème lié au système de chauffage ayant été résolu depuis l’hiver 2016-2017. A______ SA devait par ailleurs être condamnée à rembourser à B______ et C______ le
trop-perçu de loyer en résultant, avec intérêts.

Le Tribunal avait par ailleurs perçu, lors de son transport sur place, la présence d’odeurs acides dans la salle de douche, provenant de la ventilation de cette pièce, ainsi que de cuisine et de poubelles dans le hall d’entrée et la salle à manger, se propageant vraisemblablement par les conduites électriques. A______ SA devait être condamnée à entreprendre les travaux nécessaires visant à supprimer ce défaut. La réduction de loyer en résultant devait être arrêtée à 5% dès le 21 décembre 2010 et jusqu’à complète réalisation des travaux nécessaires et A______ SA condamnée à rembourser à B______ et C______ le trop-perçu de loyer en résultant, avec intérêts.
En revanche, aucune réduction de loyer liée à la présence d’odeurs provenant d’eau stagnante sur la terrasse ne pouvait être octroyée, B______ et C______ n’ayant pas démontré l’existence d’un défaut.

Finalement, les nuisances liées au chantier de rénovation de la façade et des terrasses justifiaient une réduction de loyer supplémentaire de 10% du 7 juillet au 30 novembre 2016, A______ SA devant être condamnée à rembourser le
trop-perçu de loyer en résultant, avec intérêts.

Finalement, n’ayant pas apporté la preuve des dégâts pour lesquels ils sollicitaient le paiement de la somme de 1'600 fr., B______ et C______ devaient être déboutés de leur conclusion en paiement à ce titre.

B. a. Par acte déposé le 23 février 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ SA (ci-après : la bailleresse) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, principalement, à l’irrecevabilité des conclusions de B______ et C______ en réduction de loyer de 60% en raison des nuisances liées au chantier de rénovation de la façade et des terrasses et en condamnation de A______ SA à leur verser un montant de 1'600 fr. en raison du dommage subi durant ces travaux et au déboutement de B______ et C______ de toutes autres conclusions.

A______ SA reproche au Tribunal d’avoir déclaré recevables les conclusions nouvelles de B______ et C______ alors qu’elle n’avait pas acquiescé à une modification de la demande et qu’aucun lien de connexité ne pouvait être retenu entre les précédentes conclusions et les nouvelles, lesquelles n’avaient pas été soumises à la conciliation. Sur le fond, A______ SA reproche au Tribunal d’avoir fixé le loyer mensuel net à 3'057 fr. La surface de l’appartement n’avait pas déterminé B______ et C______ à conclure le contrat. Ces derniers n’avaient par ailleurs émis aucune plainte relative à la surface de l’appartement avant le 4 décembre 2014, s’étant ainsi accommodés de la taille de l’appartement. Cette surface n’avait jamais été une qualité promise par A______ SA.

Les dysfonctionnements du système de chauffage étaient peu nombreux et
B______ et C______ n’avaient pas démontré que ceux-ci avaient entraîné des températures anormales. Ces dysfonctionnements ne pouvaient ainsi être qualifiés de défaut et ne justifiaient aucune réduction de loyer. Concernant les problèmes d’odeurs, A______ SA avait entrepris tout ce que l’on pouvait attendre d’elle. Il avait été constaté qu’il était impossible que de mauvaises odeurs puissent remonter par la gaine technique ou les prises électriques. Aucune odeur nauséabonde n’avait en outre été constatée, de sorte que le Tribunal n’aurait pas dû reconnaître l’existence d’un défaut. Finalement, si la recevabilité des conclusions de B______ et C______ en réduction de loyer pour les travaux de rénovation des façades et réfection des terrasses devait être admise, il convenait de les débouter de leurs conclusions, faute de preuve de l’existence de nuisances subies.

b. Dans leur réponse du 10 avril 2018, B______ et C______ (ci-après : les locataires) concluent au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens, et, sur appel joint, à l’annulation des chiffres 4 et 6 du dispositif du jugement, et, cela fait, à l'octroi d'une réduction de loyer de 10% du 21 décembre 2010 jusqu’à exécution complète des travaux visant à supprimer l’arrivée de mauvaises odeurs dans l’appartement, de 10% supplémentaires du 28 octobre 2010 au 30 avril 2011 et pendant chaque période hivernale du 1er octobre au 30 avril de chaque année, d’octobre 2011 au 30 novembre 2016, ainsi qu’à la condamnation de la bailleresse à leur rembourser le trop-perçu de loyer en résultant. Pour le surplus, ils concluent à la confirmation du jugement entrepris.

Sur appel joint, les locataires font valoir que les réductions de loyer octroyées en raison des mauvaises odeurs et des dysfonctionnements du système de chauffage étaient trop faibles et auraient dû être fixées à 10% chacune, compte tenu de la jurisprudence.

c. Dans sa réponse à l’appel joint du 14 mai 2018, la bailleresse soutient que si l’existence des défauts devait être constatée, les réductions de loyer ne pourraient excéder 5%, persistant pour le surplus dans ses conclusions.

d. Les parties ont été avisées le 11 juin 2018 que la cause était gardée à juger, les locataires n’ayant pas fait usage de leur droit de répliquer.

 

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Le 2 septembre 2008, A______ SA, propriétaire de l’immeuble sis ______ [GE] à Genève, a obtenu une autorisation de construire (1______) en vue d’aménager deux logements dans les combles. Il en ressort que les loyers des deux appartements de six pièces résultant de l’aménagement des combles n’excèderaient pas, après travaux, 74'769 fr. au total l’an, soit 6'231 fr. la pièce par an.

b. Le 26 avril 2010, A______ SA ainsi que B______ et C______ ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un des deux appartements de six pièces au 7ème étage, dont la surface indiquée sur le bail est de 113 m2. Le contrat mentionne que l’appartement porte le numéro de référence suivant : 2______.

