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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4182/2024

DCSO/184/2025 du 01.04.2025 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Minimum vital
Normes : LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4182/2024-CS DCSO/184/25

DECISION

 

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 1ER AVRIL 2025

 

Plaintes 17 LP (A/4182/2024-CS) formées en date du 29 août 2024 et 13 février 2025 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______
à :

-       A______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de plusieurs poursuites qui participent à la série
n° 81 1______.

b. Le 20 février 2024, A______ a été auditionnée par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office), en particulier sur ses frais de logement. Selon le procès-verbal de son audition, elle louait un appartement à la rue 2______ no. ______, à Genève, qui avait été "squatté" pendant un certain temps par des personnes qu'elle avait aidées financièrement en septembre 2023. Elle avait un autre logement, situé au chemin 3______ à B______ [GE], dont le loyer était réglé par deux membres de l'association "C______" depuis juin 2023. Il s'agissait d'un appartement de trois pièces meublé, dont le loyer s'élevait à 2'400 fr. par mois. Le bail n'était pas à son nom. Son intention finale était de sous-louer l'appartement de la rue 2______ et d'habiter à la rue 3______ jusqu'à la fin du cycle de sa fille. Interrogée sur ses avoirs bancaires, elle a indiqué qu'elle avait trois comptes, un [auprès de la banque] D______, un au E______ et un auprès de F______. Elle s'engageait à transmettre les relevés de ces trois comptes, "sauf avis contraire de [son] avocat";

c. Le 21 février 2024, l'Office a adressé à l'association "C______" une demande de renseignements fondée sur l'art. 91 al. 4 LP et sollicité la transmission de son compte bancaire, l'informant conduire des investigations sur les flux financiers concernant A______.

d. A______ n'a pas fourni les documents demandés par l'Office dans le délai imparti. Par courriel du 5 mars 2024 à l'Office, elle a fait savoir qu'elle refusait de remettre les extraits de compte de l'association "C______".

e. La plainte formée le 7 mars 2024 par A______ contre "la demande de renseignements 91 al. 4 LP" et la saisie a été rejetée, dans la mesure de sa recevabilité, par décision DCSO/177/24 du 2 mai 2024.

f. Dans l'intervalle, l'Office a communiqué à G______ AG, par courrier du 18 avril 2024, un avis concernant une saisie du salaire de A______, à hauteur de toute somme supérieure à 2'001 fr. par mois.

g. La plainte formée le 10 mai 2024 par A______ contre l'avis de saisie de salaire du 18 avril 2024 a été déclarée irrecevable par décision DCSO/212/24 du 23 mai 2024.

h. Le 6 juin 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série
n° 81 1______. Les revenus de A______ étaient saisis à hauteur de toute somme supérieure à 2001 fr., et ce du 18 avril 2024 au 18 avril 2025. Selon cette décision, la charge de loyer n'était pas comprise dans le minimum vital de la débitrice, dès lors que le loyer de l'appartement au chemin 3______ était payé par une association et que l'appartement à la rue 2______ était sous-loué à un tiers. Le minimum vital de A______ était composé du montant de base en 1'200 fr., du forfait pour l'entretien de son enfant (huit jours de droit de visite par mois), les frais de repas, en 286 fr. et des frais d'abonnement CFF, en 355 fr.

i. En date du 18 juin 2024, l'Office a établi un nouveau procès-verbal de saisie dans la série n° 81 1______, qui intégrait le loyer de l'appartement de la rue 2______ de 1'285 fr. Le minimum vital de A______ se montait à 3'290 fr. par mois et l'Office saisissait tout revenu supérieur à ce montant, rétroactivement depuis le mois d'avril 2024. Le procès-verbal de saisie a été notifié par pli recommandé du 19 juin 2024, distribué le 24 juin 2024.

j. Le 9 août 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série suivante, n° 81 4______, lequel a été notifié à A______ par pli recommandé.

Les revenus étaient saisis à hauteur de toute somme supérieure à 3'290 fr. par mois à compter du 19 avril 2025 et jusqu'au 28 juin 2025.

Selon le suivi des envois de la poste, le procès-verbal de saisie a été distribué à A______ le 22 août 2024, suite à une prolongation du délai de garde de sept jours, qui arrivait à échéance le 20 août 2024.

k. A______ ayant prouvé le paiement régulier de sa prime d'assurance-maladie, l'Office a intégré cette charge dans le minimum vital de l'intéressée, qui s'élevait désormais à 3'570 fr., et ce à compter du 16 septembre 2024. L'employeur a été avisé de la modification de la saisie par courrier du 16 septembre 2024, lequel fait référence à la série n° 81 4______.

Sur présentation des justificatifs, l'Office a remboursé à A______ ses frais médicaux.

B. a. Le 29 août 2024, A______ a formé plainte contre la saisie de son salaire. Elle contestait être saisissable.

b. Dans son rapport du 21 janvier 2025, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

c. En date des 13 et 18 février 2025, A______ s'est adressée à la Chambre de surveillance et à la Chambre administrative de la Cour de justice, pour se plaindre de la saisie en cours et réclamer la restitution de "son argent". Une nouvelle plainte a été enregistrée sous n° A/491/2025. Ses revenus du mois de janvier 2025 s'étaient montés à 900 fr. (895 r. 85) et il ne lui restait que 25 fr. sur son compte. Elle a communiqué à la Cour, par courrier du 28 mars 2025, ses fiches de salaire de janvier et mars 2025, pour des montants nets de 895 fr. 85 et 2'674 fr. 05.


