Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3621/2021

DCSO/45/2022 du 03.02.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : o-covid.7; o-covid.8; lp.33.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3621/2021-CS DCSO/45/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 3 FEVRIER 2022

 

Plainte 17 LP (A/3621/2021-CS) formée en date du 22 octobre 2021 par A______, en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

Route ______

______ [GE].

- B______ SA

c/o C______

______

______

______

Zürich.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 16 juillet 2021, B______ SA a engagé à l'encontre de A______ une poursuite ordinaire en paiement d'un montant de
10'770 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 17 avril 2021, allégué être dû au titre d'une "Facture 3______". Elle a engagé le même jour une poursuite ordinaire en paiement du même montant, allégué être dû au même titre, à l'encontre de l'épouse de A______, D______.

b. Le 27 juillet 2021, l'Office cantonal des poursuites a établi
deux commandements de payer, poursuites n° 1______ (à l'encontre de D______) et 2______ (à l'encontre de A______) conformes aux réquisitions de poursuite du 16 juillet 2021.

c. Le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le
8 septembre 2021 à D______. Il a été frappé d'opposition.

d. Le commandement de payer, poursuite n° 2______, n'a pu être notifié à A______ par la voie ordinaire malgré une tentative par voie postale et plusieurs tentatives de remise directe intervenues les 31 août, 1er septembre,
6 septembre et 8 septembre 2021.

L'Office a alors décidé de notifier le commandement de payer selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural.

Le 2 septembre 2021, il a adressé à A______, par pli A+, un courrier l'avisant qu'il serait prochainement procédé à la notification en ses mains, par la même voie, d'un acte de poursuite le concernant. Le pli concernant ce courrier a été déposé le 4 septembre 2021 dans la boîte aux lettres du poursuivi, selon le système "track&trace" utilisé par la Poste.

Le commandement de payer lui-même a été envoyé par pli A+ le
14 septembre 2021 à A______, avec une lettre d'accompagnement. Selon le système "track&trace", il a été déposé le 16 septembre 2021 dans la boîte aux lettres de ce dernier.

Aucune opposition à ce commandement de payer n'a été formée avant le
8 octobre 2021.

e. Expliquant n'avoir effectivement pris connaissance du commandement de payer que le 1er octobre 2021, au retour d'un voyage à l'étranger, A______ s'est rendu le 8 octobre 2021 dans les locaux de l'Office et y a formé opposition à la poursuite n° 2______.

Le même jour, il a adressé à l'Office, par pli recommandé, un courrier exposant, notamment, les raisons pour lesquelles il n'avait pris connaissance du commandement de payer que le 1er octobre 2021 et priant l'Office de l'excuser pour le "retard de [s]a contestation". En raison d'une mauvaise manipulation de la Poste, ce courrier n'est toutefois parvenu à l'Office que le 20 octobre 2021.

f. Par décision du 8 octobre 2021, expédiée le 11 octobre 2021 par pli recommandé à A______ et réputée reçue par ce dernier le
19 octobre 2021 (art. 138 al. 3 let. a CPC), l'Office a refusé d'enregistrer l'opposition à la poursuite n° 2______ formée le 8 octobre 2021, motif pris de sa tardiveté.

B. a. Par acte déposé le 22 octobre 2021 au Greffe de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de rejet d'opposition du 8 octobre 2021. Il a allégué à l'appui de sa plainte, en résumé, que la prétention faisant l'objet de la poursuite était infondée et qu'il n'avait aucune raison de penser qu'un acte de poursuite pourrait lui être notifié pendant ses vacances du mois de septembre.

b. Dans ses observations du 9 novembre 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon lui, le commandement de payer avait été régulièrement notifié le
16 septembre 2021 de telle sorte que l'opposition formée le 8 octobre 2021 était tardive. Il n'y avait par ailleurs pas lieu de restituer au poursuivi le délai pour former opposition dès lors que, l'avis préalable à la notification ayant été déposé le 4 septembre 2021 dans sa boîte aux lettres, il devait s'attendre à recevoir prochainement un commandement de payer et donc s'organiser de manière à pouvoir réagir en temps utile.

c. Par courrier du 3 novembre 2021, B______ SA a elle aussi conclu au rejet de la plainte.

d. La cause a été gardée à juger le 25 novembre 2021.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 L'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, dans sa teneur applicable au moment des notifications litigieuses, prévoit, en dérogation aux
art. 64 al. 2 et 72 al. 2 LP, la possibilité de notifier des actes de poursuite (et notamment des commandements de payer) "contre une preuve de notification qui n'implique pas la remise d'un reçu" (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) à deux conditions cumulatives. D'une part, cette notification doit avoir été précédée d'une tentative infructueuse de notification ordinaire, ou il faut admettre, au vu des circonstances particulières, qu'une telle tentative serait vouée à l'échec (art. 7 al. 1 let. a Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020); d'autre part, le destinataire doit avoir été informé de la notification par communication téléphonique au plus tard le jour précédant la notification ou on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (art. 7
al. 1 let. b Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020). Pour autant que ces conditions soient réalisées, la preuve de notification mentionnée à l'al. 1 remplace le procès-verbal de notification prévu par l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