Le bail a débuté le 1er mai 2010 et a été conclu pour une durée indéterminée, le préavis de résiliation étant de trois mois pour la fin de chaque mois.

Le loyer de l’appartement a été fixé à 38'280 fr. par année, hors acomptes de chauffage, eau chaude et autres frais accessoires, soit à 3'190 fr. par mois.

c. Selon l’avis de fixation du loyer initial du 26 avril 2010, l’objet a été loué en première location. L’avis mentionne le numéro de référence suivant : 3______.

L’avis a été motivé comme suit : «Le loyer est fixé selon la 1______ du 2 septembre 2008 et son avenant du 25 mars 2010».

d. A compter du 1er mai 2010, A______ SA ainsi que D______ et E______ ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur le deuxième appartement de six pièces au 7ème étage du même immeuble. Le contrat mentionne que l’appartement mesure 107 m2 et indique le numéro de référence suivant : 4______.

Le loyer de cet appartement a été fixé à 31'440 fr. par année, hors acomptes de chauffage, eau chaude et autres frais accessoires, soit à 2'620 fr. par mois.

e. Par pli du 28 octobre 2010, B______ et C______ ainsi que D______ et E______ ont indiqué à la bailleresse que les radiateurs ne fonctionnaient pas correctement et que la température était inférieure à la norme, soit de 15 degrés en journée. Ils ont sollicité une réduction de loyer dès le 27 septembre 2010 et jusqu’à la mise en fonction efficiente des radiateurs dans les appartements.

f. S’en est suivi un échange de nombreuses correspondances entre les parties entre le 19 novembre 2010 et le 15 mai 2014.

Les locataires se plaignaient non seulement du dysfonctionnement des radiateurs et de la température insuffisante de l’appartement, mais également de reflux d’odeurs d’égouts dans une chambre à coucher et dans le salon. Le 2 décembre 2011, F______ SA avait informé la régie et les locataires qu’elle venait de terminer les travaux d’assainissement des canalisations des sous-sols, principale cause des odeurs d’égouts dans les appartements des combles. Malgré cela, C______ avait confirmé, par courriels du 20 décembre 2011, que les odeurs persistaient. Des odeurs de cuisine avaient également été perçues depuis les interrupteurs du couloir et de la salle à manger ainsi que dans la chambre à coucher.

g. Par courrier du 4 décembre 2014, B______ et C______ ont indiqué à A______ SA que la surface de leur appartement n’était pas de 113 m2, comme mentionné dans le contrat, mais de 107 m2. L’appartement voisin avait, en réalité, une surface de 113 m2. Dès lors, ils sollicitaient que le loyer mensuel net de leur appartement soit fixé à 2'620 fr. par mois et que le trop-perçu de loyer leur soit rétrocédé. Une ultime mise en demeure échéant au 19 décembre 2014 était adressée à A______ SA afin qu’elle résolve le dysfonctionnement de chauffage, à défaut de quoi tout dommage résultant de la température insuffisante, y compris une diminution de loyer d’au minimum 20%, serait réclamé à la bailleresse. Au surplus, des nuisances olfactives ainsi que des problèmes d’étanchéité des terrasses subsistaient et justifiaient une réduction de loyer d’au minimum 15%.

h. Par pli du 16 décembre 2014, A______ SA s’est opposée aux requêtes des locataires, en indiquant que la différence de surface constatée, de l’ordre de 5% seulement, n’était pas constitutive d’un défaut donnant lieu à une réduction de loyer et niant l’existence des autres défauts relevés.

i. Par demande du 30 avril 2015 adressée à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, B______ et C______ ont conclu à ce qu’il soit dit et constaté leur droit à une réduction de loyer de 30% dès le 1er mai 2010 pour défaut de la chose louée et jusqu’à la fin des travaux de réfection des défauts, à ce qu’il soit dit et constaté que le loyer mensuel net de l’appartement s’élève à 2'620 fr. dès le 1er mai 2010, à ce que A______ SA soit condamnée à leur rembourser la somme de 570 fr. par mois dès le 1er mai 2010, avec intérêts à 5% l’an, dès l’échéance du mois suivant, et, finalement, à ce qu’il leur soit réservé le droit d’amplifier ou modifier leurs conclusions.

j. Dès le 22 juin 2016, des travaux de rénovation des façades de l’immeuble ont été effectués. Simultanément, des travaux de réfection des terrasses des 6ème et 7ème étages ont été entrepris, afin de remédier au problème d’écoulement qu’elles présentaient.

k. Par courriel du 26 septembre 2016, C______ s’est plainte d’avoir appris que le démontage des moustiquaires de trois fenêtres du logement ainsi que des stores serait effectué le lendemain. Dans la mesure où les ouvriers venaient le lendemain démonter une plaque de la façade extérieure côté cuisine, elle s’inquiétait du fait que le mur intérieur n’était pas étanche et de ce qu’un nid de champignons s’y était développé.

l. Par de nombreux courriels consécutifs, B______ et C______ se sont plaints du déroulement du chantier ainsi que des défauts affectant leur logement.

m. Le 9 décembre 2016, G______, huissier-judiciaire, a établi un
procès-verbal de constat, duquel il ressort qu’il s’était rendu, le même jour, dans l’appartement des locataires et y avait constaté une forte odeur de moisi, mélangée à des odeurs de canalisations d’eaux usées se propageant dans la salle de douche, ainsi que dans la chambre contigüe, par le conduit d’aération de la salle de douche.

n. Par pli du 16 décembre 2016, B______ et C______ ont adressé à A______ SA un état des lieux de fin de chantier listant précisément les défauts restant sur leur balcon. Ils sollicitaient un dédommagement forfaitaire de 1'600 fr. au titre de remboursement de leurs effets personnels endommagés durant le chantier.

