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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/650/2025

DCSO/373/2025 du 26.06.2025 ( PLAINT ) , SANS OBJET

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/650/2025-CS DCSO/373/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 26 JUIN 2025

 

Plainte 17 LP (A/650/2025-CS) formée en date du 24 février 2025 par A______, représentée par Me Frédéric Serra et Me Melina Haralabopoulos, avocats.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me HARALABOPOULOS Melina

HOUSE ATTORNEYS SA

Route de Frontenex 41A

Case postale 6111

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le ______ août 2024, agissant sur requête de A______, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de B______ SA, dont C______ était à cette date l'administrateur-président avec signature individuelle, et D______ SA, l'organe de révision.

b. Le ______ février 2025, l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office) a publié dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) le dépôt de l'état de collocation et de l'inventaire.

Le montant total des créances admises à l'état de collocation s'élève à 257'115 fr. 66, dont 5'596 fr. de créances garanties par gage mobilier, 21'902 fr. 95 de créances de première classe et 229'616 fr. 72 de créances de troisième classe. Le dividende prévisible pour les créanciers de 1ère classe est estimé à 10%, pour les créanciers de 3ème classe à 0%. La créance de A______ a été admise en 3ème classe à hauteur de sa production en 152'426 fr.

Selon l'inventaire, l'actif de la faillite est notamment composé d'espèces en 6'685 fr. et d'objets mobiliers estimés à 325 fr. S'agissant des créances, l'Office a inventorié des prétentions en responsabilité à l'encontre de C______ (C2) le montant de la prétention correspondant au compte courant actionnaire débiteur au 31 décembre 2022 en 193'263 fr. 94. Cette créance a été estimée à 0 fr.

B. a. Par acte posté le 24 février 2025, A______ a porté plainte contre l'inventaire. Elle a conclu à ce que la créance C2 contre C______ soit estimée à 193'263 fr. 94 et à ce qu'elle soit complétée d'autres fondements juridiques (art. 680 al. 2 CO, 678 CO, et 757 CO). Par ailleurs, l'Office a été invité à inscrire à l'inventaire deux prétentions en responsabilité contre D______ SA au sens des art. 755 et 757 CO, en remboursement du dommage causé à la société pour avoir tardé à déposer le bilan et à hauteur du compte courant actionnaire débiteur (193'263 fr. 94), ainsi qu'une prétention en responsabilité contre C______ au sens de l'art. 754 CO, en remboursement du dommage causé à la société pour avoir tardé à déposer le bilan.

b. Dans son rapport du 19 mars 2025, l'Office a indiqué qu'il avait dans l'intervalle inscrit à l'inventaire une prétention C10 contre C______ correspondant à la créance découlant du compte courant actionnaire débiteur en 193'263 fr. 94 et une créance C11 contre D______ SA, correspondant au montant du découvert dans la faillite fondée sur une prétention en responsabilité au sens des art. 754 ss CO. Ces deux créances supplémentaires étaient estimées à 0 fr. chacune. Quant à la créance C2 contre C______, elle correspondait au montant du découvert dans la faillite, fondée sur une prétention en responsabilité au sens des art. 754 et ss CO et était aussi estimée à 0 fr. L'Office a encore exposé qu'il n'entendait pas agir lui-même en recouvrement de la créance contre C______ en remboursement du compte-courant actionnaire mais de l'offrir en cession, de sorte que l'estimation était fondée.

c. Le rapport de l'Office, accompagné d'une nouvelle version de l'inventaire, a été communiqué à A______ le 20 mars 2025. Sur ce, l'instruction de la cause a été close.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1 et les références).

1.2 La plainte respecte en l'espèce les exigences de forme résultant de la loi et a été formée en temps utile contre une mesure de l'Office – l'inventaire – pouvant en principe être contestée par cette voie. Dans la mesure où elle vise notamment la valeur d'estimation de certains actifs, et que cette valeur d'estimation est susceptible d'avoir des conséquences sur la situation concrète de la plaignante (ATF 138 III 675 consid. 3.2.2), celle-ci dispose par ailleurs de la qualité pour agir par cette voie.

La plainte est donc recevable.

2. 2.1.1 L'art. 221 LP prévoit que, dès qu'il a reçu communication de l'ouverture de la faillite, l'office des faillites doit procéder à l'inventaire des biens du failli.

L'inventaire a pour but d'énumérer et d'établir les biens et les droits que la masse considère comme appartenant au failli. Mesure purement interne à l'administration de la faillite, il n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers et ne préjuge en rien ni de l'existence des actifs inventoriés ni de leur appartenance à la masse (ATF 90 III 18 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_517/2012 du 24 août 2012 consid. 4.1.2; 5A_543/2011 du 14 novembre 2011 consid. 2.1; 5A_352/2008 du 13 novembre 2008 consid. 2.3.3).

