Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/112/2022

DCSO/271/2022 du 30.06.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.17.al4; lpa.20a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/112/2022-CS DCSO/271/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 30 JUIN 2022

 

Plainte 17 LP (A/112/2022-CS) formée en date du 4 janvier 2022 par A______ LTD, élisant domicile en l'étude de Me Christophe Buchwalder, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ LTD

c/o Me BUCHWALDER Christophe

Gantey SA

Rue Pedro-Meylan 1

1208 Genève.

- B______

c/o Me BADEL POITRAS Géraldine

Gillioz Dorsaz & Associés

Rue du Général-Dufour 11

Case postale 5840

1211 Genève 11.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Le 18 août 2020, A______ LTD a engagé à l'encontre de B______ une poursuite ordinaire en paiement d'un montant de 3'227'441 fr. 10 plus intérêts au taux de 7,65 % l'an, allégué être dû au titre d'un contrat de prêt.

L'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié le 24 août 2020 a été provisoirement (art. 82 LP) et partiellement levée par jugement du Tribunal de première instance JTPI/4361/2021, prononcé en procédure sommaire le 12 avril 2021 dans la cause C/2______/2020.

Le 6 mai 2021, le débiteur a ouvert action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP).

b. Par réquisition du 21 avril 2021, A______ LTD a sollicité la continuation de la poursuite.

c. Dans le cadre des opérations de saisie, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a entendu à plusieurs reprises le débiteur sur sa situation personnelle et financière, et ce dernier lui a remis de nombreuses pièces relatives à son patrimoine et à ses revenus.

Un procès-verbal de saisie provisoire a été établi le 6 décembre 2021 et adressé le même jour aux débiteur et créancière. Selon ce document, la saisie avait porté sur plusieurs éléments patrimoniaux appartenant au débiteur dont la valeur totale, telle qu'estimée par l'Office, n'était pas suffisante pour satisfaire complètement la créancière.

d. Par acte adressé le 4 janvier 2022 par voie électronique à la Chambre de surveillance, A______ LTD a formé une plainte à l'encontre du procès-verbal de saisie provisoire du 6 décembre 2021, concluant en substance à ce que la saisie porte également sur d'autres actifs et à ce que l'Office procède à des investigations complémentaires.

Dans ses observations du 22 février 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

Par détermination du 22 février 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

e. Par acte adressé le 28 mars 2022 à la Chambre de surveillance, A______ LTD a retiré la plainte.

B. a. Dans le cadre des investigations conduites par l'Office entre avril et décembre 2021 sur la situation personnelle et financière du débiteur, ce dernier, respectivement son mandataire, lui a communiqué à sa demande, en annexe à un courriel du 31 août 2021, une liste des actionnaires (ci-après : la liste des actionnaires) des quelque quinze sociétés dont il était administrateur. Non daté et non signé, ce document – apparemment établi spécifiquement pour répondre à la demande de l'Office – mentionne pour chacune des sociétés énumérées le nom de ses actionnaires ainsi que leur part en pourcents du capital actions.

b. Le courriel du 31 août 2021 et ses annexes, parmi lesquelles la liste des actionnaires, ont été intégrés par l'Office au bordereau de pièces produit simultanément au dépôt de ses observations sur la plainte formée par A______ LTD contre le procès-verbal de saisie provisoire du 6 décembre 2021. Ce bordereau a été communiqué aux parties, notamment à A______ LTD.

c. Par acte adressé le 10 mars 2022 à la Chambre de surveillance, B______ a déclaré former une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la production par l'Office de la liste des actionnaires, concluant, sur mesures superprovisionnelles, sur mesures provisionnelles et sur le fond, à ce qu'il soit ordonné à la plaignante de ne pas utiliser ladite liste, de la détruire et d'en confirmer la destruction. Il a soutenu à l'appui de ces conclusions que le registre des actionnaires prévu par l'art. 686 al. 1 CO était un document privé auquel les tiers n'avaient pas accès et que la production par l'Office de la liste des actionnaires, document "qui s'apparente à un registre des actionnaires" et qui lui avait été remis "à titre confidentiel", faisait courir au débiteur le risque d'une mise en cause de sa responsabilité d'administrateur telle que prévue par l'art. 717 al. 1 CO.

Cette plainte a été déclarée irrecevable par décision de la Chambre de surveillance du 15 mars 2022 (DCSO/90/2022, cause n° A/780/2022).

d. Par ordonnance du 15 mars 2022, la Chambre de surveillance, donnant suite à une requête en ce sens formée le 10 mars 2022 par B______, a provisoirement ordonné à A______ LTD et à ses conseils, jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue sur ce point, de garder le secret sur les informations découlant de la liste des actionnaires et lui a imparti, ainsi qu'à B______ et à l'Office, un délai pour se déterminer sur l'application éventuelle de l'art. 20A LPA.

e. L'Office s'en est rapporté à justice par lettre du 18 mars 2022.

f. Dans sa détermination du 28 mars 2022, A______ LTD s'est opposé à ce qu'il lui soit ordonné de garder le secret sur les informations résultant de la liste des actionnaires, qui plus est sans limite de temps, et d'en détruire l'exemplaire en sa possession. Selon elle, l'art. 20A LPA ne pouvait guère être invoqué par un débiteur en défaut; les informations pouvant être tirées de la liste des actionnaires n'étaient protégées par aucun secret compte tenu des règles régissant l'exécution forcée et, quand bien même un intérêt privé à ce qu'elles ne soient pas utilisées devrait être retenu, il ne pourrait être qualifié de prépondérant.

