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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4090/2022

DCSO/239/2023 du 31.05.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Enrichissement illégitime; restitution de l'indu; incompétence à raison de la matière de l'autorité de surveillance; nullité de la décision de resitution
Normes : co.62; co.64; lp.17
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4090/2022-CS DCSO/239/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 31 MAI 2023

 

Plainte 17 LP (A/4090/2022-CS) formée en date du 30 novembre 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-A______

c/o M. B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, domicilié avenue 1______ no. ______ à Genève, a requis le 20 janvier 2020 la poursuite de C______ pour un montant de 500 fr. (poursuite n° 2______).

Le créancier a mentionné dans la réquisition de poursuite un numéro IBAN (3______) afin de permettre à l'Office de lui verser les montants récupérés auprès de la débitrice.

b. Suite à un versement de la débitrice, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) allègue avoir fait virer le 18 février 2023 le montant de 345 fr. en faveur de A______ sur un compte IBAN 4______.

La banque aurait retourné le paiement au motif que le bénéficiaire du paiement ne correspondait pas au nom du titulaire du compte.

c. L'Office allègue avoir par conséquent effectué un nouveau virement le 10 mars 2020 sur le compte IBAN 4______, mais en mentionnant comme titulaire D______, soit la mère du créancier. Selon l'Office, le virement a été accepté par la banque et crédité sur le compte de la bénéficiaire.

d. L'Office allègue avoir toutefois cru que le paiement n'était pas parvenu à son destinataire. Il s'est par conséquent adressé par courriel du 13 mars 2020 à A______ pour lui communiquer l'échec du virement.

Ce dernier a confirmé le même jour à l'Office qu'il devait bien effectuer le virement sur le compte IBAN n° 4______ dont la titulaire était D______.

e. L'Office allègue avoir procédé le 18 mars 2020 à un nouveau virement du montant 345 fr., cette fois-ci sur le compte 3______ également au nom de D______.

f. L'Office allègue que ce virement aurait bien atteint sa bénéficiaire, mais avoir à nouveau cru qu'il avait échoué. Il s'est par conséquent adressé à A______ par courriel du 19 mars 2020 dans les termes suivants : "Bonjour, le paiement n'a pas pu passer, il a de nouveau été rejeté par la banque, malgré que je l'ai refait avec le 2ème IBAN que vous m'avez donné. Quelle solution entreprendre maintenant ? Comme tout est fermé en ce moment je dois en parler à ma responsable. Si elle décide qu'on puisse vous restituer directement au guichet. ( ) Mais pour cela, il vous faut avoir une procuration de votre mère qui accepte que vous venez prendre ces fonds. Je vais vous tenir informé de la décision de ma responsable".

g. A______ a fourni à l'Office, par courriel du 23 mars 2020, les coordonnées d'un nouveau compte sur lequel effectuer le versement des fonds lui revenant : IBAN 5______, en Suisse, dont le titulaire était un certain E______.

h. L'Office a ordonné le 31 mars 2020 un troisième virement, sur ce dernier compte. Il affirme que ce virement a été exécuté.

i. S'étant rendu compte du fait qu'il avait procédé trois fois au versement litigieux, l'Office a réclamé à A______ le remboursement des virements effectués indument les 18 et 31 mars 2020 (2 x 345 fr.) par courriers simples du 25 janvier 2021 adressés à l'avenue 1______ no. ______. Ces courriers ont été retournés à l'Office par la Poste au motif que le destinataire était introuvable à cette adresse.

j. Le 8 mars 2021, l'Office a renvoyé lesdits courriers, par plis simples, à une nouvelle adresse, soit A______, c/o F______, rue 6______ no. ______ à Genève, où ils ont été distribués par la Poste.

k. En l'absence de remboursement, l'Office a adressé des rappels à A______ par courriers simples du 23 mars 2021 à la même adresse.

l. Par courrier recommandé du 11 novembre 2022, adressé à A______, rue 7______ no. ______ à Genève, l'Office a à nouveau réclamé le remboursement de 690 fr., en expliquant les virements successifs. Ce courrier a été retourné à l'Office avec la mention que le destinataire était introuvable à l'adresse indiquée.

m. L'Office a rendu le 24 novembre 2022 une décision administrative, adressée à A______, c/o B______, rue 7______ no. ______ à Genève, ordonnant à ce dernier de restituer le montant de 690 fr. à l'Etat de Genève indument perçu.

