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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2241/2021

DCSO/496/2021 du 16.12.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.17.al3
Résumé : Retard dans la notification du commandement de payer et de la commination de faillite
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2241/2021-CS DCSO/496/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 DECEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2241/2021-CS) formée en date du 1er juillet 2021 par FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 20 décembre 2021
à :

- FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP

Prévoyance LPP

Case postale 660

1001 Lausanne.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP (ci-après la FONDATION) a déposé le 14 juin 2019 une réquisition de poursuite à l'encontre de A______ SARL, ayant son siège 2______ à C______ (GE), pour un montant de 2'103 fr. 75 à titre d'arriérés de cotisations, frais de poursuite, frais de rappel et intérêts avant poursuite capitalisés.

b. Un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le 16 juin 2020 à B______, [à l'adresse] 3______ à D______ (VD), par l'Office des poursuites du district E______ (F______ / VD), sur délégation de l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office).

c. Le destinataire du commandement de payer n'ayant pas fait opposition, celui-ci a été communiqué à la créancière par l'Office le 6 juillet 2020.

d. La FONDATION a requis la continuation de la poursuite le 7 juillet 2020.

e. Sans nouvelles de l'Office, elle l'a relancé le 7 décembre 2020.

f. Celui-là a répondu le 10 décembre 2020 qu'un acte de poursuite allait être notifié à la débitrice.

g. L'Office a recontacté la créancière le 21 décembre 2020 pour l'informer que la débitrice n'avait plus d'activité à Genève dans ses locaux ou au siège social. Le gérant de la société était en outre désormais sans domicile connu. L'Office invitait par conséquent la créancière à lui fournir une adresse de notification pour la débitrice, à défaut de quoi une décision de non-lieu de notification serait rendue.

h. La FONDATION a communiqué à l'Office la nouvelle adresse de B______, 4______ à F______ (VD).

i. L'Office a rendu le 24 juin 2021 une décision de non-lieu de notification, motivée par le fait qu'il était dans l'impossibilité de procéder à la notification d'une commination de faillite à la débitrice, cette dernière n'ayant plus de locaux à Genève et son gérant, B______, étant sans domicile connu depuis le 31 janvier 2020 selon un rapport de gendarmerie du 18 septembre 2020. Selon l'Office des poursuites du district E______ à F______ (VD), le gérant de la débitrice n'habitait plus aux adresses qui lui étaient connues : 3______, D______ (VD), et 5______, F______ (VD).

B. a. Par acte expédié le 1er juillet 2021 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites (ci-après la Chambre de surveillance), la FONDATION a formé une plainte contre cette décision de non-lieu pour déni de justice ou retard injustifié, sans développer son grief. Elle conclut à ce que la Chambre de surveillance reçoive la plainte, ordonne à l'Office de respecter les art. 69 et 71 LP (établissement et notification du commandement de payer à réception de la réquisition de poursuite), ainsi que 159 LP (notification de la commination de faillite à réception de la réquisition de continuer la poursuite), et prenne toute mesure utile à l'encontre de l'Office des poursuites de Genève afin que ce dernier soit notamment plus actif et respectueux des procédures de poursuite.

b. Dans un courrier adressé le 22 juillet 2021, l'Office a annoncé à la Chambre de surveillance qu'il entendait reprendre la poursuite et solliciter de la créancière une avance de frais en vue de notifier à A______ SARL une commination de faillite par voie de publication, ce qui rendait la plainte sans objet.

c. La commination de faillite a été publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce et la feuille des avis officielle de Genève le ______ 2021.

d. Interpellée par courrier du 18 août 2021 du greffe de la Chambre de surveillance, la FONDATION a déclaré le 23 août 2021 maintenir sa plainte.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 26 août 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est formellement recevable. Elle n'est soumise à aucun délai en tant qu'elle se fonde sur les griefs de retard injustifié à statuer ou de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Dans la mesure où l'acte déposé par la plaignante constitue une plainte contre la décision de non-lieu de notification du 24 juin 2021, elle est également formellement recevable pour avoir été formée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 LP.

2. La plaignante a saisi la Chambre de surveillance suite à la décision de non-lieu de notification de l'Office du 24 juin 2021. Elle n'adresse aucun reproche à cette décision et évoque le retard injustifié et le déni de justice dans le traitement de la poursuite, sans autre argumentation que le renvoi aux art. 69, 71 et 159 LP.

