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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4234/2023

DCSO/511/2024 du 05.11.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Estimation
Normes : ORFI.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4234/2023-CS DCSO/511/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 5 NOVEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/4234/2023-CS) formée en date du 20 décembre 2023 par A______, représenté par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me HOVAGEMYAN Hrant

Demole Hovagemyan

Rue Charles-Bonnet 2

Case postale

1211 Genève 3.

- B______ NV

c/o Me YÜCE Sirin

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 5

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______, sise rue 2______ no. ______, commune de Genève, section C______.

b. Cet immeuble a fait l'objet d'une estimation privée effectuée en juin 2022 par D______ SA à la demande de [la banque] B______ NV, créancière séquestrante, faisant état d'une valeur vénale de 8'000'000 fr., déterminée sur la base d'une moyenne arithmétique entre la valeur intrinsèque, retenue à hauteur de 7'442'000 fr. en tenant compte d'une valeur du terrain de 20'000 fr. par m2 et d'un volume pour le bâtiment de 3685 m3 à un prix de 1'200 fr. sans indication de vétusté, et de la valeur de rendement de 7'991'828 fr. sur la base d'un revenu annuel net de 279'714 fr. et d'un taux de capitalisation de 3.5%.

c. L'immeuble fait l'objet des séquestres n° 3______ et n° 4______, requis par B______ N.V et validés par les poursuites n° 5______ et n° 6______.

Dans le cadre du procès-verbal de séquestre n° 3______ établi le 11 janvier 2023, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a estimé cet immeuble à sa valeur fiscale de 6'321'839 fr.

Statuant le 11 mai 2023 sur plainte de A______ contre ce procès-verbal de séquestre, la Chambre de céans a invité l'Office à procéder à une nouvelle estimation de la valeur de l'immeuble séquestré.

d. Sur demande de l'Office, E______ (ci-après : le premier expert), architecte, a établi en date du 8 décembre 2023 un rapport d'expertise en vue d'estimer la valeur de l'immeuble.

Après avoir visité l'immeuble, il a relevé que la propriété, constituée de la parcelle n° 1______, d'une surface de 151 m2, et de la parcelle n° 7______ (dépendance), était située en 2ème zone au centre-ville de Genève dans le quartier de F______, bien desservie par les transports publics et disposant d'écoles, de commerces et de services publics dans un rayon de 500 m. Il s'agissait d'un petit immeuble commercial bien réalisé, apparemment bien entretenu et présentant une architecture originale, comportant 3 niveaux de sous-sol, le rez-de-chaussée, deux étages sur la partie sud et quatre étages sur la partie nord.

Il en a estimé la valeur intrinsèque à 5'860'000 fr. en tenant compte d'une valeur du terrain de 14'000 fr. par m2 et d'un volume du bâtiment de 3'200 m3 à un prix de 965 fr., incluant un taux de vétusté de 20%. Il est par ailleurs parvenu à une valeur de rendement de 5'555'000 fr. sur la base d'un état locatif net de 236'003 fr., correspondant à un revenu brut de 287'808 fr. sous déduction de 18% de charges, et d'un taux de capitalisation de 4.25%. Au terme de son rapport, il a retenu que la valeur vénale de l'immeuble correspondait à la valeur de rendement et que, sur cette base, la valeur de réalisation en l'état, correspondant à 90% de la valeur vénale, était de 5'000'000 fr.

e. Par courrier du 11 décembre 2023 reçu par A______ le 13 décembre 2023, l'Office a informé ce dernier qu'il retenait comme valeur de réalisation de l'immeuble celle fixée par le premier expert à 5'000'000 fr.

B. a. Par acte adressé à la Chambre de surveillance le 20 décembre 2023, A______ a sollicité qu'il soit procédé à une nouvelle expertise de son immeuble. La valeur retenue par le premier expert était très inférieure à la valeur fiscale qu'avait retenue l'Office à hauteur de 6'321'000 fr. dans le procès-verbal de séquestre et à la valeur vénale estimée à 8'000'000 fr par l'expert privé.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif a été déclarée irrecevable par ordonnance du 22 décembre 2023.

c. Par ordonnance du 1er février 2024, la Chambre a imparti à A______, sous peine d'irrecevabilité, un délai pour procéder à une avance de frais de 2'500 fr., a désigné G______, architecte, en qualité de nouvel expert et lui a donné mission d'estimer la valeur de l'immeuble séquestré.

d. L'avance de frais requise a été payée dans le délai imparti.

e. Dans son rapport d'expertise du 29 mai 2024 établi après une visite extérieure des locaux, G______ (ci-après : le second expert) a estimé la valeur vénale des parcelles n° 1______ et n° 7______ (dépendance) à 6'810'000 fr.

