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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2609/2023

DCSO/3/2024 du 11.01.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.275; LP.92.al1.ch10; LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2609/2023-CS DCSO/3/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 JANVIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/2609/2023-CS) formée en date du 18 août 2023 par A______, représentée par Me Corinne ARPIN, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me ARPIN Corinne

Boulevard des Philosophes 8

1205 Genève.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 5 juillet 2023, statuant sur la requête formée par A______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre de la "police de rente viagère (3ème pilier B) 1______" de B______ auprès de C______ [compagnie d'assurance] à hauteur de 25'281 fr. 55, le titre de la créance étant "Jugement du Tribunal de première instance du 6 janvier 2022, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 20 octobre 2022 et ADB du 26 août 2021".

b. Le séquestre – enregistré sous le nº 2______ – a été exécuté le jour même par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office), qui en a avisé C______.

c. Le 17 juillet 2023, B______ s'est présenté à l'Office afin d'être interrogé sur sa situation financière. Ses revenus étaient composés de sa rente AVS, en 1'669 fr., de sa rente LPP, en 1'040 fr. 30 et de sa rente 3ème pilier perçue de C______, en 254 fr. 05 par mois, pour un total de 2'963 fr. 35. Ses charges s'élevaient à 3'100 fr. 50, de sorte que B______ subissait un déficit de 137 fr. 15 et était par conséquent insaisissable.

d. Le 2 août 2023, l'Office a établi un procès-verbal de non-lieu de séquestre, notifié à A______ par courrier recommandé reçu le 8 août 2023.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de surveillance le 18 août 2023, A______ a formé plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre. Elle fait valoir que le Tribunal avait ordonné le séquestre de la police de B______ auprès de C______, laquelle était assimilable à un compte épargne, de sorte qu'elle pouvait être séquestrée à l'instar d'un compte bancaire. C'était donc à tort que l'Office avait prononcé un non-lieu de séquestre. A______ a aussi fait valoir que le procès-verbal de séquestre était formellement inexact, puisqu'il portait la date du 5 juillet 2023, alors que B______ avait été auditionné le 17 juillet 2023.

b. Dans son rapport du 6 septembre 2023, l'Office a conclu à l'admission partielle de la plainte. La prestation visée par l'ordonnance de séquestre se fondait sur une police d'assurance relevant de la prévoyance libre (3ème pilier B), de sorte qu'elle était entièrement saisissable. Pour le surplus, la date du 5 juillet 2023 correspondait à l'envoi des avis de sûretés au tiers débiteur et non pas à la date d'établissement du procès-verbal de séquestre.

c. B______ a conclu au rejet de la plainte, faisant valoir qu'à la suite de son divorce et au partage de sa rente LPP, il ne parvenait pas à régler l'intégralité de ses factures.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Les art. 91 à 109 relatifs à la saisie s’appliquent par analogie à l’exécution du séquestre (art. 275 LP). Est déterminant pour décider du caractère saisissable d’un actif le moment de l’exécution du séquestre (consid. 6.1). Certains actifs sont déclarés insaisissables en raison de leur caractère indispensable à l’égard du débiteur et de sa famille (art. 92 LP). Il en va ainsi des « droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l’égard d’une institution de prévoyance professionnelle » (art. 92 al. 1 ch. 10 LP). Cette norme tient compte du principe fondamental de la LPP selon lequel la protection offerte par les institutions de prévoyance est à maintenir jusqu’à la survenance d’un cas de prévoyance. L’insaisissabilité vaut tant pour le domaine obligatoire que pour la prévoyance étendue. Ne peuvent en revanche pas bénéficier de ce statut particulier les actifs du pilier 3b (arrêt du Tribunal fédéral 5A_746/2010 du 12 janvier 2011, consid. 3.1) dont le preneur a la faculté de disposer à sa guise, sous forme de cession, de mise en gage, d'avances sur police ou de rachat (ATF 121 III 285 consid. 1c et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_746/2010 du 12 janvier 2011, consid. 3.1).

Les avoirs du pilier 3B sont assimilables à n’importe quel avoir d’épargne et sont donc entièrement saisissables. Ceci s’explique notamment par le fait que leur régime ne dépend pas de celui de la LPP, mais de celui de la LCA (Muster/Valterio, La saisie et le séquestre des avoirs LPP et 3ème pilier,
PCEF 62/2023 p. 138 ss, p. 145).

2.1.2 L’article 93 LP ne constitue pas non plus une limitation à l’exécution forcée des prestations découlant d’un tel contrat. Dans le cas d’une police d’assurance sur la vie ordinaire, la valeur de rachat saisie ne représente pas une rente capitalisée au sens de l’article 93 LP, mais le capital en cas de vie du contrat conclu. Elle peut donc être saisie au premier chef, selon l’article 95 al. 1 LP, et intégralement (Lehmann/Duc, Assurancesvie, Quelques réflexions sur le droit de rachat en lien avec l'exécution forcée, in REAS 2014, n. 3.7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_746/2010 précité consid. 3.1 et 3.2).

2.2 En l'espèce, il est admis que le séquestre a porté sur une créance fondée sur une police de prévoyance libre (3e pilier B), qui a donc une valeur de rachat. Il ne s'agit ainsi pas d'un avoir insaisissable au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP.

Il n’y a par ailleurs pas lieu de distinguer selon qu’une rente est déjà servie ou non. Le versement périodique effectué n'avait donc pas à être intégré dans les revenus du poursuivi au sens de l'art. 93 LP.

La décision attaquée, qui a refusé d'exécuter le séquestre au motif que la rente issue de la police de prévoyance libre était relativement saisissable, est donc mal-fondée et sera annulée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 18 août 2023 par A______ contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre n° 2______ établi le 2 août 2023 par l'Office cantonal des poursuites.

Au fond :

L'admet.

Annule en conséquence ledit procès-verbal.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.