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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3196/2023

DCSO/122/2024 du 28.03.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3196/2023-CS DCSO/122/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 MARS 2024

 

Plainte 17 LP (A/3196/2023-CS) formée en date du 2 octobre 2023 par A______, représenté par Me François Membrez, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me MEMBREZ François

WAEBER AVOCATS

Rue Verdaine 12

Case postale 3647

1211 Genève 3.

- B______ SÀRL

c/o Me HERITIER Christelle

HERITIER, FARQUET, CHERUBINI

Rue de la Poste 5

Case postale 440

1920 Martigny.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 14 septembre 2023, sur requête de A______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, au préjudice de B______ Sàrl, à hauteur de 109'159 fr., plus intérêts, et de 27'000 fr., des biens suivants :

- le stock de marchandises et le carburant appartenant à B______ Sàrl, situés au lieu de son siège, route 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE];

- le stock de marchandises et le carburant appartenant à B______ Sàrl, situés dans les locaux exploités par cette dernière, rue 2______ no. ______, [code postal] Genève;

- le compte bancaire IBAN 3______, ainsi que tous les avoirs, espèces, titres, valeurs, créances, dépôts détenus par B______ Sàrl auprès de D______.

b. Le même jour, des collaborateurs de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) ont été dépêchés à la rue 2______ et à la route 1______ en vue de l'exécution du séquestre sur les stocks de marchandises et de carburant. Selon leurs constatations, B______ Sàrl n'était plus l'exploitante des deux stations de service, celle de la rue 2______ étant fermée avec les présentoirs vides.

C'était la société E______ SA respectivement F______ SA, dont les représentants ont été contactés par l'Office, qui avaient repris ces activités, les contrats d'exploitation avec B______ Sàrl ayant été résiliés.

c. Selon le procès-verbal de séquestre du 20 septembre 2023, l'Office a prononcé un non-lieu de séquestre concernant le stock de marchandises et de carburant sur les sites de la rue 2______ et de la route 1______ et exécuté le séquestre bancaire.

L'Office a fondé sa décision sur des documents reçus de E______ SA et de F______ SA. Selon un courrier de F______ SA du 30 juin 2022 à B______ Sàrl, le contrat de distribution relatif à la station-service de la rue 2______ avait été résilié avec effet au 30 juin 2022. Par ailleurs, selon un contrat de surveillance entre F______ SA et G______ Sàrl, du 30 juin 2022, le bail à loyer de la station-service de la rue 2______ no. ______, liant B______ Sàrl au bailleur, H______, avait été transféré à F______ SA au 1er juillet 2022. Quant à l'arcade commerciale contiguë, F______ SA avait repris le contrat de sous-bail à loyer entre B______ Sàrl et H______. Quant à G______ Sàrl, elle assurait l'exploitation de l'arcade et procèderait à la revente de produits F______.

B. a. Par acte posté le 2 octobre 2023, A______ forme plainte auprès de la Chambre de surveillance contre la décision de non-lieu de séquestre concernant le mobilier de la station-service sise à la rue 2______ no. ______, [code postal] Genève. Il fait valoir que l'Office est tenu d'exécuter le séquestre sur les actifs que le créancier déclare appartenir au débiteur, des doutes ou litiges sur la propriété relevant de la procédure de revendication, du ressort du juge. L'Office n'a pas à instruire la question de la propriété des biens à séquestrer. Les éléments en possession de l'Office ne permettaient du reste pas de retenir que F______ SA était propriétaire de la marchandise et du carburant. Enfin, plusieurs éléments laissaient penser que B______ Sàrl serait en définitive propriétaire de ces actifs, selon le principe de la transparence ("Durchgriff").

b. Dans son rapport du 27 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il était exact qu'en cas de doute sur la propriété des actifs à séquestrer, l'Office était tenu d'ouvrir la procédure en revendication. Ce n'était que si les droits d'un tiers étaient évidents et incontestables que l'Office pouvait alors refuser d'exécuter le séquestre. Il en allait de même si l'actif à séquestrer n'existait pas. Dans le cas d'espèce, la société débitrice n'exploitait plus la station-service de la rue 2______ depuis le 30 juin 2022, une autre société G______ Sàrl, lui ayant succédé, cette dernière n'exploitant pas non plus ladite station. C'est la raison pour laquelle l'Office n'avait pas saisi le carburant. Le séquestre ne pouvait pas être exécuté sur la marchandise, les locaux étant vides. L'Office jugeait raisonnable, au vu des éléments en sa possession, de ne pas bloquer la station-service de la rue 2______ pendant la durée de la procédure, risquant d'exposer le créancier à une action en revendication superflue, voire à une action en dommages-intérêts.

