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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/943/2022

DCSO/310/2022 du 18.07.2022 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Plainte tardive; restitution des délais
Normes : lp.33.al4; lp.17
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/943/2022-CS DCSO/310/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 15 JUILLET 2022

 

Plainte 17 LP (A/943/2022-CS) formée en date du 24 mars 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

Chemin ______

______[GE].

- Office cantonal des faillites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 12 novembre 2008, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de B______ SA.

b. Le 23 août 2011, les prétentions visées sous chiffres C3, C4, C5, C6, C7 et C9 de l'inventaire établi par l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office), soit des créances contre divers débiteurs de la faillie ainsi que des prétentions en responsabilité contre les anciens organes, ont été cédées à A______.

c. La faillite de la société a été clôturée le ______ 2014.

d. A______ a sollicité à plusieurs reprises la prolongation du délai pour agir lié aux cessions des droits de la masse en faillite.

e. Le 22 octobre 2019, Me C______, avocat, a informé l'Office de ce qu'il succédait au précédent conseil de A______ dans le contexte de la faillite de B______ SA, avec élection de domicile en son Etude. Il sollicitait une prolongation du délai lié à la cession des droits de la masse en faillite.

f. Par courrier du 29 octobre 2019, l'Office a répondu à Me C______ qu'il avait pris note de son mandat et l'invitait à indiquer, avant le 11 novembre 2019, délai ensuite prolongé au 31 décembre 2019, quelles mesures concrètes avaient été prises pour faire valoir les droits cédés. A défaut de réponse dans le délai fixé, la cession serait révoquée.

g. Par courrier du 20 décembre 2019, Me C______ a répondu à l'Office que s'agissant de la prétention figurant sous C7 de l'inventaire, soit les prétentions en responsabilité contre les anciens organes de la faillie, A______ avait introduit, le 13 novembre 2015, une action judiciaire, qui s'était avérée prescrite. A______ avait chargé Me C______ d'agir contre son précédent avocat, qui n'avait manifestement pas agi en temps utile. Concernant les créances inventoriées sous C3 à C6 et C9, l'avocat indiquait qu'il ne disposait pas en l'état des documents nécessaires pour vérifier les démarches qui avaient été entreprises en vue du recouvrement de ces prétentions. Il sollicitait de l'Office qu'il prolonge la cession des droits en faveur de A______ au 30 juin 2020.

h. Le 6 janvier 2020, l'Office a confirmé à Me C______ qu'il prolongeait au 30 juin 2020 l'échéance du délai pour prendre des mesures pour faire valoir les droits cédés. A défaut de réponse ou d'explications probantes dans le délai fixé, l'Office procéderait à la révocation des cessions.

i. Par courrier du 18 juin 2020, l'Office a prolongé au 30 juin 2021, à la demande de Me C______, le délai pour faire valoir les prétentions des droits cédés.

j. Par lettre du 13 juillet 2021, l'Office a fixé à Me C______ un délai au
26 juillet 2021 pour indiquer les mesures qui avaient été prises par son client pour faire valoir les droits cédés et, le cas échéant, remettre les pièces justificatives. A défaut de réponse ou d'explications probantes, dans un délai échéant le
26 juillet 2021, l'Office révoquerait les cessions.

k. Le 16 août 2021, l'Office a informé le conseil de A______ de ce que les cessions étaient révoquées.

l. Le 22 février 2022, A______ s'est adressé par e-mail à l'Office, exposant que le courrier "de juillet 2021" à Me C______ était resté sans réponse car il avait résilié le mandat de cet avocat en janvier 2021. La lettre était restée "enfouie dans le dossier". Depuis, il s'attelait à recouvrer la prétention C9 de l'inventaire, de sorte qu'il demandait à l'Office de prolonger la cession en sa faveur au 30 septembre 2022, voire au 30 septembre 2023.

m. Par courriel du 7 mars 2022, l'Office a informé A______ de ce qu'il ne pouvait pas annuler la révocation de cession.

n. Par courrier du 15 mars 2022, l'Office a transmis à A______ une copie de la lettre du 16 août 2021, lui confirmant que les cessions des droits de la masse avaient bien été révoquées.

B. a. Par acte posté le 24 mars 2022, A______ a porté plainte auprès de la Chambre de surveillance contre la décision de l'Office du 16 août 2021, dont il n'avait eu connaissance que le 23 mars 2022, à réception du courrier de l'Office du 15 mars 2022. Il a conclu à l'annulation de cette décision, regrettant que l'Office ne lui en ait pas adressé un tirage, alors qu'à la date du prononcé de la décision (août 2021), le mandat de son avocat avait déjà été résilié.

b. Dans son rapport du 25 avril 2022, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Dirigée contre la décision du 16 août 2021, la plainte était tardive et donc irrecevable. De plus, l'Office était en droit de révoquer la cession des droits de la masse, dès lors que le plaignant n'avait pas réagi dans le délai qui lui avait été fixé.

c. Par réplique du 3 mai 2022, A______ a précisé que
Me C______ lui avait fait suivre la lettre de l'Office du 13 juillet 2021, sans commentaire ni conseil quant à la suite à donner. Son avocat ne lui avait en revanche pas transmis la décision du 16 août 2021, dont il avait appris l'existence en mars 2022.

d. Par courrier du 19 mai 2022, A______ et l'Office ont été avisés de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les
dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 La jurisprudence admet la notification qualifiée (art. 64 ss LP) d'un acte de poursuite déterminé à un représentant contractuel (par ex. un avocat ou un représentant professionnel au sens de l'art. 27 LP) que le destinataire - personne physique ou morale - a désigné spécialement à l'office des poursuites dans ce but ou à qui il a délivré une procuration générale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_45/2015 du 20 avril 2015, consid. 3.2 et les références).

