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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2070/2021

DCSO/455/2021 du 02.12.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Deux poursuites pour la même créance; nullité; validation de séquestre.
Normes : CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2070/2021-CS DCSO/455/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 DECEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2070/2021-CS) formée en date du 14 juin 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Karim RAHO, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 17 décembre 2021
à :

-       A______

c/o Me RAHO Karim

CDLR Avocats

Rue Saint-Ours 5

1205 Genève.

- B______ SA

c/o Me ROULET Jacques

Roulet Avocats

Rond-Point de Plainpalais 2

1205 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du 11 mai 2020 (ACJC/667/2020), A______ a été condamné à payer à B______ SA, solidairement avec une tierce personne, 486'000 EUR avec intérêts à 5% dès le 9 décembre 2011, ainsi que les frais judiciaires et les dépens de la procédure.

b. Le 23 septembre 2020, statuant sur requête de B______ SA, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, à hauteur de 523'303 fr. 41 et 84'940 fr., de la part de copropriété de A______, débiteur séquestré domicilié à Genève, sur un immeuble sis à C______ (BE) et des meubles le garnissant. Le séquestre a été rejeté en tant qu'il visait des avoirs bancaires.

c. Le 13 octobre 2020, A______ s'est vu notifier le procès-verbal de séquestre établi par l'Office des poursuites de D______ (BE), à teneur duquel la part de copropriété de l'immeuble à C______ était estimée à 265'000 fr. et le mobilier à 251 fr.

B. a. Le 26 octobre 2020, sur réquisition de B______ SA, l'Office des poursuites de D______ a notifié à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, tendant au recouvrement de 523'303 fr. 41, 84'940 fr. et 2'754 fr, prétentions fondées sur l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du 11 mai 2020 (ACJC/667/2020).

b. Par décision du 2 février 2021, le Tribunal régional de l'Oberland Bernois a pris acte de ce que A______ avait retiré l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

c. B______ SA ayant requis la continuation de la poursuite, l'Office des poursuites de D______ a avisé A______ de l'exécution de la saisie en date du 19 février 2021.

d. Selon un procès-verbal de saisie du 10 mars 2021, ce même Office a converti le séquestre en saisie, les valeurs d'estimation de l'immeuble et du mobilier retenues dans le procès-verbal de séquestre ayant été confirmées.

e. A la suite du dépôt par B______ SA de la réquisition de vente, A______ a requis et obtenu un sursis à la réalisation des actifs saisis, moyennant l'engagement de verser à l'Office des poursuites de D______, chaque mois, entre le 11 juin 2021 et le 11 avril 2022, un montant de 75'231 fr. 40 (sursis à la réalisation du 11 mai 2021);

C. a Le 23 octobre 2020, B______ SA a requis la poursuite de A______ à Genève, en recouvrement de 523'303 fr. 41, avec intérêts à 5% dès le 9 décembre 2011, selon l'arrêt ACJC/667/2020 précité, 84'940 fr, avec intérêts à 5% dès le 11 mai 2020, au titre de "Teil der obenstehenden Forderung", et 1'500 fr. au titre de frais judiciaires pour la procédure de séquestre. La réquisition de poursuite indiquait qu'il s'agissait de valider le séquestre exécuté dans le canton de Berne.

b. Le 10 novembre 2020, l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après: l'Office) a notifié un commandement de payer, poursuite n° 2______, a A______, lequel y a formé opposition totale.

c. Par courrier du 4 mars 2021, A______, qui venait de recevoir du Tribunal de première instance la convocation à une audience de mainlevée de l'opposition, a fait savoir à B______ SA qu'il considérait la poursuite engagée à Genève chicanière, dès lors qu'il avait retiré l'opposition à la poursuite intentée dans le canton de Berne et que la saisie avait déjà été exécutée.

d. Par jugement du 27 avril 2021, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 2______.

e. Le 26 mai 2021, B______ SA a requis la continuation de la poursuite n° 2______.