c. Par courrier du 2 novembre 2023, B______ Sàrl a conclu au rejet de la plainte, précisant qu'elle avait cessé toute activité et qu'elle était en voie de liquidation.

d. Le rapport de l'Office et la détermination de B______ Sàrl ont été communiqués à A______ par courrier du 3 novembre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 Mesure conservatoire exécutée à la réquisition du créancier sur les biens du débiteur pour garantir une créance objet d'une poursuite pendante ou future, le séquestre tend à éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à l'action future de son créancier (ATF 120 III 159 c. 3a; 115 III 35 s.). L'autorité de séquestre charge l'office des poursuites d'exécuter la mesure en lui remettant une ordonnance contenant les indications prévues par la loi (art. 274 LP). Cet acte est un titre exécutoire; il contient un ordre auquel l'office est en principe tenu de déférer. Celui-ci ne peut donc pas examiner le bien-fondé de l'ordonnance de séquestre et vérifier notamment l'existence des conditions justifiant l'octroi de la mesure (ATF 120 III 159 c. 3a; 110 III 35 consid. 3a; 108 III 119; 107 III 33 consid. 4; 105 III 18).

Le séquestre ne peut être ordonné que si les biens à séquestrer appartiennent effectivement au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 3 LP). Celui-ci ne répond en principe de ses obligations que sur les biens qui lui appartiennent. La question de savoir si le créancier a réussi à rendre vraisemblable que certaines valeurs appartenaient au débiteur malgré l’apparence formelle relève de la compétence du juge du séquestre, respectivement du juge de l’opposition (ATF 130 III 579 c. 2.2.4 et les références).

Dans les cas où il serait douteux ou improbable que les avoirs indiqués fassent partie du patrimoine du débiteur, l'Office ne peut refuser d'agir : il doit séquestrer les biens et donner au tiers qui s'en déclare propriétaire la possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre d'une revendication conformément aux art. 106 ss LP. L'Office ne peut renoncer au séquestre que si la situation est tout à fait claire, lorsqu'il est évident que l'objet litigieux appartient à un tiers (ATF 109 III 126, résumé in JdT 1986 II 54) ou qu'il n'existe manifestement pas (ATF 105 III 141 consid. 2b et les références).

Il n’appartient donc ni à l’office ni aux autorités de surveillance de se prononcer sur la propriété des biens ou la titularité des créances. Le contrôle de l'Office se limite donc à une situation parfaitement claire, sur le seul vu de l'ordonnance (ATF 109 III 120 consid. 6). Si le juge a admis le séquestre et qu’il le confirme sur opposition en se fondant sur le fait que les biens appartiennent vraisemblablement au débiteur, le tiers devra faire valoir ses droits dans la procédure de revendication (art. 106-109 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2008 précité consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, c'est à raison que le plaignant relève qu'il n'appartenait pas à l'Office de conduire des investigations pour déterminer si les actifs désignés dans l'ordonnance de séquestre appartenaient effectivement au débiteur. Certes les renseignements obtenus de l'Office laissent penser qu'il est douteux, voire improbable, que le débiteur séquestré soit encore titulaire de ces biens. Ces doutes ne suffisent toutefois pas pour prononcer un non-lieu de séquestre, l'examen de cette question relevant du juge civil. L'argument de l'Office selon lequel il était raisonnable et préférable de ne pas exécuter un séquestre qui aurait bloqué la station-service pendant toute la durée de la procédure, risquant d'exposer le créancier à une action en revendication superflue, voire à une action en dommages-intérêts, ne saurait être suivi, l'ordre du juge devant être exécuté, à moins que la démarche du créancier soit abusive, ce qui n'est pas allégué ni établi.

L'Office était ainsi tenu d'exécuter le séquestre sur le carburant. En ce qui concerne la marchandise, l'Office a constaté que l'arcade de la station-service était vide, ce que le plaignant n'a pas contesté dans sa plainte. Le séquestre ne pouvant être exécuté sur des biens inexistants, la décision de l'Office est sur ce volet fondée.

En conclusion, il convient d'annuler la décision entreprise, en tant qu'elle n'exécute pas le séquestre sur le stock de carburant situé à la rue 2______ no. ______. La décision entreprise est confirmée pour le surplus.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 2 octobre 2023 par A______ contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre du 20 septembre 2023.

Au fond :

L'admet partiellement.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites de donner suite à l'ordonnance de séquestre en ce qui concerne le stock de carburant situé à la rue 2______ no. ______.

Confirme pour le surplus la décision entreprise.

 

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.