Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/328/2025 du 12.06.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/198/2025-CS DCSO/328/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 JUIN 2025 |
Plainte 17 LP (A/198/2025-CS) formée en date du 20 janvier 2025 par A______ AG, représentée par Me Jürg WERNLI, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______ AG
c/o WERNLI Jürg
Spitalgasse 32
3011 Bern.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. C______ Sàrl, active dans le conseil et négoce de ______, a été déclarée en faillite le ______ mars 2024.
b. Une première version de l'inventaire a été établie par l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office) à la date du 19 juillet 2024. Cinq créances (C1 à C5) et un véhicule (M1) ont été inventoriés, soit des actifs estimés à hauteur de 14'232 fr.
Dans la rubrique remarques de l'inventaire, il a été mentionné qu'aucune prétention n'était inventoriée s'agissant des subventions D______ auxquelles C______ Sàrl avait eu droit.
E______, [association] qui gérait les subventions D______ - un programme visant à favoriser la réduction des émissions CO2 par le remplacement de ______ par ______ – a indiqué à l'Office que C______ Sàrl n'avait plus importé de ______ à compter de sa mise en faillite, les créances en paiement des subventions nées antérieurement à la faillite ayant été cédées. Selon un courrier de E______ du 30 novembre 2023 adressé à A______ AG, un montant de 1'962'687 fr. 69, correspondant aux subventions pour la réduction de CO2 en faveur de C______ Sàrl, était alloué à A______ AG suite à la cession intervenue en date des 20 et 21 octobre 2021.
c. Par courriels des 31 juillet et 23 septembre 2024, F______ AG, créancière de C______ Sàrl admise à l'état de collocation, a sollicité de l'Office qu'il porte à l'inventaire les créances de C______ Sàrl liées au versement des subventions D______ à hauteur de 1'059'236 fr. 30. Elle émettait des doutes quant aux explications fournies par les organes de la faillie sur le fait que les subventions étaient versées par l'importateur aux acheteurs et quant à la validité de la cession.
d. A la date du 31 octobre 2024, l'Office a porté à l'inventaire une prétention litigieuse C6 en 1'059'236 fr. à l'encontre de F______ AG, correspondant à des créances liées au versement des subventions D______.
e. Par circulaire du 1er novembre 2024, l'Office a consulté les créanciers, dont F______ AG, au sujet de la proposition de renoncer au recouvrement de la prétention litigieuse C6 par la masse en faillite et leur a offert la cession des droits de la masse.
f. Par courrier du 29 novembre 2024, F______ AG s'est opposée à la proposition de cession de créance estimant que l'administration de la faillite devait elle-même procéder à son recouvrement.
g. Par circulaire du 2 décembre 2024, l'Office a fait savoir que la majorité des créanciers s'était prononcée favorablement quant à la proposition de l'administration de renoncer au recouvrement des subventions D______ à l'encontre de F______ AG, laquelle avait été cédée à certains créanciers.
L'administration de la faillite avait par ailleurs inventorié trois créances supplémentaires C8, C9 et C10 à l'encontre respectivement de E______, G______ GMBH et A______ AG pour une valeur de 1'370'635 fr. 53 chacune et liées au versement des subventions D______. Les créanciers étaient invités à se prononcer sur la proposition de renoncer au recouvrement des prétentions C8 à C10 par la masse en faillite et leur a offert la cession des droits de la masse.
h. Par acte de cession du 12 décembre 2024, l'Office a cédé la prétention C6 à H______ AG, I______ [caisse de prévoyance professionnelle] et J______ [caisse de compensation AVS].
i. Par courrier du 16 décembre 2024, F______ AG a requis la cession des droits en sa faveur afférents aux créances C8 à C10.
j. Le 8 janvier 2025, A______ AG s'est adressée à l'Office pour connaître la date de clôture de la faillite.
k. Par courriels 8 et 9 janvier 2025, l'Office a répondu que le dossier avait connu des développements et a communiqué à A______ AG la dernière version de l'inventaire à la date du 12 décembre 2024. Une créance litigieuse C10 de 1'370'635 fr. 53 était inventoriée à l'encontre de A______ AG, la valeur d'estimation étant de 1 fr.
B. a. Par acte posté le 20 janvier 2025, A______ AG a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre les opérations effectuées par l'Office dans l'établissement de l'inventaire de la faillite de C______ Sàrl.
b. Aux termes de son rapport du 12 février 2025, l'Office a exposé que la plainte apparaissait irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre l'inventaire. Par ailleurs, les conditions pour inscrire la prétention litigieuse C10 à l'encontre de A______ AG à l'inventaire étaient réunies. L'Office a précisé que les prétentions C8 à C10 n'avaient en l'état pas encore été cédées.
c. Le rapport de l'Office a été transmis à A______ AG le 13 février 2025, avec l'indication que l'instruction de la cause était close.
d. Par courrier du 21 mai 2025, A______ AG a sollicité de la Chambre de céans la jonction de la cause A/198/20205 avec la procédure de plainte introduite par F______ AG (A/4171/2024) ainsi que la suspension de la procédure.
