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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2215/2021

DCSO/412/2021 du 21.10.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : LP.74.al1; Ordonnance COVID-19.7
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2215/2021-CS DCSO/412/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 OCTOBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2215/2021-CS) formée en date du 22 juin 2021 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 21 octobre 2021
à :

-       A______

______

______.

- B______ SARL

p.a. C______ SA

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 26 janvier 2021, B______ SARL a engagé à l'encontre de A______ une poursuite ordinaire en recouvrement de 638 fr. 25, plus intérêts et frais, en relation avec une note d'honoraires.

b. Le lendemain, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a rédigé un commandement de payer, poursuite n° 1______ qu'il a remis à la Poste pour notification. Après quatre tentatives de distribution les 10, 11, 12 et 16 février 2021, le commandement de payer a été retourné à l'Office non distribué.

c. Le 23 février 2021, une gestionnaire de l'Office a tenté de joindre A______ par téléphone, puis lui a adressé un courriel l'informant de la notification prochaine d'actes de poursuite par voie simplifiée et lui demandant de confirmer son adresse postale.

d. Le 3 mars 2021, l'Office a adressé à A______, par courrier A+ distribué le 5 du même mois, un avis d'une notification simplifiée d'un acte de poursuite selon l'Ordonnance fédérale COVID-19 justice et droit procédural.

e. Par pli A+ adressé le 8 mars 2021 à A______, distribué le 10 mars 2021 par la Poste suisse, l'Office a procédé à la notification simplifiée du commandement de payer considéré.

f. Aucune opposition à la poursuite n° 1______ n'ayant été formée dans les dix jours à compter du 10 mars 2021, l'Office a consigné ce fait sur l'exemplaire du commandement de payer destiné à la poursuivante, qu'il lui a ensuite adressé le 23 mars 2021.

g. A la suite de la réquisition de continuer la poursuite formée par la créancière le 1er avril 2021, l'Office a émis un avis de saisie pour le 2 juin 2021, lequel a été expédié au débiteur par pli recommandé du 5 mai 2021, distribué le 11 mai 2021.

B. a. Par acte expédié le 22 juin 2021 au Tribunal de première instance, qui l'a transmis à la Chambre de céans comme objet de sa compétence, A______ a formé plainte au sens de l'art. 17 LP contre la notification du commandement de payer susvisé. Il a sollicité la restitution "des délais selon l'art. 17 LP" et l'octroi de l'effet suspensif.

A l'appui de sa plainte, il a fait valoir qu'il se trouvait à l'étranger lorsque l'acte de poursuite lui a été notifié.

En annexe à sa plainte, il a notamment produit une copie du recto du commandement de payer litigieux, une confirmation de réservation pour deux billets d'avion (un vol Genève-D______ [Égypte] prévu le 16 janvier 2021 et un vol D______-Genève prévu le 13 février 2021) ainsi qu'une copie de sa carte d'embarquement relative au second vol, dont il résulte que la date du retour a été déplacée au 20 mars 2021.

b. La requête d'effet suspensif de A______ a été rejetée par ordonnance de la Chambre de surveillance du 1er juillet 2021.

c. Dans son rapport du 20 juillet 2021, l'Office a implicitement conclu au rejet de la plainte, car la notification de l'acte de poursuite litigieux était, selon lui, dûment intervenue. D'une part, si l'on se référait aux confirmations de réservation, le débiteur se trouvait à Genève lorsque l'Office avait cherché à le joindre pour lui notifier le commandement de payer. D'autre part, il n'était pas exclu que d'autres personnes de son ménage aient pu récupérer les envois qui lui étaient destinés, le débiteur n'ayant pas allégué qu'il était en voyage avec son épouse et ses enfants.

d. Par pli expédié le 12 juillet 2021 au Tribunal de première instance, qui l'a transmis à l'autorité de céans le 26 du même mois, le débiteur a fait valoir que personne n'avait reçu l'acte litigieux, de sorte qu'il n'avait pas pu former opposition. Il rappelait en outre que conformément à la carte d'embarquement fournie à l'appui de sa plainte, il était rentré de voyage le 20 mars 2021.