Il a retenu une valeur intrinsèque de 6'625'000 fr. en tenant compte d'une valeur du terrain de 17'000 fr. par m2, et d'un volume de 3'430 m3 pour le bâtiment à raison de 960 fr. par m3, correspondant à un prix de 1'200 fr. au m3 avec un taux de vétusté de 20%. Il a estimé la valeur de rendement à 6'990'000 fr. sur la base d'un revenu locatif net de 244'637 fr., correspondant à un revenu locatif brut de 287'808 fr., sous déduction de charges de 15%, et d'un taux de capitalisation de 3.5%. En expliquant qu'il s'agissait d'un bien à destination de rendement et compte tenu de la bonne situation dans le quartier et de la qualité du bien, il a déterminé la valeur vénale de l'immeuble en retenant la moyenne arithmétique entre la valeur intrinsèque et la valeur de rendement. Il a en outre relevé qu'une transaction immobilière pourrait se réaliser à des conditions financières supérieures vu la qualité du bien immobilier, son emplacement de première ordre et la situation particulière du marché immobilier genevois.

Sa note d'honoraires, jointe à son rapport, était de 2'432 fr. 25.

f. Par décision du 18 juin 2024, la Chambre de surveillance a fixé les frais de la nouvelle expertise à 2'432 fr. 25 et invité l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser ce montant à l'expert.

g. L'Office a indiqué n'avoir pas d'observation particulière à formuler s'agissant de l'expertise de G______.

h. Par courrier du 8 juillet 2024, A______ a contesté le résultat de la nouvelle expertise, estimant que la valeur vénale retenue était trop faible, en raison des valeurs trop basses prises en considération par l'expert pour la valeur du terrain, le volume du bâtiment ou encore le revenu locatif. Il n'était pas entré dans l'immeuble et n'avait pas pris en compte les deux offres d'achat de 8'250'000 fr. et 8'300'000 fr. faites en 2022 qu'il lui avait transmises. Il a conclu à ce qu'une troisième expertise soit ordonnée. Il a produit deux offres d'achat qui lui ont été transmises en 2022 pour 8'250'000 fr. et 8'300'000 fr.

EN DROIT

1. 1.1. L'Office des poursuites procède à l'estimation des biens immobiliers saisis et peut s'adjoindre des experts à cette fin (art. 97 al. 1 LP, applicable par renvoi de l'art. 275 LP; art. 99 al. 1 ORFI; Gilliéron, Commentaire de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n. 174 ad art. 140 LP; Foëx, in Commentaire romand LP, 2005, n. 17 ad art. 155 LP).

Chaque intéressé a le droit d'exiger, en s'adressant à l'autorité de surveillance dans le délai de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle estimation soit faite par des experts (art. 9 al. 2 ORFI). Il s'agit là d'un droit inconditionnel (arrêts du Tribunal fédéral 7B_79/2004 du 10 mai 2004, consid. 3.2; 7B_126/2003 du 31 juillet 2003).

1.2 En l'espèce, après avoir eu connaissance du résultat de l'expertise réalisée par l'architecte mandaté par l'Office, le débiteur poursuivi, propriétaire de l'immeuble séquestré, a requis de la Chambre de céans, dans les délai et forme prescrits par la loi, qu'une nouvelle estimation soit effectuée par un second expert. Il a en outre payé en temps utile l'avance de frais fixée.

La demande de nouvelle expertise est en conséquence recevable.

2. 2.1.1 L'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie (art. 9 al. 1 ORFI).

L'estimation du bien à vendre ne vise pas à déterminer si celui-ci devrait suffire à couvrir la créance à recouvrer ou excéderait cette couverture et ne révèle rien quant au produit effectivement réalisable lors de ces enchères; elle donne tout au plus aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable; elle sert également à fixer le prix minimal en cas de vente de gré à gré.

C'est pourquoi l'estimation ne doit pas être la plus élevée possible, mais doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble. La loi ne prescrit pas de méthode pour estimer cette valeur vénale présumée (ATF 134 III 42 consid. 4; 120 III 79 consid. 3; JdT 1996 II 1999; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1; Gilliéron, Commentaire de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n° 16 ad art. 97 LP).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Chambre de surveillance s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que celui-ci soit dûment motivé.

Il n'est pas rare que l'estimation du prix de vente d'un immeuble conduise à des résultats divergents entre experts. L'autorité de surveillance peut procéder à une moyenne (ATF 120 III 79 consid. 2b = JdT 1996 II 1999; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1; Zopfi, Commentaire ORFI (2012), n° 10 ad art. 9 ORFI), pour autant que les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

Si l'autorité de surveillance entend s'écarter d'une expertise, elle doit motiver sa position (ATF 120 III 79 consid. 2c = JdT 1996 II 1999).

