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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2110/2023

DCSO/363/2023 du 31.08.2023 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : lp.17.al1; lp.66.al4; lp.66.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2110/2023-CS DCSO/363/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 31 AOÛT 2023

 

Plainte 17 LP (A/2110/2023-CS) formée en date du 23 juin 2023 par A______ INC., élisant domicile en l'étude de Me Poncet, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ INC.

c/o Me PONCET Charles

Poncet Sàrl

Rue Saint-Léger 6

1205 Genève.

- ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI LA PERCEPTION DE L'AFC

Service du contentieux

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 25 août 2022, l'Administration fiscale cantonale (ci-après : l'afc) a remis à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), pour exécution,
deux ordonnances de séquestre dirigées contre la société de droit des Iles vierges britanniques A______ INC (ci-après : A______), ayant son siège à D______ (BVI), portant sur des avoirs bancaires supposés détenus par ladite société auprès d'une banque à Genève.

La première de ces deux ordonnances de séquestre, prononcée par l'afc pour le compte de l'Etat de Genève en application des art. 38 et 39 LPGIP, portait sur une créance fiscale de 5'006'264 fr. plus intérêts au taux de 2,51% l'an sur
2'451'159 fr. à compter du 25 août 2022, alléguée être due, au titre de sûretés, en vertu d'une demande de sûretés du 8 décembre 2021, et sur un montant de
43'825 fr. 40, allégué être dû au titre d'intérêts du 8 décembre 2021 au
24 août 2022.

La seconde ordonnance de séquestre, prononcée par l'afc pour le compte de la Confédération suisse en application des art. 169 et 170 LIFD, portait sur une créance fiscale de de 2'358'655 fr. plus intérêts au taux de 4% l'an sur 1'041'742 fr. à compter du 25 août 2022, alléguée être due, au titre de sûretés, en vertu d'une demande de sûretés du 8 décembre 2021, et sur un montant de 28'997 fr. 50, allégué être dû au titre d'intérêts du 8 décembre 2021 au 24 août 2022.

b. Les séquestres (respectivement n° 1______ et 2______) ont été exécutés le 25 août 2022 par l'Office.

Les ordonnances de séquestre ont été communiquées le 6 septembre 2022 aux entités publiques créancières ainsi qu'à la débitrice, soit pour elle son conseil genevois.

c. Par réquisitions du 13 septembre 2022, l'afc, agissant pour le compte de l'Etat de Genève dans le cadre du séquestre n° 1______ et pour le compte de la Confédération suisse dans le cadre du séquestre n° 2______, a engagé à l'encontre de A______ deux poursuites en prestation de sûretés (respectivement n° 3______ et 4______) validant lesdits séquestres.

d. Le 15 septembre 2022, l'Office a adressé à A______, à son adresse à D______, un courrier l'informant que les commandements de payer établis dans les deux poursuites susmentionnées devaient lui être notifiés; comme, selon l'Office, ils ne pouvaient l'être par la voie de l'entraide ou par la voie diplomatique dès lors qu'ils concernaient des créances de droit public, A______ était invitée à prendre contact avec lui afin d'organiser les modalités de notification.

Ce courrier a été envoyé à A______ par pli recommandé, apparemment reçu le
21 décembre 2022, et par pli ordinaire; A______, qui indique n'avoir reçu que le pli ordinaire, le 13 juin 2023, n'a pas réagi à ce courrier.

e. Le ______ 2023, l'Office a procédé à la notification par voie de publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) et la Feuille d'avis officielle de la république et canton de Genève (FAO) des commandements de payer, poursuites n° 3______ et 4______.

Il avait préalablement adressé à A______, à son adresse à D______ ainsi qu'à celle de son conseil genevois, un courrier l'informant de cette prochaine notification par voie de publication.

f. Par courriers adressés le 3 février 2023 à l'Office, le conseil genevois de A______ a, pour le compte de celle-ci, formé opposition aux commandements de payer.

