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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/136/2022

DCSO/279/2022 du 30.06.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Nullité de la poursutie; créanceier ne disposant pas de la capacité d'ester en justice; société "délinquante" au sens du droit du Colorado/Etats-Unis
Normes : lp.67
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/136/2022-CS DCSO/279/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 30 JUIN 2022

 

Plainte 17 LP (A/136/2022-CS) formée en date du 14 janvier 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Christel Burri, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me BURRI Christel

KBB

Place Longemalle 16

1204 Genève.

- B______

c/o Me TUNIK Daniel

Lenz & Staehelin

Route de Chêne 30

Case postale 615

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


Attendu, EN FAIT, que A______ a assigné B______, ayant son siège à C______, D______, Etats-Unis d'Amérique, en paiement de 1'600'000 usd, plus intérêts à 5 % l'an dès le 24 août 2015, par requête en cas clair déposée le 30 novembre 2017 devant le Tribunal de première instance de Genève.

Que la requête a été déclarée irrecevable par jugement du 14 mai 2019 et A______ a été condamné à verser à B______ 240 fr. à titre de frais judiciaires et 10'000 fr. à titre de dépens.

Que sur la base de ce jugement, B______ a requis la poursuite de A______ le 20 juillet 2021 pour un montant de 10'240 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 25 octobre 2019.

Qu'après plusieurs tentatives infructueuses, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) est parvenu à notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______ le 4 janvier 2022.

Que A______ a formé opposition au commandement de payer à sa réception.

Qu'il a par ailleurs formé, par acte expédié le 14 janvier 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), une plainte contre la notification du commandement de payer, concluant à la constatation de sa nullité en raison du fait que B______ n'avait pas la capacité d'ester en justice, ni de requérir la poursuite car elle avait été déclarée "delinquent, July 1, 2018" dans le registre du D______ Secretary of State et inscrite "inactive" au registre du E______ Department of State en raison d'une "admin dissolution for annual report" en date du 27 septembre 2019.

Qu'à l'appui de la plainte, il produit la teneur de l'art. 90-903 du D______ Corporations and Associations Act qui est la suivante :

(1) Une entité délinquante ne peut soutenir une procédure devant un tribunal de cet Etat pour le recouvrement de ses dettes jusqu'à ce qu'elle ait assainis sa situation de délinquance.

(2)

(3) L'existence d'une entité locale en état de délinquance continue.

(4) Une entité local en était de délinquance peut être dissoute en tout temps de n'importe quelle manière selon la voie prévue par ses documents constitutifs et statuts et, si elle n'est pas parvenue à assainir son état de délinquance pendant plus de trois ans, l'entité peut être dissoute selon la section 7-90-908 de la loi.

Que dans ses observations du 26 janvier 2022, l'Office s'en remet à la décision de la Chambre de surveillance, tout en soulignant qu'il a correctement évalué la réquisition de poursuite à son niveau, compte tenu des informations dont il disposait.

Que B______ a déposé le 28 février 2022 de observations précisant que : "alors que la procédure initiée par A______ était pendante par-devant le Tribunal de première instance, une réorganisation interne a eu lieu au sein du groupe F______ au terme de laquelle les actifs et passifs de B______, la société assignée sans succès par A______, ont été repris par une autre entité du groupe, à savoir G______, une société du Delaware. Cette restructuration intervenue en 2018 déjà ne modifie en rien la condamnation prononcée à l'encontre de A______ par jugement du mois de mai 2019. Si par impossible l'action de A______ avait prospéré, ce dernier n'aurait bien entendu pas manqué de faire valoir le fait que la prétendue dette de la société assignée – B______ – avait été reprise par la société reprenante, G______. Ainsi, par jugement du Tribunal de première instance du 14 mai 2019, A______ a été prononcé débiteur d'une dette envers B______, laquelle était d'ores et déjà reprise par G______. Au regard des explications qui précèdent, plutôt que de contraindre G______ d'entamer une nouvelle poursuite et de s'exposer pour la troisième fois aux manœuvres dilatoires du débiteur, il y a lieu de procéder à la rectification du nom de l'entité poursuivante B______ étant substituée par G______."

