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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25725/2019

AARP/87/2021 du 11.03.2021 sur JTDP/1212/2020 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.05.2021, rendu le 12.10.2022, ADMIS, 6B_548/2021
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25725/2019 AARP/87/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 mars 2021

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Pascal PETROZ, avocat, PERRÉARD DE BOCCARD SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1212/2020 rendu le 28 octobre 2020 par le Tribunal de police,

 

et

La COMMISSION FEDERALE DES MAISONS DE JEU, sise Eigerplatz 1, 3003 Bern, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 28 octobre 2020, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infractions à l'art. 130 al. 1 let. a de la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent (LJAr) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 30.- le jour, complémentaire à celle prononcée le 21 novembre 2019 par le Ministère public (MP), à une amende de CHF 900.- à titre de sanction immédiate et aux frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.-.

Huit appareils de jeux électroniques ont été confisqués, ainsi que divers objets, soit une clé USB (14034), une télécommande (U14035) et un lot de clés (U14992). La somme totale de CHF 1'219.-, contenue dans les divers appareils, et un montant de CHF 200.- contenu dans une pochette, ont été séquestrés.

Le TP a également prononcé à l'encontre de A______ une créance compensatrice de CHF 12'300.- en faveur de la Confédération (art. 71 al. 1 et 2 CP).

b. A______ entreprend ce jugement partiellement, concluant à son acquittement, à la restitution de tous les appareils, excepté celui de type "B______" (U14036), à la levée des séquestres sur les montants de CHF 1'219.- et CHF 200.-, à leur restitution et à celle des objets confisqués, ainsi qu'à l'annulation de la créance compensatrice, frais à la charge de l'Etat.

c. Selon le prononcé pénal de la COMMISSION FEDERALE DES MAISONS DE JEU (CFMJ) du 23 octobre 2019, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir installé et mis à disposition des jeux de casino sous forme d'appareils électroniques, en dehors d'une maison de jeu, dans l'établissement D______ du mois de mars au 23 septembre 2014 et du mois de janvier au 7 juin 2016, dans l'établissement C______ du 2 juillet au 2 décembre 2015, ainsi que dans l'établissement E______ du 31 mai 2015 au 31 mai 2017. Les clients s'adonnant au jeu, misaient des sommes d'argent et percevaient leurs gains en espèces, sous forme de boissons ou de lots matériels.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a À la suite de perquisitions effectuées les 23 septembre 2014 et 7 juin 2016, la CFMJ a séquestré au sein de l'établissement D______ quatre appareils, dont deux appelés "F______" (U5360 et U5361), l'un "G______" (U10045) et un quatrième "B______" (U14036). Les trois premiers contenaient des jeux qualifiés d'appareils à sous, servant aux jeux de hasard, par décisions de cette même autorité n°532-003, n°532-004, n°532-005 du 26 février 2014, n°532-006/01 du 17 décembre 2014 et n°532-002/03 du 24 juin 2015. L'appareil "B______" (U14036), faisant l'objet du séquestre du 7 juin 2016, avait été qualifié d'appareil à sous, servant aux jeux de hasard, par décision n°512-023/01 du 14 octobre 2016.

a.b. Entendu les 23 septembre 2014 et 8 juin 2018 par la CFMJ en qualité de prévenu, H______, co-gérant de l'établissement D______, a indiqué que les appareils "F______" appartenaient à A______, qui l'avait convaincu de les installer en affirmant qu'il était possible d'exploiter légalement des jeux permettant de miser et gagner de l'argent. A______ avait installé et connecté à internet les appareils, et en avait expliqué le fonctionnement, notamment comment accéder aux jeux à "rouleaux" avec une télécommande. La conversion des points en argent était de CHF 0.10 le point, 100 points représentant CHF 10.-. A______ avait également montré comment remettre les compteurs à zéro, ce qui permettait de ne "pas payer deux fois le même gain". Il avait aussi expliqué comment convertir les crédits gagnés par les joueurs en argent, car les machines ne rendaient pas la monnaie. Lui-même estimait qu'en moyenne, quatre à cinq joueurs utilisaient les "F______" chaque jour. Les sommes quotidiennes investies étaient comprises entre CHF 100.- et CHF 200.- et les gains réalisés par les joueurs entre CHF 40.- et CHF 60.-. Les joueurs demandaient à être payés en espèces quand leurs gains dépassaient CHF 20.-, sous forme d'imputation sur le coût de leurs boissons ou sur leurs parties de billard en dessous de CHF 20.-. Lui-même ou l'un des autres gérants vidait les caisses des machines tous les soirs. Le bénéfice mensuel était de l'ordre de CHF 600.- à CHF 800.-, dont A______ percevait la moitié de main à main. Ce dernier venait généralement une fois par mois vérifier la comptabilité de la machine. Le gain total depuis l'installation des machines s'élevait à CHF 2'450.-. Il a reconnu qu'une autorisation était nécessaire pour exploiter ce type de machines, mais il incombait à leur propriétaire, soit A______, de faire les démarches y afférentes. Aucune comptabilité n'était tenue, tant pour les sommes misées ou gagnées par les joueurs, que pour le bénéfice de A______. Les montants gagnés par l'établissement étaient placés dans une enveloppe séparée, qui servait à payer les gains des joueurs et la part du bénéfice de A______.

