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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/822/2022

DCSO/365/2022 du 22.09.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.89; lp.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/822/2022-CS DCSO/365/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/822/2022-CS) formée en date du 14 mars 2022 par A______, B______, C______, D______, E______, F______ élisant domicile en l'étude de Me Sarah El Khalifa, avocate.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

B______

C______

D______

E______

______

c/o Me EL KHALIFA Sarah

Leax Avocats Sàrl

Rue des Beaux-Arts 8

2000 Neuchâtel.

- H______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. H______, né le ______ 1957, est domicilié selon les registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) à la rue 1______ à I______ (GE), avec son épouse J______, née le ______ 1989, et leur enfant commun K______, né le ______ 2021. Lui et sa famille résideraient toutefois principalement à L______ [Espagne], dans un immeuble appartenant à cette dernière.

b. Le 14 décembre 2020, A______, E______, M______, D______, C______ et N______ (ci-après : les consorts créanciers), composant la Communauté PPE 4______ à [code postal] G______ [FR], ont déposé auprès de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) une réquisition de poursuite dirigée contre H______ en vue du recouvrement d'un montant de 190'000 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an, allégué être dû en vertu d'une convention passée le 6 février 2020 devant le Tribunal de l'arrondissement T______ [FR].

Le commandement de payer, poursuite N° 2______, établi le 18 mars 2021 par l'Office conformément aux indications figurant sur la réquisition de poursuite, a été notifié le 24 mars 2021 en mains de O______, au bénéfice d'une procuration délivrée par le poursuivi, dans les bureaux de la fiduciaire exploitée par cette dernière. L'opposition formée lors de la remise de l'acte a été écartée par jugement du Tribunal de première instance du 24 septembre 2021, aujourd'hui entré en force.

Le 13 décembre 2021, les consorts poursuivants ont requis la continuation de la poursuite, laquelle participe avec quatre autres poursuites à la saisie, série N° 3______.

c. Dans le cadre de ladite série, l'Office, compte tenu de la pandémie sévissant alors, a adressé au poursuivi un questionnaire sur sa situation personnelle et financière que celui-ci lui a retourné le 20 décembre 2021 partiellement rempli, avec en annexe sa déclaration d'impôts pour l'année 2019.

Selon ces documents, complétés par un entretien téléphonique entre l'Office et le poursuivi, ce dernier exerçait à titre indépendant la profession d'architecte mais n'en retirait aucun revenu. Journaliste de formation, son épouse n'exerçait pour sa part aucune activité lucrative. Le poursuivi percevait en revanche les revenus locatifs de deux immeuble, l'un sis à I______ [GE] et le second à U______ [VD], pour un montant brut d'environ 158'000 fr. par an correspondant à un revenu net d'environ 35'500 fr. par an. Ces deux immeubles figuraient dans la déclaration d'impôts 2019 comme lui appartenant mais il avait fait donation de celui sis à U______ en 2019 à son épouse, tout en continuant à en percevoir les loyers (le sort de l'immeuble sis à I______ n'étant en revanche pas connu). L'épouse du débiteur était en outre propriétaire d'un immeuble en Espagne, où il indiquait résider usuellement. La déclaration d'impôts 2019 fait par ailleurs état de divers avoirs bancaires dont, au nom de son épouse, des titres d'une société espagnole P______ pour un montant de 266'191 fr. Le poursuivi possédait par ailleurs des participations dans diverses sociétés, notamment 25% des actions d'une société Q______ SA, laquelle demeurait dans l'attente d'un dédommagement de la part de l'Etat à la suite d'un déclassement foncier.

d. Le 25 février 2022, l'Office a établi et adressé aux débiteurs et créanciers participant à la saisie, série N° 3______, le procès-verbal de saisie, reçu le 2 mars 2022 par les consorts créanciers.

Il ressort de ce document que, faute d'actifs immobiliers ou mobiliers saisissables, l'Office avait décidé de procéder à une saisie des revenus locatifs nets – arrêtés à 3'000 fr. par mois – tirés par le débiteur de l'immeuble sis à U______ [VD]. La quotité saisissable était fixée à 900 fr. par mois compte tenu d'un minimum familial de 2'100 fr., correspondant à l'entretien de base pour un couple et un enfant en bas âge, entièrement à la charge du poursuivi. Compte tenu d'une saisie antérieure, la saisie portait sur la période du 23 septembre 2022 au 13 janvier 2023.

