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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3441/2021

DCSO/20/2022 du 13.01.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.74.al1; lp.64.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3441/2021-CS DCSO/20/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 13 JANVIER 2022

 

Plainte 17 LP (A/3441/2021-CS) formée en date du 9 octobre 2021 par A______, agissant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 13 janvier 2022
à :

-       A______

Rue ______

Genève.

- B______ & CIE SA

Rue ______

Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 11 mars 2021, B______ & CIE SA a adressé à l'Office des poursuites de Genève (ci-après: l'Office) une réquisition de poursuite dirigée contre A______ pour le montant de 1’757 fr. 70, allégués être dus selon une facture adressée à la débitrice le 21 juin 2019. La créancière a indiqué l'adresse de la poursuivie, située à la rue 3______, Genève.

b. Un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été édité le
17 mars 2021 et remis à La Poste en vue de sa notification; cet acte a été retourné à l'Office le 21 avril 2021 avec les mentions "non réclamé", "pas de nom sur la sonnerie et la boîte aux lettres", et "indistribuable" à la suite d'une tentative infructueuse effectuée par La Poste le 16 avril 2021.

c. Une seconde tentative de notification à l'adresse rue 4______ a également échoué, de sorte que l'Office a interpellé la créancière le 10 mai 2021 afin qu'elle lui communique une nouvelle adresse.

Par pli du 25 mai 2021, la créancière a indiqué une nouvelle adresse de notification, soit rue 5______ à Genève.

d. Un nouvel acte fut remis à la Poste le 31 mai 2021 pour tentative de notification à cette adresse.

Celui-ci a été remis le 18 juin 2021 en mains de C______, mentionné comme étant le beau-père de la débitrice.

e. Aucune opposition à la poursuite n° 1______ n'ayant été formée dans les dix jours à compter du 18 juin 2021 2021, l'Office a consigné ce fait le
5 juillet 2021 sur l'exemplaire du commandement de payer destiné à la poursuivante, qu'il lui a ensuite envoyé.

La créancière a requis la continuation de la poursuite, par acte du 13 juillet 2021.

f. Dans l'intervalle, dans une déclaration écrite établie le 10 juin 2021 sur un formulaire du Service des notifications de l’Office, la débitrice a indiqué que son adresse n’était plus à la rue 4______, avec la précision qu’elle habitait à la rue 3______ à Genève.

En effet, selon les informations résultant du registre de l'Office cantonal de la population et des migrations (CALVIN), A______ était domiciliée à la rue 5______ du 14 juillet 2017 au 2 décembre 2019, au chemin 6______ du 2 décembre au 27 décembre 2019, rue 3______ dès le
27 décembre 2019.

g. Le 24 juin 2021, la débitrice s'est rendue à l'Office pour former opposition à un autre commandement de payer, poursuite n° 2______, également notifié le 18 juin 2021, à une adresse qui ne résulte pas des pièces du dossier.

h. Ayant reçu une convocation dans le cadre de la poursuite n° 1______, la débitrice s'est présentée dans les locaux de l'Office le 7 octobre 2021, date à laquelle elle a déclaré former opposition contre le commandement de payer y relatif.

i. Le même jour, l'Office a fait notifier un acte de défaut de biens à la débitrice, par courrier A+, à l'adresse rue 3______, lequel a été distribué le 9 octobre 2021, selon le suivi des envois de La Poste.

j. Le 8 octobre 2021, l'Office a rendu une décision de rejet d'opposition pour cause de tardiveté, le délai d'opposition ayant expiré le 28 juin 2021.

B. a. Par acte du 7 octobre 2021, expédié le 9 du même mois, A______ a formé plainte au sens de l'art. 17 LP auprès de la Chambre de surveillance contre la notification du commandement de payer, poursuite n° 1______, contre lequel elle souhaitait former opposition.

Elle a fait valoir que cet acte avait été remis à son beau-père, avec qui elle ne faisait pas logement commun. La date à laquelle elle aurait eu connaissance de l'acte litigieux ne résulte pas de la plainte.

b. Dans son rapport, l'Office n'a pas formellement pris de conclusions au sujet de l'issue à donner à la plainte, se contentant de solliciter l'audition de C______.

c. Pour sa part, la créancière a conclu au rejet de la plainte.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), comme la notification d'un acte de poursuite.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 112 III 79 consid. 2).

La maxime inquisitoire n'exclut pas l'appréciation anticipée d'une preuve qui la fait apparaître vouée à l'échec faute de force probante suffisante, impropre à modifier le résultat des preuves déjà administrées ou superflue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2009 du 5 juin 2009 consid. 2.1).

1.2.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP).

Aux termes de l'art. 64 al. 1 LP, les actes de poursuite sont notifiés au débiteur dans sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession. S'il est absent, l'acte peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé. Au sens de cette disposition, une personne fait partie du ménage du débiteur lorsqu'elle fait partie de la même communauté domestique, ce qui sera normalement le cas du conjoint, du concubin ou de l'enfant (Jeanneret/Lembo, in CR LP, n. 24 ad art. 64 LP; Gilliéron, Commentaire, n. 22 ad art. 64 LP). La notification effectuée en mains d'une personne adulte faisant partie du ménage du débiteur est valable, même si cette personne ne lui a, en fait, pas remis l'acte (ATF 50 III 80).