Par la suite, H______ est revenu sur une partie de ses déclarations, affirmant n'avoir rien payé aux gagnants. Il ignorait si les joueurs pouvaient influencer le cours d'une partie. S'ils gagnaient, ils rejouaient les crédits obtenus. A______ avait précisé qu'il ne fallait pas payer les gains des joueurs, mais il l'avait quand même fait. L'appareil de type "G______" (U10045) avait aussi été installé par A______. L'appareil de type "B______" (U14036) avait été installé par la société I______ SA, propriétaire de la machine. I______ SA lui reversait une partie des bénéfices, dont il ignorait le montant exact.

a.c. J______, co-gérant de l'établissement a confirmé que les appareils appartenaient à A______. Les bénéfices étaient partagés à raison de 60% pour ce dernier et 40% pour les co-gérants. A______ venait une fois par mois pour récupérer sa part et s'occupait de la maintenance des appareils. Certains mois, ils pouvaient gagner chacun CHF 500.-. Aucune comptabilité n'était tenue. Après avoir déclaré que, lorsqu'un joueur gagnait, la personne présente le payait avec l'argent de la caisse, il a affirmé ignorer si les gains étaient payés et si oui, de quelle manière.

a.d. K______, co-gérant de l'établissement, a indiqué que les appareils étaient des ordinateurs branchés en permanence et à disposition du public. Ils avaient été installés par A______, qui en était propriétaire, et avaient été exploités pendant plusieurs mois. Aucun contrat n'avait été conclu. En général les gains n'étaient pas payés, mais pendant une certaine période, ils étaient "convertis en boissons", jamais en espèces. Les bénéfices étaient répartis à raison de 50% pour A______ et 50% pour les co-gérants. La machine "B______" (U14036) avait été installée par la société I______ SA. Les gains pour les joueurs étaient remis sous forme de "lots matériels", qu'ils remportaient immédiatement.

a.e. Selon les analyses techniques de la CFMJ, les appareils "F______" (U5361 et U5360) étaient équipés d'un lecteur de billets et d'un monnayeur. Les boitiers abritaient chacun deux ordinateurs, avec la possibilité de passer d'un ordinateur à l'autre. Les plateformes de jeux "G______" et "L______" étaient installées et en service. La première, qui avait été utilisée quotidiennement entre les 13 et 23 septembre 2014, offrait 30 jeux de rouleaux, trois jeux de cartes et deux jeux de roulette. Les mises s'étaient élevées à CHF 11'100.- au total et les gains des joueurs à CHF 7'992.40, générant un bénéfice de CHF 3'107.60 pour l'établissement. La plateforme "L______" (U5361) proposait 20 jeux aux utilisateurs. Entre les 10 et 22 septembre 2014, les mises s'étaient élevées à CHF 2'160.- au total et les gains des joueurs à CHF 433.22, pour un bénéfice de CHF 1'726.78 pour l'établissement.

b.a. À la suite d'une perquisition, le 2 décembre 2015, la CFMJ a séquestré au sein de l'établissement C______ deux appareils de type "F______" (U14994 et U14995), présentant divers jeux des plateformes "G______". Ces deux appareils contenaient des jeux automatiques qualifiés d'appareils à sous, servant aux jeux de hasard, par décisions de cette même autorité n°532-004 du 26 février 2014, n°512-026/01 du 4 avril 2014, n°532-006/01 du 17 décembre 2014 et n°532-002/03 du 24 juin 2015. Les caisses des appareils contenaient respectivement CHF 240.- et CHF 20.-. Une pochette noire contenant CHF 200.- (U14993) a en outre été saisie.

H______, également gérant de cet établissement, n'était pas présent. Requis de venir par la CFMJ, il a d'abord contacté A______. Quelques minutes après cet appel, tous les appareils litigieux avaient été soudainement bloqués.

b.b. Entendu par la CFMJ, H______ a indiqué que les appareils avaient été installés par A______, qu'il avait tenté à plusieurs reprises de joindre durant la perquisition. A______ avait finalement répondu et déclaré que "les machines étaient légales". Lui-même ne comprenait pas comment les jeux avaient soudainement "disparu".

Au sein de l'établissement, il y avait plusieurs jeux proposés tel que les "roulettes de fruits". Une télécommande permettait d'y accéder en cliquant sur "music box". Les joueurs inséraient directement l'argent dans les appareils, qui ne rendaient pas la monnaie. Il payait lui-même les joueurs qui gagnaient, mais que pour certains jeux. Il remettait ensuite le compteur de la machine à zéro. Il vidait la caisse des machines tous les soirs et plaçait l'argent dans une enveloppe. Aucune comptabilité n'était tenue. Les bénéfices étaient répartis à raison de 40% pour lui et 60% pour A______. Ce dernier passait deux fois par mois pour récupérer son dû et réparer les machines. Questionné sur ses connaissances en matière d'exigences légales concernant les jeux de casino, H______ a répondu "Moi je vois des gens jouer dans des cafés. M. A______ m'a dit que c'était autorisé".

b.c. M______, employée de l'établissement, et N______, client, ont été entendus le jour de la perquisition.