g. B______ pour sa part, par détermination du 28 mars 2022, a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à A______ LTD d'utiliser la liste des actionnaires, d'en détruire l'exemplaire en sa possession et de confirmer cette destruction, le tout sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Selon elle, cette mesure était justifiée aussi bien par l'intérêt prépondérant des autres actionnaires que par celui de B______, en sa qualité d'administrateur des sociétés concernées. Les circonstances du cas d'espèce justifiaient par ailleurs que l'interdiction d'utiliser la liste des actionnaires ne soit soumise à aucune limitation de temps.

h. A______ LTD a encore persisté dans ses conclusions par réplique du 1er avril 2022.

i. La cause a été gardée à juger le 25 avril 2022.

EN DROIT

1. La plainte ayant été retirée, il n'y a pas lieu d'examiner sa recevabilité ou son bien-fondé : il sera donc donné acte à la partie plaignante du retrait de la plainte et la cause sera rayée du rôle.

2. Nonobstant le retrait de la plainte, il y a lieu de statuer sur la requête d'injonction de garder le secret formée par l'intimé en application de l'art. 20A LPA.

2.1. L'art. 20A LPA permet à certaines autorités et juridictions administratives énumérées à l'art. 28 LPA – soit les autorités et juridictions administratives pouvant procéder à l'audition de témoins lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement – d'obliger les participants à une procédure et leurs conseils à garder le secret sur les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre de ladite procédure "lorsque la manifestation de la vérité ou la protection d'un autre intérêt public ou privé prépondérant l'exigent". Cette obligation se fait sous la commination de la peine prévue à l'art. 292 CP. Elle doit, en principe, être limitée dans le temps.

L'art. 20A LPA/GE est entré en vigueur le 7 septembre 2019. Il a été adopté afin de répondre au besoin de protection des victimes et des employés poursuivis, lors d'enquêtes administratives portant sur des harcèlements et des abus sexuels par des enseignants envers des élèves (Rapport du 20 mai 2019 de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier les projets de lois PL 12392-A et 12350-A modifiant la loi sur la procédure administrative, Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève [en ligne], séance 6 du 6 juin 2019, p. 2). Il vise à permettre aux autorités chargées de conduire l'enquête, ou une procédure administrative, de pouvoir demander aux participants de garder le secret sur les informations acquises dans le cadre de celle-ci (Rapport du 20 mai 2019 précité, p. 56).

2.2.1 On peut se demander si le simple renvoi général aux règles de la LPA figurant à l'art. 9 al. 4 LaLP permet à la Chambre de surveillance, dont le rôle et les compétences dérivent du droit fédéral et qui ne constitue à proprement parler ni une autorité administrative ni une juridiction administrative au sens de la LPA, de prononcer une injonction de garder le secret au sens de l'art. 20A LPA.

La question peut en tout état demeurer ouverte.

2.2.2 A l'appui de sa requête, le poursuivi invoque d'une part l'intérêt privé des autres actionnaires à ce que leur identité ne soit pas divulguée et d'autre part son propre intérêt privé à ce que sa responsabilité au sens de l'art. 754 CO ne soit pas engagée.

L'art. 20A LPA n'a toutefois pas pour but de protéger un éventuel intérêt privé des actionnaires d'une société anonyme à ce que leur identité ne soit pas connue de tiers, l'existence d'un tel intérêt et sa prise en compte dans le cadre de procédures civiles et pénales relevant du droit fédéral. Il vise au contraire à protéger des personnes, victimes ou éventuels mis en cause, dans le cadre d'enquêtes administratives dirigées contre un employé de l'administration. A cela s'ajoute en l'espèce qu'aucun actionnaire tiers n'a invoqué le moindre besoin de protection. Tel qu'invoqué par le poursuivi, ce besoin est du reste totalement abstrait, aucun élément du dossier ne permettant de retenir que l'un ou l'autre des actionnaires mentionnés serait soumis à un désavantage concret du fait de la communication de sa qualité d'actionnaire.

Le poursuivi n'indique pas davantage quel préjudice pourraient subir les sociétés concernées elles-mêmes, leurs créanciers ou leurs actionnaires, du fait de la communication, sous une forme au demeurant peu probante, de la composition de l'actionnariat de ces dernières. En tout état, cette communication paraît en l'espèce avoir été justifiée par le devoir de collaboration du débiteur poursuivi et des tiers (art. 91 al. 1 ch. 2, 3 et 4 LP), l'Office devant vérifier que ce dernier ne détenait pas indirectement, par des participations croisées, une part plus importante des sociétés concernées qu'il ne l'admettait.

La requête d'injonction de garder le secret doit donc être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).  

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Donne acte à A______ LTD du retrait de la plainte formée le 4 janvier 2022 contre le procès-verbal de saisie provisoire, série n° 3______, du 6 décembre 2021.

Au fond :

Rejette la requête d'injonction à garder le secret formée le 10 mars 2022 par B______.

Raye la cause du rôle.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.