B. a. Par acte adressé le 23 juin 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le courrier de l'Office du 15 septembre 2022 ainsi que contre les commandements de payer, poursuites n° 3______ et 4______, concluant à leur nullité, respectivement à leur annulation. A l'appui de ces conclusions, la plaignante a fait valoir que l'Office avait violé les règles relatives à la notification internationale des actes de poursuite en lui adressant directement son courrier du 15 septembre 2022, qui était donc atteint de nullité, laquelle entraînait celle des notifications intervenues le ______ 2023 par voie de publication.

b. Par ordonnance du 28 juin 2023, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif formulée par la plaignante.

c. Dans ses observations du 2 août 2023, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

d. Par détermination du 17 juillet 2023, l'afc s'en est rapportée à justice sur l'issue de la procédure de plainte.

e. En l'absence de réplique spontanée de la part de la plaignante, la cause a été gardée à juger le 17 août 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Même en l'absence de toute plainte, ou en cas d'irrecevabilité de la plainte, la Chambre de surveillance doit constater d'office la nullité des mesures de l'office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 Par "mesure de l'office" au sens des art. 17 ss. LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète; pour que la voie de la plainte soit ouverte, il faut ainsi que l'acte attaqué soit de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question; en d'autres termes il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes (ATF 142 III 643 cons. 3.1 et jurisprudences citées).

1.1.3 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1 et les références). La plainte n'est en conséquence recevable que si elle permet d'atteindre un but concret sur le plan de l'exécution forcée; c'est pour cette raison que l'art. 21 LP prévoit que, lorsqu'une plainte est reconnue fondée, l'autorité annule ou redresse l'acte qui en fait l'objet. La plainte ne peut ainsi, sous peine d'irrecevabilité, avoir seulement un effet déclaratif ou tendre uniquement à faire constater l'irrégularité du procédé de l'office pour fonder éventuellement une action en responsabilité selon l'art. 5 LP (ATF 138 III 265 consid. 3.2; 138 III 219 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_837/2018 du 17 mai 2019 consid. 3.1).

1.2 Dans le cas d'espèce, la plainte vise en premier lieu la notification par voie de publication, au sens de l'art. 66 al. 4 LP, des commandements de payer établis dans les poursuites litigieuses.

1.2.1 La notification d'un commandement de payer constitue une mesure de l'office des poursuites pouvant être contestée par la voie de la plainte de l'art. 17 LP.

Un vice affectant la procédure de notification du commandement de payer, telle qu'elle est réglée par les art. 64 à 66 LP, n'entraîne la nullité de cet acte que dans des circonstances particulières, notamment si le vice a eu pour conséquence que le poursuivi n'a jamais eu connaissance de l'acte notifié (ATF 128 III 101 consid. 1b), ou dans l'hypothèse d'une notification intervenue à l'étranger en violation des règles de droit international (ATF 131 III 448 consid. 2). Dans les autres cas, le vice n'entraîne que l'annulabilité, sur plainte, du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_30/2012 du 12 avril 2012 consid. 3).

Lorsque, nonobstant le vice invoqué, le destinataire du commandement de payer en prend connaissance, le délai de dix jours pour déposer une plainte (comme celui pour former opposition) commence à courir à compter de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

Quand bien même la notification serait affectée d'un vice, la plainte ne sera recevable – et une nouvelle notification ne sera ordonnée – que si le poursuivi dispose d'un intérêt concret à une telle répétition du processus de notification. Tel ne sera pas le cas s'il a acquis du contenu de l'acte une connaissance telle qu'une nouvelle notification ne lui apporterait aucun renseignement supplémentaire et qu'il a été en mesure de faire valoir ses droits nonobstant le vice (ATF 112 III 81 consid. 2b), notamment en formant opposition en temps utile.

Ces principes sont applicables à la notification par voie de publication prévue par l'art. 66 al. 4 LP, à ceci près que, contrairement aux autres procédures de notification, le destinataire du commandement de payer peut selon les circonstances conserver un intérêt concret à la plainte quand bien même il aurait pu prendre connaissance de l'acte et eu la possibilité de faire valoir ses droits, notamment en formant opposition, dès lors que l'utilisation de cette procédure de notification est susceptible d'entraîner pour lui des frais supplémentaires ou une atteinte à ses intérêts moraux (ATF 136 III 265 consid. 3.3.2 et 3.3.3; 128 III 465 consid. 1). Comme pour les autres modes de notification, le commandement de payer notifié (à tort) par voie de publication n'est donc – sous réserve de cas particuliers comme l'absence de prise de connaissance par le poursuivi – qu'annulable sur plainte, et non atteint de nullité absolue (ATF 136 III 571 consid. 6).