La première a confirmé que les appareils appartenaient à A______, selon lequel ils offraient beaucoup de jeux "un peu comme les casinos". Il lui avait montré comment retirer l'argent et remettre les compteurs à zéro. Lorsque les joueurs gagnaient, elle inscrivait sur un papier les montants gagnés, qui étaient ensuite payés par H______. Il lui était néanmoins arrivé de payer elle-même. L'argent dans l'enveloppe contenait la recette obtenue, sans aucune comptabilité.

Le seconda indiqué qu'il était possible de jouer à des jeux de hasard depuis environ une année. Il fallait mettre de l'argent, toucher l'écran et choisir le jeu. Les clients y jouaient en permanence, dont certains énormément. Il avait vu une serveuse remettre à des gagnants des gains en espèces allant de CHF 100.- à CHF 150.-. La serveuse vidait régulièrement les caisses et l'argent issu des machines était placé dans une pochette.

b.d. Selon l'analyse technique de la CFMJ, l'appareil "F______" (U14994) contenait un boîtier abritant les plateformes de jeu "G______" et "O______", chacune contenant plusieurs jeux. Du 6 au 27 novembre 2015, les mises s'étaient élevées à CHF 3'920.- et les gains des joueurs à CHF 2'359.58, dégageant un bénéfice de CHF 1'560.42 pour l'établissement.

c.a. À la suite d'une perquisition, le 31 mai 2017, la CFMJ a séquestré au sein de l'établissement E______ deux appareils de type "F______" (U14941 et U14942), présentant divers jeux de la plateforme "O______" et "P______". Ces deux appareils contenaient des jeux automatiques qualifiés d'appareils à sous, servant aux jeux de hasard, par décisions de cette même autorité, n°532-004 du 26 février 2014, n°532-006/01 du 17 décembre 2014 et n°532/002/03 du 24 juin 2015. Les caisses des appareils contenaient CHF 290.- et CHF 192.-.

Il ressort du rapport de perquisition, qu'alors que la police filmait les jeux de hasard comme moyen de preuve, ceux-ci avaient soudainement disparu de l'un des appareils.

c.b. Selon Q______, gérant de l'établissement, ces appareils appartenaient à A______, qui les avait installés deux ans auparavant et en avait expliqué le fonctionnement. Les joueurs mettaient directement l'argent dans les appareils ; aucun gain n'était payé, mais les gagnants se faisaient "parfois offrir des boissons". A______ venait chercher les recettes chaque semaine et partageait le bénéfice. Ils avaient fait une demande auprès du Service du commerce pour pouvoir exploiter ces appareils.

c.c. Ces autorisations ont été délivrées par le Service du commerce le 19 septembre 2016. Elles excluaient expressément "tout jeu à gain d'argent ou de bons-primes échangeables contre de l'argent ou des marchandises F______".

c.d. R______, employée de l'établissement savait uniquement comment allumer les appareils et ne connaissait que le "jeu où il fallait aligner les fruits". Les clients se rendaient directement aux machines sans s'adresser au personnel. Elle ne savait pas s'ils étaient payés en espèce en cas de gains, ne souhaitant pas "s'en mêler".

c.e. Deux clients de l'établissement ont été entendus. S______ a indiqué jouer aux machines plusieurs fois par mois en libre accès. Le jour de la perquisition, il était en train de jouer au jeu de rouleaux. En cas de gain, il demandait au patron de payer "une tournée". Le gagnant qui ne voulait pas payer de tournée demandait au patron de l'argent liquide. T______ a confirmé que les machines proposaient des jeux de hasard en libre accès. Le jour de la perquisition, il jouait au jeu où il fallait "aligner trois fruits au minimum". Il avait gagné une fois la somme de CHF 2'500.-, qui lui avait été remise en liquide par un employé de l'établissement.

d. Devant la CFMJ et le premier juge, A______ a reconnu être le propriétaire de tous les appareils susmentionnés, à l'exception du "B______" (U14036). Il avait connaissance de tous les jeux proposés par les appareils des divers établissements, puisqu'il les avait lui-même installés. Il en avait expliqué le fonctionnement, notamment comment accéder aux jeux et comment remettre les compteurs à zéro. Il fallait mettre l'argent et jouer, mais il n'était pas possible de gagner de l'argent et les machines ne rendaient pas la monnaie. Les joueurs obtenaient seulement des crédits supplémentaires pour jouer plus longtemps. Il s'agissait uniquement de jeux d'amusement et d'adresse, bien qu'il fut incapable d'en citer un seul à titre d'exemple. Les appareils proposaient des jeux autorisés et "d'autres pas". Il avait précisé aux gérants qu'il ne fallait ni rembourser les crédits, ni offrir des récompenses telles que des boissons en lien avec les "jeux non autorisés". La maintenance des appareils était assurée par lui-même ; le vidage des caisses l'était parfois par lui-même, parfois par les gérants. Il ne se rappelait pas quels jeux n'étaient pas autorisés au D______. Alors qu'au sein de ce même établissement une perquisition avait eu lieu en 2014, il y avait de nouveau installé des machines, saisies lors d'une nouvelle perquisition en 2016, car il attendait "d'être devant [le] Tribunal [pénal] pour avoir une décision définitive sur la légalité ou non de ces machines". Il ne pouvait pas tout le temps être sur place pour contrôler les gérants. Tout était basé sur un accord oral. La répartition convenue des bénéfices était de "50/50". Il en avait retiré personnellement entre CHF 300.- et CHF 600.- mensuel pour chaque établissement. Confronté aux diverses analyses techniques de la CFMJ, il en a contesté la véracité. Interrogé sur le fait que les appareils de l'établissement C______ s'étaient soudainement éteints lors de la perquisition, il a déclaré "je ne sais pas (...) C'est peut-être troublant mais je ne pourrais pas vous expliquer pour quelle raison. Je n'ai pas la possibilité de déconnecter les machines à distance". L'appareil "B______" offrait un jeu d'adresse où il fallait appuyer au bon moment sur un bouton pour obtenir un "gain" tel que "des écouteurs", et non de l'argent.

