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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1644/2021

DCSO/77/2022 du 02.03.2022 ( DEM ) , ADMIS

Descripteurs : Nouvelle expertise
Normes : orfi.9.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1644/2021-CS DCSO/77/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 2 MARS 2022

Demande de nouvelle expertise (A/1644/2021) formée en date du 10 mai 2021 par A______ AG.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ AG

______
______.

-       C______ et B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A.           a. B______ et C______ sont copropriétaires des parts de PPE nos 1______ et 2______ de la parcelle de base n° 3______, Commune de F______, sise ______ [GE], correspondant à un appartement (lot 4.07) et à des espaces au sous-sol (lot 1.22: garage, cave et buanderie).

Ils font l'objet, en qualité de débiteurs solidaires, des poursuites en réalisation de gage immobilier nos 1______ et 2______, introduites à leur encontre par la banque A______ AG.

b. A______ AG ayant requis, le 1er février 2021, la réalisation des objets du gage, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a mandaté D______, architecte, aux fins d'estimer la valeur vénale des parts de PPE susmentionnées.

c. Dans son rapport daté du 29 mars 2021, accompagné de photographies, d'extraits du cadastre et du registre foncier, D______, (ci-après : le premier expert) a estimé à 2'029'000 fr. la part de PPE n° 1______ et à 140'000 fr. la part de PPE n° 2______.

Le premier expert a exposé que la parcelle n° 3______ de la Commune de F______, d'une surface de 9'350 m2, se trouvait à 15 minutes du centre de Genève, dans une zone de villas à l'extrémité d'un chemin privé, à l'abri des nuisances de la circulation routière. Elle comprenait quatre bâtiments, destinés à des habitations à plusieurs logements (nos 4______, 5______, 6______ et 7______) et une construction en sous-sol, commune aux quatre bâtiments, avec des garages privatifs, des caves, des buanderies et des locaux techniques.

L'immeuble n° 7______, d'une surface de 338 m2 au sol et comprenant la part de PPE n° 1______, avait été construit entre 1996 et 2000 sur trois étages (hors sous-sol), desservis par un ascenseur.

Rénové et transformé en 2009, l'appartement des époux B______/C______, situé au 3ème étage, traversant, était en très bon état général, avec des finitions de bonne qualité. Il présentait une surface brute de plancher de 205 m2 pour l'appartement, de 38.4 m2 pour la loggia et de 4.2 m2 pour le balcon. Il était composé d'un hall d'entrée, d'une cuisine / salle à manger, d'une grande loggia, d'un bureau, d'un salon, d'un wc visiteur, de deux grandes chambres à coucher avec salles de douches (suites), d'un dressing et d'un petit balcon.

Le lot 1.22 au sous-sol donnait droit à l'usage exclusif d'une cave (12 m2), d'une buanderie (5 m2) et d'un box pour deux voitures (25 m2).

Le premier expert a procédé à une estimation de la valeur intrinsèque des deux feuillets sur la base d'une répartition en millièmes de PPE. Il a retenu que la valeur totale de l'immeuble n° 3______ (terrain, quatre bâtiments, sous-sol et aménagements extérieurs) était de 34'976'797 fr. 56, soit 11'961'752 fr. pour le terrain, 16'961'050 fr. pour la construction hors sol, 7'647'575 pour la construction en sous-sol, 888'690 fr. pour les aménagements extérieurs et 1'274'365 fr. 75 pour les taxes et frais d'introduction. Les deux lots expertisés correspondant à 58‰ (lot 4.07) et à 4‰ (lot 1.22) de la PPE, leur valeur intrinsèque globale pouvait être estimée à 2'168'561 fr. 45 (2'028'654 fr. 26 + 139'907 fr. 19).

Le premier expert a aussi procédé à une estimation des deux lots à l'aide de la méthode de calcul fondée sur le cube SIA 116, aboutissant à un montant global de 1'506'488 fr. 39.

Pour le premier expert, la valeur vénale de l'immeuble se rapprochait de la valeur intrinsèque selon la méthode de la répartition en millièmes, soit 2'029'000 fr. pour le lot 4.07 et 140'000 fr. pour le lot 1.22.

d. Par courrier daté du 29 avril 2021, reçu le 3 mai 2021, l'Office a informé A______ AG qu'il retenait comme valeur d'estimation celle fixée par le premier expert, en 2'029'000 fr. pour le feuillet n° 1______ et en 140'000 fr. pour le feuillet 2______.