B. a. Par acte adressé le 14 mars 2022 à la Chambre de surveillance, les consorts créanciers ont formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de saisie du 25 février 2022, concluant principalement à ce que la Chambre de céans conduise des investigations supplémentaires afin d'établir la situation financière réelle du débiteur de manière à ce qu'un nouveau procès-verbal de saisie puisse être établi. Selon eux, l'Office aurait dû obtenir directement des tiers concernés les informations utiles sur les éléments de fortune et les revenus dont le débiteur et son épouse pouvaient disposer, notamment leur déclaration d'impôts 2021 si elle existait, leurs relevés de comptes bancaires et postaux, leurs polices d'assurance, en particulier vieillesse, les dividendes ou autres prestations reçues des sociétés dont ils pouvaient être actionnaires, leurs biens mobiliers et immobiliers, etc. L'Office avait en outre omis de prendre en considération le coût de la vie à L______ [Espagne], alors que le débiteur et sa famille avaient indiqué y résider principalement. Le procès-verbal de saisie devait donc être annulé et une nouvelle saisie exécutée après que la situation financière du débiteur eut été éclaircie. Subsidiairement, un nouveau procès-verbal de saisie devait être établi après instruction complémentaire.

b. Dans ses observations du 5 avril 2022, l'Office a indiqué avoir procédé à la réception de la plainte à certaines des mesures d'investigation sollicitées par les plaignants.

Des avis au sens de l'art. 99 LP avaient ainsi été adressés aux principaux établissements financiers de la place, ce qui n'avait toutefois pas permis en l'état d'identifier de nouveaux actifs.

La déclaration fiscale 2020 du débiteur avait été obtenue (la déclaration 2021 n'étant pas encore disponible). Elle faisait état de revenus immobiliers de 124'000 fr. brut (dont 115'000 fr. provenant de l'immeuble de U______ [VD] donné en cours d'exercice par le débiteur à son épouse) pour des intérêts hypothécaires de 53'003 fr., soit un revenu annuel net de 71'197 fr. correspondant à un revenu mensuel net de 5'933 fr.

Les actions de la société Q______ SA détenues par le débiteur avaient fait l'objet d'une saisie exécutée en mains du débiteur et de la société, celle-ci ayant par ailleurs été invitée à transmettre à l'Office le registre des actionnaires, ce qu'elle n'avait pas encore fait.

Au vu de ces informations supplémentaires, et en réduisant de 15% le montant de l'entretien de base pour les différents membres de la famille compte tenu de leur résidence principale à L______ [Espagne], l'Office avait décidé de reconsidérer sa décision relative à la quotité saisissable et de porter celle-ci à 4'148 fr. par mois (5'933 fr. – 1'795 fr.). Un nouveau procès-verbal de saisie formalisant cette décision serait établi et communiqué aux débiteur et créanciers "dès que possible".

c. Bien que dûment interpellé, H______ ne s'est pas déterminé sur la plainte.

d. Par acte adressé le 25 avril 2022 à la Chambre de surveillance, les consorts créanciers ont indiqué maintenir leur plainte nonobstant la saisie complémentaire exécutée par l'Office sur les actions de la société Q______ SA et son intention déclarée de reconsidérer sa décision relative à l'ampleur de la saisie de revenus. Selon eux, les investigations conduites par l'Office demeuraient insuffisantes et la situation financière du débiteur opaque. Il convenait notamment que l'Office :

·         Se procure la décision de taxation relative à la déclaration d'impôts 2020 du débiteur;

·         Obtienne les informations utiles sur les assurances, notamment 3ème pilier, éventuellement conclues par le débiteur;

·         Obtienne les informations utiles aux revenus éventuellement perçus par le débiteur des sociétés dont il est actionnaire, associé ou administrateur, en particulier les sociétés Q______ SA, R______ SARL et V______ SA, ces investigations devant notamment porter sur la comptabilité desdites sociétés aux fins de vérifier si le débiteur disposait d'un compte actionnaire;

·         Détermine le lieu de domicile suisse du débiteur et y vérifie l'absence de biens mobiliers saisissables;

·         Vérifie, par des recherches auprès du Registre foncier, que le débiteur n'est pas propriétaire d'immeubles en Suisse ou à l'étranger.

La situation financière de l'épouse du débiteur devait également être établie.