Selon l'art. 227 LP, chaque actif inventorié doit être estimé. L'office des faillites est compétent pour procéder à cette estimation, avec le concours éventuel d'experts (Vouilloz, in CR LP, 2005, n° 2 ad art. 227 LP). L'estimation d'un actif peut revêtir de l'importance pour déterminer si la liquidation doit ou non être suspendue (art. 230 al. 1 LP), pour évaluer le dividende de liquidation et donc la valeur litigieuse d'une action en contestation de l'état de collocation, et pour décider si la faillite sera liquidée en procédure ordinaire ou sommaire (art. 231 al. 1 ch. 1 LP; Lustenberger/Schenker, in BSK SchKG II, n° 1a et 1b ad art. 227 LP). Elle est également pertinente pour déterminer si un bien a une valeur élevée au sens de l'art. 256 al. 3 LP (Lustenberger/Schenker, op. cit., n° 1c ad art. 227 LP).

L'estimation tend à déterminer la valeur de réalisation de l'actif concerné, l'Office devant à cet égard tenir compte des circonstances économiques et du mode de réalisation qui sera vraisemblablement privilégié. Pour les créances, l'office des faillites ne peut se borner à reprendre la valeur figurant au bilan mais doit retenir le montant qui, selon le cours ordinaire des choses, pourra effectivement être encaissé (Vouilloz, op. cit., loc. cit.; Lustenberger/Schenker, op. cit., n° 3a ad art. 227 LP). Il se justifie ainsi d'estimer à une valeur proche de zéro les prétentions que la masse en faillite devrait faire valoir en justice en vue de leur recouvrement, lorsque celle-ci est impécunieuse : dans cette hypothèse en effet, faute de pouvoir elle-même avancer les frais judiciaires, la masse n'aurait d'autre choix que de céder ces prétentions litigieuses à des créanciers, en application de l'art. 260 LP, ou de les réaliser par une vente aux enchères publiques ou de gré à gré (art. 256 al. 1 à 3 LP; art. 260 al. 3 LP), avec pour conséquence vraisemblable dans les deux cas un produit nul (décision de la Chambre de surveillance DCSO/21/2018 du 11 janvier 2018 consid. 2.1).

2.1.2 Lorsque la faillite est liquidée en la forme ordinaire, l'inventaire doit être communiqué aux créanciers lors de la première assemblée des créanciers (art. 237 al. 1 LP); en cas de liquidation sommaire, il doit être déposé en même temps que l'état de collocation (art. 231 al. 3 ch. 3 LP). Il n'en résulte cependant pas que l'inventaire ne puisse plus être complété après ces dates : l'office peut en effet, jusqu'à la clôture de la faillite, modifier ou compléter l'inventaire afin de tenir compte de la découverte de nouveaux actifs ou de circonstances affectant la substance ou la valeur d'actifs déjà inventoriés (Lustenberger/Schenker, op. cit., n° 29 ad art. 221 LP). L'inventaire est donc un document en état d'évolution permanente ("rollendes Dokument") que l'administration de la faillite doit constamment adapter afin qu'il corresponde à la situation actuelle.

2.2 En l'espèce, faisant usage de la faculté qui lui est donnée à l'art. 17 al. 4 LP, l'Office a complété l'inventaire en y inscrivant une prétention en responsabilité contre l'organe de révision fondée sur les art. 754 et ss CO (C11), en y ajoutant une prétention contre l'ancien administrateur-président liée au compte courant actionnaire (C10) et en modifiant le libellé de la prétention litigieuse C2 contre l'ancien administrateur-président, faisant référence aux articles 754 ss CO. Par ailleurs, les prétentions ont été inventoriées avec la référence aux dispositions sur la responsabilité au sens des art. 754 ss CO, qui comprennent aussi les art. 755 et 757 CO. En tant qu'elle tendait à ce que l'inventaire soit complété de prétentions contre l'ancien administrateur-président et l'organe de révision, la plainte est ainsi devenue sans objet.

2.3 La plaignante reproche à l'Office d'avoir estimé à 0 fr. la créance C2 contre l'ancien administrateur-président, alors que le solde débiteur du compte-courant actionnaire était de 193'263 fr. 94. Elle estime par ailleurs que les prétentions en responsabilité contre l'organe de révision, en lien avec le compte courant actionnaire, doivent aussi être chiffrées à 193'263 fr. 94.

Or, la plaignante n'explique pas en quoi l'estimation de l'Office serait sous-évaluée et ce dernier aurait abusé de son pouvoir d'appréciation. Elle évoque le montant nominal de la créance, sans expliquer la manière d'obtenir réellement le recouvrement d'une telle somme. Elle ne semble ainsi pas distinguer la valeur de réalisation de la prétention inscrite à l'inventaire du montant de la prétention, alors que ces deux valeurs ne se recouvrent pas nécessairement. Elle ne décrit notamment pas les chances de succès action contre l'ancien administration respectivement contre l'organe de révision et les chances de recouvrement en cas de succès de l'action.

Il résulte par ailleurs des explications de l'Office que ce dernier a décidé, pour des motifs non spécifiés, mais qui ne font pas l'objet de contestation, de ne pas agir en justice lui-même pour faire valoir la prétention en remboursement du compte-courant actionnaire et de la céder. Il découle de ce choix, selon la jurisprudence susvisée, que la prétention inventoriée ne peut avoir qu'une valeur proche de zéro.

Aussi, la plainte s'avère infondée, dans la mesure où elle a conservé un objet.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 24 février 2025 par A______ contre l'inventaire établi par l'Office cantonal des faillites dans la faillite de B______ SA, n° 2024 1______.

Au fond :

Constate que la plainte est devenue partiellement sans objet.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.