o. Par courrier du 20 décembre 2016, A______ SA a répondu à
B______ et C______ qu’elle refusait l’état des lieux transmis, dans la mesure où les travaux de finition n’étaient pas encore terminés.

p. Non conciliée en date du 22 novembre 2016, l’affaire a été portée devant le Tribunal le 22 décembre 2016. B______ et C______ ont conclu à ce que le Tribunal fixe le loyer mensuel net de l’appartement à 2'620 fr. dès le 1er mai 2010, condamne A______ SA à rembourser le trop-perçu de loyer en résultant, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès l’échéance de chaque mois, leur accorde une réduction de loyer de 30% dès le 1er mai 2010 pour défaut de la chose louée et ce jusqu’à l’élimination complète des défauts, leur accorde une réduction de loyer de 60% supplémentaires du 7 juillet au 30 novembre 2016 en raison des nuisances dues au chantier en cours dans l’immeuble, condamne A______ SA à leur rembourser le trop-perçu de loyer depuis le 1er mai 2010, avec intérêts à 5% l’an dès cette date, condamne A______ SA à leur verser un montant forfaitaire de 1'600 fr. à titre de dédommagement subi pendant le chantier, avec intérêts à 5% l’an dès l’entrée en force du jugement, et ordonne l’exécution des travaux tendant à solutionner les problèmes d’odeurs et d’étanchéité.

q. Dans sa réponse du 20 mars 2017, A______ SA a conclu, préalablement, à ce que le Tribunal déclare irrecevables les conclusions de B______ et C______ en réduction de loyer de 60% en raison des nuisances dues au chantier et en condamnation de A______ SA à leur verser un montant forfaitaire de 1'600 fr. à titre de dédommagement, et, principalement, à ce que B______ et C______ soient déboutés de toutes leurs conclusions. Dans son écriture, A______ SA a reconnu que l’appartement ne mesurait pas 113 m2 mais 108,3 m2.

r. Lors de l’audience du 24 avril 2017, C______ a déclaré que les problèmes de température étaient réglés depuis le 17 novembre 2016. Auparavant, il faisait très froid. Malgré les interventions, diverses pannes étaient survenues dans toutes les pièces. En revanche, la présence d’odeurs persistait. Il avait été nécessaire de boucher hermétiquement la ventilation de la salle de douche et de plastifier celle de la chasse d’eau. Malgré cette plastification, les odeurs se propageaient. L’odeur d’eau stagnante s’était répandue depuis la gouttière sur la gauche du salon, celle d’égouts était sentie dans la chambre à coucher, dans la salle de douche attenante et dans le coin du salon qui donnait sur la gouttière, et les autres odeurs (café, lessive, oignons fris, poubelles), qui provenaient de la gaine technique et des prises électriques, étaient ressenties dans le couloir et la salle à manger. Les prises électriques avaient été scotchées mais les odeurs se ressentaient néanmoins. Les odeurs de poubelles provenaient du local à poubelles. Le dommage de 1'600 fr. représentait les frais de réparation liés à l’endommagement des effets personnels des locataires situés sur la terrasse durant les travaux effectués sur celle-ci. Plus précisément, une table avait été endommagée, des chaises tâchées, des pots de plantes ébréchés et des plantes mortes.

s. Lors de l’audience du 18 septembre 2017, E______ a exposé que lors de la signature de son contrat de bail, le loyer était de 3'020 fr. charges comprises. La surface mentionnée dans le bail était d’environ 110 m2, mais elle ignorait si cette surface était réelle. Son mari et elle n’avaient pas particulièrement pris ce logement en raison de sa surface, mais en raison de la terrasse. Dès son emménagement, des problèmes d’odeurs, de dysfonctionnements de chauffage et d’infiltration d’air étaient survenus, ce dont son mari et elle-même s’étaient plaints. Des problèmes de chauffage étaient survenus chaque année, hormis l’année précédente. Des mauvaises odeurs persistaient dans le hall d’entrée, la salle à manger et le couloir reliant le hall à la cuisine et, depuis peu, dans le salon. Le plafond s’effritait dans certaines pièces, notamment dans le salon, la salle à manger et l’une des chambres. Elle avait constaté les mêmes nuisances chez ses locataires voisins, les époux B______ et C______, en se rendant dans leur appartement. Des mesures avaient été prises par la bailleresse, s’agissant du dysfonctionnement du chauffage, mais n’avaient pas réglé le problème. La bailleresse n’avait entrepris aucune mesure s’agissant des odeurs et de l’effritement des plafonds. Son mari et elle avaient subi des nuisances durant les travaux réalisés du 7 juillet au 30 novembre 2016. Les parois de la terrasse avaient été abimées et des pots de fleurs cassés. Les ouvriers avaient pique-niqué et fumé sur la terrasse. En 2010, des relevés de température avaient été effectués et faisaient état de températures de l’ordre de 14 degrés dans les chambres et d’à peine 16 degrés au salon. H______, gérante de l’époque, I______, architecte, et J______, directeur de A______ SA, avaient constaté la présence d’odeurs sur place. En revanche, les locataires n’avaient pas eu de mauvaises odeurs sur la terrasse, hormis celles provenant de la ventilation du restaurant voisin.