Lorsque l'avocat a été expressément habilité par le débiteur poursuivi à recevoir des actes de poursuite pour son compte et que cette désignation a été communiquée à l'office des poursuites, celui-ci, s'il n'informe pas de suite le débiteur poursuivi qu'il ne tiendra pas compte de cette communication, est tenu, en vertu des règles de la bonne foi, de notifier les actes de poursuite en priorité au représentant conventionnel, pourvu que ce dernier réside dans l'arrondissement de poursuite (Jaques, De la notification des actes de poursuite, BlSchK 2011, 177 ss, 179 et les références).

Ces principes peuvent sans autre s'appliquer aux communications selon les formes de l'art. 34 LP.

1.2. En l'espèce, il résulte du dossier et n'est pas contesté que le plaignant avait constitué en octobre 2019 un (nouvel) avocat, chargé de le représenter dans ses rapports avec l'Office dans le contexte de la faillite de la société B______ SA, en particulier en relation avec l'exercice des droits de la masse qui lui avaient été précédemment cédés. C'est ainsi à juste titre qu'à partir de cette constitution, l'Office a envoyé ses communications au mandataire, lequel avait du reste expressément mentionné une "élection de domicile" en son Etude et sollicité lui-même auprès de Office la prolongation des délais pour faire valoir les droits cédés à son client.

Il est également avéré que le plaignant n'a pas informé l'Office de la résiliation du mandat de son avocat. La notification au mandataire du plaignant du courrier du 13 juillet 2021 et de la décision du 16 août 2021 ne prête ainsi pas le flanc à la critique et est valable. La plainte déposée plus de six mois après la notification de la décision de révocation de la cession est ainsi tardive et donc irrecevable.

Le courrier du 15 mars 2022, communiquant au plaignant une copie de la décision du 16 août 2021 pour information, n'est quant à lui pas une décision sujette à plainte, dès lors qu'il ne fait que confirmer la décision prise antérieurement (DCSO/1/2006 du 12 janvier 2006).

La plainte est ainsi tardive et donc irrecevable, étant précisé qu'aucun motif de nullité n'est allégué ni constaté (art. 22 LP).

2. 2.1. L'art. 33 al. 4 LP dispose que, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égale au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis.

Pour qu'un empêchement non fautif puisse être retenu, il faut que, sans aucune faute de sa part, le requérant se soit trouvé non seulement dans l'impossibilité de procéder lui-même à l'acte omis mais également de mandater et d'instruire un tiers pour y procéder (DCSO/26/2015 du 8 janvier 2015). Peuvent ainsi constituer un empêchement non fautif, selon les circonstances, une maladie grave et soudaine (ATF 112 V 255 consid. 2a) ou un accident (ATF 108 V 109 consid. 2c), mais non une maladie de courte durée, une absence ou une surcharge de travail (arrêts du Tribunal fédéral 7B.190/2002 du 17 décembre 2002; 7B.108/2004 du
24 juin 2004 consid. 2.2.1; 7B.64/2006 du 9 mai 2006 consid. 3).

Les actes et omissions d’un mandataire sont directement imputables au plaignant ou à sa partie adverse comme les siens propres (ATF 119 II 86 sur la restitution d’un délai au sens de l’art. 35 OJ ; Erard , in CR-LP, ad art. 33 n° 21).

2.2 En l'espèce, dans la mesure où l'on peut considérer que la plainte contient implicitement une requête en restitution du délai pour contester la décision de l'Office du 16 août 2021 voire du délai fixé au 26 juillet 2021 pour faire valoir les créances cédées, force est de constater que les conditions de l'art. 33 al. 4 LP ne sont pas réalisées. En effet, il appartenait au plaignant d'informer l'Office de la résiliation du mandat de son avocat et du fait que toute communication devait désormais être faite à son propre domicile, ce qu'il n'a pas fait. De plus, l'éventuelle omission de l'avocat, dont le mandat avait été résilié, de renseigner et conseiller le plaignant, voire de répondre à l'Office ou de déposer plainte, est opposable au plaignant et ne constitue donc pas un motif de restitution de délai. Le comportement du plaignant est en l'occurrence d'autant moins excusable qu'il admet lui-même avoir reçu de son (ancien) mandataire le courrier de l'Office du 13 juillet 2021, qui lui fixait un délai et mentionnait expressément qu'en l'absence de réponse, les cessions seraient révoquées. La condition de l'empêchement non fautif n'est donc pas réalisée et la demande (implicite) de restitution du délai, formée au demeurant plus de sept mois après l'échéance, en juillet 2021, du délai pour agir et plus de six mois après la révocation de la cession, doit ainsi être rejetée.

3. Enfin, à toutes fins utiles, il sera observé que l'Office était fondé à révoquer les cessions. En effet, selon la jurisprudence, le cessionnaire qui entend conserver son droit à agir doit requérir personnellement la prolongation du délai, faute de quoi il est réputé y renoncer, la cession devenant alors caduque pour autant que l'administration de la faillite la révoque (ATF 121 III 291 consid. 3c). Or, le plaignant n'a pas requis la prolongation du délai en temps utile et il n'allègue pas non plus qu'il aurait agi en justice pour faire valoir les droits cédés.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 24 mars 2022 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des faillites du 16 août 2021.

Rejette la requête en restitution du délai de plainte respectivement du délai pour faire valoir les droits de la masse en faillite de B______ SA selon cession du 23 août 2011.

 

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.