Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/597/2024 du 29.11.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1662/2024-CS DCSO/597/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/1662/2024-CS) formée en date du 15 mai 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
______
______ [GE].
- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)
Rue Ardutius-de-Faucigny 2
1204 Genève.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. A______, né en 1961 et actuellement âgé de 63 ans, a été condamné à verser des contributions alimentaires par ordonnance du Tribunal de première instance OTPI du 21 octobre 2015, jugement du Tribunal de première instance du 24 avril 2017 et arrêt de la Cour de justice de 31 octobre 2017.
La créance d'entretien a été cédée au Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après SCARPA).
b. A l'issue d'une poursuite intentée en 2019 par le SCARPA contre A______ en paiement des contributions d'entretien pour les mois d'août 2016 à septembre 2017, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a délivré au créancier un acte de défaut de biens n° 1______ le 30 avril 2020 pour un montant de 9'511 fr. 75.
c. Sur la base de cet acte de défaut de biens, le SCARPA a requis et obtenu, le 7 mars 2024, au détriment de A______, le séquestre de sa rente mensuelle de retraite du deuxième pilier versée par B______, à concurrence dudit montant.
d. Dans le cadre de l'exécution dudit séquestre, référencé sous n° 2______, l'Office a déclaré saisissable l'intégralité de la rente de prévoyance du deuxième pilier du débiteur de 2'910 fr., ce dernier ne s'étant pas présenté à l'Office ni n'ayant communiqué de pièces permettant de calculer la quotité saisissable de ses revenus, étant précisé qu'il était également bénéficiaire d'une rente AVS 2'411 fr. qui était insaisissable.
L'Office a notifié le procès-verbal d'exécution du séquestre à A______ le 15 avril 2024.
e. Ce dernier ayant fourni les informations nécessaires pour déterminer son minimum vital, l'Office a rendu le 26 avril 2024 une décision modifiant l'assiette du séquestre et calculé comme suit la quotité saisissable des revenus du débiteur :
Revenus du débiteur :
- rente de prévoyance professionnelle deuxième pilier 2'910 fr.
- rente transitoire AVS (insaisissable; art. 92 LP) 2'411 fr.
- gain accessoire de commerçant itinérant (moyenne) 250 fr.
Total des revenus du débiteur 5'571 fr.
Charges du débiteur :
- Bases mensuelles d'entretien pour un débiteur vivant seul 1'200 fr.
- Logement 2'016 fr.
- Assurance maladie 511 fr.
- Transports 70 fr.
- Animal de compagnie 60 fr.
- Cotisation AVS de personne sans activité lucrative 215 fr. 15
Total des charges incompressibles du débiteur (minimum vital) 4'072 fr. 50
Quotité saisissable mensuelle
5'571 fr. – 4'072 fr. 50 = 1'498 fr. 50
L'Office a par conséquent arrêté la saisie à ce dernier montant et communiqué un avis de saisie la caisse de prévoyance du débiteur le 26 avril 2024.
Cette décision a été notifiée le 26 avril 2024 également au débiteur et reçue par ce dernier à une date non précisée par l'Office.
B. a. Par acte expédié le 15 mai 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a contesté le calcul de son minimum vital, alléguant que si l'Office retenait les revenus de son activité indépendante accessoire de vente de ______ sur les marchés et dans les EMS vaudois, les charges liées à cette activité devaient également être comptabilisées, soit notamment un véhicule en leasing dont le loyer s'élevait à 297 fr. 20 par mois, plus des frais d'essence et des frais de repas à l'extérieur deux jours par semaine.
b. Dans ses observations du 28 mai 2024, le SCARPA s'en est rapporté à justice.
c. Dans ses observations du 5 juin 2024, l'Office ne s'est pas opposé à la recevabilité de la plainte, s'agissant d'une question d'atteinte au minimum vital. Sur le fond, il a conclu au rejet de la plainte faute de justification des charges professionnelles alléguées, de leur quotité et de leur caractère nécessaire, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de les retenir. Il soulignait de surcroît que l'activité accessoire post-retraite du débiteur se révélait déficitaire et ne constituait pas à proprement parler une profession au sens des normes d'insaisissabilité.
d. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 13 juin 2024 que l'instruction de la cause était close sous réserve de mesures d'instruction complémentaires.
1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, d'une saisie violant de façon manifeste le minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78; arrêt du Tribunal fédéral 5A_680/2015 du 6 novembre 2015 consid. 3).
1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).