B. a. Par courrier expédié le 10 mai 2021 à la Chambre de surveillance, A______ AG a sollicité qu'il soit procédé à une nouvelle expertise de l'objet du gage.

Il a notamment joint à sa requête une évaluation IAZI – un outil d'estimation immobilière en ligne –, du 6 mai 2021, retenant une valeur vénale de la part de PPE n° 1______ de 3'875'000 fr.

b. Par ordonnance du 1er juin 2021, la Chambre de surveillance a imparti à A______ AG, sous peine d'irrecevabilité, un délai de dix jours pour procéder à l'avance des frais de nouvelle expertise, à hauteur de 2'500 fr., a désigné E______, architecte, en qualité de nouvel expert et, sous réserve du paiement en temps utile de l'avance fixée, lui a donné mission d'estimer la valeur des parts de PPE.

c. E______ (ci-après : le second expert) a adressé son rapport d'expertise, daté du 30 juillet 2021, par pli du 31 juillet 2021 à la Chambre de surveillance. Il a joint sa note d'honoraires, pour un montant de 2'500 fr.

Le second expert a repris les données foncières, légales et physiques sur lesquelles le premier expert avait fondé son appréciation, lesquelles reposaient sur le cadastre et n'avaient pas été contestées.

La parcelle était entièrement en 5ème zone (zone villas), dans une situation résidentielle calme, à proximité de commerces, écoles et services et à environ 8 km du centre-ville de Genève, avec une bonne desserte en transports publics. Le bâtiment faisait partie d'un ensemble résidentiel partageant la dévestiture et le garage souterrain. Les immeubles étaient situés dans un parc arborisé, clos et sécurisé. L'appartement expertisé, qui avait fait l'objet d'importants travaux de rénovation et de transformation, était vaste, présentait un très bon état d'entretien ainsi que des finitions et équipements haut de gamme.

Pour le second expert, les montants retenus pour évaluer la valeur intrinsèque de l'immeuble, comprenant une déduction de 10% pour vétusté, se décomposaient comme suit :

- 2'710'050 fr. pour l'appartement, correspondant à 14'500 fr./m2 x 186.90 m2;

- 495'000 fr. pour la mezzanine, soit 9'000 fr./m2 x 55 m2;

- 277'675 fr. pour le loggia, soit 7'250 fr./m2 x 38.30 m2;

- 28'275 fr. pour le balcon, soit 7'250 fr./m2 x 3.90 m2;

- 102'000 fr. pour le garage double, soit 2'500 fr./m2 x 40.80 m2;

- 74'700 fr. pour la cave et la buanderie, soit 3'000 fr./m2 x 24.90 m2.

La valeur intrinsèque du lot 4.07 se montait à 3'511'000 fr. et celle du lot 1.22 à 176'700 fr.

La valeur vénale étant égale à la valeur intrinsèque, le second expert a arrêté à 3'510'000 fr. l'estimation du feuillet n° 1______ et à 175'000 fr. celle du feuillet n° 2______.

d. Le rapport d'expertise a été transmis aux poursuivis, à A______ AG et à l'Office, par courriers du 4 août 2021.

e. Par avis du 10 septembre 2021, les parties et l'Office ont été informés que l'instruction de la requête était close.

EN DROIT

1. 1.1 Aux termes de l'art. 9 al. 2 ORFI, chaque intéressé a le droit d'exiger, en s'adressant à l'autorité de surveillance dans le délai de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle estimation soit faite par des experts.

1.2 En l'espèce, la demande de nouvelle expertise formée le 10 mai 2021, l'a été en temps utile. La poursuivante s'est en outre acquittée dans le délai imparti de l'avance de frais requise.

La demande de nouvelle expertise est ainsi recevable.

2. 2.1.1 Dans la poursuite en réalisation de gage, après avoir communiqué la réquisition de vente au débiteur, l'office demande un extrait du registre foncier relativement à l'immeuble à réaliser et il ordonne l'estimation de celui-ci (art. 99 al. 1 et 9 al. 1 ORFI). Si le résultat de l'estimation n'est pas inséré dans la publication de la vente (art. 20 ORFI), l'office la communique au créancier qui requiert la vente, ainsi qu'au débiteur et au tiers propriétaire, en y joignant l'avis que, dans le délai de plainte, ils peuvent s'adresser à l'autorité de surveillance pour requérir une nouvelle estimation par des experts (art. 99 al. 2 et 9 al. 2 ORFI).