Lorsqu'elle est donnée par écrit, l'information relative à la notification prochaine d'un acte de poursuite est considérée comme notifiée lorsqu'elle se trouve dans la sphère de puissance du destinataire, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci réceptionne effectivement l'envoi ou en prenne connaissance. Dans le cas d'un courrier envoyé sous pli A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la Poste au moment du dépôt de l'envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire constitue un indice que la distribution est effectivement intervenue à ce moment-là, et donc que l'avis est entré dans la sphère de puissance de son destinataire. Même si une erreur de distribution ne peut d'emblée être exclue, elle ne doit être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances : si le destinataire, dont la bonne foi est présumée, se prévaut d'une erreur de distribution, il lui appartient d'exposer de manière claire les circonstances permettant d'admettre avec une certaine vraisemblance cette hypothèse, des considérations purement hypothétiques n'étant pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.4 et 4.5 et références citées).

Quant à la notification elle-même de l'acte de poursuite, elle peut également, selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, intervenir par courrier A+ (Commentaire des dispositions de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural p. 8; instruction n° 7 du service Haute surveillance LP § 10). Lorsque l'acte à notifier est un commandement de payer, la preuve de notification sans reçu – soit, dans le cas d'une notification par envoi A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la remise du pli dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire – remplace l'attestation de notification visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP commence ainsi à courir à compter de l'entrée du commandement de payer dans la sphère de puissance du débiteur, que celui-ci en ait ou non effectivement connaissance.

2.2 Il résulte en l'espèce des pièces du dossier que les conditions à une notification simplifiée du commandement de payer au sens de l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural étaient réunies, ce que le plaignant ne conteste au demeurant pas. C'est ainsi que le commandement de payer avait fait l'objet de plusieurs tentatives de notification par la voie ordinaire, toutes infructueuses, et qu'un avis de prochaine notification – dont la prise de connaissance effective n'est, selon la jurisprudence susmentionnée, pas nécessaire – a été déposé plus d'un jour avant la notification dans la boîte aux lettres du poursuivi.

La notification du commandement de payer, intervenue par pli A+ - soit de manière conforme à l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural – le 16 septembre 2021, est donc valable.

Comme la preuve de cette notification (par la production d'un extrait du système "track&trace" de la Poste), remplace l'attestation de notification prévue par
l'art. 72 al. 2 LP, le délai de dix jours prévu par l'art. 74 al. 1 LP pour former opposition a commencé à courir le 17 septembre 2021 et a expiré sans avoir été utilisé le lundi 27 septembre 2021.

C'est donc – sous réserve du sort de la requête de restitution de délai formée par le plaignant (cf. consid. 3.2 ci-dessous) – à juste titre que l'Office a tenu l'opposition formée le 8 octobre 2021 pour tardive et a refusé de l'enregistrer. La plainte doit, dans cette mesure, être rejetée.

3. 3.1 Selon l'art. 33 al. 4 LP, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance (ou à l'autorité judiciaire compétente si le délai manqué est un délai pour saisir une autorité judiciaire) qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis. En dérogation à l'art. 33 al. 4 LP, l'office des poursuites compétent décide de la restitution d'un délai qui court depuis la notification visée à l'art. 7 de l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (ci-après : Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) (art. 8 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

3.2 Il résulte en l'espèce du dossier que, lors de son passage dans les locaux de l'Office le 8 octobre 2021, ainsi que dans son courrier adressé le même jour à l'Office, le plaignant a expliqué s'être trouvé dans l'impossibilité d'agir en temps utile dès lors qu'il n'avait pu prendre connaissance du commandement de payer que le 1er octobre 2021, au retour d'un voyage à l'étranger. Il a ainsi formé, à tout le moins implicitement, une demande de restitution du délai pour former opposition, sur laquelle il incombait à l'Office de statuer.

L'Office sera donc invité à instruire puis trancher la demande de restitution de délai formée par le plaignant. En cas d'admission de celle-ci, l'opposition formée le 8 octobre 2021 devrait être enregistrée nonobstant la décision contraire de l'Office du 8 octobre 2021 et la présente décision de la Chambre de surveillance.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 22 octobre 2021 par A______ contre la décision rendue le 8 octobre 2021 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Invite l'Office cantonal des poursuites à instruire et trancher la requête de restitution du délai d'opposition formée le 8 octobre 2021 par A______.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et
Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.