Il a déclaré avoir été l'administrateur de I______ SA (n.b. ce qui à teneur du registre du commerce, n'a jamais été le cas, l'intéressé ayant toutefois exploité, jusqu'en 2003, une entreprise en raison individuelle ayant un but social similaire), mais avoir arrêté d'y travailler, n'y restant impliqué qu'en "prenant des nouvelles". La société était désormais administrée par son fils.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

L'appareil "B______" avait été confisqué le 7 juin 2016, alors qu'il n'avait été qualifié de jeu de hasard que le 14 octobre 2016, de sorte qu'il ne pouvait savoir que cette machine était illégale. Sa confiscation devait donc être annulée. Il avait par ailleurs informé les exploitants que les crédits n'étaient pas remboursables et qu'il ne fallait pas les payer aux joueurs gagnants. Ces jeux n'offrant pas de gain en argent, ils ne pouvaient en toute hypothèse être qualifiés de jeu d'argent ou de casino. De plus, la jurisprudence relative à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (LMJ) n'était pas applicable à la LJAr et les jeux mis à disposition, par les appareils qu'il avait installés, n'étaient pas mentionnés comme illégaux sur le site internet de la CFMJ.

c. Le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel. La qualification administrative du 14 octobre 2016 de l'appareil "B______", n'avait aucune influence sur l'application de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, qui n'exigeait pas une constatation administrative préalable.

d. La CFMJ conclut au rejet de l'appel. L'offre d'un appareil à sous, en l'espèce le "B______", servant aux jeux de hasard, était punissable quel que soit le moment de la qualification de l'appareil en question. En outre, il y avait bien des jeux d'argent sur tous les appareils installés par l'appelant. Dès lors, son comportement était punissable tant sous l'égide de la LMJ que de la LJAr.

D. A______ est né le ______ 1947 à U______ en Italie. Il est citoyen suisse, marié et père de deux enfants majeurs. Aujourd'hui retraité, il vit d'une rente AVS d'environ CHF 1'500.- par mois et loge dans une maison appartenant à son épouse, libre d'hypothèque. Le couple vit sous le régime de la séparation de biens. Ses primes d'assurance maladie sont de CHF 250.-. Il n'a ni dettes, ni fortune.

E. Le casier judiciaire suisse de A______ mentionne une condamnation le 21 novembre 2019 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR).

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le 1er janvier 2019, la LMJ a été remplacée par la LJAr. Selon le Tribunal fédéral, les dispositions pénales de la LMJ s'appliquent aux procédures en cours, ainsi qu'à la poursuite des infractions commises avant l'entrée en vigueur de la LJAr, à moins que l'application de la LJAr soit plus favorable à l'auteur (lex mitior ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_260/2020 du 2 juillet 2020 consid. 1 ; Message du Conseil fédéral du 21 octobre 2015 sur la loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent ; FF 2015 p. 7740).

La question de savoir si le nouveau droit est plus favorable que l'ancien - qui n'a pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral, s'agissant de la LMJ et de la LJAr (arrêts du Tribunal 6B_1245/2019 du 17 juin 2020 consid. 2 ; 6B_178/2019 du 1er avril 2020 consid. 3 non publié in ATF 146 IV 201 ; 6B_505/2018 du 3 mai 2019 consid. 1) - ne s'examine pas de manière abstraite, mais au regard du cas concret. Le juge doit examiner l'infraction tant sous l'angle de l'ancien que du nouveau droit et déterminer, en comparant les résultats ainsi obtenus, lequel des deux droits est plus favorable à l'auteur (ATF 142 IV 401 consid. 3.3 ; 135 IV 113 consid. 2.1 ;
134 IV 82 consid. 6.2 ss ; 126 IV 5 consid. 2c). Les amendes et les peines pécuniaires ont la même valeur qualitative, les deux sanctions touchant l'auteur dans son patrimoine. Elles se distinguent cependant par le fait que seule la peine pécuniaire, et non l'amende, peut être assortie du sursis (ATF 134 IV 82 consid. 7.2.4). Pour comparer une peine pécuniaire et une amende, l'une et l'autre sans sursis, il y a lieu de se fonder sur le montant qui a été concrètement fixé. Toutefois, lorsqu'elle est assortie du sursis (art. 42 CP), la peine pécuniaire apparaît plus douce parce que cette sanction porte moins d'effets. En principe, cela vaut aussi indépendamment du fait que le montant de la peine pécuniaire est supérieur à celui de l'amende dès lors qu'une peine avec sursis est toujours la sanction la plus douce par rapport à une peine sans sursis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_447/2007 du 29 mars 2008 consid. 3.2).

