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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/3746/2010

AARP/216/2013 (3) du 13.05.2013 sur JTCO/19/2011 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL); TORT MORAL; FRAIS DE LA PROCÉDURE
Normes : CO.47; CPP.428
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3746/2010AARP/216/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt complémentaire du 13 mai 2013

 

Entre

Feu A______, comparant par Me Imed ABDELLI, avocat, route des Jeunes 4, 1227 Acacias,

B______, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

C______, comparant par Me Jacques ROULET, avocat, BRS Avocats, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève,

D______, comparant par Me Raymond DE MORAWITZ, avocat, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

E______, comparant par Me Andreas DEKANY, avocat, rue du Rhône 61, Case postale 3558, 1211 Genève 3,

appelants et intimés sur appel

principal de la partie plaignante,

contre le jugement JTCO/19/2011 rendu le 3 mars 2011 par le Tribunal correctionnel,

Et

F______, comparant par Me Vincent SPIRA, avocat, rue Versonnex 7, 1207 Genève,

appelant et intimé sur appel

principal des prévenus,


G______,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, case postale 3565 - 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a.a C______, B______, E______, A______, H______ et D______ se sont notamment vus reprocher d'avoir, à Genève, le 27 février 2010, vers 01:00, en agissant seuls ou de concert, commis des lésions corporelles graves sur la personne de F______, infraction punie par l'art. 122 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0].

La commission de lésions corporelles simples aggravées, d'entente avec E______, était encore reprochée à C______, suite à la plainte déposée par I______ (art. 123 ch. 2 al. 1 CP).

a.b Par jugement du 3 mars 2011 du Tribunal correctionnel (JTCO/19/2011), les prévenus susmentionnés - hormis D______ - ont été notamment reconnus coupables de lésions corporelles graves à l'encontre de F______, condamnés à diverses peines privatives de liberté et à lui verser, à raison d'un cinquième chacun, le montant de CHF 12'500.-, plus intérêts à 5% dès le 27 février 2010, pour le tort moral subi.

La culpabilité de C______ pour les faits relevant de la plainte I______ a été au surplus retenue par les premiers juges. Ceux-ci ont en revanche acquitté D______ du chef de lésions corporelles graves (plainte F______) tout en le condamnant à une peine pécuniaire pour d'autres infractions.

a.c Le Tribunal correctionnel a condamné C______, B______, E______, A______, H______ et D______, à raison d'un sixième chacun, aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 23'759.60, y compris un émolument de jugement de CHF 12'000.-.

b.a C______, B______, E______, A______, D______ et F______ ont appelé du jugement susvisé.

Par arrêt du 30 septembre 2011 (AARP/128/2011), la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) a partiellement annulé le jugement JTCO/19/2011. La juridiction d'appel a :

- déclaré D______ coupable du chef de lésions corporelles graves à l'encontre de F______ et ordonné sa mise en détention pour motifs de sûreté ;

- confirmé la culpabilité de E______, B______ et A______ pour le chef d'infraction à l'art. 122 CP en lien avec la plainte F______ ;

- acquitté C______ pour les mêmes faits au bénéfice du doute, mais a refusé de le considérer autrement que comme coauteur dans l'agression subie par I______. Sa peine a été réduite de quatre ans à 15 mois de privation de liberté.

La CPAR ne s'est pas prononcée sur les frais d'appel ni sur d'autres questions d'ordre financier qu'elle a laissés en suspens (cf. infra, let. C b.b).

b.b Pour ce qui est des conclusions encore utiles à ce stade de l'appel, F______ requiert la condamnation de tous les auteurs de l'agression, qui comprennent D______, à participer, conjointement et solidairement, au paiement de la réparation de tort moral qu'il convient de fixer à CHF 20'000.-.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.a Le 28 février 2010, F______ a déposé plainte. Alors qu'il était à terre, il avait reçu des coups de pied et de couteau sur le corps émanant de plusieurs agresseurs. Il avait essayé de se protéger et avait cru qu'il allait mourir.