1.2.2 Dans le cas d'espèce, la plaignante, par son conseil genevois, a eu connaissance des commandements de payer litigieux au plus tard le
3 février 2023, date à laquelle ce dernier a adressé à l'Office deux courriers par lesquels il déclarait former opposition aux poursuites concernées pour le compte de sa mandante. Il s'ensuit que le délai pour former une plainte contre la notification par voie de publication desdits commandements de payer a expiré – sans avoir été utilisé – au plus tard le lundi 13 février 2023.

La plainte déposée le 23 juin 2023 est ainsi tardive, et partant irrecevable, en tant que la plaignante y conclut à l'annulation des commandements de payer litigieux au motif que l'Office n'aurait pas respecté les conditions de l'art. 66 al. 4 LP, et aurait en particulier violé le principe de la subsidiarité de la notification par voie de publication en omettant de tenter, dans un premier temps, de notifier ces actes par l'intermédiaire des autorités de son domicile au sens de l'art. 66 al. 3 LP.

L'irrecevabilité de la plainte découle du reste également de l'absence de tout intérêt concret de la plaignante à l'admission des conclusions qu'elle y formule : il est en effet établi que celle-ci a eu connaissance des commandements de payer litigieux et formé opposition en temps utile. Elle n'a par ailleurs fait valoir aucun grief relatif aux frais entraînés par la voie de la publication ni invoqué un quelconque préjudice moral : on ne voit donc pas en quoi sa situation serait améliorée par l'admission de la plainte.

Contrairement à ce que paraît soutenir la plaignante, il ne saurait par ailleurs être considéré que la notification par voie de publication intervenue le ______ 2023 serait atteinte de nullité absolue en raison du fait que l'Office aurait violé les règles de droit international prohibant en principe – sous réserve d'éventuelles dispositions conventionnelles – l'accomplissement sur le territoire d'un autre Etat d'actes relevant de sa souveraineté. Même lorsqu'elle s'adresse à une personne domiciliée (ou ayant son siège) à l'étranger, la notification d'un acte de poursuite par voie de publication constitue en effet un acte purement interne, exécuté par la publication dans des périodiques officiels suisses, n'impliquant aucune intervention de l'Office sur le territoire d'un Etat étranger et ne portant donc en rien atteinte à sa souveraineté. L'éventuelle omission ou l'irrégularité, d'une tentative préalable de notification à l'étranger en application de l'art. 66 al. 3 LP peut certes constituer, sous l'angle de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP, un vice de la notification par voie de publication mais, comme tout vice lié à la procédure de notification, un tel vice devait être invoqué par la voie d'une plainte déposée dans les formes et délai prévu par l'art. 17 al. 1 LP.

1.3 La plaignante soutient ensuite que le courrier que lui a adressé l'Office le
15 septembre 2022 serait nul, subsidiairement annulable, du fait que cette communication directe ne respecterait pas les règles de l'entraide judiciaire entre Etats.

Force est toutefois de contester que, au contraire de la notification proprement dite des commandements de payer, l'envoi par l'Office du courrier du
15 septembre 2022 ne constitue pas une mesure pouvant être attaquée par la voie de la plainte. L'objet principal de ce courrier était en effet une simple information à la plaignante sur une prochaine notification, doublée d'une invitation – dénuée de tout caractère contraignant – à prendre contact avec lui en vue d'aménager – avant tout dans l'intérêt de la plaignante – les modalités de cette notification. Il ne s'agissait donc nullement de notifier un acte de poursuite ni d'accomplir une formalité indispensable à une prochaine notification. Ni l'envoi ni la réception de ce courrier n'étaient de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans le cadre des poursuites litigieuses, et ils n'ont en particulier eu aucun effet sur la réalisation (ou non) des conditions de validité de la notification par voie de publication intervenue le ______ 2023.

La plaine est donc également irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre le courrier de l'Office du 15 septembre 2022.

Il faut enfin relever que l'on ne voit pas de quel intérêt concret la plaignante pourrait se prévaloir pour conclure à la nullité ou à l'annulation de ce courrier : cette nullité ou annulation demeurerait en effet sans conséquence sur la validité de la notification intervenue le ______ 2023 – non contestée en temps utile – et le courrier lui-même a perdu son objet avec cette notification. La plainte devrait donc être déclarée recevable pour ce motif également.

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

 

Déclare irrecevable la plainte formée le 23 juin 2023 par A______ INC contre les commandements de payer, poursuites n° 3______ et 4______, notifiés le ______ 2023, ainsi que contre le courrier que lui a adressé l'Office cantonal des poursuites le 15 septembre 2022 dans le cadre de ces mêmes poursuites.

 

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.