2.2. Selon l'art. 56 al. 1 LMJ, sera puni des arrêts ou d'une amende de 500 000 francs au plus celui qui aura organisé ou exploité par métier des jeux de hasard à l'extérieur d'une maison de jeu (let. a) ou aura installé, en vue de les exploiter, des systèmes de jeux ou des appareils à sous servant au jeu de hasard qui n'ont pas fait l'objet d'un examen, d'une évaluation de la conformité ou d'une homologation (let. c).

Si l'auteur agit par négligence, il sera puni d'une amende de 250 000 francs au plus (art. 56 al. 2 LMJ).

Aux termes de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement, exploite, organise ou met à disposition des jeux de casino ou des jeux de grande envergure sans être titulaire des concessions ou des autorisations nécessaires.

2.3. En l'espèce, les premiers actes litigieux pour lesquels l'appelant est poursuivi ont été commis durant l'année 2014. Il convient dès lors de déterminer quel droit lui est plus favorable.

Sous le régime de la LMJ, l'appelant pourrait être sanctionné, en cas d'infraction intentionnelle, d'une amende jusqu'à CHF 500'000.-, alors que commise par négligence, l'amende serait limitée à CHF 250'000.- au plus. Si l'appelant est sanctionné d'une amende, elle sera nécessairement ferme, sans possibilité de sursis (art. 56 al. 1 LMJ cum 104 et 105 al. 1 CP).

En application de la LMJ, la CFMJ, dans ses mandats de répression visant l'appelant, l'avait condamné à des amendes de CHF 17'000.- pour l'établissement D______, de CHF 9'000.- pour l'établissement C______ et de CHF 10'000.- pour l'établissement E______, soit un montant total de CHF 36'000.-, sans sursis.

Dans le système de la LJAr, l'auteur doit obligatoirement agir avec intention et s'expose à une peine-pécuniaire de 180 jours-amende selon le droit en vigueur depuis le 1er janvier 2018 (art. 34 al. 1 CP) ou de 360 jours-amende, en cas d'application de l'art. 34 aCP. Cette modification de l'art. 34 CP est toutefois sans incidence, en l'occurrence la peine-pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 30.- avec sursis, infligée, et qui en raison de l'interdiction de la reformatio in pejus ne saurait être aggravée, est en tout état inférieure à ces maxima.

Il résulte in concreto de ce qui précède que, malgré une certaine équivalence entre les sanctions patrimoniales prévues, la loi la plus favorable à l'appelant est la LJAr, qui sera ainsi appliquée.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Il ne doit pas s'agir de doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Ces principes sont violés lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé, autrement dit lorsque le juge du fond retient un état de fait défavorable à l'accusé alors qu'il existe un doute raisonnable quant au déroulement véritable des événements (ATF 138 V 74 consid. 7; ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1015/2016 du 27 octobre 2017 consid. 4.1).

3.2. Sont des jeux d'argent au sens de l'art. 130 al. 1 let a LJAr, les jeux qui, moyennant une mise d'argent, laissent espérer un gain pécuniaire ou un autre avantage appréciable en argent (art. 3 let. a hyp. 1 LJAr). Sont des jeux de casino, les jeux auxquels peuvent participer un nombre restreint de personnes, limité à 1000 joueurs pouvant participer simultanément, à l'exception des jeux d'adresse (art. 3 let. g LJAr cum art. 3 de l'ordonnance sur les jeux d'argent ; OJAr).

Selon l'art. 3 LMJ, les jeux de hasard sont des jeux qui offrent, moyennant une mise, la chance de réaliser un gain en argent ou d'obtenir un autre avantage matériel, cette chance dépendant uniquement ou essentiellement du hasard (al. 1). Les appareils à sous servant aux jeux de hasard sont des appareils qui proposent un jeu de hasard dont le déroulement est en grande partie automatique (al. 2).

La notion d'exploitation inclut tous les actes en lien avec la mise en oeuvre concrète d'un jeu d'argent ou avec le fait de rendre un tel jeu accessible au public, notamment en le vendant ou en le distribuant. Par organisation, on entend la mise en place de la structure qui permet l'exploitation du jeu. Généralement, l'organisation présente un lien étroit avec l'exploitation du jeu, mais il peut y avoir des cas dans lesquels la personne qui organise le jeu (généralement haut placée dans la hiérarchie) ne joue ensuite aucun rôle dans sa mise en oeuvre concrète. Par mise à disposition, on entend entre autres le fait de fournir des locaux, de prendre en charge tout ou partie des transactions financières liées aux jeux d'argent ou de procurer des installations aux fins d'organisation ou d'exploitation de jeux d'argent (Message in FF 2015 7732s.).

La jurisprudence rendue sous l'ancien droit s'applique aux nouvelles normes, lorsqu'elles correspondent matériellement aux anciennes (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.2 ; 136 IV 97 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_22/2016 du 1er novembre 2016 consid. 1.1.2 ; 6B_323/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.3 ; 6B_839/2011 du 21 février 2012 consid. 1.2).

