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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/603/2024

DCSO/305/2024 du 28.06.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/603/2024-CS DCSO/305/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 27 JUIN 2024

 

Plainte 17 LP (A/603/2024-CS) formée en date du 20 février 2024 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 1er juillet 2024
à :

-       A______

______

______ [GE].

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service du contentieux

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Sur requête de l'ETAT DE GENEVE, Administration fiscale cantonale, le Tribunal de première instance a ordonné, le 20 décembre 2023, le séquestre du "salaire et toutes autres rétributions versés à A______, et de tous revenus perçus par sa position d'associé gérant, dans le cadre de son activité auprès et pour le compte de la société B______ SARL, ainsi que sur tous les biens, avoirs, pièces, valeurs, désignation conventionnelle, pseudonyme ou numéro, et plus particulièrement le compte bancaire n° 1______ dont était titulaire A______ auprès [de la banque] C______", à concurrence des montants de 129'952 fr. 85, 86'796 fr. 60, 5'095 fr. 15, 40'704 fr. 20 et 700 fr. 40, avec suite d'intérêts, à titre d'impôt cantonal et communal et impôt fédéral direct pour 2019, 2020 et 2021.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a exécuté le séquestre et établi le 3 janvier 2024 un procès-verbal de séquestre, n° 2______.

Il a constaté le non-lieu de séquestre visant diverses rémunérations du débiteur, en mains de B______ SARL, cette société n'étant pas atteignable à l'adresse mentionnée dans l'ordonnance de séquestre, ni à son siège social.

Il a par ailleurs pris acte du fait que C______ avait pris note du séquestre et informerait l'Office de sa portée une fois l'ordonnance devenue définitive.

Le procès-verbal de séquestre a été notifié le 3 janvier 2024 à A______ et reçu le 5 janvier 2024 par ce dernier.

B. a. Par acte expédié le 20 février à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre l'exécution du séquestre par l'Office, invoquant l'impossibilité d'entretenir sa famille du fait que tous ses comptes étaient bloqués depuis deux mois, alors que ses seuls revenus consistaient dans une rente AVS versée sur ces comptes. Il invoquait une atteinte à son minimum vital.

b. Dans ses observations du 18 mars 2024, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte pour tardiveté, subsidiairement à son rejet.

Il a exposé que le débiteur n'avait pas déféré à sa demande de renseignements du 28 février 2024, l'invitant à fournir des décomptes bancaires originaux, permettant de déterminer la source des montants qui y étaient crédités afin de préserver sa rente AVS. L'Office avait réitéré le 8 mars 2024 son invitation au débiteur à lui remettre ses documents bancaires pour les trois mois précédant le séquestre. Le plaignant avait communiqué le même jour un extrait bancaire du compte de B______ SARL de novembre et décembre 2023, ainsi qu'un extrait de son compte personnel du 18 décembre 2023 au 29 février 2024. Le premier faisait état d'un crédit de l'ordre de 20'000 fr. émanant d'une société D______ SA et de débits consistant en des dépenses du plaignant telles que loyer, restaurant, magasin, billet d'avion, location de véhicule, approvisionnement d'une carte bancaire. Le second faisait état, au crédit, du versement d'une rente AVS de 2'305 fr., de remboursements par une assurance-maladie, de crédits de B______ SARL et de crédits provenant d'un autre compte au nom du débiteur, et au débit, de dépenses courantes et retraits au bancomat. L'Office en avait tiré la conclusion que les revenus du débiteur ne se limitaient pas à sa rente AVS contrairement à ce qu'il avait affirmé dans sa plainte et que ce dernier disposait d'autres comptes que ceux qu'il avait bien voulu déclarer et documenter. En l'absence d'informations plus précises, l'Office ne pouvait procéder à un calcul fiable du minimum vital, ni vérifier qu'il ne séquestrait pas la rente AVS du plaignant. Il appartenait au débiteur de fournir les éléments nécessaires à cette fin, ce qu'il n'avait pas fait.

L'Office précisait également que le séquestre ne portait que sur la créance envers la banque à la date de son exécution, soit le 20 décembre 2023, de sorte qu'il n'emportait pas blocage des montants crédités ultérieurement, soit les revenus courants du plaignant. Ceux-ci étaient par conséquent à disposition de ce dernier.

c. Dans ses observations du 5 mars 2024, l'ETAT DE GENEVE a conclu au rejet de la plainte. S'agissant du calcul du minimum vital du débiteur, il renvoyait aux observations de l'Office. Pour le surplus il exposait avoir entrepris de recouvrer les impôts dus par le plaignant de 2014 à 2021. Il avait tenté d'avoir des contacts avec le débiteur et sa fiduciaire à plusieurs reprises depuis décembre 2023, sans succès.

d. La Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 20 mars 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, d'une saisie, respectivement d'un séquestre violant de façon manifeste le minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78; arrêt du Tribunal fédéral 5A_680/2015 du 6 novembre 2015 consid. 3).

1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

1.3.1 En application de l'art. 275 LP, les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie sont applicables au séquestre, notamment les normes d'insaisissabilité des rentes AVS (asrt. 92 LP) et de saisissabilité relative des revenus du travail (art. 93 LP).

1.3.2 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

1.3.3 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

Si des revenus du débiteur sont insaisissables au sens des articles 92 et 93 LP, ils sont néanmoins ajoutés aux revenus saisissables afin de calculer la quotité saisissable (ATF 135 III 20 consid. 5.1).

1.3.4 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial (Ochsner, op. cit., p. 132).

D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

Seuls les montants effectivement payés doivent être pris en compte (ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; ATF 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; ATF 112 III 19, JdT 1988 II p. 118).

1.4 En l'occurrence, la plainte est tardive puisque formée plus de dix jours après la réception par le débiteur du procès-verbal de séquestre. En outre, elle ne satisfait pas aux réquisits de motivation puisqu'elle ne comporte qu'une allégation d'atteinte à l'insaisissabilité de la rente AVS et à une atteinte au minimum vital. Le plaignant n'expose aucune circonstance de fait permettant de statuer sur ces points et ne produit aucune pièce pertinente à cet égard.

La plainte devrait ainsi en principe être déclarée irrecevable pour ces seuls motifs. Cela étant, une atteinte au minimum vital du débiteur étant alléguée, la plainte serait en tout état recevable si une telle atteinte devait être constatée, s'agissant d'un cas de nullité au sens de l'art. 22 al. 1 LP.

Or, avec l'Office, la Chambre constate que le plaignant ne collabore pas et n'expose pas de manière claire sa situation professionnelle et financière, afin de permettre la détermination de ses ressources, de son minimum vital et de la quotité saisissable de ses revenus. Il tente même de dissimuler ses ressources en prétendant ne vivre qu'au moyen de sa rente AVS, alors que les quelques décomptes bancaires produits auprès de l'Office suffisent à constater que tel n'est pas le cas, dans une mesure non négligeable.

En outre, le séquestre n'ayant porté que sur des créances bancaires, seules ces dernières dans leur état au 20 décembre 2023 sont séquestrées, de sorte que les bonifications ultérieures ne sont pas atteintes par cette mesure. Il en résulte qu'il n'existe en tous les cas plus aucune atteinte au minimum vital du débiteur depuis le 20 décembre 2023.

Faute pour le plaignant d'avoir rendu ne serait-ce que vraisemblable une atteinte à son minimum vital qui aurait autorisé le dépôt d'une plainte hors délai et non motivée, sa plainte sera déclarée irrecevable pour tardiveté et absence de motivation.

2. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 20 février 2024 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 2______ du 3 janvier 2024.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.