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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/204/2024

DCSO/224/2024 du 29.05.2024 ( PLAINT ) , SANS OBJET

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/204/2024-CS DCSO/224/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 28 MAI 2024

 

Plainte 17 LP (A/204/2024-CS) formée en date du 18 janvier 2024 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______

______

______ [GE].

- ETAT DE GENEVE (AFC)

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- C______

______

______ [GE].


- ETAT DE GENEVE (SDC)

Chemin de la Gravière 5

1227 Les Acacias.

- D______ SA

______

______ [ZH].

- E______ SA

______

______ [LU].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ a été marié à C______ de 2015 à 2021. Un enfant est issu de cette union, F______, né le ______ 2013, dont A______ a vraisemblablement la garde.

b. A______ s'est remarié le ______ 2022 avec G______, laquelle est la mère d'un enfant né le ______ 2010 d'une relation antérieure, H______ (et non "I______, né le ______ 2010", comme mentionné par erreur dans divers actes de poursuites). Ce dernier vit avec sa mère et A______.

c. A______ a travaillé pour J______ SARL jusqu’à son licenciement le 31 août 2023. Il bénéfice depuis lors d'indemnités journalières versées par la [caisse de chômage] K______. En raison d'une suspension du droit aux indemnités de plus de 30 jours, il n'en a pas touché en septembre et octobre 2023. Il a perçu un montant net de 3'763 fr. en novembre 2023 pour 22 jours indemnisés.

d. A______ fait l'objet de poursuites parvenues au stade de la saisie.

Actuellement, trois séries de saisies sont actives :

Ø n° 1______, regroupant 7 créanciers pour un total de 9'470 fr. 90 plus frais et intérêts, ordonnant la saisie des revenus du débiteur à concurrence de toutes sommes dépassant le montant de 1'200 fr. par mois, du 12 juin 2023 au 12 juin 2024 (procès-verbal de saisie du 2 août 2023);

Ø n° 2______, regroupant 1 créancier pour un total de 652 fr. plus frais et intérêts, ordonnant la saisie des revenus du débiteur à concurrence de toutes sommes dépassant le montant de 1'200 fr. par mois, du 13 juin 2024 au 28 août 2024 (procès-verbal de saisie du 9 octobre 2023);

Ø n° 3______, regroupant 2 créanciers pour un total de 5'627 fr. 75 plus frais et intérêts, ordonnant la saisie des revenus du débiteur à concurrence de toute somme dépassant le montant de 3'965 fr. par mois, du 29 août 2024 au 6 novembre 2024 (procès-verbal de saisie du 12 janvier 2024).

B. a. Par acte expédié le 18 janvier 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites, A______ a formé une plainte contre la saisie de ses revenus prononcée par l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office).

Le plaignant a en substance exposé ne pas pouvoir subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes avec le montant de 1'200 fr. par mois. Il reprochait également à l'Office d'avoir bloqué son compte bancaire en septembre 2023. Il avait pu éviter la résiliation du bail de son appartement parce que son épouse avait obtenu le 15 décembre 2023 de l'Office la libération des gains saisis à hauteur de sommes permettant de régler le loyer et les primes d'assurance maladie.

b. La plainte étant très sommairement motivée et peu circonstanciée, mais laissant néanmoins entrevoir le risque d'une atteinte flagrante au minimum vital du débiteur, la Chambre de surveillance a invité l'Office à déposer des observations dans l'optique de rendre d'office une décision sur effet suspensif.

c. Dans ses observations du 23 janvier 2023, l'Office a exposé que la saisie avait été effectuée à concurrence de tous montants supérieurs à 1'200 fr. par mois et que les avoirs bancaires du débiteur avaient été saisis, à titre provisionnel, parce que le débiteur n'avait pas collaboré aux opérations de saisie, ne se présentant pas aux convocations et ne produisant pas les documents requis, de sorte que sa situation n'avait pu être déterminée pendant plusieurs mois. Lors de son audition du 2 novembre 2023, puis du 18 janvier 2024, le débiteur avait mieux coopéré de sorte que la saisie avait été portée à tous montants supérieurs à 3'965 fr. par mois dans le cadre de la série n° 3______ compte tenu du calcul du minimum vital suivant :

