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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1495/2025

DCSO/398/2025 du 17.07.2025 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1495/2025-CS DCSO/398/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 JUILLET 2025

 

Plainte 17 LP (A/1495/2025-CS) formée en date du 17 avril 2025 par A______.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

______

______ [GE].

- B______

______

______, FRANCE.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Le 25 mars 2025, B______ a requis la poursuite de A______, à hauteur de 68'400 fr., plus intérêts, réclamés au titre de non-paiement d'une pension alimentaire (de EUR 1'900.- par mois) pendant trois ans.

b. Le 10 avril 2025, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a fait notifier un commandement de payer, poursuite n° 1______, à A______, lequel y a formé opposition totale.

B. a. Par acte posté le 17 avril 2025, A______ a formé une plainte pour poursuite abusive, concluant à l'annulation du commandement de payer. Le montant réclamé ne reposait pas sur une décision judiciaire et il avait par ailleurs lui-même effectué des paiements partiels directement en faveur de ses enfants. La poursuite avait été introduite sans mise en demeure préalable afin de le harceler.

A______ a joint à sa plainte des documents en lien notamment avec le paiement d'un loyer pour un appartement pour l'un de ses enfants et des versements en faveur de ses enfants.

b. Dans son rapport du 27 mai 2025, l'Office s'en est rapporté à justice, estimant ne pas être en mesure de juger du caractère abusif de la poursuite sur la base de la plainte de A______.

c. Par avis du 4 juin 2025, la Chambre de surveillance a informé les parties de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. La plainte est recevable pour avoir été déposée auprès de l'autorité compétente (art. 17 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 LaLP), par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) et selon la forme prescrite par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP, 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), à l'encontre d'une mesure de l'Office - en l'espèce la notification d'un commandement de payer - sujette à plainte.

2. 2.1.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF
140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.1.2 C’est au regard de l’ensemble des circonstances de la cause qu’il faut examiner si le recours à l’institution du droit de l’exécution forcée est constitutif, dans un cas particulier, d’abus manifeste de droit. Si elle ne dispose pas à cet égard d’une compétence plus étendue que l’Office, l'Autorité de surveillance se trouve généralement dans la situation de pouvoir identifier et élucider les cas d’abus manifeste de droit mieux que lui, car, contrairement à lui, elle n’intervient pas que sur la base d’une simple réquisition (notamment de poursuite) mais dispose des éléments fournis dans le cadre de la plainte et de son instruction ; elle est par ailleurs tenue de prendre en considération les faits ressortant devant elle, en vertu de son devoir d’établir les faits d’office (art. 20a al. 2 ch. 2 LP), les parties pouvant au surplus être requises de collaborer. Il peut donc y avoir abus manifeste de droit sans que l’Office ait été en mesure de le détecter lorsqu’il a donné suite à la réquisition d’établir et notifier un commandement de payer.

2.2 En l'espèce, en affirmant qu'il a effectué des paiements directement en faveur de ses enfants, le plaignant reconnaît implicitement que la poursuite s'inscrit dans un litige financier entre lui-même et la mère de ses enfants en lien avec l'entretien de ces derniers. Cela permet de considérer que la poursuivante, qui affirme réclamer le paiement d'arriérés de contributions d'entretien, a eu recours à la poursuite pour obtenir le paiement de sommes d'argent, ce qui est conforme au but de l'exécution forcée.

Conformément aux principes rappelés supra, il n'appartient pas à la Chambre de céans de se prononcer sur l'existence et sur le bien-fondé de la prétention fondant la poursuite concernée, cette question relevant de la seule compétence du juge civil ordinaire. Par ailleurs, le simple fait que la poursuivante n'ait pas fourni les moyens de preuves afférents à sa prétention, notamment la décision judiciaire fixant la contribution d'entretien, ne signifie pas pour autant que la poursuite litigieuse serait injustifiée ou abusive. En effet, la preuve de l'existence de la créance n'est, au sens de la jurisprudence citée ci-avant, pas une condition de l'introduction de la poursuite.

Le plaignant soutient que la poursuivante agirait par voie de poursuite dans le but exclusif de lui nuire.

Il n'est certes pas rare que dans les contextes de séparation ou de divorce, les anciens partenaires entretiennent des relations hautement conflictuelles, susceptibles de conduire à des agissements alimentés par une volonté de se venger ou de nuire.

Les éléments à la procédure, en particulier les documents fournis par le plaignant en annexe à sa plainte, ne permettent toutefois pas de retenir que tel est le cas en l'espèce. De plus, la somme réclamée en poursuite, si elle est certes importante, n'est pas exorbitante dans le contexte d'arriérés de pension réclamés sur plusieurs années.

Aussi, on ne saurait retenir que le seul objectif poursuivi par l'intimée n'aurait aucun rapport avec la procédure d'exécution forcée ou qu'elle agirait uniquement pour tourmenter délibérément le plaignant. Partant, la poursuite n'est pas abusive. La plainte sera par conséquent rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 17 avril 2025 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié le 10 avril 2025.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.