Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/435/2024 du 12.09.2024 ( PLAINT ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/153/2024-CS DCSO/435/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/153/2024-CS) formée en date du 16 janvier 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
______
______ [GE].
- B______
______
______ [VS].
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Par réquisition du 6 juillet 2023, A______ a engagé une poursuite ordinaire à l'encontre de B______ "c/o Mme C______, rue 1______ no. ______, [code postal] Genève", pour un montant de 2'000 fr.
b. Le commandement de payer, poursuite n° 2______, a été notifié à B______, rue 1______ no. ______ [code postal] Genève, le 27 octobre 2023. Il n'a pas été frappé d'opposition.
c. Le 8 décembre 2023, A______ a requis la continuation de la poursuite. Elle a indiqué que le poursuivi était domicilié rue 1______ no. ______ [code postal] Genève.
d. Le 2 janvier 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a communiqué à B______ un avis de saisie.
e. Le même jour, se fondant sur un contrat de bail à loyer fourni par B______ lors d'une précédente audition, le 9 juin 2023, l'Office a prononcé une décision de non-lieu de saisie, au motif que le débiteur avait quitté le canton de Genève pour s'établir à D______ (VS), à la rue 3______ no. ______.
B. a. Par acte posté le 12 janvier 2024, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de non-lieu de saisie du 2 janvier 2024, reçu le 5 janvier 2024. Elle exposait qu'à sa connaissance B______ était toujours domicilié à Genève. Il n'avait pas annoncé son départ à l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) ou à l'Office cantonal des véhicules. Son nom figurait sur la boîte à lettres au no. _______ rue 1______ à Genève, alors qu'il n'apparaissait sur aucune des boîtes aux lettres de l'immeuble situé rue 3______ no. ______ à D______.
b. Dans son rapport du 15 février 2024, l'Office a confirmé que B______ n'avait effectivement pas annoncé son départ de Genève à l'OCPM et ne s'était pas non plus enregistré auprès du contrôle des habitats de D______. Sa mère, C______, domiciliée rue 1______ no. ______ à Genève, avait toutefois déclaré, en janvier 2024, que son fils ne logeait plus chez elle depuis trois mois. Selon le bailleur de l'appartement de la rue 3______ no. ______ à D______, le bail à loyer était toujours au nom de B______ et le loyer était payé. La co-titulaire du bail à loyer, E______ avait par ailleurs indiqué qu'elle n'habitait pas à cette adresse. Le prénom du débiteur ne figurait en outre pas sur la boîte aux lettres et sur la porte de l'appartement situé rue 1______ no. ______ à Genève, seul le nom de famille B______ y était. Pour l'Office, B______, qui avait confirmé par téléphone qu'il était domicilié à D______, avait quitté son domicile de Genève pour s'établir en Valais avant l'avis de saisie du 2 janvier 2024. En l'absence d'un for de la poursuite, la décision de non-lieu de saisie était justifiée.
Selon le contrat de bail de l'appartement de D______ produit par l'Office, la location avait commencé le 1er juin 2023.
c. A______ a observé, dans son écriture du 29 février 2024, que l'existence d'un bail à loyer au nom du débiteur et d'une seconde personne n'établissait pas l'existence d'un domicile. B______ n'avait effectué aucune démarche en vue du changement de domicile et son nom de famille figurait sur la boîte à lettres et la porte de l'appartement de Genève. Sa mère s'était limitée à indiquer qu'il était absent depuis trois mois et B______ détenait toujours un véhicule immatriculé GE 4______. A la date de l'envoi de l'avis de saisie, B______ était toujours domicilié à Genève. A______ a communiqué des photos des boîtes aux lettres et de la porte d'entrée de l'immeuble de D______.
d. Par courrier du 30 mai 2024, A______ a encore fait savoir que selon les renseignements téléphoniques obtenus de l'office des poursuites de D______, B______ était inconnu à l'adresse rue 3______ no. ______.
e. B______ est toujours enregistré dans la base de données de l'OCPM à l'adresse rue 1______ no. ______ à Genève. Le courrier recommandé que la Chambre de céans a adressé à B______ 16 mai 2024 à l'adresse rue 3______ no. ______, [code postal] D______, a été retourné par la Poste avec la mention "le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée"; celui envoyé à l'adresse c/o C______, rue 1______ no. ______ à Genève a été retourné avec l'indication "non réclamé".