1. 1.1. La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).
1.2 En l'espèce, la plainte a été déposée dans les forme et délai prévus par la loi. Elle est par ailleurs dirigée contre un acte de l'administration de la faillite – la décision de porter un supposé actif à l'inventaire – ne pouvant être contesté par la voie judiciaire.
Reste à examiner si la plaignante a qualité pour porter plainte, condition de recevabilité que la Chambre de céans doit examiner d'office (Cometta/Möckli, in BSK SchKG I, n. 39 ad art. 17 LP; Erard, in CR LP, n. 22 ad art. 17 LP).
2. 2.1.1 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; ATF 129 III 595 consid. 3; ATF 120 III 42 consid. 3). Ainsi, les créanciers ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi (ATF 138 III 219 consid. 2.3; ATF 119 III 81 consid. 2). En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2012 du 23 août 2012 consid. 5.3.1 et les références citées). Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 III 219 consid. 2.3; ATF 120 II 5 consid. 2a).
2.1.2 L'art. 221 LP prescrit à l'office des faillites, dès qu'il a reçu communication de l'ouverture de la faillite, de procéder à l'inventaire des biens du failli. Il ne s'agit pas, par l'inventaire, de déterminer si un actif existe et s'il tombe dans le patrimoine du failli mais uniquement de donner une vision d'ensemble de ce patrimoine et d'en assurer la conservation (Vouilloz, in CR LP, n. 3 ad art. 221 LP). L'office doit porter à l'inventaire l'ensemble des éléments du patrimoine du failli, quelle que soit leur nature et leur lieu de situation, et que leur appartenance au failli soit contestée ou non. Il en va notamment ainsi des créances du failli, que celles-ci soient ou non contestées, exigibles ou liquides (Lustenberger, in BSK SchKG II, n. 21 ad art. 221 LP). Les litiges relatifs à l'existence ou au montant d'un droit supposé tombé dans le patrimoine du failli ne relèvent pas de la compétence de l'administration de la faillite – ni de celle de l'autorité de surveillance – mais de celle du juge civil (Lustenberger, op. cit., n. 21a ad art. 221 LP).
L'établissement de l'inventaire est une mesure interne de l'administration de la faillite, qui n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers (ATF 114 III 21 cons. 5b; 90 III 18 cons. 1). En particulier, le fait de porter à l'inventaire un actif ne faisant pas déjà partie de la masse n'a pour effet ni de le soumettre à la mainmise de l'administration de la faillite ni de trancher la question de son appartenance à la masse (Lustenberger, op. cit., n. 14 ad art. 221 LP; Vouilloz, op. cit., n. 14 et 15 ad art. 221 LP). Il en découle que les tiers n'ont en principe pas qualité pour porter plainte contre l'inscription d'un actif à l'inventaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_352/2008 du 13 novembre 2008, cons. 2.3.3; DSCO/25515/2015 du 20 août 2015, consid. 1.3 et 1.4).
2.2. En l'espèce, la plaignante agit à titre personnel, en qualité de tiers visé par l'inscription d'une créance à son encontre à l'inventaire. Or, le fait d'inventorier une créance à l'égard d'un tiers n'a aucune conséquence sur sa situation juridique. Il n'en découle en particulier ni création d'une obligation auparavant inexistante, ni reconnaissance du bien-fondé de la prétention inventoriée, ni constatation de son montant. Ce tiers n'a donc aucun intérêt à attaquer l'inventaire et il ne dispose pas de la qualité pour agir en application des principes rappelés ci-dessus, que ce soit pour contester le fondement des créances inscrites à l'inventaire ou pour remettre en cause la manière dont l'Office a confectionné l'inventaire.
La plainte doit ainsi être déclarée irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre l'inscription, dans l'inventaire de la succession, d'une prétention contre la plaignante, faute de lésion d'un intérêt digne de protection de cette dernière.
Vu l'issue de la procédure, une jonction de la plainte du tiers débiteur avec celle déposée par un créancier ne se justifie pas (art. 70 LPA). Il en va de même de la demande de suspension (art. 14 LPA).
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 20 janvier 2025 par A______ AG contre l'inventaire établi par l'Office cantonal des faillites dans la faillite de C______ Sàrl.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.