- 1'700 fr. base mensuelle d'entretien pour un couple,

- 289 fr. base mensuelle d'entretien pour H______ (600 fr. moins 311 fr. d'allocations familiales),

0 fr. pas de base mensuelle d'entretien retenue pour F______ "car pas de jugement de garde complète",

- 56 fr. 70 assurance maladie du débiteur,

- 527 fr. 20 assurance maladie du conjoint débiteur,

16 fr. 60 assurance maladie de H______,

16 fr. 60 assurance maladie de F______,

- 80 fr. frais de recherche d'emploi du débiteur,

- 70 fr. frais de transport du débiteur

- 45 fr. frais de transport de H______,

- 45 fr. frais de transport de F______,

- 1'181 fr. loyer, charges comprises.

L'Office ne s'est toutefois pas prononcé sur l'éventuelle modification des saisies dans les séries 1______ – actuellement active – et 2______. Il mentionne une restitution d'une partie des gains saisis pour décembre 2023 mais n'en a précisé ni les motifs ni la portée.

d. Par décision du 6 février 2024, la Chambre de surveillance a renoncé à octroyer l'effet suspensif à la plainte, la modification du calcul du minimum vital du plaignant par l'Office permettant d'écarter le risque d'une atteinte flagrante à son minimum vital.

En revanche, la Chambre de céans invitait l'Office à préciser, dans ses observations sur le fond de la cause, si les procès-verbaux de saisie dans les séries n° 1______ et n° 2______ avaient bien été modifiés à l'instar du procès-verbal de saisie série n° 3______.

e. Dans ses observations du 27 février 2024, l'Office a confirmé avoir modifié la saisie en cours d'exécution et les saisies à venir des revenus du débiteur. De surcroît, le débiteur ayant fourni un jugement lui octroyant la garde de F______, l'Office a modifié une nouvelle fois le calcul des charges de la famille du débiteur selon les modalités suivantes, avec effet rétroactif au mois de novembre 2023 :

- 1'700 fr. base mensuelle d'entretien pour un couple,

- 289 fr. base mensuelle d'entretien pour H______ (600 fr. moins 311 fr. d'allocations familiales),

289 fr. base mensuelle d'entretien pour F______ (idem),

- 56 fr. 70 assurance maladie du débiteur,

- 527 fr. 20 assurance maladie du conjoint débiteur,

16 fr. 60 assurance maladie de H______,

16 fr. 60 assurance maladie de F______,

- 80 fr. frais de recherche d'emploi du débiteur,

- 70 fr. frais de transport du débiteur,

- 70 fr. frais de transport du conjoint du débiteur,

- 45 fr. frais de transport de H______,

- 45 fr. frais de transport de F______,

- 1'181 fr. loyer, charges comprises.

 

4'386 fr. 10 TOTAL

L'Office a ainsi notifié un avis le 26 février 2024 à la [caisse de chômage] K______ ramenant la saisie des revenus du débiteur à toutes sommes supérieures à 4'390 fr. par mois. Il a restitué les montants saisis dépassant ce seuil pour les mois de novembre et décembre 2023. En revanche, il refusé de restituer des montants pour les mois de juin à août 2023, la preuve d'une quotité saisissable supérieure au montant saisi n'ayant pas été établie par les pièces fournies par le plaignant et le montant laissé à sa disposition permettant de couvrir les bases mensuelles d'entretien de toute la famille. Finalement, l'Office a observé que les avis de saisie adressés aux banques n'avaient pas porté.