D______ a déclaré que sa femme et lui avaient répondu à une annonce pour un logement de 104 ou 106 m2 pour un loyer mensuel de 3'020 fr. charges comprises. Ils avaient opté pour un appartement plus petit et donc moins cher. Il était apparu, par la suite, que le plan de l’appartement qui leur avait été transmis ne correspondait pas à l’appartement qu’ils occupaient, mais à celui des époux B______ et C______. Ceux-ci subissaient les mêmes nuisances qu’eux, soit des nuisances liées au dysfonctionnement du système de chauffage, ainsi qu’à la présence de mauvaises odeurs récurrentes, se propageant dans leur hall d’entrée et leur salle à manger. Les odeurs, qui apparaissaient à différents moments de la journée et pendant une durée variable, oscillaient entre des émanations de moisissure, de chou pourri et de poubelles. Elles avaient été moins présentes entre 2016 et 2017. Les mêmes odeurs avaient été constatées chez ses voisins. Des mesures avaient été entreprises mais n’avaient pas solutionné le problème. De même, le dysfonctionnement du chauffage s’était amélioré mais n’avait pas été résolu. Durant le chantier en 2016, sa femme et lui avaient subi des nuisances visuelles et sonores et avaient obtenu pour cela une indemnisation. Leurs objets personnels n’avaient pas été endommagés.

G______, huissier-judiciaire, a confirmé avoir constaté des odeurs dans la salle de douche, dans la chambre contigüe ainsi que dans le couloir des locataires.

K______, occupant de longue date un appartement au 6ème étage du même immeuble, n’avait pas constaté de dysfonctionnement de chauffage, sans doute car il n’avait pas été dans l’appartement au bon moment. Il avait néanmoins subi, chez lui, des nuisances olfactives, soit la présence d’odeurs de poubelles et de lessive. En 2016, il n’avait pas subi davantage de nuisances que ce qui était attendu. Il avait été indemnisé pour le nettoyage de son balcon en fin de chantier et le gardiennage de son bonsaï. Il restait encore des travaux de finition à réaliser sur les volets. Il avait constaté la présence d’odeurs à une reprise chez les époux B______ et C______, dans la salle à manger et dans l’entrée.

t. Lors de l’audience du 9 octobre 2017, H______, en charge de la gestion de l’immeuble lors de la conclusion du bail avec les locataires, a déclaré que le bail avait déjà été signé lorsque le dossier lui avait été confié. Elle était présente à l’état des lieux d’entrée, lors duquel les époux B______ et C______ n’avaient fait aucune remarque s’agissant de la surface de l’appartement. Elle avait également réalisé l’état des lieux d’entrée des locataires voisins, les époux D/E______. Lors de ses visites, elle n’avait pas spécialement ressenti de problèmes de température. Un radiateur ne fonctionnant pas correctement dans la chambre, la régie avait néanmoins fait intervenir un chauffagiste. Elle avait également constaté de l’air pénétrant entre le toit et le mur dans une petite pièce où avait été apposé un joint. Lors de ces visites, elle n’avait pas constaté la présence de mauvaises odeurs, malgré avoir demandé aux locataires de l’appeler lorsque celles-ci apparaîtraient, afin que l’origine puisse être décelée. Elle n’avait pas soulevé les dallettes de la terrasse, de telle sorte qu’elle n’avait constaté aucune eau stagnante, ni d’ailleurs de mauvaises odeurs.

I______, architecte, a déclaré avoir suivi le dossier de l’appartement des époux B______ et C______ depuis environ mai 2011. Il avait eu connaissance de leur plainte concernant le chauffage, en particulier du fait que les radiateurs étaient froids. S’étant rendu entre 20 et 30 fois dans l’appartement, il avait toujours constaté des températures entre 19 et 23 degrés, à l’aide d’un thermographe. Les appartements étaient dotés de radiateurs avec vannes thermostatiques permettant de régler la température des pièces. Avec ce système, lorsque la température était atteinte, soit aux alentours de 20 degrés, la vanne coupait l’arrivée d’eau chaude. Le chauffage fonctionnait en l’occurrence parfaitement bien, le fait que les radiateurs étaient froids ne signifiant pas qu’ils étaient en panne, mais qu’ils s’étaient arrêtés car la température de confort était atteinte. En hiver 2011, il avait constaté la présence d’air dans le réseau, de sorte qu’il avait fait effectuer trois purges complètes. Par la suite, le chauffagiste avait remis aux locataires les clefs pour les purges, à la suite de quoi une purge automatique avait été installée, permettant d’éviter de devoir accéder aux radiateurs de l’immeuble et d’éliminer au minimum 80% des bulles d’air. Durant une période de très forte bise, pendant laquelle les températures extérieures oscillaient entre -12 et -17 degrés, il avait été constaté une température oscillant entre 19 et 21 degrés dans les pièces au nord. Il n’y avait jamais eu de températures inférieures à 20 degrés dans l’appartement, même lorsque le chauffage était interrompu pour les purges. Il avait pu constater la présence de mauvaises odeurs, soit d’odeurs de choux et de local à poubelles chez les locataires, surtout au salon. Il avait également constaté un courant d’air provenant des prises électriques. Tous les passages des tuyaux électriques avaient néanmoins été complètement isolés, de sorte que l’air ne pouvait plus passer du local à poubelles jusqu’à l’appartement. Les odeurs présentes dans la chaufferie avaient également été supprimées par le remplacement des sas «eaux usées» par de nouveaux ainsi que par le remplacement des grilles par des couvercles étanches. Les siphons de la buanderie et de la chaufferie avaient également été rallongés, de telle sorte qu’il y ait toujours la présence d’eau empêchant le retour de l’odeur des eaux usées. Enfin, les ventilations primaires avaient été étendues sur la toiture. Ces mesures avaient été prises, sauf erreur en hiver 2011-2012. Sur la terrasse, il n’avait personnellement pas senti d’odeurs particulières, mais il avait également constaté de l’eau stagnante dans les chéneaux et sous les dallettes. Aucune mesure n’avait alors été entreprise, dès lors qu'un projet de rénovation de façade était en cours.