Selon le Tribunal fédéral, un automate tombe sous le coup de la loi lorsqu'il offre des jeux qui donnent, moyennant une mise, la chance de réaliser un gain en argent ou d'obtenir un autre avantage matériel, cette chance dépendant uniquement ou essentiellement du hasard. Les avantages matériels peuvent être notamment des gains en nature (marchandises), des jetons, des bons et des points acquis au jeu et mémorisés sous forme électronique qui, à la fin du jeu, peuvent être échangés contre de l'argent, des avoirs ou des marchandises. Pour distinguer un appareil à sous servant aux jeux d'argent des autres automates de jeu, il convient de déterminer si l'appareil est conçu de telle sorte qu'il sera, selon toute vraisemblance, employé à des jeux d'argent ou conduira facilement à des jeux d'argent. L'indice essentiel pour procéder à cette évaluation est le rapport entre la mise en argent et le degré de divertissement du jeu: en cas de disproportion manifeste, on doit admettre que le jeu est exploité dans le but d'obtenir un avantage matériel (arrêts du Tribunal fédéral 6P_15/2005 du 22 mars 2005 consid. 5 ; 6S_112/2004 du 18 juin 2004 consid. 2.3).

Une machine à sous doit faire l'objet d'une homologation, même si elle est destinée à être utilisée en dehors d'un casino agréé, tel un café-restaurant. Si l'exploitant ne s'exécute pas et met à disposition une telle machine, il accepte déjà de commettre une violation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_899/2017 du 3 mai 2018 consid. 2.2 et 2.3).

3.3. Le pouvoir du juge pénal d'examiner à titre préjudiciel la validité des décisions administratives, qui sont à la base d'infractions pénales, se détermine selon trois hypothèses. Parmi celles-ci, figure celle où l'examen de la légalité de la décision, par ce juge pénal, est limité à la violation manifeste de la loi et à l'abus manifeste du pouvoir d'appréciation, dans le cas où une voie de recours était ouverte contre la décision, mais non interjeté par l'accusé (ATF 129 IV 246 consid. 2.1 et 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_601/2020 du 6 janvier 2020 consid. 2.2 destiné à publication; 6B_15/2012 du 13 avril 2012 consid. 4.2.1).

3.4. Au terme de l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

3.5. L'appelant estime que les éléments constitutifs de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr ne sont pas remplis.

Il ressort des rapports de la CFMJ que la totalité des appareils litigieux abritait une grande quantité de jeux qualifiés d'appareils à sous, servant aux jeux de hasard, par plusieurs décisions de cette même autorité. En outre, les analyses techniques de certains appareils ont démontré que ces machines proposaient des plateformes de jeu telles que "G______", "L______" et "O______" ou encore "P______". Ces automates, auxquels un nombre restreint de clients avaient accès moyennant une mise en argent, laissaient espérer des gains en espèces ou d'autres avantages appréciables en argent, tels que des écouteurs ou des boissons gratuites. Les clients jouaient des sommes d'argent et participaient ainsi à de purs jeux de casino, en espérant gagner des sommes plus grandes, sans qu'on puisse discerner quelle serait l'adresse ou l'amusement nécessaire pour y parvenir. L'on ne voit pas non plus quel serait l'intérêt de ces joueurs à jouer à de tels jeux sans aucune expectative de réaliser un gain. La disproportion entre la mise en argent et le degré de divertissement de tels automates est donc manifeste.

Les déclarations de l'appelant, selon lesquelles les appareils n'étaient pas de type casino et n'offraient aucun gain, n'emportent pas conviction. Selon les dires des employées, que la Cour juge crédibles, l'appelant avait expliqué que les appareils offraient des jeux "un peu comme les casinos". L'une des employées avait d'ailleurs payé elle-même des gagnants, alors que l'autre indiquait qu'il y avait des jeux où "il fallait aligner les fruits". Quant aux déclarations des clients, jugées également crédibles, il en ressort qu'il était possible de jouer à des jeux de hasard en permanence. L'un des clients pratiquait le jeu où il fallait "aligner trois fruits au minimum". Certains, après une victoire, faisaient payer "une tournée" par l'établissement, les autres convertissaient leur gain en "argent liquide", les gains de l'un ayant même atteint CHF 2'500.-. Les gérants des établissements concernés ont eux-mêmes admis que l'appelant leur montrait comment remettre les compteurs à zéro pour ne pas payer deux fois le même gain, comment vider l'argent des machines, comment accéder aux jeux à "rouleaux", comment allumer les machines avec une télécommande et comment orienter les joueurs sur les jeux, à l'aide d'une connexion internet, sur plusieurs ordinateurs interposés branchés en permanence. H______ a plus précisément exposé comment l'appelant lui avait montré la manière de convertir les crédits gagnés par les joueurs en argent. Il a également admis que ces gagnants étaient payés en espèces. Les autres gérants ont notamment expliqué que les gagnants étaient payés avec l'argent de la caisse, se voyaient imputer leur gain sur les boissons et les parties de billard ou remportaient des lots matériels. Les revirements de H______ et J______, intervenus plus de deux ans après leur première audition, ne sont pas convaincants vu leur implication et leur intérêt à accorder leur version à celle de l'appelant.

