Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/539/2025 du 16.10.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1992/2025-CS DCSO/539/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 16 OCTOBRE 2025 | ||
Plainte 17 LP (A/1992/2025-CS) formée en date du 4 juin 2025 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 16 octobre 2025
à :
- A______
______
______ [GE].
- B______
c/o Me REEVES Hugh
Walder Wyss SA
Avenue du Théâtre 1
Case postale
1002 Lausanne.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Par ordonnance pénale du 7 octobre 2024, le Ministère public de l’Arrondissement de C______ [VD] a alloué à B______ un montant de 4'744 fr. 20, à titre d’indemnité au sens de l’art. 433 CPP, mis à la charge de D______ et de A______, solidairement entre eux.
b. Le 6 mai 2025, B______ a requis la poursuite de A______ pour la somme de 4'744 fr. 20, plus intérêts à 5% l’an dès le 7 octobre 2024, réclamée à titre d’indemnité sur la base de cette ordonnance pénale.
c. Le 21 mai 2025, l’Office cantonal des poursuites (ci-après : l’Office) a fait notifier le commandement de payer, poursuite n° 1______, à A______, qui y a formé opposition.
B. a. Par acte transmis le 4 juin 2025, A______ a formé une plainte auprès de la Chambre de surveillance, concluant à la suspension de la poursuite n° 1______ et à la constatation du caractère abusif de cette poursuite.
Il fait valoir que l’ordonnance pénale sur laquelle le créancier fonde ses prétentions n’est pas exécutoire, puisqu’elle a fait l’objet de recours.
b. Sa requête préalable tendant à l’octroi de l’effet suspensif à sa plainte a été rejetée par ordonnance du 10 juin 2025.
c. Dans son rapport établi le 1er juillet 2025, l’Office s’en est rapporté à justice, estimant ne pas être en mesure de juger du caractère abusif de la poursuite sur la base de la plainte.
d. Dans ses déterminations du 1er juillet 2025, B______ a conclu l’irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et dépens.
Il se prévaut de la tardiveté de plainte, formée après écoulement du délai de dix jours après la notification du commandement de payer.
Il relève ensuite que le caractère définitif et exécutoire n’est pas une condition de validité du dépôt de la réquisition de poursuite et qu’en tout état, il ne fait qu’utiliser les moyens juridiques à sa disposition pour obtenir le règlement de sa créance, sans aucune intention abusive.
e. Par avis du 2 juillet 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées par écrit dans les dix jours suivant la connaissance de l'acte entrepris en application de l'article 17 al. 1 et 2 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. Elle doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).
1.2 En l'espèce, dans la mesure où le plaignant se prévaut du caractère abusif de la poursuite entreprise, grief susceptible de conduire à la nullité de la poursuite, il y a lieu d’entrer en matière, indépendamment du dépôt de la plainte après écoulement du délai de dix jours après la notification du commandement de payer.
2. 2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).
La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur ou lorsqu'il un montant totalement surfait est mis en poursuite à des fins de harcèlement (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1;
115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019 consid. 5.1; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).
Il n'appartient en revanche pas aux autorités de poursuite, qu'il s'agisse de l'Office ou de la Chambre de céans, de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non; l'examen du bien-fondé de la prétention invoquée en poursuite relève en effet exclusivement de la compétence du juge ordinaire (ATF 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019 consid. 5.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1). C'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1). Ainsi, l'exécution forcée s'opère sur la simple demande du créancier, sans jugement préalable des tribunaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1). Il en découle que le grief tiré de l'abus de droit ne peut être invoqué devant les autorités de poursuite pour contester l'existence ou l'exigibilité de la prétention faisant l'objet de la poursuite, mais ne peut viser que l'utilisation abusive de la voie de l'exécution forcée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 déjà cité consid. 5.1).
Le débiteur qui entend contester la créance fondant la poursuite devra donc agir par le biais de l'opposition et faire valoir ses griefs dans le cadre de la procédure de mainlevée, voire, cas échéant, dans le cadre d'une action en libération de dette. Suivant les circonstances, il a également la faculté d'agir en constatation de l'inexistence de la créance poursuivie (action négatoire de droit), en annulation ou en suspension de la poursuite (art. 85 et 85a LP), voire, en dernier ressort, de l'action en répétition de l'indu (art. 86 LP), domaines qui relèvent tous de la compétence exclusive du juge ou des tribunaux ordinaires.
2.2 En l’espèce, le plaignant se prévaut de la nullité de la poursuite engagée à son encontre par B______. Il n’allègue toutefois aucune circonstance permettant de retenir que ce dernier aurait engagé cette poursuite dans un but autre que celui d’obtenir les montants qui lui ont été alloués. L’on ne saurait ainsi retenir que le créancier poursuivant ait commis un abus de droit en utilisant la voie de l’exécution forcée.
L’absence de caractère exécutoire de l’ordonnance pénale dont se prévaut le plaignant n’a aucune incidence à cet égard, puisque l’exigibilité de la créance ne fait pas obstacle à l’engagement d’une poursuite, le poursuivi étant en mesure de s’en prévaloir dans le cadre de la procédure de mainlevée.
La plainte sera donc rejetée.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 4 juin 2025 par A______ contre la poursuite n° 1______.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.