Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3153/2023

DCSO/7/2024 du 11.01.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.67.al1.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3153/2023-CS DCSO/7/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 JANVIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/3153/2023-CS) formée en date du 28 septembre 2023 par la CONFEDERATION SUISSE, soit pour elle l'ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES AFF.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______ à :

- CONFEDERATION SUISSE, ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES AFF

Office central d'encaissement

Monbijoustrasse 118

3007 Bern.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 23 août 2023, la Confédération suisse, soit pour elle l'ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES (ci-après : l'AFF), a déposé auprès de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), sous forme électronique (format e-LP 2.2.01), une réquisition de poursuite dirigée contre A______.

Selon cette réquisition de poursuite (poursuite n° 1______), le montant réclamé au débiteur s'élevait à 68'244 fr. 80. La rubrique consacrée au titre de créance, respectivement à la cause de l'obligation avait la teneur suivante :

"Décision de l'AFC du 23.06.2004 n° 2______ / période fiscale du 3ème trimestre 2003 (01.07.2003 au 30.09.2003) / Décision de l'AFC du 08.10.2007 n° 3______ concernant périodes fiscales des 3ème et 4ème trimestres 2006 (01.07.2006 au 31.12.2006) / Décision de l'AFC du 21.05.2008 n° 4______ concernant périodes fiscales des 2ème au 3ème trimestres 2007 (01.04.2007 au 30.09.2007) / Décision de l'AFC du 20.01.2009 n° 5______ concernant période fiscale du 4ème trimestre 2007 (01.10.2007 au 31.12.2007) / 16 actes de défaut de biens délivrés de l'OP de Genève du 06.10.2005 – 08.05.2010 concernant TVA"

b. Par lettre adressée le 24 août 2023 à l'AFF, l'Office, relevant que celle-ci n'avait pas indiqué dans sa réquisition de poursuite les numéros des 16 actes de défaut de biens mentionnés dans la rubrique consacrée au titre de créance ou à la cause de l'obligation, l'a invitée à les lui fournir "afin que nous puissions donner suite à votre réquisition de poursuite".

L'AFF lui a communiqué une copie des 16 actes de défaut de biens concernés par pli du 1er septembre 2023.

c. Il paraît résulter du dossier que l'Office a alors procédé à un complément d'office de la description, dans la poursuite n° 1______, du titre de créance ou de la cause de l'obligation, y ajoutant les numéros des 16 actes de défaut de biens mentionnés par l'AFF. Ce complément a toutefois eu pour conséquence que le contenu de cette rubrique excédait désormais la limite de 640 caractères imposée par la norme e-LP 2.2.01, applicable par renvoi de l'art. 5 al. 2 de l'Ordonnance du DFJP du 9 février 2011 concernant la communication électronique dans le domaine des poursuites (RS 281.112.1), pour la description du titre ou de la cause de la principale créance invoquée.

Selon l'Office, des échanges téléphoniques et par courriels ont alors eu lieu avec l'autorité poursuivante, lesquels n'ont toutefois pas permis de régler le problème.

d. Le 19 septembre 2023, l'Office a adressé à l'AFF un message e-LP l'informant du rejet de la réquisition de poursuite du 23 août 2023.

Le même jour, l'Office a adressé à l'AFF, par pli recommandé, une décision formelle de rejet fondée sur le dépassement de la limite de 640 caractères imposée par la norme e-LP 2.2.01 pour la description du titre de créance ou de la cause de l'obligation.

B. a. Par acte adressé le 28 septembre 2023 à la Chambre de surveillance, l'AFF a formé une plainte contre la décision de l'Office du 19 septembre 2023, concluant à ce qu'il soit ordonné à l'Office de donner suite à sa réquisition de poursuite et d'annuler les frais liés à la décision de rejet. Elle a fait valoir que la description du titre de créance ou de la cause de l'obligation figurant dans sa réquisition de poursuite initiale respectait les exigences de l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP ainsi que celles de la norme e-LP, les ajouts auxquels avait procédé l'Office ne revêtant pour leur part aucune utilité. La limitation à 640 caractères de la description du titre de créance ou de l'objet du litige contrevenait par ailleurs à l'art. 67 LP.

b. Dans ses observations du 23 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a expliqué avoir requis de la poursuivante des précisions relatives aux 16 actes de défaut de biens mentionnés dans la réquisition de poursuite pour deux motifs distincts.

D'une part, il lui appartenait de vérifier "prima facie" que la description par la poursuivante du titre de créance ou de la cause de l'obligation était suffisamment précise pour permettre au poursuivi de prendre position sans être contraint, pour obtenir des renseignements supplémentaires, de devoir former opposition. Or, selon la jurisprudence de la Chambre de céans (DCSO/238/2021 du 17 juin 2021 consid. 2.3), la simple mention d'un acte de défaut de biens, même si elle comportait son numéro et sa date d'établissement, ne répondait pas aux exigences de précision de l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP.

D'autre part, les numéros des actes de défaut de biens invoqués par la poursuivante lui étaient nécessaires pour déterminer, au terme de la poursuite, s'ils étaient éteints ou remplacés par un nouvel acte de défaut de biens, ce de manière à éviter – conformément à une instruction de la Chambre de céans – que n'apparaissent dans l'extrait du registre des poursuites du débiteur plusieurs actes de défaut de biens pour la même prétention.

