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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3655/2023

DCSO/154/2024 du 18.04.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3655/2023-CS DCSO/154/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 AVRIL 2024

 

Plainte 17 LP (A/3655/2023-CS) formée en date du 7 novembre 2023 par A______, représenté par Me Christian BRUCHEZ, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 19 avril 2024
à :

-       A______

c/o Me BRUCHEZ Christian

WAEBER AVOCATS

Rue Verdaine 12

Case postale 3647

1211 Genève 3.

- B______ SA

______

______.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______, domicilié à C______ (France), déploie une activité professionnelle indépendante à Genève en qualité de ______ dans un cabinet [de médecine non conventionnelle] situé rue 2______ no. ______, [code postal] E______ (Genève).

b. B______ SA, ayant son siège à Genève, ancien employeur de A______, a requis la poursuite de ce dernier, pour des montants de 300 fr., 500 fr. et 6'185 fr. 90 découlant d'un arrêt de la Cour de justice du 22 septembre 2022 rendu entre les parties et concernant les anciens rapports de travail qui les ont liés.

c. L'Office cantonal des poursuites a établi le 3 octobre 2023 un commandement de payer, poursuite n° 1______, qu'il a notifié le 30 octobre 2023 à A______ à l'adresse mentionnée par la créancière dans la réquisition de poursuite, soit rue 2______ no. ______, [code postal] E______.

d. Le débiteur a fait opposition au commandement de payer à sa réception.

B. a. A______ a également, par acte déposé le 7 novembre 2023 au greffe universel du Pouvoir judiciaire à destination de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après l'Office), formé une plainte contre la poursuite n° 1______, concluant à sa nullité, au motif qu'il n'était pas domicilié à Genève, mais en France, ce qui ressortait de l'arrêt de la Cour de justice dont l'exécution était requise par le biais de l'exécution forcée. L'adresse mentionnée dans la réquisition de poursuite correspondait à celle de son cabinet de ______ [profession dans la médecine non conventionnelle]. Il n'existait par conséquent aucun for de poursuite ordinaire à Genève (art. 46 LP). Il n'existait pas non plus de for au lieu de l'établissement genevois du débiteur domicilié à l'étranger (art. 50 al. 1 LP), la créance en poursuite ne concernant pas le cabinet de ______ du débiteur.

b. La plainte était assortie d'une requête d'effet suspensif, laquelle a été rejetée par ordonnance de la Chambre de surveillance du 13 novembre 2023.

c. Dans ses observations du 28 novembre 2023, l'Office s'en est rapporté à justice. En substance, il estimait qu'au moment de traiter la réquisition de poursuite, d'établir le commandement de payer et de le notifier, il ne pouvait douter que le débiteur était domicilié à l'adresse mentionnée dans la réquisition de poursuite par la créancière, même si le débiteur n'était pas inscrit dans les registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM) comme domicilié à Genève.

d. B______ SA ne s'est pas déterminée.

e. La Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 6 décembre 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1. Selon l'art. 46 al. 1 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur. Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC: une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6;
136 II 405 consid. 4.3; arrêts 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1 et l'autre arrêt cité). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.15A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).

2.1.2 L'art. 50 al. 1 LP prévoit que le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci. Le for spécial prévu par cette disposition ne dépend pas d'une inscription au registre du commerce mais est subordonné seulement à l'existence d'un établissement en Suisse du débiteur domicilié à l'étranger (ATF 114 III 6 consid.; 98 Ib 100 consid. 3; Schmid, in BAK SchKG I, 2ème éd. 2010, n. 9 ad art. 50 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 29 ss ad art. 50 LP). La notion d'établissement s'entend de tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains, des biens et des services (Schüpbach, in CR-LP, 2005, n. 8 ad art. 50 LP).

2.1.3 En application de l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit énoncer les nom et domicile du débiteur; c'est en premier lieu au poursuivant – et non à l'office – qu'il incombe de rechercher l'adresse du débiteur, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur; pour sa part, l'office doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend; si ces indications se révèlent inexactes ou insuffisamment précises, l'office doit impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaires (ATF 141 III 173 consid. 2.4 et les références citées; Gilliéron, Commentaire LP, n° 116 ad art. 67 LP).

Une réquisition de poursuite doit énoncer notamment le domicile du débiteur soit, selon le formulaire officiel (Form. 1), son adresse exacte, c’est-à-dire une adresse où le commandement de payer peut être notifié, lieu qui ne doit pas être confondu avec le lieu où le poursuivi domicilié à l’étranger possède un établissement en Suisse, à mentionner dans la réquisition de poursuite sous la rubrique « Autres observations » pour permettre à l’Office de vérifier sa compétence à raison du lieu (décision de la Chambre de surveillance DCSO/6/2008 du 17 janvier 2008; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 40 ad art. 67 LP). Ces mentions sont reprises dans le commandement de payer (art. 69 al. 2 ch. 1 LP).

L'Office doit vérifier les indications données par le créancier au sujet du domicile du débiteur, dès lors que sa compétence en dépend. En cas de changement de domicile du débiteur en cours de poursuite, il doit examiner d'office si ce changement est intervenu avant ou après le moment déterminant selon l'art. 53 LP. Quant aux autorités de surveillance, elles doivent veiller à chaque stade de la procédure au respect des règles de compétence; elles interviennent d'office si l'intérêt public ou les intérêts des tiers sont en jeu (ATF 120 III 110 consid. 1a; 80 III 99 consid. 1; arrêt 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.2).

2.2 En l'espèce, il n'est plus contesté par aucune des parties que le débiteur est domicilié en France et dispose d'un établissement à Genève où il exploite un cabinet de ______ en entreprise individuelle.

Il n'est pas contesté non plus que la créance en poursuite est en lien avec l'ancien emploi dépendant du débiteur à Genève et non pas son entreprise individuelle actuelle. La créancière n'a d'ailleurs jamais soutenu qu'elle revendiquait le for spécial de l'art. 50 al. 1 LP pour requérir la poursuite à Genève, ni n'avait rédigé sa réquisition conformément aux principes susrappelés en cas de recours à ce for spécial.

Il résulte de ce qui précède qu'il n'existe aucun for de la poursuite à Genève, que ce soit sur la base de l'art. 46 ou de l'art. 50 LP.

L'Office, qui s'était fondé sur les mentions figurant dans la réquisition de poursuite pour notifier le commandement de payer à ce qu'il avait considéré comme le domicile du débiteur, ne soutient plus, suite à l'instruction de la plainte, qu'un tel domicile existerait à Genève, ce que seule la créancière a soutenu dans la réquisition de poursuite, sans toutefois plus l'affirmer au cours de la procédure de plainte. Aucun indice n'existe d'ailleurs en ce sens, l'Office admettant, après vérification, que le débiteur n'avait jamais été inscrit auprès de l'OCPM comme domicilié dans le canton.

La plainte est partant fondée et la poursuite doit être annulée faute de for de poursuite à Genève.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 7 novembre 2023 de A______ contre la poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet et annule la poursuite.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.