B. a. Par acte rédigé en anglais et déposé le 30 novembre 2022 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre cette décision, concluant à son annulation. En substance, il considérait que l'Office devait assumer les conséquences de ses erreurs et ne pouvait lui en demander réparation. Par ailleurs, il disposait de preuves que les montants réclamés ne lui étaient pas parvenus, des employés de l'Office ayant attesté que la banque avait refusé d'exécuter les ordres de virement. En tout état, la décision rendue l'avait été sans qu'il ait été préalablement entendu.

b. La Chambre de surveillance a invité le plaignant à déposer une plainte en français ainsi que les preuves annoncées et à fournir toute pièce permettant d'établir que la banque aurait rejeté les ordres de virement.

c. Le plaignant a déposé un texte en français reprenant dans les grandes lignes la teneur de la plainte rédigée en anglais.

Il a produit à l'appui les courriels que l'Office lui avait adressés les 13 et 19 mars 2020, ainsi que deux documents bancaires relatifs au compte IBAN 4______ pour les mois de mars et avril 2020. Ces documents, déposés sans explication ni traduction, rédigés pour partie en anglais et pour partie en albanais, permettent de constater un crédit de 314 fr. 70 provenant de l'Office en date du 11 mars 2020, puis une opération de compte à compte, le 10 avril 2020 portant sur 320 fr. en lien avec les fonds versés par l'Office. Aucune pièce n'a été fournie s'agissant des deux autres comptes sur lesquels l'Office allègue avoir effectué des virements.

d. Dans ses observations du 12 janvier 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte et affirmé avoir bien versé à trois reprises le montant dû au plaignant et être en droit d'obtenir la répétition de deux fois 345 fr.

Afin de prouver les virements effectués avec succès, il a produit une pièce consistant en un tableau établi par lui-même pour les besoins de la cause et décrivant les trois virements litigieux (pièce 4).

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 L'action en restitution de l'indu découlant de l'enrichissement illégitime est une institution générale du droit qui s'applique également dans les relations entre l'administration et l'administré, même si la législation administrative applicable en la matière ne le prévoit pas expressément. Lorsque l'enrichissement illégitime est en faveur de l'administré au détriment de l'Etat, l'obligation de restitution est limitée à ce dont celui qui a reçu la prestation indue, et qui est de bonne foi, se trouve encore enrichi au moment de la restitution. L'action en enrichissement illégitime se prescrit par 5 ans en droit administratif et l'exception de prescription est soulevée d'office par le juge (art. 62 et 64 CO par analogie; Moor, Poltier, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, Stämpfli, Berne 2011, n° 1.3.1 et 1.5.3).

2.1.2 En matière de poursuites pour dettes, l'invitation faite par l'Office à un créancier d'avoir à lui restituer une somme touchée à tort est une simple déclaration de volonté dépourvue de caractère officiel; elle ne constitue pas une décision susceptible de plainte au sens de l'art. 17 LP. L'Office qui entend se retourner contre celui qui a bénéficié indûment d'un versement ne peut ainsi que se borner à le sommer de restituer les fonds reçus; si l'intéressé refuse de s'exécuter spontanément, l'Office en est réduit à lui intenter l'action en enrichissement illégitime (ATF 123 III 335; 35 I 480 consid. 2 p. 482/483; 61 III 36, spéc. p. 38/39; décision de la Chambre de surveillance DCSO/131/2018 du 1er mars 2018 consid. 1.1.2).

2.1.3 Des décisions entachées d'erreurs sont nulles si le vice qui les affecte est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, de surcroît, la sécurité du droit n'est pas sérieusement mise en danger par l'admission de la nullité. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure. La nullité d'un jugement peut être invoquée et doit être relevée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit. Elle peut également être invoquée dans un recours – et même encore dans la procédure d'exécution (ATF 145 III 436 consid. 4; ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 129 I 361 consid. 2.1, JT 2004 II 47; arrêts du Tribunal fédéral 5D_78/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.1).

En matière de poursuite plus spécifiquement, l'art. 22 al. 1 LP prévoit que sont nulles les mesures contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt du public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure.

2.2 En l'espèce, l'Office n'avait pas la compétence de rendre la décision de restitution entreprise, laquelle doit être déclarée nulle au vu des considérants qui précèdent. Tout au plus, celle-ci peut-elle valoir invitation au plaignant de payer la somme réclamée. Il appartient à l'Office d'agir en enrichissement illégitime devant le juge s'il s'y estime fondé.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte du 30 novembre 2022 de A______ contre la décision administrative en répétition de l'indu rendue le 24 novembre 2022 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

Déclare nulle cette décision.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.