Enfin, au vu du coût de la vie à L______ [Espagne], les montants d'entretien de base pris en considération pour le calcul du minimum vital devaient être réduits de 35% et non de 15%.

e. En l'absence de dupliques spontanées de la part de l'Office ou du débiteur, la cause a été gardée à juger le 23 juin 2022.

EN DROIT

1. 1.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

1.2.1 En cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée; s'il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l'autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP). La nouvelle décision ou mesure se substitue à l'ancienne. L'autorité de surveillance doit néanmoins examiner la plainte, à moins que la décision de reconsidération n'ait rendu sans objet les conclusions de cette dernière (ATF
126 III 85 consid. 3).

1.2.2 En l'occurrence, l'Office a, postérieurement au dépôt de la plainte, procédé à diverses mesures d'investigation requises par les plaignants, ce qui a rendu la plainte sans objet sur ces points, D'autres mesures estimées nécessaires par les plaignants n'ont cependant, en l'état, pas été exécutées. Surtout, l'Office n'avait pas, à l'expiration du délai de réponse qui lui avait été imparti, rendu de nouvelle décision sur le principal objet de la plainte, soit l'étendue de la saisie quant aux actifs mis sous mains de justice et, s'agissant de la saisie de revenus, de sa quotité.

La plainte conserve donc son objet, de telle sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.

2. Les plaignants reprochent en premier lieu à l'Office de n'avoir pas suffisamment investigué la situation personnelle et financière du débiteur.

2.1 Lorsque le débiteur est sujet à la poursuite par voie de saisie, l'Office, après réception de la réquisition de continuer la poursuite, procède sans retard à la saisie ou y fait procéder par l'office du lieu où se trouvent les biens à saisir (art. 89 LP). L'Office, qui est en charge de l'exécution de la saisie (art. 89 LP), doit déterminer d'office les faits pertinents pour son exécution (ATF 108 III 10). Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi, qui ne sont pas insaisissables en vertu des art. 92 et 93 LP. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus, "à l'instar d'un juge chargé d'instruire une enquête pénale ou d'un officier de police judiciaire" (Gilliéron, Commentaire de la LP, articles 89-158, 1999, n. 12 ad art. 91).

Il revient à l'office d'interroger le poursuivi, d'inspecter sa demeure, voire les locaux qu'il loue comme bailleur ou locataire, de façon proportionnée aux circonstances (Gilliéron, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 91). Les tiers peuvent également être sollicitées, dès lors que la loi leur impose la même obligation de renseigner qu'au débiteur (art. 91 al. 4 LP; Ochsner, CR LP, 2005, n. 25 ad art. 93; Jeandin, CR LP, 2005, n. 15 ad art. 91). Dans le cadre de ses investigations, l'office doit donner suite aux indications et indices dont il a connaissance, suggérant l'existence d'actifs et de revenus non signalés par le débiteur saisi; en l'absence de telles indications ou indices, il n'a cependant pas l'obligation de rechercher de tels actifs ou revenus.

La question de savoir si et dans quelle mesure l'enquête menée par l'Office est défectueuse et son résultat inexact ne doit être examinée qu'en ce qui concerne les éléments critiqués par le créancier dans sa plainte (cf. ATF 127 III 572 consid. 3c).

2.2 Il faut en l'espèce concéder aux plaignants que la situation personnelle et financière du débiteur est singulièrement opaque, ce qui paraît principalement dû au fait qu'il n'a jamais pu véritablement être interrogé par l'Office. Celui-ci, en raison de la situation sanitaire régnant alors, lui a certes adressé en novembre 2021 un questionnaire qu'il a retourné – partiellement – rempli avec pour toutes annexes une copie de sa déclaration d'impôts pour l'année 2019 et une liste de comptes bancaires. Un collaborateur de l'Office a ensuite pris contact par téléphone avec le débiteur, dont les explications n'ont toutefois pas été consignées. Les pièces justificatives requises par l'Office n'ont pour leur part, dans leur majorité, pas été produites.