2.1.2 L'autorité cantonale de surveillance statue en dernier ressort sur les contestations relatives au montant de l'estimation, soit définitivement, car il s'agit là de questions d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1). Les participants n'ont pas de droit à obtenir une surexpertise, même dans les cantons qui ont instauré deux autorités de surveillance et même si l'office a effectué lui-même la première estimation (arrêts du Tribunal fédéral 5A_21/2024 du 10 mai 2024 consid. 1.2; 5A_676/2023 du 8 décembre 2023 consid. 3.1.1 et les arrêts cités). Cette règle vise à éviter que, par des requêtes réitérées d'une nouvelle estimation, la procédure de réalisation forcée ne soit indûment traînée en longueur (ATF 120 III 135 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1; 5A_275/2013 du 12 juin 2013 consid. 5.1.2 et les autres références).

2.2 En l'espèce, les deux experts mandatés, le premier par l'Office et le second par la Chambre céans, disposent tous deux des connaissances nécessaires. Ils se sont tous deux rendus sur les lieux, se sont fondés sur les mêmes données objectives et et ont établi une présentation détaillée du bien immobilier, de ses caractéristiques et de sa situation géographique.

Les deux experts ont procédé à des méthodes différentes, dans la mesure où le premier expert a déterminé la valeur vénale de l'immeuble en tenant compte de la seule valeur de rendement, dont il a pris en considération le 90% pour retenir la valeur de réalisation de l'immeuble. Le second expert a fixé la valeur vénale en procédant à la moyenne arithmétique entre la valeur intrinsèque et la valeur de rendement.

Pour calculer la valeur de rendement de l'immeuble, les experts ont tous deux pris en considération un revenu locatif brut de 287'808 fr., mais sont parvenus à des revenus locatifs nets différents en tenant compte de charges à raison de 15% pour le second expert, respectivement 18% pour le premier expert, et ont appliqué un taux de capitalisation différent, de 4.25 % pour le premier expert et de 3.5% pour le second.

Compte tenu des explications fournies par le second expert pour justifier la méthode appliquée, soit la moyenne arithmétique des valeurs intrinsèque et de rendement pour déterminer la valeur vénale de l'immeuble, la Chambre de céans privilégiera l'estimation faite par ce second expert, qui repose sur une plus large palette de critères, laquelle a été déclarée particulièrement adéquate pour ce type d'immeuble par le Tribunal fédéral (ATF 134 III 42; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2019 consid. 6.2).

Le requérant considère que cette estimation est trop basse mais ne formule aucune critique précise à l'encontre de l'un ou l'autre des éléments pris en considération par le second expert, en particulier s'agissant de la méthode employée ou des critères et valeurs appliqués. Il se limite à se référer à des évaluations privées, qui n'offrent pas les mêmes garanties d'indépendance qu'une expertise judiciaire. Les critiques qu'il formule à l'égard des deux expertises ne justifient pas de s'écarter des estimations effectuées par les experts ni d'ordonner une troisième expertise, que le droit fédéral exclut afin d'éviter que la procédure d'exécution forcée ne soit indûment retardée. Il sera rappelé ici que le but de l'estimation prévue à l'art. 9 al. 1 ORFI ne consiste pas tant à déterminer le résultat prévisible de la réalisation qu'à donner aux intéressés un point de repère quant au caractère objectivement justifié d'une offre. Dans ce contexte, l'estimation ne doit pas être la plus élevée possible, mais doit établir la valeur vénale présumée de l'immeuble, ce que l'expert judiciaire a fait à satisfaction.

La valeur d'estimation de l'immeuble du requérant sera donc fixée à 6'810'000 fr. ainsi qu'il résulte de l'expertise de G______.

3. La nouvelle expertise ayant été requise par le débiteur poursuivi, son coût, arrêté à 2'435 fr. 25, restera à sa charge (art. 9 al. 1 1ère phr. ORFI) et sera, à due concurrence, compensé avec l'avance de 2'500 fr. qu'il a versée. Le solde en 64 fr. 75 sera restitué au requérant.

La procédure devant la Chambre de céans est pour le surplus gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la requête en nouvelle expertise formée le 20 décembre 2023 par A______.

Au fond :

Arrête à 6'810'000 fr. la valeur de la parcelle n° 1______ de la Commune de Genève, section C______.

Met les frais d'expertise, fixés par décision de la Chambre de céans du 18 juin 2024 à 2'432 fr. 25, à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, qui reste acquise, à due concurrence, à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de l'avance de frais en 64 fr. 75.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

 

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.