2.1.2 Selon l'art. 9 al. 1 ORFI, l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie.

L'estimation du bien à vendre aux enchères ne révèle rien quant au produit effectivement réalisable lors celles-ci. Elle donne tout au plus aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable. C'est pourquoi l'estimation ne doit pas être la plus élevée possible, mais doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble (ATF 134 III 42 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1). Elle doit englober tous les critères susceptibles d'influer sur le prix d'adjudication, notamment les normes du droit public qui définissent les possibilités d'utilisation du bien-fonds à réaliser (ATF 143 III 532 consid. 2.2 et 2.3 et les références). En revanche, la loi n'indique pas la méthode à suivre pour procéder à l'estimation de la valeur vénale (ATF
134 III 42 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018, 5A_450/2008 et 5A_451/2008 du 18 septembre 2008, consid. 3.1).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Chambre de surveillance s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que celui-ci soit dûment motivé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1). Il n'est d'ailleurs pas rare que deux experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d'estimation pouvant varier considérablement de l'un à l'autre (ATF 120 III 79 consid. 2b). En présence d'estimations différentes, émanant d'experts aussi compétents l'un que l'autre, la Chambre de surveillance ne peut trancher pour un moyen terme entre les deux estimations en présence que si les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes, et qu'ainsi la fixation du montant à retenir au titre de l'estimation des biens à réaliser relève pleinement de son pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

2.2 En l'espèce, la Chambre de céans constate qu'à l'instar du premier expert, le second expert a fondé son estimation sur les éléments objectifs nécessaires et une visite des lieux, lors de laquelle il a pris plusieurs photos. Il ressort de son rapport du 30 juillet 2021 que, de manière générale, ses constatations relatives à l'emplacement de l'immeuble, à l'état du bâtiment et des parts de copropriété par étages concordent avec celles du premier expert.

La différence entre les valeurs d'estimation qu'ils retiennent tient à l'approche différente qu'ils ont adoptée. En effet, alors que le premier expert a commencé par évaluer la valeur intrinsèque de l'immeuble de base pour ensuite, par proportionnalité, calculer celle des parts de copropriété devant être estimées, le second, tout en tenant compte des particularités (emplacement, proximité de la ville, des transports et des commodités, qualité de la construction, état d'entretien, etc.) de l'immeuble de base, a directement estimé, faisant appel à son expérience, le prix au mètre carré des parts de copropriété appartenant aux poursuivis. Bien que ces deux méthodes puissent entrer en considération, la Chambre de surveillance donnera en l'espèce sa préférence à celle privilégiée par le second expert. S'agissant d'un bien dont on peut penser qu'il sera acquis par une personne souhaitant l'affecter à son usage personnel, en effet, un résultat fondé sur la valeur concrète pouvant lui être attribuée par un acheteur potentiel après une visite paraît mieux à même de refléter sa valeur vénale. La valeur retenue par le second expert est du reste plus proche de celle de l'estimation effectuée au moyen de l'outil d'évaluation en ligne utilisé par le créancier-gagiste.

La valeur de l'immeuble n° 1______ sera ainsi arrêtée à 3'510'000 fr. et celle de l'immeuble n° 2______ à 175'000 fr.

3. Les honoraires du second expert s'élèvent à 2'500 fr., montant qui paraît conforme aux tarifs usuellement pratiqués dans la branche. La note d'honoraires du 30 juillet 2021 peut donc être approuvée. Elle correspond à l’avance de frais que la requérante a versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

La procédure devant la Chambre de céans est pour le surplus gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la demande de nouvelle expertise des parcelles nos 1______ et 2______, commune de F______, formée le 10 mai 2021 par A______ AG.

Au fond :

Fixe à 3'510'000 fr. l'estimation de l'immeuble n° 1______, Commune de F______.

Fixe à 175'000 fr. l'estimation de l'immeuble n° 2______, Commune de F______.

Fixe à 2'500 fr. les frais de la nouvelle expertise effectuée par E______ et invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à lui verser ce montant.

Met ces frais à la charge de A______ AG et les compense avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Patrick CHENAUX et Jean REYMOND, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.