A réception des copies des 16 actes de défaut de biens invoqués par la poursuivante, l'Office avait relevé qu'ils concernaient des prétentions différentes de celles décrites par ailleurs de manière précise dans la rubrique consacrée au titre de créance ou à la cause de l'obligation. Constatant que la limitation à 640 caractères du contenu de cette rubrique ne lui permettait pas de la compléter par l'indication des titres de créance ou causes de l'obligation résultant des 16 actes de défaut de biens communiqués, il avait pris contact avec la poursuivante pour trouver une solution, sans succès. Il avait donc rendu une décision de rejet.

c. Par réplique spontanée du 6 novembre 2023, l'AFF a relevé que l'Office ne lui avait jamais indiqué avant de rejeter sa réquisition que les titres de créance ou causes de l'obligation résultant des 16 actes de défaut de biens communiqués ne correspondaient pas aux autres titres et causes décrites dans la réquisition. Elle n'avait donc jamais refusé de modifier sa réquisition de poursuite pour corriger ce problème.

d. En l'absence de duplique de la part de l'Office, la cause a été gardée à juger le 22 novembre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 Le contenu de la réquisition de poursuite est régi par l'art. 67 al. 1 LP. Selon le chiffre 4 de cette disposition, la réquisition de poursuite doit mentionner le titre et la date de la créance invoquée ou, à défaut de titre, la cause de l'obligation.

Le "titre de la créance" sera, par exemple, un jugement, une décision condamnatoire, un contrat, un document intitulé "reconnaissance de dette", etc. A défaut d'un tel document, et de la mention de la date de naissance de la prétention invoquée, le poursuivant doit indiquer la "cause de l'obligation", à savoir la source de la prétention déduite en poursuite. Le but de cette exigence n'est pas de permettre à l'office de procéder à un examen de l'existence de la prétention, mais de répondre à un besoin de clarté et d'information du poursuivi quant à la prétention alléguée afin de lui permettre de prendre position; toute formulation relative à la cause de la créance qui permet au poursuivi, conjointement aux autres indications figurant sur le commandement de payer, de discerner la créance déduite en poursuite suffit. En d'autres termes, le poursuivi ne doit pas être contraint de former opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée (ATF 121 III 18 consid. 2; 141 III 173 consid. 2.2.2).

Selon la jurisprudence de la Chambre de surveillance (DCSO/238/2021 consid. 2.3), la seule mention d'un acte de défaut de biens, même clairement identifié par son numéro et sa date, ne répond pas aux réquisits de l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP.

Lorsque le défaut n'entraîne pas la nullité de la réquisition, la jurisprudence prescrit aux offices des poursuites d'impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaires (ATF 141 III 173 consid. 2.4).

2.2.1 Dans le cas d'espèce, l'Office a motivé sa décision de rejet du 19 septembre 2023 par le non-respect par la poursuivante de la limitation à 640 caractères de la description des titre et/ou cause de la principale prétention déduite en poursuite. Cette argumentation ne convainc cependant pas, sans même qu'il y ait lieu d'examiner si telle limitation est ou non compatible avec l'art. 67 al. ch. 4 LP. Il n'est en effet pas contesté que, sous sa forme initiale, la réquisition de poursuite du 23 août 2023 respectait cette limitation; c'est l'Office qui, spontanément et – selon la teneur du dossier – sans interpeller préalablement la poursuivante sur ce point, a procédé à des ajouts qui ont eu pour conséquence de rendre la description de la prétention non conforme à la limitation susmentionnée. L'Office ne pouvait donc rejeter la réquisition de poursuite en raison d'une modification à laquelle il avait lui-même procédé. C'est d'autant plus vrai que, comme le relève la plaignante, dite modification n'avait pas pour effet de rendre la réquisition de poursuite plus conforme à l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP.

2.2.2 Dans ses observations sur plainte, l'Office a fait valoir un second motif de rejet : ainsi, selon lui, la simple mention, dans la rubrique de la réquisition de poursuite consacrée au titre de créance ou à la cause de l'obligation, de 16 actes de défaut de biens délivrés sur une période de plusieurs années en relation avec la TVA ne satisfaisait pas aux exigences de précision résultant de l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP.

Au regard de la jurisprudence tant fédérale que cantonale rappelée ci-dessus, cette appréciation doit être approuvée. On voit mal en effet comment le poursuivi aurait été mesure, à la simple lecture du commandement de payer reprenant les indications de la réquisition de poursuite (art. 69 al. 2 ch. 1 LP), d'identifier clairement à quelles prétentions, pour quel montant et en relation avec quelles périodes, les 16 actes de défaut de biens mentionnés se référaient. Comme le soutient l'Office, la réquisition de poursuite du 23 août 2023 présentait donc, de ce point de vue, un défaut pouvant justifier son rejet.

Comme relevé ci-dessus, ce rejet ne pouvait cependant être prononcé avant que l'occasion n'ait été donnée à la poursuivante de rectifier ou de compléter les indications insuffisantes. Or la plaignante conteste que cela ait été le cas et le contraire ne résulte pas du dossier. On comprend au contraire de ce dernier que les discussions antérieures à la décision litigieuse ont porté sur la communication des numéros des actes de défaut de biens et sur le respect de la limitation à 640 caractères de la description des titres et/ou causes des prétentions déduites en poursuite, mais pas sur le caractère suffisant, au regard des exigences résultant de l'art. 67 al. 1 ch. 4 LP, de cette description. La poursuivante n'a donc pas pu, comme l'exige la jurisprudence, bénéficier d'une possibilité de rectifier et de compléter sa réquisition de poursuite avant son rejet par l'Office.

La plainte doit ainsi être admise. La décision contestée sera donc annulée, ce qui emporte l'annulation des frais, débours et émoluments qui lui sont liés. Il incombera à l'Office d'interpeller la poursuivante, le cas échéant en lui fixant un délai, afin qu'elle rectifie sa réquisition de poursuite. A défaut, une nouvelle décision de rejet pourra être prononcée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 28 septembre 2023 par la CONFEDERATION SUISSE, soit pour elle l'ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES, contre la décision rendue le 19 septembre 2023 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet.

Annule en conséquence ladite décision.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.