Cette absence, respectivement cette insuffisance, des investigations initiales a eu pour conséquence qu'au moment de procéder à la saisie l'Office n'avait qu'une connaissance extrêmement partielle de la situation du débiteur et de sa famille. C'est ainsi en particulier que l'existence d'éventuels actifs saisissables, que ce soit sous forme d'immeubles, de meubles, de créances ou encore de participations n'a que peu été instruite, et que dans un premier temps la saisie n'a porté sur aucun actif. La même remarque s'impose pour les revenus réalisés par le débiteur, l'Office s'étant borné à cet égard à reprendre les indications figurant dans la déclaration d'impôts 2019 – faisant état de données antérieures de deux ans à la saisie – pour évaluer les revenus et calculer la quotité disponible.

Les quelques démarches exécutées postérieurement au dépôt de la plainte n'ont pour leur part pas permis de lever les importantes zones d'ombre caractérisant la situation du débiteur, à commencer par son lieu de vie effectif.

Bien qu'ayant disposé d'un délai pour ce faire, le débiteur a pour sa part renoncé à s'exprimer sur sa situation.

La plainte est donc bien fondée. Dès lors que la saisie n'a pas été contestée en tant qu'elle a porté sur un montant mensuel de 900 fr., le procès-verbal du 25 février 2022 ne sera toutefois pas annulé, mais l'Office sera invité à le compléter par la mention des saisies intervenues par la suite (actions de la société Q______ SA) ainsi que, le cas échéant et selon le résultat des investigations qu'il devra conduire, par la saisie d'autres actifs et par une éventuelle augmentation de la quotité saisissable.

Il s'agira donc pour l'Office, dans un premier temps, d'interroger le débiteur – préalablement informé de son obligation de collaborer et des conséquences pénales que le non-respect de cette obligation pourrait entraîner – de manière approfondie et complète sur l'ensemble de sa situation, de manière à pouvoir identifier les actifs et revenus susceptibles d'être saisis. Cet interrogatoire devra notamment porter sur le lieu et les conditions de vie effectifs du débiteur et de sa famille, les charges qu'ils supportent, l'éventuelle poursuite de son activité lucrative et les revenus qu'il en retirerait, respectivement sur les raisons de l'absence de revenus, sur l'existence d'éventuels revenus de substitution (p. ex. rentes AVS, LPP et troisième pilier) sur ses participations dans diverses sociétés, leur valeur et les revenus qu'il en retire éventuellement, que ce soit en qualité d'actionnaire ou de membre du conseil d'administration, sur les créances dont il disposerait à l'encontre de ces sociétés ou les prêts qu'elles lui auraient consentis (comptes actionnaires créditeurs ou débiteurs), ainsi sur d'éventuels avoirs LPP ou d'épargne, y compris de troisième pilier. Quand bien même le débiteur ne serait plus aujourd'hui propriétaire d'aucun bien immobilier en Suisse – étant relevé que le bien immobilier sis en Espagne est insaisissable et paraît au surplus, à en croire la déclaration d'impôts 2020, appartenir à son épouse – il devra être interrogé sur le sort des deux immeubles dont il se déclarait propriétaire en 2019 (voire d'autres qu'il aurait précédemment aliénés), ce notamment dans la perspective d'éventuelles actions révocatoires au sens des art. 285 ss. LP. L'existence et le montant d'éventuels revenus immobiliers devront être éclaircis, de même que leur titularité.

Le débiteur devra également être interrogé sur les revenus réalisés par son épouse, leur montant étant déterminant pour la répartition entre les époux des charges du ménage commun.

Une fois le débiteur entendu, et après avoir obtenu de ce dernier les pièces justificatives utiles, l'Office sera en mesure, dans un second temps, de compléter le cas échéant la saisie et de recalculer la quotité saisissable.

En l'absence de collaboration du débiteur, par exemple si celui-ci se refuse à produire les pièces justificatives requises par l'Office, ou si des indices existent que le débiteur aurait omis de renseigner l'Office sur un actif ou un revenu, il appartiendra à ce dernier de poursuivre ses investigations, notamment en sollicitant des informations directement de tiers. Faute de tels indices en revanche, il n'appartiendra pas à l'Office de rechercher lui-même d'autres actifs ou revenus saisissables.

3. Les plaignants reprochent à l'Office de ne pas avoir, dans le cadre du calcul du minimum vital du débiteur et de sa famille, réduit le montant de l'entretien de base pour tenir compte du fait qu'ils résideraient principalement dans un pays – l'Espagne – où le coût de la vie est moins élevé qu'en Suisse. Après que l'Office eut, dans ses observations du 5 avril 2022, annoncé son intention de réduire de 15% le montant de l'entretien de base du couple formé par le débiteur et son épouse ainsi que de leur enfant, les plaignants ont estimé qu'une telle réduction était insuffisante au regard du coût de la vie en Espagne.