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2. 2.1.1 Selon l'art. 46 al. 1 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur. Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC: une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6;
136 II 405 consid. 4.3; arrêts 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1 et l'autre arrêt cité). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b).
Le dépôt de papiers d’identité, des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou des indications ressortant de permis de circulation, de permis de conduire ou de publications officielles constituent des indices sérieux de l’existence du domicile au lieu que ces documents indiquent et fondent même à cet égard une présomption de fait, que des preuves contraires peuvent toutefois renverser (ATF 125 III 100 consid. 3 et les références citées). Ils ne sauraient l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.15A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).
2.1.2 Si le débiteur change de domicile après l'avis de saisie, après la commination de faillite ou après la notification du commandement de payer pour effets de change, la poursuite se continue au même domicile (art. 53 LP). L'art. 53 LP situe la perpétuation du for à l'avis de saisie (art. 90 LP) dans la poursuite ordinaire, soit au moment de sa communication. Les modifications antérieures changent le for (Schüpbach, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 6 ad art. 53 LP).
C'est l'office compétent à raison du lieu pour diligenter la poursuite, soit en principe celui du domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP) qui décide de procéder à la saisie. Il examine d'office s'il est encore compétent territorialement (Foëx, Commentaire Romand, poursuites et faillites, 2005, n° 2 et 3 ad art. 89 LP). La preuve de la mutation incombe à qui l'invoque. L'office vérifie d'office les conditions de la perpétuation (ATF 120 III 110 = JdT 1997 II 78, SJ 1995 296; Schüpbach, op. cit., n° 18 ad art. 53 LP).
2.2 En l'espèce, le commandement de payer a pu être notifié au débiteur à l'adresse rue 1______ no. ______, à Genève, le 27 octobre 2023. Il résulte en outre des registres de l'OCP que le poursuivi serait – depuis une période antérieure au dépôt de la réquisition de poursuite et aujourd'hui encore – domicilié à cette adresse, auprès de sa mère. Bien qu'elle n'ait qu'une valeur d'indice, cette inscription atteste du fait que le poursuivi a manifesté à l'égard des autorités sa volonté d'être domicilié à Genève.
Le poursuivi a certes remis à l'Office un contrat de bail à loyer concernant un appartement à D______, mais il résulte du dossier qu'il n'a pas annoncé son arrivée dans cette commune aux autorités. Le poursuivi était d'ailleurs à son domicile genevois à fin octobre 2023, lorsque le commandement de payer lui a été notifié, alors qu'il était censé résider en Valais depuis juin 2023 selon le contrat de bail à loyer. De plus, son nom ne figure pas sur les boîtes aux lettres de l'immeuble de D______ et le courrier que la Chambre de céans lui a envoyé à cette adresse a été retourné avec l'indication "inconnu à cette adresse". La mère de l'intéressé a déclaré à l'Office que son fils était bien domicilié chez elle mais qu'il était absent depuis trois mois sans laisser de nouvelles, ce qui ne signifie pas encore qu'il s'est constitué un autre domicile.
Il s'agit d'indices qui permettent de douter de la réalité du domicile en Valais et qui contredisent les déclarations fournies par le débiteur au téléphone à l'Office.
Dans ces circonstances, et au vu des maigres éléments de fait dont il disposait, l'Office ne pouvait conclure à la disparition du for de poursuite ayant existé à Genève.
La plainte est donc bien fondée dans la mesure où il est reproché à l'Office d'avoir prématurément dénié l'existence d'un for de poursuite. La décision de non-lieu du 2 janvier 2024 sera donc annulée. Il appartiendra à l'Office de compléter ses investigations, notamment en interpellant au besoin l'Office cantonal des véhicules, l'administration fiscale cantonale, les institutions qui versent des rentes au débiteur, voire les établissements bancaires, afin de déterminer si le for de la poursuite est toujours à Genève.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 12 janvier 2024 par A______ contre le procès-verbal de non-lieu de saisie du 2 janvier 2024 dans la poursuite n° 2______.
Au fond :
L'admet.
Annule la décision de non-lieu du 2 janvier 2024.
Invite l'Office cantonal des poursuites à procéder dans le sens des considérants de la présente décision.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.