f. Le 31 mai 2021, l'Office a rendu une décision de rejet partiel de la réquisition de continuer la poursuite n° 2______. Dans la mesure où B______ SA n'avait pas agi dans le délai prévu à l'art. 279 al. 3 LP, la réquisition de continuer la poursuite était tardive en tant qu'elle tendait à la conversion du séquestre prononcé le 23 septembre 2020 en saisie définitive. Toutefois, dès lors que le poursuivi était domicilié à Genève, la poursuite pouvait être continuée par la voie de la saisie ordinaire.

g. Le 1er juin 2021, l'Office cantonal des poursuites a communiqué à A______ un avis de saisie pour le 28 juin 2021 dans la poursuite n° 2______, la somme due étant de 868'239 fr., à la date du 28 juin 2021.

D. a. Par acte posté le 14 juin 2021, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'avis de saisie précité. Il fait valoir en substance que la poursuite intentée par B______ SA à son encontre à Genève était abusive et donc nulle, vu l'existence d'une poursuite dans le canton de Berne tendant au recouvrement des mêmes créances. Le caractère abusif du procédé résultait en particulier du fait que les deux poursuites en étaient au stade de la saisie, ce qui n'était pas admissible, ce d'autant que dans le cadre de la poursuite engagée dans le canton de Berne, il s'était engagé à verser des acomptes réguliers, selon un plan de paiement qu'il respectait.

b. Par décision du 25 juin 2021, l'effet suspensif a été accordé à la plainte de A______.

c. Dans sa détermination du 30 juillet 2021, B______ SA a conclu au rejet de la plainte et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Rien ne s'opposait à ce qu'un créancier, au bénéfice d'un séquestre, agisse également par la voie de la saisie, afin de recouvrer le solde de sa créance. En l'espèce, la valeur totale des biens séquestrés dans le canton de Berne, estimés à 265'000 fr, ne couvrait pas l'entier des prétentions de B______ SA, en EUR 486'000.- ce qui justifiait d'agir au for de la poursuite également. Le fait que A______ avait obtenu un sursis à la vente de l'immeuble n'y changeait rien. En date des 23 et 28 juillet 2021, B______ SA avait reçu de l'Office des poursuites de D______ 359'500 et 199'499 fr. au titre des acomptes versés par A______.

d. Pour l'Office, la poursuite ordinaire engagée à Genève n'était pas superflue, dès lors que d'autres biens du débiteur pouvaient être saisis, en sus des biens séquestrés. Aucun abus de droit n'était ainsi réalisé et la plainte devait par conséquent être rejetée.

e. Aux termes de sa réplique, A______ a observé qu'il avait versé, à la date du 22 juillet 2021, 707'531 fr. 40 en mains de l'Office des poursuites de D______, soit une somme supérieure aux acomptes versés à B______ SA. En ajoutant à cette somme le produit de réalisation des biens séquestrés dans le canton de Berne, la créance de B______ SA était entièrement couverte, de sorte que la poursuite à Genève était superflue et donc chicanière.

f. Aux termes de sa duplique, B______ SA a maintenu que son seul but était de recouvrer sa créance et a persisté dans ses conclusions.

g. Par avis du 14 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP par une personne ayant qualité pour agir (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures de l’Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), tel un avis de saisie.

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Erard, in CR LP, n° 25 et 26 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, n° 11 et 12 ad art. 17 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

2.1.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).

Selon la jurisprudence, la nullité d'une poursuite pour abus de droit ne doit être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi. Cette éventualité est, par exemple, réalisée lorsqu'il fait notifier plusieurs commandements de payer reposant sur la même cause et pour des sommes importantes, mais sans jamais requérir la mainlevée, ni la reconnaissance judiciaire de sa créance, qu'il procède par voie de poursuite dans l'unique but de détruire la bonne réputation du poursuivi, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'Office, voire le poursuivi lui-même, ne pas s'en prendre au véritable débiteur (ATF 115 III 8 consid. 3b).