3.1 Lorsque le débiteur a son domicile à l'étranger, son minimum vital doit être établi en fonction du niveau de vie correspondant (ATF 91 III 81 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.4 et 5A_904/2019 du 15 juin 2020 consid. 2.6.3 et les références citées). Dans la pratique, la différence de niveau de vie dans les différents pays est établie en se basant sur les statistiques établissant la parité des prix à la consommation, respectivement comparant le pouvoir d'achat à l'échelle internationale. Il est possible à cet égard de se référer aux rapports établis par les grandes banques ou les données de l'Office fédéral de la statistique, résultant des enquêtes menées par EUROSTAT, en collaboration avec l'OCDE et l'ONU (arrêts du Tribunal fédéral 5C_6/2002 du 11 juin 2002 consid 3a non publié in ATF 128 III 257; 5A_384/2007 du 3 octobre 2007 consid. 4.1; 5A_904/2019 du 15 juin 2020 consid. 2.6.3).

3.2 Il résulte des jurisprudences rappelées ci-dessus que le montant de l'entretien de base du débiteur domicilié à l'étranger et de sa famille pris en considération doit être adapté au coût de la vie effectif de l'endroit où il vit, et donc où les dépenses nécessaires comprises dans l'entretien de base (alimentation, vêtements, linge y compris leur entretien, soins corporels et de santé, entretien du logement, assurances privées, frais culturels, éclairage, électricité et gaz pour la cuisine, etc.) sont concrètement exposées. L'application de ce principe au cas du débiteur est toutefois impossible à vérifier en l'état du dossier, faute d'informations suffisantes et fiables sur ses conditions d'existence et celles de sa famille. L'Office paraît certes avoir retenu, se fondant sur un entretien téléphonique avec le débiteur dont la teneur n'a fait l'objet d'aucun compte-rendu écrit, que celui-ci résidait effectivement en Espagne, à L______ [Espagne]. Il n'en demeure pas moins qu'il a conservé son domicile – à tout le moins officiel – en Suisse, ce qui laisse supposer qu'il y séjourne à tout le moins une partie du temps. Ainsi, ce n'est qu'après que les conditions de vie du débiteur et de sa famille auront été éclaircies (cf. ci-dessus cons. 2.2) que la question d'une réduction du montant de l'entretien de base – et le cas échéant de l'ampleur de cette déduction – pourra se poser.

Il convient pour le surplus de rappeler que, pour autant qu'une réduction se justifie, son ampleur relève dans une certaine mesure du pouvoir d'appréciation de l'Office (art. 93 al. 1 in fine LP). En l'occurrence, il appartiendra donc à ce dernier, s'il estime qu'une réduction se justifie, d'en apprécier l'ampleur en se fondant certes sur les statistiques publiées en la matière (p. ex. l'indice de niveau des prix EUROSTAT) mais également en tenant compte des spécificités de l'espèce (p. ex. le fait que L______ [constitue] notoirement une destination touristique, avec pour conséquence que les prix y sont vraisemblablement plus élevés que dans d'autres régions de l'Espagne) de manière à garantir que le débiteur et sa famille aient encore la possibilité de mener une existence décente.

Il n'y a ainsi pas lieu de fixer dans la présente décision si et dans quelle mesure les montants de l'entretien de base du débiteur et de sa famille devraient être réduits, l'Office étant invité, sur ce point également, à compléter et le cas échéant rectifier le procès-verbal de saisie après avoir procédé aux investigations complémentaires décrites sous cons. 2.2 ci-dessus.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 14 mars 2022 par A______, E______, M______, D______, C______ et N______ contre le procès-verbal de saisie établi par l'Office cantonal des poursuites le 25 février 2022 dans la saisie, série N° 3______.

Au fond :

L'admet.

Invite l'Office cantonal des poursuites à compléter à bref délai ses investigations dans le sens du considérant 2.2 de la présente décision.

Invite l'Office cantonal des poursuites, une fois ces investigations effectuées, à compléter et rectifier le procès-verbal de saisie et à en communiquer un exemplaire du procès-verbal complété aux débiteur et créanciers participant à la saisie.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

 

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé
(art. 42 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.