Il n'est ainsi pas clair de savoir si la plaignante est insatisfaite de la décision rendue le 24 juin 2021 par l'Office et/ou du temps long écoulé depuis la réquisition de poursuite, même si, au vu des dispositions légales citées, il semble que ce soit essentiellement ce second reproche qui corresponde le mieux aux griefs de la plaignante.

2.1.1 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (ATF 142 III 234 consid. 2.2; ATF 126 III 30 consid. 1b; ATF 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44
ad art. 17 LP).

2.1.2 La recevabilité d'une plainte pour retard non justifié est également subordonnée à l'existence d'un intérêt actuel et concret (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), c'est-à-dire que l'omission ou l'inaction dénoncée doit être réparable et que cette réparation présente encore quelque intérêt pour le plaignant (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 252 ad art. 17 LP et la référence citée; cf. ég. ERARD, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 31 ad art. 17 LP). Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur des plaintes formulées dans le seul but de faire constater qu'un organe de poursuite a, en agissant ou en omettant d'agir, violé ses obligations (ATF 99 III 58).

2.1.3 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe – d'office ou à la suite d'une requête régulière – dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, Basler Kommentar, SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, Kurz Kommentar, SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).

2.1.4 Il y a déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsque l'Office (ou un autre organe de l'exécution forcée) refuse de procéder à une opération alors qu'il en a été régulièrement requis ou qu'il y est tenu de par la loi. Cette disposition vise ainsi le déni de justice formel – soit la situation dans laquelle aucune mesure n'est prise ou aucune décision rendue alors que cela devrait être le cas – et non le déni de justice matériel – soit la situation dans laquelle une décision est effectivement rendue, mais qu'elle est arbitraire (Erard, op. cit., n° 52 à 54 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n° 32 ad art. 17 LP). Il en découle qu'il ne peut en principe y avoir déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsqu'une mesure ou une décision susceptible d'être attaquée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP a été prise par l'Office, quand bien même elle serait illégale ou irrégulière (ATF 97 III 28 consid. 3a; Erard, op. cit., n° 53 ad art. 17 LP).

2.1.5 A réception d'une réquisition de poursuite, l'Office vérifie que celle-ci est conforme aux prescriptions de l'art. 67 al. 1 et 2 LP ainsi que, sur la base des indications données par le créancier et de ses propres vérifications, sa compétence à raison du lieu. Si la réquisition de poursuite répond aux exigences de l'art. 67 al. 1 et 2 LP et n'est pas nulle pour un autre motif, l'Office rédige (art. 69 al. 1 LP) et notifie (art. 71 al. 1 LP) sans attendre le commandement de payer. Ces dispositions constituent des prescriptions d'ordre imposant à l'Office d'agir sans délai, "aussi vite que possible"; leur éventuelle violation est toutefois sans effet sur la validité du commandement de payer (Gilliéron, Commentaire LP, n° 14 ad art. 71 LP; Malacrida/Roesler, Kurz Kommentar, SchKG, n° 3 ad art. 71 LP).

A teneur de l'article 65 al. 1 chiffre 2 LP, lorsque la poursuite est dirigée contre une personne morale ou une société, les actes de poursuite sont notifiés à son représentant. La réquisition de poursuite doit d'ailleurs mentionner le nom du représentant autorisé à recevoir l'acte de poursuite. Si cette mention fait défaut, il appartient à l'Office de faire compléter la réquisition de poursuite par le poursuivant. En revanche, l'Office n'a pas à prendre lui-même l'initiative de procéder à une correction de la réquisition de poursuite (art. 67 al. 1 chiffre 2 LP; Jeanneret, Lembo, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 6 ad art. 65 LP; Ruedin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 19 ad art. 67 LP; contra, Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 45 et ss ad art. 67 LP).

Une fois le commandement de payer établi conformément à l'article 69 alinéa 2 LP, la durée de la procédure de notification proprement dite dépend en partie de circonstances sur lesquelles l'Office n'a pas de prise, telles la présence du débiteur ou d'un tiers habilité à recevoir le commandement de payer à sa place au moment de la notification, de l'éventuelle absence de collaboration du débiteur, de sa diligence, d'éventuelles difficultés à le localiser, etc. L'Office n'en est pas moins tenu de poursuivre de manière diligente et sans désemparer ses efforts en vue de la notification, dans le respect des articles 64 et suivants LP.

