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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3650/2021

DCSO/71/2022 du 24.02.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Expertise; plainte; nouvelle expertise
Normes : lp.140; orfi.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3650/2021-CS DCSO/71/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 FEVRIER 2022

 

Plainte 17 LP (A/3650/2021-CS) formée en date du 25 octobre 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Hervé Crausaz, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 24 février 2022
à :

-       A______

c/o Me CRAUSAZ Hervé

Chabrier Avocats SA

Rue du Rhône 40

Case postale 1363

1211 Genève 1.

- B______

c/o Me MOSER Laurent

Kellerhals Carrard Genève SNC

Rue François-Bellot 6

1206 Genève.

- C______

c/o Me DROZ Gaétan

MBLD Associés

Rue Joseph-Girard 20

Case postale 1611

1227 Carouge.

 

- D______ AG

pa E______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Les époux C______ et A______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la Commune de F______, sise 2______, sur laquelle est érigée une villa (bâtiment 3______), avec piscine, et un garage (bâtiment 4______).

b. La part de copropriété de C______ sur l'immeuble précité a été saisie dans le cadre de plusieurs poursuites dirigées contre elle, réunies dans la série n° 9______. Le 29 avril 2019, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a confié à G______, architecte, le soin d'en déterminer la valeur, au moyen d'une expertise.

c. Aux termes d'un rapport daté du 2 septembre 2019, accompagné de plusieurs photographies, G______, qui a effectué une visite des lieux le 30 août 2019, a estimé la valeur totale de l'immeuble à 6'256'000 fr., soit 4'919'700 fr. pour le terrain (d'une surface de 2'139 m2) et 1'336'357 fr. pour les ouvrages. La part de copropriété de C______ se montait à la moitié de cette somme, soit à 3'128'000 fr.

d. Dans le cadre de la poursuite ordinaire n° 5______, engagée par B______ à l'encontre de A______, l'Office a saisi la part de copropriété de ce dernier sur la propriété précitée, qu'il a estimée à 3'128'000 fr., conformément aux conclusions de G______ du 2 septembre 2019 (procès-verbal de saisie du 2 juin 2020; série n° 6______).

B. a. Le 24 août 2021, D______ AG, créancière-gagiste, a requis la vente de la parcelle n° 1______ de la Commune de F______, dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage immobilier, n° 7______, dirigée contre A______, en sa qualité de débiteur solidaire, avec C______, de la créance en 4'650'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2020.

b. Le 2 septembre 2021, l'Office a sollicité de G______ qu'il actualise son expertise du 2 septembre 2019, afin de tenir compte de l'évolution du marché immobilier. L'expert était par ailleurs invité à faire porter son estimation sur l'immeuble dans son entier.

c. Dans son rapport du 1er octobre 2021, G______ a estimé à 6'930'000 fr. la valeur vénale de l'immeuble, soit 5'348'000 fr. pour le terrain et 1'582'000 fr. pour les ouvrages.

d. Par courrier du 12 octobre 2021, l'Office a informé A______ de ce qu'il retenait comme valeur d'estimation de l'immeuble n° 1______ de la Commune de F______ le montant retenu par l'expert, en 6'930'000 fr.

C. a. Par acte posté le 25 octobre 2021, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'estimation arrêtée par l'Office aux termes de sa décision du 12 octobre 2021, reçue le lendemain. Il a contesté la qualité de l'expertise effectuée par G______ et conclu principalement à ce que l'Office tienne compte, dans son estimation de l'immeuble, de l'expertise effectuée par H______, architecte, dans le cadre de la procédure de divorce (C/8______/2017), qui avait retenu une valeur intrinsèque de 5'777'000 fr.

A titre subsidiaire, il a conclu à ce qu'une nouvelle estimation soit ordonnée.

b. B______ a conclu au rejet de la plainte, sous suite de frais et dépens.

c. D______ AG a fait savoir qu'elle n'avait pas d'objections à formuler quant à enjoindre à l'Office de prendre en considération l'expertise effectuée dans le cadre de la procédure civile C/8______/2017. Elle ne s'est pas non plus opposée à l'établissement d'une nouvelle expertise.

d. C______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

e. Dans son rapport, l'Office a observé que l'expertise de G______ du
1er octobre 2021 avait valablement actualisé la précédente estimation. Dans la mesure où une visite des lieux avait eu lieu lors de la première expertise, c'était à tort que le plaignant reprochait à l'expert de ne pas avoir effectué un transport sur place pour établir le second rapport.

f. Par courrier du 19 novembre 2021, la Chambre de surveillance a transmis à A______ les déterminations de l'Office et des autres parties et l'a informé que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. 1.1.1 Le délai de dix jours pour former plainte (art. 17 al. 2 LP), respectivement solliciter une nouvelle expertise (art. 9 al. 2 ORFI) a été respecté. La plainte respecte par ailleurs les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP, art. 65
al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP).

1.1.2 La communication par l'office des poursuites de la nouvelle estimation de l'immeuble saisi, effectuée après réception de la réquisition de vente, constitue une décision sujette à plainte au sens de l'art. 17 LP (arrêt du Tribunal fédéral 7B.147/2004 du 9 août 2004 consid. 1.2). La possibilité de solliciter une nouvelle expertise, au sens de l'art. 9 al. 2 ORFI, est également ouverte (ATF 122 III 338 consid. 3a). Selon que ce sont les critères d'estimation pris en compte par l'office des poursuites qui sont contestés, ou la valeur d'estimation comme telle, les conclusions de la partie plaignante devront être considérées comme une plainte (art. 9 al. 1 ORFI) ou comme une demande de nouvelle expertise (art. 9 al. 2 ORFI; ATF 133 III 537 consid. 4.1).