Il a par ailleurs produit la copie du verso du commandement de payer, comportant la mention de non-opposition ajoutée par l'Office.

e. La cause a été gardée à juger le 5 août 2021.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), comme la notification d'un acte de poursuite.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2.1Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise physique en main du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en main d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP), de l'acte à notifier, et ce sous forme ouverte (et non sous pli fermé), de manière à ce que le récipiendaire puisse immédiatement en prendre connaissance et, dans le cas du commandement de payer, former opposition (art. 74 al. 1 LP; Malacrida/Roesler, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 2 ad art. 72 LP; Wuthrich/Schoch, in BAK SchKG I, 2ème éd., n. 10 et 11 ad art. 72 LP).

La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b). C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière du commandement de payer (ATF 120 III 117 consid. 2).

1.2.2 Selon l'art. 7 al. 1 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural en vigueur au moment de la notification litigieuse, un acte de poursuite peut être notifié contre une preuve de notification n'impliquant pas la remise d'un reçu lorsqu'une première tentative de notification par la voie ordinaire a échoué et que le destinataire a été informé de la notification au plus tard le jour la précédant. La preuve de la notification remplace l'attestation visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le commentaire officiel de l'art. 7 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, repris par l'Instruction n° 8 du Service de haute surveillance LP du 28 septembre 2020, précise que la notification par pli A+ est conforme aux exigences posées par cette disposition.

Le mode d'expédition A+ proposé par la Poste se caractérise par le fait que l'envoi reçoit un numéro d'identification permettant d'en suivre le cheminement grâce au système "track&trace". Contrairement à un courrier recommandé, sa remise éventuelle à son destinataire ne se fait toutefois pas contre reçu et, en cas d'absence de ce dernier, le pli est déposé dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. La date et l'heure de ce dépôt sont enregistrés électroniquement dans le système "track&trace".

Un relevé "track&trace" ne constitue pas une preuve que l'envoi concerné a été déposé à la date et à l'heure qu'il mentionne dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, dans la mesure où une erreur de la Poste ou de l'employé postal ne peut en effet être exclue avec certitude. Une telle erreur ne peut cependant pas non plus être présumée, de telle sorte qu'il incombera au destinataire contestant la teneur d'un relevé "track&trace" d'alléguer des circonstances objectives permettant de retenir avec une certaine vraisemblance la possibilité d'une telle erreur, auquel cas sa bonne foi devra être présumée (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). En revanche, le relevé "track&trace" ne permet pas d'établir qu'un envoi en courrier A+ a effectivement été reçu, par qui, à quel moment ni surtout que son destinataire en aurait effectivement pris connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.2).

1.2.3 La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

En cas de notification irrégulière d'un commandement de payer, le délai d'opposition court dès le jour où le débiteur a effectivement eu connaissance du commandement de payer.

Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF
128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF
128 III 101 consid. 2).

Il n'y a toutefois pas lieu d'ordonner une nouvelle notification si le destinataire n'y a aucun intérêt juridique, ce qui sera le cas s'il a acquis du contenu de l'acte une connaissance telle qu'une nouvelle notification ne lui apporterait aucun renseignement supplémentaire et qu'il a été en mesure de faire valoir ses droits nonobstant le vice (ATF 112 III 81 consid. 2b).

Une connaissance suffisante du contenu de l'acte est donnée par exemple lorsque le débiteur peut connaître exactement le montant, le titre et la cause de la créance sur la base de la commination de faillite, de la procédure de mainlevée ou, plus généralement, de l'ensemble des actes de poursuite consécutifs au commandement de payer (Jeanneret/Lembo, CR LP, 2005, n. 34 ad art. 64 LP et les références citées).

1.3 En l'occurrence, la question de savoir si les conditions pour procéder à une notification simplifiée du commandement de payer, au sens de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, étaient réunies peut demeurer indécise, dans la mesure où le plaignant ne conteste pas avoir reçu le commandement de payer litigieux, ce qui découle déjà du fait qu'il en a produit une copie à l'appui de sa plainte.

Il en résulte que la communication de l'acte en question, quand bien même elle serait viciée, n'est pas nulle, mais seulement annulable sur plainte déposée dans les 10 jours suivant sa prise de connaissance.