L______, ingénieur, mandaté par A______ SA en automne 2011 concernant l’installation de chauffage de l’immeuble, a indiqué avoir contrôlé la présence d’air dans les installations et avoir préconisé l’installation de deux purgeurs automatiques dans les deux appartements attiques. Lorsqu’il s’était rendu dans l’appartement des époux B______ et C______, il n’avait pas constaté de températures insuffisantes ou excessives. Dès lors que le contrôle était intervenu au mois de septembre, il ne s’agissait néanmoins pas tout à fait d’une période de chauffe. L’architecte lui avait confirmé que l’installation des purgeurs automatiques avait été faite et il n’avait plus entendu parler du système de chauffage depuis lors, pensant ainsi que le problème était résolu. Il avait également été mandaté à la même date concernant l’installation de ventilation de l’immeuble. Les locataires s’étaient plaints de problèmes d’odeurs. Les deux appartements étaient en dépression, de sorte qu’ils aspiraient l’air de la cage d’escaliers, lequel passait également par les tubes recevant les fils électriques. Lors de sa visite, l’architecte avait préconisé différentes mesures pour remédier au problème, dont notamment l’étanchéité des tubes électriques, les rallonges des ventilations primaires et l’installation de réglettes d’introduction d’air au-dessus des fenêtres.

u. Lors de l’audience du 6 novembre 2017, M______, employé de mars 2010 à fin juillet 2015 auprès de l’entreprise de maintenance et entretien d’installation de chauffage N______ SA, a déclaré être intervenu chez les époux B/C______ ainsi que leurs voisins pour des problèmes de purge. Chez les époux B/C______, les radiateurs étaient équipés de vannes thermostatiques régulant la température par rapport à la pièce. Les problèmes, récurrents, provenaient de l’air présent dans le système en raison de vidanges effectuées dans l’immeuble pour des travaux. Des bouteilles de purge avaient finalement été installées pour capturer toutes les bulles d’air dans le système. Il ressortait des relevés effectués que la température était en ordre. La situation avait généré beaucoup d’interventions, non seulement en début de saison mais également en cours de période de chauffe. M______ avait constaté une température inférieure à 20 degrés, notamment dans une salle de bains au centre de l’appartement.

O______, technicien en chauffage auprès de N______ SA depuis janvier 2014, a déclaré qu’à chaque fois qu’il y avait des travaux dans l’immeuble, cela provoquait un problème de purge chez les époux B/C______. En effet, dès que l’installation était vidée et remplie à nouveau, des bulles d’air montaient automatiquement au dernier étage et créaient des problèmes de purge. Sans intervention dans l’immeuble, il n’aurait pas été nécessaire de faire de purge ou au maximum une purge par année. En l’occurrence, de nombreuses interventions avaient été accomplies dans l’immeuble, y compris par d’autres entreprises.

P______, employé de Q______ SA de 2011 à début 2012 et gérant l’immeuble litigieux, a déclaré qu’il s’était rendu à deux reprises dans l’appartement des époux B/C______. Il n’avait pas constaté lui-même des problèmes de chauffage dans l’appartement mais avait mandaté un chauffagiste. Une vanne avait été montée à l’envers dans la salle de bains. Les relevés effectués par le chauffagiste étaient dans les normes. Sauf erreur, il y avait eu des problèmes d’étanchéité, dans la mesure où le vent passait par les interstices. S’agissant des problèmes d’odeurs, les locataires avaient scotché tous les orifices des prises électriques et, compte tenu du caractère récurrent mais aléatoire du problème, il n’avait pas lui-même constaté de mauvaises odeurs lors de ses visites. Sur les terrasses, aucune odeur n’avait été constatée par ses soins mais le bureau d’architectes lui avait signalé des problèmes d’étanchéité et la présence d’eau stagnante. Il avait mandaté une entreprise pour intervenir à cet égard. Le plan remis aux locataires avec le bail était celui de l’appartement voisin.

R______, architecte en charge des travaux de rénovation de l’immeuble, a déclaré avoir procédé au rafraîchissement de toutes les façades.
A la demande du maître d’ouvrage, des travaux avaient été entrepris pour améliorer la ferblanterie sur les terrasses car il y avait des problèmes d’écoulement. Toutes les dallettes avaient été enlevées ou remplacées et l’étanchéité avait été refaite avec la création d’une tente pour améliorer l’écoulement. Durant ces travaux, il n’avait personnellement enregistré aucune plainte de bruit ou de poussière. L’accès des locataires à leur terrasse avait néanmoins été proscrit pour des raisons de sécurité, car les gardes-corps avaient été enlevés. Il était possible qu’une légère couche d’eau stagnante ait subsisté après les travaux. Les réfections sollicitées par les époux B/C______, à son sens cosmétiques, avaient été terminées le 26 septembre 2017.

S______, employée du bureau d’architectes de R______ de 2013 à 2016, avait suivi les travaux réalisés dans l’immeuble. Ceux effectués sur les terrasses du 7ème étage résultaient d’un problème d’écoulement des eaux non fonctionnel. Elle n’avait personnellement pas vu d’eau stagnante. Le montage des échafaudages avait commencé début juillet 2016 et s’était achevé en novembre 2016. Un filet de protection avait été posé le long des échafaudages. Elle n’avait enregistré aucune plainte des locataires concernant du bruit ou de la poussière. Des affichettes avaient été posées dans le hall d’entrée, notamment parce qu’il fallait fermer les fenêtres. Une partie des dalles des terrasses du 7ème étage avait été remplacée. Les stores des terrasses avaient été démontés durant deux mois. Pendant le chantier, l’accès des locataires aux terrasses était proscrit. A la fin des travaux, seules des retouches de peinture et de ferblanterie avaient été effectuées.