Considérant, EN DROIT, que déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Qu'une poursuite introduite, ou continuée, au nom d'une personne inexistante est nulle au sens de l'art. 22 al. 1 LP; que tel est le cas lorsque le poursuivant n'a pas la personnalité juridique. Que la sanction de la nullité n'implique "nullement que les autorités de poursuite doivent toujours, d'office ou sur requête, examiner si les parties à une poursuite sont sujets de droit et ont la capacité d'ester en justice"; une instruction et une décision sur ce point ne s'imposant que lorsque la qualité de sujet de droit du créancier ou du débiteur "peut être sérieusement mise en doute sur le vu des pièces du dossier". Que l'Office est habilité à refuser de donner suite à une réquisition de poursuite quand l'incapacité du requérant est patente; qu'il lui incombe également de rechercher de son propre chef, en consultant le site internet du registre du commerce, si une société poursuivie qui n'acquiert sa personnalité juridique que par l'inscription au registre du commerce existe véritablement; Que ces considérations ne s'appliquent pas à l'autorité de surveillance, qui statue dans le cadre d'une procédure contradictoire, régie par la maxime inquisitoire (art. 20a al. 2 ch. 2 LP), néanmoins tempérée par l'obligation de collaborer des parties (ATF 123 III 328 consid. 3 avec les références); que lorsque le commandement de payer a été notifié au poursuivi en dépit de la cause de nullité dont il est affecté, il incombe à l'autorité de surveillance de constater la nullité de cet acte; qu'elle ne saurait, à l'instar de l'office, réserver son contrôle à l'hypothèse où la qualité de sujet de droit du poursuivant "peut être sérieusement mise en doute sur le vu des pièces du dossier", sauf à renvoyer le poursuivi à faire trancher cette question par le juge civil, par exemple à l'occasion de la procédure de mainlevée (art. 80 ss LP) ou dans l'action en annulation de la poursuite (art. 85a LP). Or, abstraction faite de l'éventualité où elle est indubitable, la nullité d'une mesure de l'office ne peut pas être constatée par le juge; pareille compétence appartient aux autorités de surveillance (ATF 140 III 175 consid. 4 et les références citées).

Que si la Chambre ne peut en effet critiquer l'activité de l'Office en l'occurrence, elle ne saurait se limiter à le constater et elle doit examiner les arguments développés par le plaignant, conformément aux principes sus rappelés.

Que B______ ne prend pas position sur les arguments développés par le plaignant et déplace le débat sur son absence de légitimation en raison de la cession de la créance litigieuse, sollicitant la substitution de parties.

Que cette dernière apparaît impossible, B______ admettant que la cession de créance avait eu lieu avant même la réquisition de poursuite.

Que l'existence et la capacité d'ester en justice des personnes morales est régie et déterminée par le droit de leur siège (art. 154 al. 1 et art. 155 let. b et c LDIP).

Que les documents produits par le plaignant ne permettent pas de constater que la créancière serait inexistante du seul fait de sa "délinquance" à teneur du texte légal produit.

Qu'en revanche, elle prive la société de la capacité d'ester en justice provisoirement et, après trois ans de délinquance, permet la dissolution de la société, laquelle a été prononcée à teneur des actes produits, ce que B______ ne conteste pas.

Qu'il y a par conséquent lieu de retenir que la poursuite litigieuse a été entreprise par une entité qui n'avait pas la capacité d'ester en justice au moment de la requérir et n'a de surcroît très vraisemblablement plus de personnalité.

Que la plainte est fondée et la nullité de la poursuite sera constatée.

Que la procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoît la plainte de A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 1______.

Au fond :

Constate la nullité de la poursuite et du commandement de payer.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.