 

EN DROIT

1. Aux termes de l'article 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu des articles 9 al. 4 LaLP et 20a al. 3 LP, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre des procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l'espèce, les deux causes A/4182/2025 et A/491/2025 impliquent la plaignante et portent sur les mêmes opérations de saisie, de sorte que leur jonction se justifie et sera ordonnée.

2. 2.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution de la saisie ou la communication du procès-verbal de saisie.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Lorsque la plainte est dirigée contre la saisie, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2).

L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Sont nulles les mesures contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas partie à la procédure de poursuite (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, d'une saisie (ou d'un séquestre) violant de façon manifeste le minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78; arrêt du Tribunal fédéral 5A_680/2015 du 6 novembre 2015 consid. 3; Dieth/Wohl, op. cit., N 2b ad art. 22 LP).

2.2 En l'espèce, la plainte, en tant qu'elle est dirigée contre le procès-verbal de saisie du 9 août 2024, dans la série n° 81 4______, est recevable, car formée dans les dix jours dès sa notification. En tant qu'elle est dirigée contre le procès-verbal de saisie du 18 juin 2024, dans la série n° 81 1______, la plainte est en revanche tardive, sous réserve d'un cas de nullité pour atteinte flagrante au minimum vital. La question de la recevabilité de la plainte du 13 février 2025 souffre de rester indécise, vu l'issue de la procédure.

3. 3.1.1 Lorsque les revenus du débiteur sont variables, l'office des poursuites a le choix entre deux possibilités lors de l'exécution de la saisie (Winkler, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 70 ad art. 93 LP). La première consiste à fixer la retenue mensuelle à un montant fixe, correspondant à la différence entre le revenu mensuel net moyen du débiteur, calculé en principe sur l'année précédant la saisie, et son minimum vital; l'office des poursuites devra alors encaisser mensuellement le montant ainsi fixé mais s'abstenir de le distribuer aux créanciers de manière à ce que, à la fin de la période de saisie, l'on puisse déterminer les montants qui dépassent effectivement, sur l'ensemble de la période considérée, le minimum vital du débiteur, et au besoin compenser les mois durant lesquels le débiteur aura perçu moins que le minimum vital (ATF 112 III 19 consid. 2c; Winkler, op. cit., n° 71 ad art. 93 LP; Ochsner, op. cit., n° 37 ad art. 93 LP). Dans la seconde option, l'office des poursuites invitera le débiteur à lui verser mensuellement, sous la menace des sanctions légales (art. 169 CP), la part de ses revenus nets excédant son minimum vital, soit un montant variable. Dans le cadre de cette méthode, le débiteur doit établir chaque mois le montant de ses revenus nets. Si ceux-ci sont, certains mois, inférieurs à son minimum vital, l'office des poursuites doit lui rétrocéder les montants saisis déjà encaissés, ou ceux qu'il encaissera, de manière à lui permettre de couvrir son minimum vital pendant la période de la saisie (ATF 86 III 53 consid. 2; 85 III 40 consid. 3; Winkler, op. cit., n° 72 ad art. 73 LP; Ochsner, op. cit., n° 33 à 36 ad art. 93 LP).

3.1.2 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 123 III 328 consid. 3). Il en est ainsi, notamment, lorsque la partie saisit dans son propre intérêt l'autorité de surveillance ou qu'il s'agit de circonstances qu'elle est le mieux à même de connaître ou qui touchent à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.2; 5A_253/2015 du 9 juin 2015 consid. 4.1). A défaut de collaboration, l'autorité de surveillance n'a pas à établir des faits qui ne résultent pas du dossier (ATF 123 III 328 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_898/2016 précité consid. 5.2).

3.2. En l’espèce, la plaignante fait valoir que sa situation est catastrophique, que les calculs de l'Office sont faux et que ses revenus, variables, sont insuffisants. A cet égard, il sera observé que l’Office n’a décidé de saisir auprès de son employeur que les revenus qui dépassent son minimum vital, ce qui apparaît adéquat. Il appartiendra ainsi à l’Office de rétrocéder les montants qu’il pourrait encaisser, de manière à permettre à la plaignante de couvrir son minimum vital pour les mois où son salaire serait inférieur à celui-ci. Ces ajustements se feront aussi longtemps que les salaires saisis ne sont pas distribués, soit jusqu’à la fin de la période de saisie. Ce procédé, qui ne porte pas atteinte au minimum vital de la plaignante, n'est pas critiquable.

La plaignante ne formule aucun grief à l’égard du calcul du minimum vital effectué par l’Office dans les deux séries considérées, étant précisé que ce montant a été adapté pour y intégrer le loyer (dès avril 2024) et la prime d'assurance-maladie, dès que celle-ci a été payée, soit en septembre 2024. En tant qu'il retient que le minimum vital de la plaignante s'est élevé à 3'290 fr. par mois à compter du mois d'avril 2024 puis à 3'570 fr. dès le 16 septembre 2024, le calcul de l'Office ne prête pas le flanc à la critique.

Selon les indications de l'Office, non contestées, les frais médicaux de la plaignante ont été pris en compte, sur présentation des justificatifs, l'Office ayant procédé à des remboursements en faveur de la plaignante.

Aussi, aucune atteinte au minimum vital de la plaignante, dans les deux séries considérées, ne résulte du dossier. Mal fondées, les plaintes seront rejetées dans la mesure de leur recevabilité.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Ordonne la jonction des causes A/4182/2024 et A/491/2025 sous A/4182/2024.

Rejette, dans la mesure de leur recevabilité, les plaintes formées en dates des 29 août 2024 et 13 février 2025 par A______ dans le cadre des séries n° 81 1______ et
n° 81 4______.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.