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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2960/2023

DCSO/155/2024 du 18.04.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2960/2023-CS DCSO/155/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 AVRIL 2024

 

Plainte 17 LP (A/2960/2023-CS) formée en date du 14 septembre 2023 par A______, représenté par Me Tania SANCHEZ WALTER, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 19 avril 2024
à :

-       A______

c/o Me SANCHEZ WALTER Tania

SWDS Avocats

Rue du Conseil-Général 4

Case postale 412

1211 Genève 4.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Les époux B______ et A______ se sont séparés en 2017.

Une procédure en divorce les oppose depuis 2018. Elles y sont représentées par avocats.

La procédure a été suspendue entre 2019 et 2021.

B______ a déposé un mémoire de réponse à la demande en divorce le 14 février 2022 dans lequel il mentionne son adresse à l'avenue 1______ no. ______, [code postal] C______ / Genève.

Une ordonnance sur mesures provisionnelles du 31 mars 2022 règle provisoirement les modalités de la séparation et condamne B______ à verser à A______ la somme mensuelle de 2'600 fr. à titre de contribution à son entretien dès le 1er novembre 2021.

b. A______ a fait notifier à B______, avenue 1______ no. ______, [code postal] C______, à Genève, le 26 août 2022 un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour le paiement d'un montant de 23'400 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 31 mars 2022 à titre de contribution d'entretien échue depuis le 1er novembre 2021.

Ce document a été reçu par "D______, sa femme", selon le procès-verbal de notification figurant au dos du commandement de payer.

c. B______ ayant formé opposition au commandement de payer le 2 septembre 2022, le Tribunal de première instance a prononcé sa mainlevée définitive par jugement JTPI/3415/2023 du 17 mars 2023, étant précisé que le débiteur a été assigné dans le cadre de cette procédure à l'adresse avenue 1______ no. ______, [code postal] C______ et ne s'y est pas opposé.

d. A______ a requis la continuation de la poursuite le 20 juin 2023.

e. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a communiqué le 26 juin 2023 à B______, en son domicile élu chez son avocat, un avis de saisie et l'a convoqué pour un interrogatoire le 5 juillet 2023.

Le débiteur ne s'est toutefois rendu à l'Office que le 17 juillet 2023 et y a déclaré avoir quitté Genève en octobre 2021 pour s'installer dans la commune de E______, en Valais. Il a déposé une attestation de ladite commune du 6 avril 2022 le confirmant. Il a également produit un bail, conclu le 21 septembre 2021 à son nom et à celui d'une certaine F______ portant sur un logement situé au chemin 3______ nos. ______ à E______, et des fiches de salaire à son nom, libellées à cette même adresse. Il contestait par conséquent qu'un for de poursuite existait à Genève permettant d'y ouvrir les opérations de saisie.

L'Office a procédé à une vérification auprès de l'Office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après OCPM), dont il ressort que le débiteur s'est effectivement annoncé partant du canton, pour E______, avec effet au 1er octobre 2021.

f. L'Office a établi le 31 août 2023 un procès-verbal de non-lieu de saisie, faute de for de la poursuite à Genève.

A______ a reçu cette décision le 4 septembre 2023.

B. a. Par acte expédié le 14 septembre 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre le procès-verbal de non-lieu de saisie, concluant à ce qu'il soit annulé et à ce qu'il soit procédé à la saisie du débiteur. Subsidiairement, elle a conclu à ce que l'Office délègue à l'Office des poursuites des Districts de G______ la saisie du débiteur.

Elle contestait en substance le transfert du domicile de B______ en Valais, ce dernier ayant produit de nombreuses pièces dans la procédure de divorce, postérieures au 1er octobre 2021, permettant de constater qu'il restait domicilié au chemin 1______ à C______ (adresse mentionnée sur le mémoire de réponse à la demande de divorce du 11 février 2022; charge de loyer alléguée dans la procédure de divorce correspondant au logement de C______ et non pas à celui de E______; documents relatifs à l'assurance-maladie, à la prévoyance professionnelle troisième pilier et aux comptes bancaires du débiteur adressés au chemin 1______; déclaration fiscale 2021 déposée exclusivement à Genève et ne mentionnant pas de changement de domicile en cours d'exercice fiscal). Il n'avait pas annoncé de déménagement dans le cadre de la procédure de divorce. Finalement, la ou les sociétés exploitées par le débiteur, dont émanaient ses fiches de salaire, avaient toutes leur siège à Genève. Elle prétendait qu'il avait en réalité annoncé récemment aux autorités administratives son départ pour le Valais, avec effet rétroactif au 1er octobre 2021, dans le but de bloquer la saisie à Genève.

b. Dans ses observations des 17 et 20 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que le changement de domicile du débiteur était établi. Ce dernier avait expliqué, lors de son interrogatoire du 17 juillet 2023, que l'appartement du chemin 1______ était occupé par son ancienne compagne, D______. Cette dernière avait été entendue par l'Office le 18 octobre 2023 et avait confirmé que B______ n'habitait plus dans cet appartement; elle ignorait où il habitait précisément, mais savait qu'il vivait avec une nouvelle compagne dans la région de H______ [VD]. L'Office avait certes constaté que le nom du débiteur était resté sur la porte et la boîte-aux-lettres du logement du chemin 1______, mais D______ avait expliqué que cela correspondait à la "formalisation" convenue entre eux. On pouvait par ailleurs constater dans les décomptes bancaires du débiteur fournis à l'Office que des retraits étaient certes effectués à I______ [GE] et J______ [GE], lieu de situation de la ou des entreprises du débiteur, mais également à E______, K______ [VD] et L______ [VD], en particulier les week-ends; on y constatait également des flux financiers avec les autorités administratives valaisannes, notamment l'administration fiscale, depuis 2022. L'Office avait ainsi acquis la conviction que le débiteur était domicilié à E______ et non plus à Genève au moment d'exécuter la saisie.

c. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 24 octobre 2023 que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 46 al. 1 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur. Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC: une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 136 II 405 consid. 4.3; arrêts 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1 et l'autre arrêt cité). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.15A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).