1.3 En l'espèce, la plainte est écrite et suffisamment motivée. Le plaignant dispose d'un intérêt à agir. La plainte est par conséquent recevable à ces égards.
En revanche, il n'est pas certain qu'elle ait été formée dans le délai de 10 jours suivant la notification de la décision du 26 avril 2024. Cette question souffre toutefois de rester indécise, une atteinte au minimum vital du débiteur entraînant la nullité du séquestre litigieux, laquelle peut être constatée par la Chambre céans en tout temps, même en dehors de toute plainte. La plainte est par conséquent recevable et fondée s'il y a atteinte au minimum vital. Par contre elle sera déclarée irrecevable dans le cas contraire.
2. 2.1.1 En application de l'art. 275 LP, les art. 91 à 109 relatifs à la saisie s’appliquent par analogie à l’exécution du séquestre, notamment les art. 92 et 93 LP sur l'insaisissabilité des rentes AVS et la saisissabilité relative de revenu du travail.
2.1.2 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).
Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).
2.1.3 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).
Si des revenus du débiteur sont insaisissables au sens des articles 92 et 93 LP, ils sont néanmoins ajoutés aux revenus saisissables afin de calculer la quotité saisissable (ATF 135 III 20 consid. 5.1).
2.1.4 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr.
D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI) et les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP).
Selon les Normes d'insaisissabilité, les frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail font en principe partie du minimum vital, s'ils sont indispensables à l'exercice d'une profession et si l'employeur ne les prend pas à sa charge (ch. II.4 let. d).
Seuls les montants effectivement payés doivent être pris en compte (ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; ATF 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; ATF 112 III 19, JdT 1988 II p. 118).
2.1.5 Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP).
2.2 En l'espèce, en appliquant le principe d'effectivité des revenus et des charges que l'Office doit retenir dans le calcul du minimum vital, le plaignant a raison lorsqu'il reproche à l'Office d'avoir procédé à un calcul de la quotité saisissable de ses revenus en introduisant le gain retiré de son activité indépendante accessoire de 250 fr., sans en déduire les charges nécessaires à son acquisition. L'Office constate pour sa part avec raison que le plaignant n'établit pas l'existence, la quotité et la nécessité professionnelle des charges alléguées.
Par ailleurs, il n'est pas clair de savoir si le montant des revenus tirés de l'activité indépendante accessoire retenu par l'Office s'exprime en termes bruts ou nets, aucune des parties ne le précisant et aucune explication n'étant fournie sur la composition de ce revenu. Il peut toutefois être admis qu'il s'agit d'un montant brut, les deux parties évoquant la déduction de charges dans leurs arguments.
Cela étant, force est de constater avec l'Office que le raisonnement suggéré par le plaignant conduirait à retenir que l'activité indépendante de ce dernier est fortement déficitaire, son revenu brut ne couvrant même pas le leasing allégué de son véhicule professionnel, sans évoquer d'autres charges, tels que les frais liés au véhicule loué (impôts, assurance, carburant), l'acquisition de la marchandise qu'il commercialise, etc. L'Office n'a pas à retenir les revenus et les charges d'une telle activité qui n'a économiquement aucune raison d'être et obère le budget du débiteur tant à son détriment qu'à celui de ses créanciers.
Il en découle qu'il peut être exigé du débiteur qu'il cesse une telle activité et qu'il sera fait abstraction de tout revenu ou charge en lien avec une profession dans son budget. En l'occurrence, cela signifie la soustraction d'un montant de 250 fr. des revenus du débiteur (gain accessoire d'indépendant) et la soustraction d'un montant de 70 fr. de ses charges (frais de transports), ce qui conduit à une quotité saisissable de 1'318 fr. 50.
La quotité saisissable des revenus du débiteur dans le cadre du séquestre litigieux sera par conséquent en l'état arrêtée à ce montant minimal. Le montant initial fixé par l'Office consacrait par conséquent une atteinte au minimum vital du plaignant à hauteur de quelque 180 fr.
Il appartiendra à l'Office d'établir par pièces ou à tout le moins par indices probants l'existence d'une activité indépendante accessoire bénéficiaire du plaignant, s'il entend augmenter le montant saisi.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 15 mai 2024 contre la décision du 26 avril 2024 par l'Office dans le cadre du séquestre n° 2______.
Au fond :
L'admet partiellement et arrête le montant de la quotité saisissable des revenus de A______ à 1'318 fr. 50 par mois.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
Le président : Jean REYMOND |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.