Compte tenu de ce qui précède, l'Office s'en rapportait à justice s'agissant de la recevabilité de la plainte et concluait en tout état à son rejet puisqu'elle était devenue sans objet.

f. Les divers créanciers participant aux trois séries de saisies litigieuses s'en sont soit rapporté à justice, soit ont renoncé à se déterminer sur la plainte.

g. Les parties ont été informées par avis du 1er mars 2024 de la Chambre de surveillance que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.3 Lorsque le débiteur entend se plaindre d'une saisie prétendument contraire aux art. 92 et 93 LP, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne peut en principe être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 2010, n° 19 ad art. 112 LP et Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 4 ad art. 114 LP).

A l'inverse, le débiteur est censé avoir renoncé à se prévaloir de ce moyen s'il ne s'est pas adressé à l'autorité de surveillance dans les dix jours suivant la communication du procès-verbal de saisie. La jurisprudence a cependant tempéré cette exigence et admis, pour des raisons d'humanité et de décence, que la nullité d'une saisie peut être prononcée, malgré la tardiveté de la plainte, lorsque la mesure attaquée prive le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher. L'exception ainsi faite à la règle a été étendue aux cas où la saisie porte une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF 97 III 7, JdT 1973 II 20 ss; cf. ég. ATF 114 III 78, JdT 1990 II 162 ss).

1.2 En l'espèce, la saisie, telle qu'opérée par l'Office, à titre provisionnel et en raison de l'absence de collaboration du débiteur, portait à l'évidence une atteinte flagrante au minimum vital du débiteur de sorte que la plainte était recevable même si elle était tardive au vu de la date de notification des différents procès-verbaux de saisie entrepris.

2. 2.1 En cas de plainte, l'office peut procéder à un nouvel examen de la décision attaquée et la modifier jusqu’à l’envoi à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte; si l'office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP).

Si l'Office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance déclarera la plainte sans objet si le plaignant a obtenu le plein des conclusions formulées dans la plainte par la nouvelle décision de l'Office. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de surveillance reste saisie dans la mesure où le plaignant n'a pas obtenu satisfaction par la nouvelle décision de l'Office
(ATF 126 III 85, SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 60, 61, 64 à 66 ad art. 17 LP).

2.2 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, Commentaire Romand, op. cit., n° 82 ad art. 93 LP).

La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (art. 1 NI), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 132).

2.3 En l'espèce, la plainte était dirigée contre des procès-verbaux de saisie fixant le montant des revenus saisissables de débiteur à tous montants supérieurs à 1'200 fr. par mois, correspondant à la base d'entretien pour un adulte vivant seul. L'Office avait fixé la saisie à ce montant en l'absence de collaboration du débiteur qui ne s'était pas présenté à son audition en vue de l'exécution de la saisie. Il ne disposait en effet d'aucun élément sur les revenus et les charges du débiteur, ni sur sa situation familiale.

Le débiteur ayant par la suite collaboré, l'Office a pu réunir peu à peu les éléments nécessaires au calcul du minimum vital et de la quotité saisissable des revenus du débiteur, conformément aux principes exposés ci-dessus.

Les dernières modifications annoncées par l'Office dans ses observations sur le fond de la plainte ont permis de constater que la saisie est désormais en tous points conforme aux normes de saisissabilité, compte tenu des charges annoncées par le débiteur. Les trois procès-verbaux de saisie en force ont été modifiés de sorte que les atteintes au minimum vital du débiteur sont désormais écartées, pour le passé et l'avenir.

L'Office a par ailleurs procédé aux réglages pour le passé en restituant les saisies dépassant le minimum vital nouvellement calculé.

La plainte est ainsi devenue sans objet.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte de A______ du 18 janvier 2024 contre les procès-verbaux de saisie, séries n° 1______, n° 2______ et 3______.

Au fond :

Constate qu'elle est devenue sans objet.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; M. Anthony HUGUENIN et M. Luca MINOTTI, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.