Si le débiteur change de domicile après l'avis de saisie, après la commination de faillite ou après la notification du commandement de payer pour effets de change, la poursuite se continue au même domicile (art. 53 LP). L'art. 53 LP situe la perpétuation du for à l'avis de saisie (art. 90 LP) dans la poursuite ordinaire, soit au moment de sa communication. Les modifications antérieures changent le for (CR LP-Schüpbach, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 6 ad art. 53 LP).

2.1.2 C'est l'office compétent à raison du lieu pour diligenter la poursuite, soit en principe celui du domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP) qui décide de procéder à la saisie. Il examine d'office s'il est encore compétent territorialement (Foëx, Commentaire Romand, poursuites et faillites, 2005, n° 2et 3 ad art. 89 LP).

La preuve de la mutation incombe à qui l'invoque. L'office vérifie d'office les conditions de la perpétuation (ATF 120 III 110 = JdT 1997 II 78, SJ 1995 296; Schüpbach, op. cit., n° 18 ad art. 53 LP).

2.1.3 Lorsque le débiteur transfère son domicile après le dépôt de la réquisition de poursuite mais avant la signification du commandement, la solution n'est pas dans l'entraide qui implique la compétence de l'office saisi, mais dans la transmission spontanée à l'office compétent s'il est identifiable (art. 32 al. 2 LP; ATF 127 III 567; Schüpbach, op. cit., n° 20 ad art. 53 LP).

2.2 En l'espèce, le débiteur a allégué et suffisamment prouvé devant l'Office avoir déplacé son domicile en Valais avant l'ouverture de la poursuite litigieuse à tout le moins. Non seulement les inscriptions ad hoc auprès des autorités valaisannes et genevoises ont été effectuées, mais elles se doublent d'indices complémentaires qui ne laissent que peu de doutes : le débiteur a conclu un bail avec sa compagne en Valais dont la date d'entrée en vigueur coïncide avec la date d'annonce de son déménagement aux autorités; il verse des impôts en Valais depuis 2022; il effectue des achats en Valais durant les week-ends; ses fiches de salaires – certes émanant d'une entreprise qu'il exploite – sont libellées avec son adresse en Valais. Le fait que ses entreprises se trouvent à Genève n'exclut pas un domicile dans un autre canton, à environ une heure de route. Contrairement à ce que soutient la plaignante, l'avis de changement de domicile effectué auprès des autorités n'a pas eu lieu récemment dans le but de bloquer la saisie en cours, mais à tout le moins avant le 6 avril 2022 puisque l'attestation des autorités valaisannes date de cette époque, soit bien avant l'ouverture de la poursuite litigieuse. En outre, le fait que l'adresse de Genève du débiteur a continué à apparaître dans la procédure de divorce n'est pas étonnant dès lors que les données enregistrées au début des procédures ne sont généralement plus modifiées ultérieurement; en outre, le fait que le divorce des conjoints ne porte pas sur le sort d'enfants mineurs rend la question du domicile des parties peu pertinente – hormis pour le montant du loyer du logement de l'époux –, de sorte que ce point n'avait pas à être spécifiquement instruit. Finalement, le fait qu'un certain nombre de correspondants du débiteur continue à lui écrire à son adresse genevoise où son nom figure toujours n'est pas suffisant à établir qu'il y vivrait encore; son ancienne compagne y loge et un accord semble exister entre eux pour que le débiteur garde des coordonnées postales à cette adresse et que le courrier lui soit transmis; en tout état, ces quelques éléments ne sont pas suffisants à renverser la preuve d'un domicile en Valais qui découle d'indices plus nombreux et substantiels.

En conclusion, l'Office disposait de tous les éléments nécessaires pour rendre la décision entreprise et la plaignante n'apporte aucun élément nouveau autorisant à mettre en doute les conclusions de l'Office s'agissant de l'absence de for de la poursuite à Genève.

La plainte sera par conséquent rejetée dans cette mesure.

2.3 Le raisonnement ne s'arrête toutefois pas là et l'Office a omis de tirer les conséquences de sa décision, soit l'obligation de transmettre, en application de l'art. 32 al. 2 LP, la réquisition de continuer la poursuite de la plaignante à l'office compétent, ainsi que cette dernière le requiert à titre subsidiaire. La plainte est par conséquent admise dans la mesure de ses conclusions subsidiaires.

L'Office sera par conséquent invité à transmettre la réquisition de continuer la poursuite à l'Office des poursuites des Districts de G______.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte du 14 septembre 2023 de A______ contre le procès-verbal de non-lieu de saisie dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

La rejette dans la mesure où elle conclut à l'annulation dudit procès-verbal de non-lieu de saisie.

L'admet dans la mesure où elle conclut à la transmission à l'Office des poursuites des Districts de G______ de la réquisition de continuer la poursuite.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.