2.1.2 Il est en principe inadmissible de mener de front deux ou plusieurs poursuites pour la même créance. Le débiteur qui entend empêcher que le poursuivant ne s'en prenne plusieurs fois à son patrimoine peut notamment faire annuler par la voie de la plainte à l'autorité de surveillance la ou les poursuites superflues (ATF 100 III 41 p. 42 et 43; 128 III 383 consid. 1.1; Gilliéron, Commentaire de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 51 ad art. 85a LP). Selon la jurisprudence, une seconde poursuite pour la même créance n'est inadmissible que si, dans la première poursuite, le créancier a déjà requis la continuation de la poursuite ou est en droit de le faire (ATF 128 III 383, consid. 1 et 2).

La règle selon laquelle il est interdit d'intenter plusieurs poursuites en vertu de la même créance souffre exception lorsqu'il s'agit de valider un séquestre (ATF 88 III 59, consid. 4 in JDT 1962 II p. 73 ss, p. 79).

2.2.1 Les séquestres obtenus en différents lieux en garantie de la même créance doivent être validés chacun par une poursuite intentée au lieu où ils ont été exécutés, à moins qu'il n'existe un for ordinaire de poursuite (cf. ATF 88 III 59, consid. 4 in JDT 1962 II p. 73 ss, p. 79; 77 III 128 consid. 2 p. 129 ss; 54 III 226); dans ce cas, le créancier pourra valider plusieurs séquestres pratiqués en plusieurs lieux par une seule poursuite (CR-LP, n° 19 ad art. 279 LP).

2.2.2 Une saisie consécutive au séquestre ne peut pas porter sur d'autres actifs que ceux qui ont été séquestrés, sauf si le for du séquestre se confond avec le for ordinaire de la poursuite (cf. Ochsner, Exécution du séquestre, JDT 2006 II p. 77 ss, p. 112).

2.3 En l'espèce, le plaignant soutient que la poursuite intentée à Genève serait abusive, car superflue, dès lors qu'une poursuite pour la même créance a été engagée dans le canton de Berne. A cet égard, il est avéré que les deux poursuites tendent au recouvrement de la même créance et se trouvent toutes deux au stade de la continuation de la poursuite. Celle engagée dans le canton de Berne est toutefois une poursuite en validation de séquestre, au for de l'exécution du séquestre, qui ne peut donc porter que sur les actifs séquestrés, à l'inverse de celle engagée à Genève, qui est une poursuite ordinaire, au for ordinaire de la poursuite, et qui peut donc viser l'ensemble des actifs du débiteur.

La poursuite intentée à Genève est donc admissible, ce d'autant que la valeur des actifs séquestrés et désormais saisis dans le canton de Berne ne couvre pas l'entier des prétentions de la poursuivante. Le fait que le plaignant ait obtenu le sursis à la vente de l'immeuble et qu'il se soit engagé à verser des acomptes, n'y change rien. Ce sursis, qui consiste en un renvoi de la réalisation, a été décidé par l'Office des poursuites de D______ en vertu de l'art. 123 LP, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un sursis convenu entre créancier et débiteur. La poursuivante n'adopte par conséquent pas un comportement contradictoire, voire abusif, en continuant la poursuite au for ordinaire, à Genève, alors qu'un sursis à la réalisation de l'actif séquestré puis saisi est en cours dans la poursuite en validation de séquestre. La Chambre de céans n'est pour le surplus pas compétente pour se prononcer sur le caractère éventuellement abusif de la poursuite intentée dans le canton de Berne, à supposer que celle-ci serait superflue.

Enfin, rien n'indique qu'il aurait été saisi en l'espèce plus que nécessaire, et le plaignant ne l'allègue pas, de sorte qu'une violation de l'art. 97 LP n'est pas non plus donnée.

Aussi, mal fondée, la plainte doit donc être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 14 juin 2021 par A______ contre l'avis de saisie du 1er juin 2021 dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.