T______, employée de Q______ SA, a confirmé avoir établi le contrat de bail des époux B/C______. H______, qui avait dû faire le calcul du loyer en fonction des mètres carrés, lui avait donné les instructions pour l’établissement du bail. Elle ignorait pour quelle raison, en l’espèce, l’appartement plus petit était plus cher que l’appartement plus grand. Cela n’était pas usuel. Selon elle, il n’y avait pas eu de confusion car les locataires avaient visité l’appartement et qu’il y avait sans doute eu un état des lieux, ce qu’elle n’avait néanmoins pas le souvenir d’avoir fait elle-même.

v. Lors de l’inspection locale du 3 novembre 2017, le Tribunal a constaté une odeur émanant de la bouche de ventilation de la salle de douche, soit un mélange d’humidité et de poubelles. Dans la chambre, aucune odeur particulière n’a été constatée, à l’exception d’une odeur de vêtements et de chaussures en cuir dans l’armoire. Dans la salle à manger, une odeur de cuisine émanait de deux interrupteurs si l’on se positionnait au milieu de la pièce. Dans le salon, aucune odeur particulière n’a été constatée. De manière générale, il faisait bon dans l’appartement, soit environ 25 degrés, étant précisé que quatre radiateurs sur huit étaient enclenchés. Sur le balcon, les plaques d’eternit sur les murs étaient tâchées et rayées et une très forte odeur de cuisine provenait du toit où se situe la ventilation centrale. Aucune odeur particulière n’a en revanche été constatée sur le balcon de la cuisine, où les plaques d’eternit étaient également tâchées et rayées.

w. Dans leurs plaidoiries finales des 30 novembre et 5 décembre 2017, les parties ont persisté dans leurs conclusions, à la suite de quoi la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du
28 février 2013).

Si la durée des revenus et des prestations périodiques est indéterminées ou illimitées, le capital est constitué du montant annuel du revenu ou de la prestation multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC).

1.2 En l’espèce, le litige porte tant sur la fixation du loyer que sur l’exécution de travaux ainsi que la réduction de loyer pour défauts. Les intimés ont conclu en première instance à la fixation du loyer mensuel, hors charges, à 2'620 fr. en lieu et place de 3'190 fr., soit une différence de 570 fr. par mois ou 6'840 fr. par année. Même sans prendre en compte la valeur litigieuse des conclusions en exécution de travaux et en réduction de loyer, la valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr. (6'840 fr. x 20). Partant, la voie de l’appel est ouverte.

1.3 L’appel et l’appel joint ont été interjetés dans le délai, suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, N.2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, pages 349 ss n. 121).

2. L’appelante fait grief aux premiers juges d’avoir déclaré recevables les conclusions prises par les intimés, au stade de l’introduction de leur demande au Tribunal, en réduction de loyer pour les nuisances dues au chantier ainsi qu’en paiement de la somme de 1'600 fr. à titre de dédommagement pour les dégâts causés à leurs effets personnels, faute de son consentement et de lien de connexité.

2.1 La procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC).

Les conclusions de la demande doivent correspondre à celles mentionnées dans l'autorisation de procéder. Elles ne peuvent s'en écarter qu'aux conditions de l'art. 227 CPC, à savoir si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure (art. 227 CPC al. 1 CPC) et si elle présente un lien de connexité avec la dernière prétention (art. 227 al. 1 lit. a CPC) ou si la partie adverse consent à la modification (art. 227 al. lit. b CPC). L'objet de la demande peut se distinguer de celui sur lequel a porté la tentative de conciliation et qui est mentionné dans l'autorisation de procéder si la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la prétention d'origine ou, à défaut, si la partie adverse consent à la modification de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 5A_588/2015 du 9 février 2016 consid. 4.3.1).

Il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC soit lorsqu’une prétention jusqu’alors invoquée est modifiée, soit lorsqu’une nouvelle prétention est invoquée. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le contenu d’une prétention ressort des conclusions et de l’ensemble des allégués de fait sur lesquels elles sont fondées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2014 du 16 février 2015 consid. 5.4.3.1; ATF 139 III 126 consid. 3.2.3 et réf.).

2.2 En l’espèce, la procédure soumise à conciliation avait pour objet la fixation du loyer ainsi qu’une demande en réduction de loyer pour défaut de la chose louée. Les conclusions prises par les intimés devant le Tribunal le 22 décembre 2016 concernaient également une demande en réduction de loyer, en raison de nuisances dues à un chantier, ainsi qu’une demande en paiement d’un dommage consécutif à des dégâts intervenus pendant ce chantier. Ces prétentions nouvelles, consécutives à des faits survenus après l’introduction de la procédure en conciliation, étaient admissibles au regard de l’art. 227 CPC, leur fondement étant identique à l’une de celles soumises à la conciliation. C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu un lien de connexité entre les prétentions soumises à conciliation et celles nouvelles et, partant, que ces conclusions étaient recevables. Le grief de l’appelante à ce sujet est ainsi infondé.

3. L’appelante fait également grief aux premiers juges d’avoir réduit le loyer proportionnellement à la différence de surface effective de l’appartement litigieux, par rapport à celle figurant dans le bail.

3.1 Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle.

Lorsque le locataire fait valoir qu'il ignorait la surface réelle des locaux
(c'est-à-dire qu'il était dans l'erreur sur un fait existant) et qu'il a été amené ainsi à accepter un loyer auquel il n'aurait pas consenti s'il avait connu la situation réelle, il se prévaut d'une erreur portant sur un fait que la loyauté commerciale permettait de considérer comme un élément nécessaire du contrat au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO (ATF 135 III 537 consid. 2.1).