Le détail des faits pertinents liés à l'agression du 28 février 2010 figure dans l'arrêt AARP/128/2011 rendu par la Chambre de céans le 30 septembre 2011 (cf. let. B. b.a à k.b et let. n p. 4-12). Le présent arrêt les fait siens pour éviter d'inutiles redites.

a.b F______ a été hospitalisé et a subi une intervention chirurgicale, au cours de laquelle les médecins ont mis en évidence une section totale du nerf sciatique, une section musculaire de la loge des adducteurs ainsi qu'une section vasculaire d'une branche de l'artère fémorale profonde gauche. Pour les experts de l'Institut universitaire de médecine légale, les lésions présentées par F______ étaient en relation avec les faits rapportés. Neuf plaies distinctes avaient été mises en évidence, qui avaient pu être causées par un couteau, ainsi que deux lésions distinctes dans la partie pariétale droite de la tête, qui pouvaient avoir été causées par un pavé. La vie de la victime avait été potentiellement mise en danger vu la proximité d'organes vitaux mais non concrètement.

b. Devant les premiers juges, F______ a déposé des conclusions civiles tendant au versement d'un montant de CHF 20'000.- à titre de tort moral. Selon un certificat médical produit à l'audience, les multiples plaies dont il avait souffert avaient entraîné une paralysie complète des releveurs du pied gauche et des troubles sensitifs amenant à un pied tombant. A ces lésions physiques s'ajoutaient des problèmes psychologiques, avec la présence de symptômes suggérant un syndrome de stress post-traumatique.

Aux dires des premiers juges, F______ avait subi d'importantes séquelles physiques et psychiques. Il avait été attaqué par plusieurs personnes, certaines armées de couteau, y compris alors qu'il se trouvait au sol et avait légitimement pu croire qu'il allait mourir. Il présentait de multiples lésions sur tout le corps, dont une plaie particulièrement profonde à la jambe avec section de son nerf sciatique et une section d'une branche de l'artère fémorale, ayant nécessité une intervention chirurgicale. Ces lésions avaient entraîné son hospitalisation et son immobilisation durant plusieurs semaines. Une année après les faits, la victime continuait d'être suivie médicalement et à porter une attelle pour ses déplacements. F______ avait également eu des séquelles psychologiques, notamment liées à la paralysie complète de son pied gauche.

Au vu de ces éléments, une indemnité de CHF 12'500.- se justifiait, à laquelle les prévenus hormis D______ ont été condamnés, à raison d'un cinquième chacun.

C. a. Répondant à l'appel de F______, B______ requiert en substance le rejet de ses conclusions civiles.

D______ demande notamment que les frais de la procédure mis à sa charge ne dépassent pas CHF 500.-, y compris une partie de l'émolument de jugement.

b.a A l'audience de la CPAR, F______ déclare que son état de santé n'avait pas fondamentalement changé au fil des mois. Il portait une attelle qui lui permettait de compenser sa perte de fonction à la jambe gauche. Son pied partait en avant sans qu'il ne puisse le maintenir en position de marche. Sa jambe gauche était sans force et il prenait encore des antidouleurs. Il n'allait pas beaucoup mieux sur le plan moral, même s'il s'occupait de sa petite fille en restant à la maison.

b.b S'agissant des prétentions d'indemnisation de F______, la CPAR, dans son arrêt AARP/128/2011, a estimé ne pas pouvoir les traiter, pas plus que la répartition des frais de première instance, pour les motifs suivants :

" Les premiers juges ont mis les frais de la procédure à la charge des condamnés, à part égale pour chacun d'eux. Le tort moral de la victime a été indemnisé ainsi que la répartition de sa prise en charge entre les condamnés. C'est sans compter qu'en appel C______ a été acquitté pour l'infraction la plus grave et que D______ a au contraire vu sa culpabilité largement renforcée. A cette modification nécessaire s'ajoute la difficulté liée à l'absence des débats en appel de H______, ce qui le prive de son droit d'être entendu au moment où il s'agit de modifier la répartition et la quote-part des frais à supporter par chacun des condamnés.

La répartition des frais doit en conséquence être revue ainsi que la prise en charge du tort moral, et partant son montant qui fait partie de l'appel de la victime. Il n'y a pas d'autre solution que celle consistant à renvoyer ces questions à une autre procédure qui sera ouverte quand la culpabilité des uns et des autres pourra être tenue pour définitive [AARP/128/2011 (ch. 9 p. 35)].

c. D______ a interjeté un recours contre l'arrêt AARP/128/2011. Par arrêt du Tribunal fédéral du 14 janvier 2013 (6B_54/2012), il a été débouté et sa culpabilité telle qu'établie par la CPAR confirmée.

d.a Par ordonnance présidentielle du 5 février 2013 (OARP/50/2013), la cause a été reprise devant la juridiction d'appel, aux fins de traiter les aspects du dossier laissés en suspens dans l'AARP/128/2011 (cf. supra, let. C B.b). Décision a été prise de les traiter par la voie de la procédure écrite, au sens de l'art. 406 al. 1 let. a du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0].