Concernant l'appareil "B______" (U14036), les critiques de l'appelant envers les décisions de la CFMJ des 7 juin et 14 octobre 2016, telles qu'elles sont articulées, sont dirigées contre des décisions entrées en force, auxquelles il ne s'est jamais opposé, alors qu'il en a eu la possibilité à diverses reprises. Les griefs de l'appelant ne sont ainsi pas pertinents pour l'issue de la présente procédure, qui n'a trait qu'aux conséquences, pénales, des violations à la LJAr. Au demeurant, il ressort clairement du texte de loi de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr (également de l'art. 56 al. 1 let. c LMJ), qu'aucune décision administrative préalable n'est requise pour procéder à des actes d'enquête, telles les mesures de séquestre prévues par le DPA, ou confirmer, par décision ultérieure, la qualité de jeu de hasard d'un appareil litigieux. Dès lors, en l'absence de violation ou d'abus de droit manifeste, il n'y a pas lieu de considérer les décisions des 7 juin et 14 octobre 2016 de la CFMJ comme invalides.

La Cour relève encore qu'il n'est pas contesté que l'appareil « B______ » appartient à la société I______ SA. Elle tient en revanche pour établi que l'appelant a également participé dans une large mesure à l'installation et à la mise à disposition de cette machine. En effet, en lieu et place de dénoncer toute absence d'implication devant la Cour de céans, il a opposé les moyens de défense susmentionnés ou a encore conclu à l'annulation de la confiscation. Il ne s'est en outre jamais prévalu du fait qu'il n'aurait aucun lien avec cet appareil devant les précédentes autorités, ayant même expliqué le fonctionnement de la machine devant le TP pour tenter de se défendre. Tout ceci ne fait que démontrer à nouveau son implication. Ce constat est renforcé par le fait que la société I______ SA est encore joignable par le numéro de téléphone même de l'appelant, sans que ce dernier n'ait fourni des explications crédibles.

En conclusion, ces appareils revêtent bel et bien la qualité de jeux de casino et en assurant leur installation, leur fonctionnement et leur maintenance, l'appelant a organisé et mis à disposition des jeux de casino, sans être titulaire des autorisations nécessaires.

3.6. Sur le plan subjectif, l'appelant reconnait lui-même qu'il connaissait tous les jeux proposés, dont certains autorisés, "d'autres pas" et certains offrant des gains matériels tels des "écouteurs". La Cour ne peut que constater que l'appelant connaissait le caractère illégal de sa démarche. De plus, non seulement il assurait la maintenance des appareils, mais il en a expliqué le fonctionnement, tant aux gérants qu'aux employés. Certaines machines étaient même dotées d'ordinateurs avec écrans interposés et accès internet, où il fallait cliquer sur "Music box", soit un terme sans lien objectif avec l'application à laquelle il permettait d'accéder (i.e. des jeux de casinos), procédé manifestement destiné à dissimuler l'existence de jeux d'argent aux non initiés. On dénotera à cet égard la fine connaissance de l'appelant du domaine des machines de jeu. Il venait de plus régulièrement dans tous les établissements pour percevoir son bénéfice basé sur une clé de répartition arrêtée par lui-même. Alors qu'il savait pertinemment que ces appareils n'étaient pas en règle, il est même allé jusqu'à rassurer certains gérants, se contentant d'indiquer, sans plus de détails, que c'était "autorisé", ou en aidant un autre à obtenir une autorisation auprès du Service du commerce, laquelle excluait expressément les jeux à gain d'argent.

La volonté de dissimuler les jeux litigieux et d'entraver la recherche de la vérité est manifeste. Ces éléments ne font que renforcer la conviction de la Cour quant à la conscience de l'appelant du caractère illégal de toutes ces machines, ce d'autant qu'il bénéficiait d'une grande connaissance et d'une longue expérience dans le domaine.

La crédibilité de l'appelant est encore mise à mal par ses propres agissements. Il a opposé avoir pris des mesures légales pour certains appareils, en invoquant une autorisation du Service de commerce genevois, qui indiquait expressément l'exclusion de "tout jeu à gain d'argent". Il a persisté à installer des appareils litigieux dans un établissement faisant déjà l'objet d'une procédure pénale, en raison de la présence d'appareils à jeux de casino, installés par lui-même. Il a par la suite déclaré que tous ces appareils proposaient uniquement des jeux d'adresse et d'amusement, sans pouvoir en citer un seul, alors que les rapports de la CMFJ démontraient au même moment une quantité considérable de jeux de type casino.

Le grief de l'appelant, déduit de la liste des jeux illégaux figurant sur le site internet de la CFMJ, ne lui est d'aucun secours. En effet, même si ce site internet peut contenir des informations utiles, il n'a qu'une valeur indicative, sans aucune prétention à l'exhaustivité et, il ne ressort ni de la LJAr, ni de la LMJ et ni de la jurisprudence, qu'il ferait foi pour un éventuel contrôle de légalité de l'installation d'appareils. Au contraire, toute personne souhaitant exploiter des jeux de casino ou de hasard doit détenir une concession, dont la demande doit être adressée à la CFMJ (art. 5 al. 1 et 10 al. 1 LJAr; art. 10 et 15 al. 1 LMJ), l'appelant, qui ne l'a pas fait, a ainsi sciemment pris le risque d'exploiter illégalement des jeux de casino. Bien plus, de son propre aveu, il savait que certains jeux n'étaient pas autorisés, et a néanmoins choisi de les installer.