La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b). C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière du commandement de payer (ATF 120 III 117 consid. 2).

1.2.2 La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

En cas de notification irrégulière d'un commandement de payer, le délai d'opposition court dès le jour où le débiteur a effectivement eu connaissance du commandement de payer.

Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

Il n'y a toutefois pas lieu d'ordonner une nouvelle notification si le destinataire n'y a aucun intérêt juridique, ce qui sera le cas s'il a acquis du contenu de l'acte une connaissance telle qu'une nouvelle notification ne lui apporterait aucun renseignement supplémentaire et qu'il a été en mesure de faire valoir ses droits nonobstant le vice (ATF 112 III 81 consid. 2b).

1.3 En l'occurrence, la plaignante fait valoir qu'elle n'a jamais reçu le commandement de payer, poursuite n° 1______, qui a été notifié le
18 juin 2021 à son beau-père, domicilié à la rue 5______, avec qui elle ne fait pas ménage commun, puisqu'elle vit à la rue 3______ à Genève.

Selon une déclaration écrite établie le 10 juin 2021 sur un formulaire du Service des notifications de l’Office, la plaignante a indiqué que son adresse n’était plus à la rue 4______, avec la précision qu’elle habitait à la rue 3______ à Genève. La même adresse résulte des registres de l'OCPM. Par ailleurs, l'acte de défaut de biens émis par l'Office le 7 octobre 2021 a bien pu être notifié à l'adresse 3______, ce qui confirme qu'il s'agit bien du domicile de la plaignante.

Il en résulte que la notification du commandement de payer litigieux en mains du beau-père de la plaignante est irrégulière, puisque le récipiendaire de l'acte ne fait pas partie de la communauté domestique de la plaignante.

La plaignante s'est toutefois trouvée en possession de l'acte litigieux, puisqu'elle en a produit une copie à l'appui de sa plainte. Ainsi, la communication de l'acte en question, quand bien même elle est viciée, n'est pas nulle, mais seulement annulable sur plainte déposée dans les 10 jours suivant sa prise de connaissance.

Or, la date à laquelle la plaignante a eu effectivement connaissance du commandement de payer litigieux ne ressort pas directement du dossier, l'intéressée ne fournissant d'ailleurs aucune indication sur ce point. Il appartient toutefois à l'Office de prouver à quelle date la débitrice a pris connaissance du commandement de payer.

L'Office fait valoir à cet égard qu'un autre commandement de payer, poursuite n° 2______, aurait également été notifié le 18 juin 2021 à la poursuivie par l'intermédiaire de son beau-père, lequel l'aurait ensuite bien transmis à sa destinataire, puisqu'elle a formé opposition le 24 juin 2021 contre ce commandement de payer. L'Office s'est cependant contenté de produire la déclaration d'opposition signée par la débitrice mais n'a pas fourni une copie du second commandement de payer prétendument remis au beau-père de l'intéressée. Aucun élément ne permettant de corroborer les affirmations de l'Office, il n'est ni établi que l'acte notifié dans le cadre de la poursuite n° 2______ aurait été notifié à C______ en même temps que l'acte qui fait l'objet de la présente plainte, ni que la débitrice aurait eu connaissance du commandement de payer, poursuite n° 1______, au cours du mois de juin 2021. On peut d'ailleurs penser que si tel avait été le cas, elle aurait également formé opposition contre celui-ci lors de son passage dans les locaux de l'Office le 24 juin 2021. Au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'entendre C______.

Au vu de la chronologie des faits, il peut être retenu que c'est seulement à l'occasion de son passage à l'Office le 7 octobre 2021 que la plaignante a eu connaissance du commandement de payer relatif à la poursuite n° 1______.  

La plainte expédiée le 9 octobre 2021 a dès lors été formée en temps utile. Il en résulte que l'opposition formée à l'Office le même jour, puis renouvelée dans le cadre de la plainte déposée devant l'autorité de céans, l'a aussi été en temps utile.

Il s'ensuit que, bien que la débitrice ait formé plainte en temps utile contre la notification de ce commandement de payer et que cette notification ait effectivement été frappée d'une irrégularité, son annulation ne se justifie pas, puisque l'intéressée s'est trouvée en mesure de sauvegarder ses droits.

La décision du 8 octobre 2021 rejetant l'opposition formée par la débitrice pour cause de tardivité – décision qui est implicitement également contestée au vu du contenu de la plainte expédiée le 9 octobre 2021 – sera annulée et il sera ordonné à l'Office d'enregistrer l'opposition formée le 7 octobre 2021 au commandement de payer notifié le 18 juin 2021 et de remettre à la poursuivante un exemplaire de l'acte faisant état de cette opposition (art. 76 al. 1 et 2 LP).

La nullité des mesures entreprises par l'Office ensuite du dépôt par la poursuivante d'une réquisition de continuer la poursuite sera par ailleurs constatée.

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée par A______ contre les mesures entreprises par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet.

Donne acte à A______ de ce qu'elle a valablement formé opposition le
7 octobre 2021 au commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié le
18 juin 2021.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites d'enregistrer ladite opposition et de remettre à la créancière poursuivante un exemplaire rectifié du commandement de payer faisant état de cette opposition.

Constate la nullité des mesures entreprises par l'Office cantonal des poursuites ensuite de la réquisition de continuer la poursuite expédiée le 13 juillet 2021.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.