F______ a ainsi été invité à s'exprimer sur la répartition du paiement de son indemnité pour tort moral au regard des développements de la procédure ainsi que sur la prise en charge par les condamnés des frais de la procédure de première instance.

d.b Dans son mémoire d'appel du 28 février 2013, F______ reprend ses conclusions déjà déposées devant la CPAR. Il avait souffert d'importantes séquelles physiques et psychologiques, ainsi qu'en attestaient les rapports médicaux versés à la procédure. A ce jour encore, il souffrait de douleurs aiguës, notamment à la jambe gauche, sans que ses chances de rétablissement ne soient certaines.

Sur le plan psychologique, le souvenir de l'attaque dont il avait été la victime, la paralysie complète de son pied gauche et ses lésions permanentes avaient créé un climat de peur, ce qui justifiait d'arrêter le tort moral à un montant de CHF 20'000.-.

Aucun motif ne permettait à la CPAR de s'écarter des règles de la responsabilité solidaire entre prévenus reconnus coupables d'acte illicite, en application de l'art. 50 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil [Code des Obligations, CO ; RS 220]. E______, B______, H______, D______ et A______ devaient ainsi être condamnés, conjointement et solidairement, à verser à F______ la somme de CHF 20'000.-, dès le 27 février 2010, au titre du tort moral.

S'agissant de la répartition des frais de première instance, F______ s'en rapporte à l'appréciation de la juridiction d'appel.

d.c Par un courrier du 11 février 2013 de son conseil, la CPAR a été informée du décès de A______ survenu le ______2012.

e. Le mémoire d'appel de F______ et la nouvelle du décès de A______ ont été envoyés aux parties, à H______ et au Tribunal correctionnel pour leurs observations. Ceux-ci y ont répondu comme suit :

- E______ n'a pas d'observations à formuler ;

- C______ s'en rapporte à justice s'agissant de la répartition des frais de première instance ;

- B______ est d'avis que le montant fixé par le Tribunal correctionnel au titre du tort moral est adéquat. Pour la répartition des frais de la procédure, "le décès de [A______] ne saurait militer dans la perspective de sa non prise en compte (…)" ;

- D______ estime que l'indemnité allouée en première instance ne paraît pas hors de propos, ce qui doit conduire à la confirmation du jugement entrepris. Il s'en rapporte à justice sur la question de la solidarité et de la répartition des frais, étant entendu que la CPAR doit tenir compte de la nouvelle donne que constituent son arrêt du 30 septembre 2011 et le décès d'un des condamnés ;

- le Tribunal correctionnel s'en rapporte à l'appréciation de la CPAR ;

- le Ministère public conclut à la mise hors cause de feu A______. En application de l'art. 50 CO, tous les prévenus devaient être condamnés solidairement à payer l'indemnité pour tort moral à F______ et à supporter chacun 1/5ème des frais de la procédure. Le Ministère public prie au surplus la juridiction d'appel de faire bon accueil aux conclusions de F______ qui découlent de son mémoire d'appel.

EN DROIT :

1. La recevabilité de l'appel a déjà été examinée et admise par la CPAR dans son arrêt du 30 septembre 2011 (AARP/128/2011). Il n'est donc pas besoin d'y revenir.

2. 2.1 Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles, une indemnité équitable à titre de réparation morale. De la même manière, l'art. 49 CO prévoit le versement d'une telle indemnité à la victime qui subit une atteinte illicite à sa personnalité.

Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé ; s'il s'agit d'une atteinte passagère, elle doit être grave, s'être accompagnée d'un risque de mort, d'une longue hospitalisation ou de douleurs particulièrement intenses ou durables. Parmi les autres circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO figurent aussi une longue période de souffrance et d'incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2007 du 26 septembre 2007 consid. 3.7.1.).