A à la vue de toutes ces considérations, la Cour considère que l'appelant ne pouvait ignorer le caractère illégal des jeux installés sur les machines qu'il fournissait, serait-ce par dol éventuel, et a donc agi intentionnellement.

La condamnation de l'appelant au sens de l'art. 130 al. 1 let. a LJAr sera confirmée.

4. 4.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1).

4.2. Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

4.3. Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (art. 49 al. 2 CP).

Cette situation vise le concours réel rétrospectif qui se présente lorsque l'accusé, déjà condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. Il doit s'agir de peines de même genre (ATF 142 IV 329 consid. 1.4.1 ; 142 IV 265 consid. 2.3 ; 141 IV 61 consid. 6.1.2 ; 138 IV 113 consid. 3.4.1).

4.4. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.5. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP.

4.6. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il a offert sur le marché des jeux de casino, durant une longue période, sans avoir la moindre autorisation. Il l'a fait en toute connaissance de cause, dès lors qu'il a justifié sa réitération dans le premier établissement en expliquant attendre d'être devant le Tribunal pénal pour connaître la légalité de la situation. Seule l'intervention de la CFMJ et de la police y a mis fin. Son mobile est égoïste, guidé uniquement par l'appât du gain. Sa collaboration a été mauvaise et sa prise de conscience inexistante. Il s'est enfermé dans des dénégations, sans jamais fournir aucune explication cohérente, ou en rejetant entièrement la faute sur les gérants des établissements.

Il y a concours entre les infractions de l'art. 130 LJAr et concours réel rétrospectif avec l'infraction de l'art. 90 al. 2 LCR. Ces deux dispositions sont passibles de la même peine menace, soit une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

La violation grave des règles de la circulation routière a été sanctionnée de 30 jour-amende. La Chambre de céans considère que si l'appelant avait simultanément été jugé pour toutes les infractions, une quotité de 100 jours-amende (peine hypothétique de base : 125 jours) aurait été infligée pour l'installation et la mise à disposition de quatre appareils contenant des jeux de casino, au sein du premier établissement en cause, dans lequel l'appelant a placé deux appareils en 2014, puis réitéré en 2016, alors qu'une procédure était déjà ouverte à son encontre. A cela il aurait été justifié d'ajouter deux fois 25 jours-amende (peine hypothétique : deux fois 50 jours) pour l'installation et la mise à disposition des quatre appareils restants dans les deux autres établissements.

Il en résulte que la peine de 150 jours-amende, complémentaire à celle de 30 jours-amende prononcée par le MP, toutes deux à CHF 30.- le jour, compte tenu de la situation financière de l'appelant, respecte les critères légaux.

Le sursis et le délai d'épreuve fixé à deux ans lui sont acquis. L'amende de CHF 900.- fixée en sus à titre de sanction immédiate est adéquate et n'est du reste pas discutée par l'appelant.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

5. Vu les considérations qui précèdent, la confiscation de tous les appareils, des divers objets (clé USB, télécommande, lot de clé, pochette) et le séquestre du montant de CHF 1'219.-, afférent aux contenu des appareils, seront confirmés, étant précisé que l'appelant n'allègue pas être le propriétaire de la machine "B______" (U14036) et n'est dès lors pas habilité à contester sa confiscation, d'éventuelles conclusions à cet égard étant irrecevables.

6. Selon l'art. 71 al. 1 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP - qui stipule que la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive -, ne sont pas réalisées.

En l'espèce, il ne fait nul doute que l'appelant s'est enrichi du produit de l'exploitation des jeux illégaux, une partie des gains lui étant versée de manière hebdomadaire. Ces gains n'étant toutefois plus disponibles, les conditions du prononcé d'une créance compensatrice sont réunies.

Dans la mesure où l'appelant n'en discute pas le montant, qui est conforme aux éléments du dossier, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris également sur ce point.

7. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 28 octobre 2020 par le Tribunal de police dans la procédure P/25725/2019.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'155.-, qui comprennent un émolument de CHF 2000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant:

"Déclare A______ coupable d'infractions à l'art. 130 al. 1 let. a de la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent (LJAr).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 21 novembre 2019 par le Ministère public du canton de Genève (art. 49 al. 2 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 900.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 9 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne la confiscation des appareils U5360, U5361, U10045, U14036, U14994, U14995, U14941 et U14942, de la clé USB 14034, de la télécommande U14035 et du lot de clés U14992 (art. 69 CP).

Ordonne le maintien du séquestre des sommes de CHF 240.- (appareil U14994), CHF 30.- (appareil U14995), CHF 200.- (pochette), CHF 233.- et CHF 34.- (appareils U14036 et U10045), CHF 290.- (appareil U14941) et CHF 192.- (appareil U14942), soit un montant total de CHF 1'219.- (art. 268 al. 1 let. a CPP).

Prononce, à l'encontre de A______, une créance compensatrice de CHF 12'300.- en faveur de la Confédération (art. 71 al. 1 et 2 CP).

Ordonne le maintien, en vue de l'exécution de la créance compensatrice, du séquestre de la somme totale de CHF 1'219.- (art. 71 al. 3 CP, 198 CPP et 263 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 8'776.50, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

8'776.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

10'931.50