Pour que l'erreur soit essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO, il faut tout d'abord qu'elle porte sur un fait subjectivement essentiel : en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l'erreur, il faut que l'on puisse admettre que subjectivement son erreur l'a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. Il faut ensuite qu'il soit justifié de considérer le fait sur lequel porte l'erreur comme objectivement un élément essentiel du contrat : il faut que le cocontractant puisse se rendre compte, de bonne foi (nach Treu und Glauben), que l'erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues (ATF 136 III 528 consid. 3.4.1; 135 III 537 consid. 2.2; 132 III 737 consid. 1.3; 129 III 363 consid. 5.3; 118 II 58 consid. 3a).

La surface d'un logement ou d'un local commercial à louer est un fait que la bonne foi en affaires permet objectivement de considérer comme un élément essentiel du contrat de bail à loyer, notamment parce que cette donnée quantitative est un élément important pour apprécier si le loyer demandé est conforme à la situation du marché locatif dans la région concernée. Cela vaut d'autant plus dans le domaine des locaux commerciaux, qui sont constamment évalués et comparés en fonction du prix au mètre carré. L'art. 11 al. 2 OBLF prévoit d'ailleurs expressément que le loyer usuel au sens de l'art. 269a let. a CO peut être déterminé sur la base du prix au mètre carré usuel dans le quartier pour des objets semblables (ATF 135 III 537 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral a notamment retenu qu'une différence de surface supérieure à 10% n'était en tout cas pas admissible et fondait une erreur essentielle (arrêt du Tribunal fédéral 4C.5/2001 du 16 mars 2001 consid. 3a).

Sur le plan subjectif, le caractère essentiel de l’erreur a déjà plusieurs fois été nié par le Tribunal fédéral, à savoir lorsqu’il apparaissait, en fonction de circonstances particulières, que le locataire n'avait attaché aucune importance à l'indication erronée qu'il avait reçue (ATF 129 III 363 consid. 5.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_408/2007 du 7 février 2008 consid. 3.3; 4C.5/2001 du 16 mars 2001 consid. 3b). L'on ne saurait toutefois déduire du caractère objectivement essentiel d'un élément, comme la surface, que cet élément était également subjectivement essentiel et a déterminé la partie à conclure le contrat aux conditions convenues. Il est au contraire besoin de circonstances concrètes pour qu'un élément, même objectivement essentiel, ait également été subjectivement essentiel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_249/2017 du 8 décembre 2017 consid. 3.4).

Le locataire n'est pas tenu de contrôler les surfaces indiquées dans le bail ou par son cocontractant en les mesurant lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 4C.5/2001 du 16 mars 2001 consid. 3a).

3.2 En l’espèce, les locataires font valoir qu’ils ignoraient que la surface réelle des locaux n’était pas de 113 m2 - tel qu’indiquée sur le contrat de bail qu’ils ont conclu - et qu’ils ont été amenés à accepter un loyer mensuel net de 3'190 fr. qu’ils n’auraient pas consenti s’ils avaient su que la surface réelle du logement était inférieure. A l’instar des premiers juges, il faut tout d’abord admettre l’erreur dans la mesure où la surface réelle de l’appartement, admise par les parties, est de 108,3 m2 et non de 113 m2 comme indiqué dans le bail. Encore convient-il de déterminer si l’erreur était essentielle, non seulement objectivement mais également subjectivement. A cet égard, l’instruction a permis d’établir que les locataires n’auraient pas conclu le contrat à ces conditions s’ils avaient connu la taille réelle du logement. Même s’ils n’ont pas relevé la différence de surface lors de l’état des lieux d’entrée (déclarations du témoin H______) - ce qu’ils n’avaient pas à faire car ils n’étaient pas tenus de contrôler la surface indiquée sur le bail en la mesurant eux-mêmes - il ressort des circonstances concrètes que la surface était déterminante pour les locataires puisqu’ils ont accepté de payer un prix plus élevé en raison du fait qu’ils prenaient à bail un logement plus grand que le voisin, dont le nombre de pièces était identique. Il faut en effet retenir qu’ils avaient eu connaissance, avant la conclusion du contrat et comme leurs voisins (déclarations des témoins D______ et E______), que les deux objets étaient proposés à la location à des conditions distinctes compte tenu de la différence de surface. En outre, l’erreur était objectivement essentielle et cela même s’il s’agit d’un logement et que la différence de surface est inférieure à 10% car les surfaces des deux logements étaient précisément mentionnées sur les baux, que les plans des appartements étaient annexés aux contrats (déclarations du témoin P______) et que le loyer a été calculé en fonction des mètres carrés (déclarations du témoin T______). Il faut ainsi admettre que les locataires étaient fondés à se prévaloir d’une erreur essentielle. L’appelante ne contestant pas la fixation du loyer en tant que telle ou la date de prise d’effet des intérêts moratoires, les chiffres 1 et 2 du jugement querellé seront confirmés.

4. L’appelante fait en outre grief aux premiers juges d’avoir retenu que le système de chauffage était défectueux, que la présence d’odeurs de même que les nuisances liées aux travaux de réfection des façades et des terrasses étaient constitutives d’un défaut, et d’avoir alloué, à ce titre, des réductions de loyer aux intimés. De leur côté, ceux-ci font grief au Tribunal, dans leur appel joint, de leur avoir alloué des réductions de loyer trop faibles, s’agissant des défauts liés à la présence d’odeurs ainsi qu’au dysfonctionnement du chauffage. Ils sollicitent, à ce titre, des réductions de 10% pour chacun de ces deux défauts.

4.1 L'art. 256 al. 1 CO dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée.

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 248).

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépendra des circonstances du cas particulier; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 s.; Higi, Zürcher Kommentar, n. 28 ad art. 258 CO; ACJC/181/2010 du 15 février 2010 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

D'autres facteurs tels que le lieu de situation de l'immeuble, l'âge du bâtiment, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public ainsi que les usages courants doivent être pris en considération, de même que le critère du mode d'utilisation habituel des choses du même genre, à l'époque de la conclusion du contrat (Lachat, op. cit., p. 217-218).