Il s’agit d’offrir, par une prestation en argent, la possibilité pour la victime de se procurer une certaine compensation pour la souffrance physique et/ou psychique endurée. Sont déterminantes l’importance de cette souffrance, de par sa durée, sa nature et ses conséquences, ainsi que les circonstances de l’événement dommageable, notamment la faute de l’auteur (H. HONSELL, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 1995, 78 à 80; K. OFTINGER, E. W. STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, Band I, 1995, 418 ss., notamment 430/31, 443 ss; H. HONSELL, P. VOGT, W. WIEGAND, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht I, 1992, 351/52). Le préjudice doit dépasser par son intensité les souffrances morales que l’individu, selon les conceptions dominantes, doit pouvoir supporter dans la vie sociale (A. BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, p. 141 no 63 et ss ; ATF 122 III 449, JdT 1998 I 131 cons. 2/b ; ZR 1995 no 23 cons. 2.1.1).

La preuve des souffrances physiques ou morales est cependant difficile à apporter. C’est pourquoi, il suffira le plus souvent au demandeur d’établir la réalité et la gravité de l’atteinte objective qui lui a été portée. Pour ce qui est de l’aspect subjectif, le juge tiendra compte du cours ordinaire des choses (P. TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, 1984, p. 272 no 2060; ACAS/37/2007).

En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (arrêt du Tribunal fédéral du 24 avril 2008 dans la cause 6B_135/2008 consid. 3.1; ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704/705; ATF 129 IV 22 consid. 7.2 p. 36). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime.

Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 705; 125 III 269 consid. 2a p. 274).

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 in limine; arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010).

D'une manière générale, la jurisprudence récente tend à allouer des montants de plus en plus importants au titre du tort moral (ATF 125 III 269 consid. 2a p. 274).

2.2.1 La partie plaignante souffre de lésions quasi irréversibles à la jambe ainsi que d'autres lésions moins graves sur d'autres parties du corps, résultant de neuf coups de couteau. La section du nerf sciatique de sa jambe gauche ainsi que d'une branche de l'artère fémorale profonde gauche a entraîné une intervention chirurgicale en urgence ainsi qu'une longue immobilisation. F______ a cru mourir sous les coups reçus et, à teneur des intervenants médicaux, il s'en est fallu de peu qu'une issue mortelle n'intervînt. Le traitement médical n’est pas terminé et il n’est pas acquis que la partie plaignante puisse recouvrer un usage correct de sa jambe gauche. Les douleurs qu'il endure sont encore aiguës et les séquelles de l'agression subie pourraient être permanentes.

Le dommage est assurément grave pour un jeune adulte qui voit ainsi sa capacité de se mouvoir fortement réduite au point qu'il est contraint d'utiliser une attelle pour ses déplacements.

A ces carences physiologiques s'ajoutent des souffrances psychologiques, nonobstant la présence réconfortante de son enfant.

Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que le montant alloué par les premiers juges ne reflète qu'imparfaitement les souffrances endurées par la partie plaignante.

2.2.2 La comparaison avec d'autres cas similaires ou comparables, conduite avec circonspection, peut s'avérer utile selon la jurisprudence. Ont ainsi été accordées des indemnités de :

- CHF 10'000.- à un jeune homme qui avait perdu le lobe de son oreille, sans perte de l'ouïe, mais avec un dommage esthétique important (ACJP/90/2009) ;

- CHF 30'000.- à un homme d'une trentaine d'années qui avait perdu l'usage d'un œil, sans que la perte ne soit définitive toutefois (ACJP/47/2011) ;

- CHF 15'000.- à une jeune femme qui avait craint pour sa vie après un coup de couteau et conservé des séquelles douloureuses au niveau de la jambe et du visage (AARP/58/2011) ;

- CHF 15'000.- à une victime âgée de 20 ans qui avait subi, suite à des coups de couteau assenés par un seul auteur, une paralysie et une hypoesthésie [affaiblissement d'un type ou des différents types de sensibilité, selon la définition du Larousse] de l’ensemble du pied droit, y compris de la voûte plantaire, avec un déficit moteur de la jambe droite (AARP/254/2012).

2.3 En l'espèce, les motifs exacts de l'animosité développée entre la partie plaignante et ses agresseurs n'ont pu être élucidés. Il y a certes un contentieux de jalousie qui ressort du dossier sans qu'on puisse, à teneur des faits connus, retenir une faute concomitante de la victime. L'attaque subie a été d'une rare violence, décuplée encore par le nombre d'agresseurs s'attaquant à un seul individu, qui plus est à terre.

Les prétentions que l'appelant F______ fait valoir ne paraissent pas exorbitantes. Le montant réclamé doit au contraire être tenu pour adéquat au vu de l'ensemble des circonstances, l'irréversibilité des séquelles physiques, moyennant une paralysie complète des releveurs du pied gauche le contraignant à la pose d'une attelle pour se mouvoir, s'ajoutant à de graves séquelles psychologiques. La fixation de l'indemnité sollicitée va au demeurant dans le sens des récents développements de la jurisprudence qui privilégie une meilleure prise en compte du tort moral subi par une victime de violences.