1.2 En l'espèce, le plaignant s'en prend à titre principal aux critères pris en considération par l'Office – respectivement par l'expert qu'il a mis en œuvre – pour estimer la valeur de l'immeuble, à savoir le caractère lacunaire du processus d'évaluation et l'absence de prise en compte d'une expertise effectuée dans le cadre d'une autre procédure. La plainte est à cet égard recevable.

Par ses conclusions subsidiaires, le plaignant conteste la valeur vénale retenue par l'Office et sollicite, conformément à l'art. 9 al. 2 ORFI, une nouvelle expertise. Son procédé est, de ce point de vue également, recevable.

2. 2.1 Dans la poursuite par voie de saisie, lorsque la vente d'un immeuble est requise, l'office des poursuites doit en estimer une nouvelle fois - après l'avoir fait une première fois lors de la saisie en application de l'art. 97 al. 1 LP - la valeur (art. 140 al. 3 LP; ATF 122 III 338 consid. 3a).

Dans la poursuite en réalisation de gage, après avoir communiqué la réquisition de vente au débiteur, l'office demande un extrait du registre foncier relativement à l'immeuble à réaliser et ordonne l'estimation de celui-ci (art. 99 al. 1 et 9 al. 1 ORFI). Si le résultat de l'estimation n'est pas inséré dans la publication de la vente (art. 20 ORFI), l'office la communique au créancier qui requiert la vente, ainsi qu'au débiteur et au tiers propriétaire, en y joignant l'avis que, dans le délai de plainte, ils peuvent s'adresser à l'autorité de surveillance pour requérir une nouvelle estimation par des experts (art. 99 al. 2 et 9 al. 2 ORFI).

Aux termes de l'art. 9 al. 1 ORFI, applicable à la poursuite en réalisation de gage immobilier par renvoi de l'art. 99 al. 1 ORFI, l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie.

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Chambre de surveillance s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que celui-ci soit dûment motivé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2018 du 13 novembre 2018 consid. 6.2.1). Il n'est d'ailleurs pas rare que deux experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d'estimation pouvant varier considérablement de l'un à l'autre (ATF 120 III 79 consid. 2b). En présence d'estimations différentes, émanant d'experts aussi compétents l'un que l'autre, la Chambre de surveillance ne peut trancher pour un moyen terme entre les deux estimations en présence que si les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes, et qu'ainsi la fixation du montant à retenir au titre de l'estimation des biens à réaliser relève pleinement de son pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

2.2 En l'espèce, les griefs formulés par le plaignant à l'encontre du processus d'expertise mis en œuvre par l'architecte mandaté par l'Office sont infondés. Il résulte en effet du dossier que cet expert a établi son premier rapport concernant l'immeuble considéré après une visite des lieux, à l'occasion de laquelle il a pris de nombreuses photographies de couleur. Il ne s'est donc pas limité, comme le soutient le plaignant, à se fonder sur les extraits du registre foncier et cadastral ou sur de "vieilles" photos en noir et blanc. Cet expert a ensuite réactualisé, dans son second rapport, les valeurs d'estimation sur la base de l'évolution du marché, ce qui ne prête pas non plus le flanc à la critique.

Le plaignant ne peut non plus rien tirer de l'estimation plus basse à laquelle est parvenu l'expert mis en œuvre par le juge civil, laquelle n'est pas révélatrice de lacunes dans le processus d'estimation de l'expert mis en œuvre par l'Office. En effet, il n'est pas rare que des experts aient un avis différent sur le même objet, les critères d'estimation pouvant varier considérablement de l'un à l'autre (ATF 120 III 79 consid. 2b).

Mal fondée, la plainte doit donc être rejetée.

3. Selon l'art. 9 al. 2 ORFI, applicable à la poursuite en réalisation de gage par renvoi de l'art. 99 ORFI, chaque intéressé a le droit d'exiger dans le délai de plainte de l'art. 17 al. 2 LP, en s'adressant à l'autorité de surveillance et moyennant avance de frais, qu'une nouvelle estimation soit faite par des experts.

En l'occurrence, le plaignant a conclu à titre subsidiaire, dans le délai de plainte contre la décision d'estimation notifiée le 13 octobre 2021, à ce qu'une nouvelle estimation soit effectuée. Un délai convenable lui sera donc imparti, sous peine d'irrecevabilité de la requête de nouvelle estimation, pour fournir une avance de frais correspondant au coût prévisible de la nouvelle expertise (ATF 61 III 63). Un nouvel expert sera par ailleurs nommé et sa mission fixée.

4. La procédure est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 lit. a OELP), et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 25 octobre 2021 par A______ contre la décision d'estimation établie le 12 octobre 2021 par l'Office cantonal des poursuites dans la série n° 81 6______.

Au fond :

Rejette la plainte.

Donne suite à la requête d'expertise et impartit, par conséquent, à A______, sous peine d’irrecevabilité de sa requête, un délai de 10 jours dès la notification de la présente décision pour effectuer une avance de 1'650 fr. pour les frais d’expertise au moyen du bulletin de versement ci-annexé.

Dit qu'à réception de ce montant, la Chambre de céans désignera un expert architecte pour évaluer ce bien immobilier.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.