Or, la date à laquelle le plaignant a eu effectivement connaissance du commandement de payer litigieux ne ressort pas directement du dossier, l'intéressé ne fournissant d'ailleurs aucune indication à cet égard.

Il est vrai qu'il appartient à l'Office de prouver à quelle date le débiteur a pris connaissance du commandement de payer et que la simple production d'un suivi Track & Trace est insuffisante à apporter la preuve de la notification qualifiée prévue par la LP pour le commandement de payer, qui implique la preuve de la prise de connaissance de l'acte par son destinataire et non pas seulement du fait qu'il soit entré dans sa sphère d'influence.

Il résulte du dossier que l'Office, après avoir reçu une réquisition de continuer la poursuite de la créancière, a envoyé au débiteur un avis de saisie, celui-ci n'ayant pas contesté l'avoir reçu le 11 mai 2021. L'avis de saisie, qui ne comporte que le montant de la créance et le nom de la créancière poursuivante, ne suffit cependant pas encore pour retenir que le débiteur aurait alors disposé d'une connaissance suffisante du contenu du commandement de payer.

Cela étant, à teneur des éléments du dossier, rien n'indique que le débiteur n'aurait ensuite pas donné suite à la convocation de l'Office pour le 2 juin 2021 en vue d'être interrogé sur sa situation financière dans le cadre de la poursuite litigieuse. C'est ensuite au cours du même mois qu'il a formé plainte contre la notification du commandement de payer litigieux. Il est dès lors indéniable que c'est le 2 juin 2021 (au plus tard) que le plaignant a eu une connaissance effective de l'acte en cause, soit à l'occasion de son passage dans les locaux de l'Office, lors duquel il a pu obtenir la copie du commandement de payer avec la mention de non-opposition.

Ainsi, la plainte, expédiée le 22 juin 2021 au Tribunal de première instance (puis transmise à la Chambre de surveillance en application de l'art. 32 al. 2 LP), soit au-delà du délai de 10 jours prévu par l'art. 17 LP, doit être déclarée irrecevable compte tenu de sa tardiveté - étant observé que le plaignant n'a fait valoir aucun motif qui justifierait de lui restituer le délai pour former plainte contre la notification de l'acte litigieux. A noter que ladite demande de restitution du délai pour former plainte démontre que le plaignant est conscient du fait que sa plainte ne respecte pas le délai de 10 jours prévu par la loi.

Même dans l'hypothèse, non réalisée en l'occurrence, où la plainte serait recevable, il ne se justifierait de toute manière pas d'ordonner à l'Office de procéder à une nouvelle notification du commandement de payer litigieux. En effet, le poursuivi ayant pu avoir une connaissance effective de l'acte et de son contenu et s'étant ainsi trouvé en mesure de sauvegarder ses droits s'il le jugeait nécessaire, une nouvelle notification n'aurait rien apporté de plus, étant rappelé que le délai pour former opposition au commandement de payer est mentionné sur l'acte lui-même.

A supposer également que la demande de restitution de délai visait (malgré les indications du plaignant, qui se réfère sur ce point à l'art. 17 LP) le délai pour former opposition, une telle requête appellerait les remarques qui suivent. Indépendamment de la question de savoir si l'autorité de céans aurait été compétente pour statuer sur une demande de restitution du délai pour former opposition contre un commandement de payer hypothétiquement notifié de manière viciée sur la base de l'art. 7 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural (cf. dérogation à l'art. 33 al. 4 LP prévue par l'art. 8 de cette même ordonnance), il convient de rappeler que pour qu'une opposition tardive soit recevable, il aurait fallu que le requérant fasse opposition dans le délai de dix jours dès la connaissance du commandement de payer litigieux (cf. art. 33 al. 4 2ème phr. LP). Or, tel n'a pas été le cas en l'occurrence, avec pour conséquence que la demande de restitution du délai aurait été irrecevable de ce seul fait (cf. Erard, CR LP, 2005, n. 28 ad art. 33 LP).

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare irrecevables la plainte et la requête de restitution de délais formées le 22 juin 2021 par A______ dans la poursuite n° 1______.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 


Voie de recours
:

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.