Selon la jurisprudence, tant les nuisances provenant d'un chantier voisin que celles provenant de la réfection de l'immeuble dans lequel se trouve l'objet loué constituent des défauts de la chose louée (Lachat, op. cit., p. 222; arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.1 et 2.2).
Toute nuisance sonore ne constitue pas nécessairement un défaut de la chose louée. Encore faut-il que les désagréments excèdent les limites de la tolérance (arrêt du Tribunal fédéral 4C.164/1999 du 22 juillet 1999 consid. 2c et les références citées). Les immissions provenant d'un chantier voisin (bruit, poussière, vibrations) peuvent constituer un défaut justifiant une réduction de loyer. Peu importe qu'elles échappent ou non à la sphère d'influence du bailleur (SJ 1997 p. 661).

Cependant, des désagréments causés par un chantier voisin de moyenne importance ne représentant que des entraves mineures inhérentes à la vie quotidienne en milieu urbain, ne justifient pas une réduction de loyer
(CdB 2/2003 p. 54).

Quant à la réduction du loyer, elle se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (Lachat, op. cit., p. 258).

Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède en principe selon la méthode dite «proportionnelle». On compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre des prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit., p. 257).

Comme ce calcul proportionnel n'est pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).

Enfin, le Tribunal fédéral retient que pour justifier une réduction de loyer, l'usage de la chose doit être restreint d'au moins 5%, voire de 2% s'il s'agit d'une atteinte permanente (ATF 135 III 345 consid. 3.2).

4.2 En l’occurrence, les dysfonctionnements du système de chauffage ne sauraient être considérés comme peu nombreux. En effet, il ressort des échanges de correspondances, produits à la procédure que les intimés se sont plaints à de très nombreuses reprises et ce depuis le 28 octobre 2010 de ce que les radiateurs ne fonctionnaient pas correctement. C______ a en outre confirmé que diverses pannes étaient survenues dans toutes les pièces du logement et avaient causé de nombreuses interventions. Les époux
D/E______ ont également déclaré avoir eux-mêmes subi des dysfonctionnements de chauffage et avoir constaté les mêmes nuisances chez leurs voisins, expliquant que les mesures prises par la bailleresse n’avaient pas permis de régler le problème. Le témoignage de K______, locataire au 6ème étage, selon lequel il n’a constaté aucun dysfonctionnement de chauffage, ne démontre pas le contraire dès lors que ce dernier a indiqué qu’il n’avait sans doute pas été chez lui au moment où le système de chauffage dysfonctionnait. H______ et P______, gérants, ont par ailleurs reconnu avoir soit constaté qu’un radiateur ne fonctionnait pas dans le logement soit avoir dû faire intervenir un chauffagiste. En outre, il ressort du dossier qu’en raison de la présence d’air dans les installations, la bailleresse avait dû faire installer deux purgeurs automatiques dans les deux appartements en attique (déclarations du témoin L______). Les employés de l’entreprise N______ SA ont également confirmé que d’autres entreprises et eux-mêmes étaient intervenus à de nombreuses reprises dans l’appartement occupé par les intimés pour des problèmes de purge, récurrents, provenant de l’air présent dans le système en raison de vidanges effectuées dans l’immeuble (déclarations des témoins M______ et O______). Considérant également que l’appartement était nouvellement créé - et que l’on peut ainsi en attendre un état qualitativement supérieur à celui d’un appartement ancien - et que le loyer, même après adaptation du prix en fonction de la surface, reste relativement élevé, il faut considérer que les dysfonctionnements récurrents sont constitutifs d’un défaut de la chose louée. La quotité de réduction de loyer apparaît en outre équitable, compte tenu du fait qu’il n’a pas été démontré que la température était insuffisante et qu’il ne s’agissait pas d’une entrave importante. Dès lors, les chiffres 6 et 7 du jugement querellé seront confirmés.

La Cour considère également que les intimés ont démontré avoir subi et subir encore des nuisances du fait de la présence de mauvaises odeurs chez eux. En ce sens, le Tribunal a constaté, lors de son inspection locale, des odeurs dans plusieurs pièces du logement, soit des odeurs acides dans la salle de douche ainsi que des odeurs de cuisine et de poubelles dans le hall d’entrée et la salle à manger. En outre, tous les témoins entendus à ce sujet, à l’exception des employés de la régie, lesquels ne se sont rendus qu’à quelques reprises dans l’appartement, ont confirmé la présence d’odeurs nauséabondes (déclarations des témoins E______, D______, G______, K______, I______ et L______). La quotité de réduction de loyer octroyée apparaissant également adéquate, les chiffres 3, 4 et 5 du jugement attaqué seront confirmés.

Finalement, le grief de l’appelante tiré du fait que les intimés n’auraient pas démontré les nuisances liées au chantier intervenu entre le 7 juillet et le 30 novembre 2016 ne saurait être suivi. En effet, les voisins des locataires ont déclaré avoir subi de nombreuses nuisances durant les travaux effectués : parois de la terrasse abimées, pots de fleurs cassés, ouvriers pique-niquant et fumant sur la terrasse, etc. En outre, l’architecte en charge des travaux et l’employée de son bureau ont tous deux déclaré que l’accès aux locataires à leur terrasse avait été proscrit (déclarations de R______ et S______). Les nuisances subies ayant ainsi excédé de simples entraves mineures, les premiers juges ont valablement admis l’existence d’un défaut. Les chiffres 8 et 9 du jugement seront donc confirmés.

5. Partant, le jugement querellé sera intégralement confirmé.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 23 février 2018 par A______ SA et l’appel joint interjeté le 10 avril 2018 par B______ et C______ contre le jugement JTBL/43/2018 rendu le 22 janvier 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9236/2015.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur Bertrand REICH, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.