Il sera ainsi fait droit à l'appel de la partie plaignante F______ tendant au versement d'un montant de CHF 20'000.- au titre du tort moral, avec intérêts à 5% à partir du 27 février 2010, à charge de l'ensemble des participants à l'agression, en application du principe de solidarité active que prévoit l'art. 50 CO.

Le décès de l'un des auteurs de l'agression n'a pas d'incidence sur la prise en charge du tort moral dont le principe découle de l'arrêt du 30 septembre 2011, la répartition solidaire concernant dès lors E______, B______, D______, feu A______, soit pour lui son hoirie, et H______.

Le jugement du Tribunal correctionnel doit être réformé sur ce point.

3. Le décès postérieur de A______ n'a pas pour effet de modifier le principe de la prise en charge des frais et sa répartition, conformément aux conclusions prises par l'appelant B______ dans la mesure de leur compréhension.

Il s'ensuit que E______, B______, D______, H______, feu A______, soit pour lui son hoirie, et C______ seront condamnés aux frais de la procédure de première instance, à raison de 1/6ème chacun.

Le dispositif du jugement du Tribunal correctionnel sera adapté dans la seule mesure du fait nouveau que constitue le décès de l'un des condamnés.

4. L'appelant A______ est décédé après l'audience du 30 septembre 2011. Il reste débiteur des frais d'appel par le biais de son hoirie.

Les appelants E______, B______, feu A______ et D______ succombent entièrement tandis que l'appelant C______ a gain de cause pour l'essentiel (plainte F______) mais succombe au sujet des charges moins significatives le visant (plainte I______).

Au vu de ce qui précède, les frais de la procédure d'appel sont entièrement mis à la charge de E______, B______, feu A______, soit pour lui son hoirie, et D______ et, à raison de 1/10ème seulement, à la charge de l'appelant C______ (art. 428 al. 1 CPP).

Les frais susmentionnés comprennent une indemnité de CHF 20'000.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, E 4 10.03), laquelle couvre tant les frais du présent arrêt que ceux liés à l'arrêt AARP/128/2011 du 30 septembre 2011 qui n'a pas fait l'objet d'une taxation.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR

SUR ARRET COMPLEMENTAIRE :

 

Reçoit l'appel formé par F______ contre le jugement JTCO/19/2011 rendu le 3 mars 2011 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/3746/2010.

Prend acte du décès de A______ survenu le ______2012.

Admet partiellement l'appel de F______.

Annule le jugement du Tribunal correctionnel, dans la mesure où il a condamné A______, E______, B______, H______ et C______ à verser à F______ la somme de CHF 12'500.-, avec intérêts à 5% dès le 27 février 2010, au titre du tort moral, et dans la mesure où il a condamné A______, E______, B______, H______, D______ et C______, à raison d'un sixième chacun, aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 23'759.60, y compris un émolument de jugement de CHF 12'000.-.

 

Et statuant à nouveau :

Condamne feu A______, soit pour lui son hoirie, E______, B______, H______ et D______, conjointement et solidairement, à verser à F______ la somme de CHF 20'000.-, avec intérêts à 5% dès le 27 février 2010, au titre du tort moral.

Condamne feu A______, soit pour lui son hoirie, E______, B______, H______, D______ et C______, à raison de 1/6ème chacun, aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent ä CHF 23'759.60, y compris un émolument de jugement de CHF 12'000.-.

Condamne feu A______, soit pour lui son hoirie, E______, B______, C______ et D______, aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent une indemnité de CHF 20'000.-, la part des frais dévolus à C______ étant toutefois limitée à 1/10ème desdits frais.

 

 


Siégeant :

Monsieur Jacques DELIEUTRAZ, président; Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE et Madame Pauline ERARD, juges; Madame Céline GUTZWILLER, greffière-juriste.

 

Le greffier :

Didier PERRUCHOUD

 

Le président :

Jacques DELIEUTRAZ

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/3746/10

ÉTAT DE FRAIS

AARP/216/13

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03)

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel

CHF

23'759.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

     

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

1'460.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

278.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

20'000.00

Total des frais de la procédure d'appel (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

21'813.00

Total général (première instance + appel) (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

45'572.00