2.1.6 A réception d'une réquisition de continuer la poursuite, l'Office cantonal des poursuites vérifie sa compétence à raison du lieu, la validité formelle de la réquisition, l'existence d'un commandement de payer entré en force et le respect des délais prévus par l'art. 88 al. 1 et 2 LP. Si ces vérifications ne le conduisent pas à refuser de donner suite à la réquisition, il détermine le mode de continuation de la poursuite et, si le débiteur est sujet à la poursuite par voie de faillite (art. 39 al. 1 LP). L'Office est tenu de lui adresser "sans retard" une commination de faillite (art. 159 LP). Il s'agit là d'une prescription d'ordre, qui impose à l'Office d'agir sans désemparer mais en tenant compte de l'ensemble des circonstances, tout en respectant les temps prohibés, féries et suspensions prévus par les art. 56 et suivants LP (art. 89 LP; Winkler, Kurz Kommentar, SchKG, n° 4 ad art. 89 LP; Foëx, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 89 LP).

2.2.1 En l'espèce, la durée globale de la poursuite pour parvenir à la notification par voie édictale de la commination de faillite est objectivement longue. Ainsi, dans la mesure où la plainte porte sur un retard injustifié, la Chambre de surveillance peut entrer en matière sur le grief, lequel ressort du seul exposé de fait de la plainte.

2.2.2 Dans la mesure où l'Office a rendu la décision de non-lieu de notification du 24 juin 2021, le grief de déni justice est dénué de tout objet.

2.2.3 Finalement, la décision du 24 juin 2021 ne faisant l'objet d'aucune critique de la part de la plaignante et aucune des dispositions légales citées ne traitant de la question du non-lieu de notification, il faut partir du principe que l'acte déposé le 1er juillet 2021 ne constitue pas une plainte contre cette décision.

Cela étant, l'Office a décidé de ne pas la maintenir, conformément à ce que prévoit l'art. 17 al. 4 LP et de procéder à une notification de la commination de faillite par voie édictale. Le sort à réserver à la décision du 24 juin 2021 est ainsi scellé.

2.2.4 Reste à examiner s'il y a lieu de constater un retard injustifié.

L'Office n'a donné aucune explication, dans ses observations, sur le déroulement de la poursuite. On comprend à la lecture de la plainte et des pièces produites que la débitrice est une société qui n'a plus d'activité ni de locaux à son siège social et dont les organes n'ont pas de domicile fixe, ce qui rend la notification des actes de poursuite particulièrement compliquée, voire impossible, et peut prolonger singulièrement la durée de la poursuite. En l'occurrence, il a toutefois fallu une année pour la notification du commandement de payer, puis plus d'une année pour la notification de la commination de faillite, ce qui est excessif. Il faut également constater que l'Office a vraisemblablement tardé à impliquer la créancière qui a une obligation de collaborer et de fournir toutes les informations nécessaires à la notification des actes de poursuite. Cette dernière n'a, de son côté, pas spontanément fourni les coordonnées de l'organe de la poursuivie dans la réquisition de poursuite, alors qu'elle serait tenue de le faire. Par ailleurs, lorsqu'elle a été invitée à fournir une adresse pour la notification de la commination de faillite, elle s'est vraisemblablement révélée incorrecte. Finalement, le fait que le domicile présumé de l'organe de la débitrice soit situé dans le canton de Vaud a impliqué de déléguer les opérations de notification à un autre office des poursuites ce qui a prolongé d'autant le processus, sans que l'on puisse en faire grief à l'Office. En résumé, si l'Office a été en l'espèce confronté à un débiteur difficile à appréhender et si la collaboration de la créancière n'a peut-être pas été optimale, les délais d'une année pour notifier le commandement de payer puis la commination de faillite sont trop longs et un excès sera constaté.

Pour le surplus, la commination de faillite est désormais publiée et, dans le mesure où la plainte aurait d'autres fins que le constat de retard, elle est devenue sans objet.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte du 1er juillet 2021 de la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP dans le cadre de la poursuite 1______.

Au fond :

Constate un retard dans la notification du commandement de payer et de la commination de faillite.

Constate que la plainte n'a plus d'objet pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.