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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/668/2021

DCSO/379/2021 du 07.10.2021 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Saisie par voie d'entraide; saisie sur délégation; ordre légal de la saisie
Normes : LP.89; LP.95.al1; LP.95.al4bis; LP.95.al5
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/668/2021-CS DCSO/379/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 OCTOBRE 2021

Causes jointes (A/668/2021 et A/1461/2021); plaintes 17 LP formées en date du 22 février 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Anne-Valérie JULEN BERTHOD, avocate, et par B______, élisant domicile en l'étude de Me André MALEK-ASGHAR, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 octobre 2021
à :

-       A______

c/o Me JULEN BERTHOD

Anne Valérie

Bär & Karrer SA

Case postale 5056

1211 Genève 11.

- B______

c/o Me MALEK-ASGHAR André

Mentha Avocats

Rue de l'Athénée 4

Case postale 330

1211 Genève 12.

- Office cantonal des poursuites.

Pour information :

-       Betreibungsamt Oberland, Dienststelle Oberland West


EN FAIT

A. a. A______ et B______ se sont mariés en 1999. Trois enfants, nés respectivement en ______ 2001, ______ 2002 et ______ 2007, sont issus de cette union.

Les parties se sont séparées en avril 2014. A______ est demeurée avec les enfants dans la villa conjugale, d'une surface de 700 m2, dont B______ est propriétaire au chemin 1______ [no.] ______, [code postal] C______ (Genève) (ci-après : la villa de C______). Elle y vit actuellement avec son fils cadet. Les deux aînés de la fratrie suivent des études à D______ (Angleterre). Selon A______, ceux-ci ont été contraints de revenir auprès d'elle à Genève en raison de la crise sanitaire, ce que B______ conteste.

Suite à la séparation, B______ s'est installé dans un chalet lui appartenant à E______ (Berne). Il y est domicilié avec sa nouvelle compagne et leurs deux enfants, nés respectivement en ______ 2016 et ______ 2018.

b. Plusieurs décisions de mesures protectrices de l'union conjugale ont été rendues entre les parties. La garde des enfants a été attribuée à A______, de même que la jouissance exclusive de la villa de C______. B______ a été condamné, notamment, à prendre en charge toutes les charges courantes de la villa conjugale (intérêts hypothécaires, frais d'entretien et SIG) et à verser, en sus, une contribution mensuelle à l'entretien de A______ de 10'000 fr. jusqu'à fin 2014, puis de 21'213 fr. jusqu'à fin 2015, de 21'796 fr. jusqu'à fin 2016 et de 22'350 fr. au-delà.

c. Le divorce des parties a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance de Genève du 12 mars 2020. Ce jugement a été partiellement modifié par arrêt de la Cour de justice du 12 février 2021.

La jouissance exclusive de la villa de C______ a été attribuée à A______ jusqu'au 31 juillet 2024, ordre étant donné au conservateur du Registre foncier de Genève de procéder à l'inscription sur la parcelle correspondante d'un droit d'habitation à titre gratuit en faveur de la précitée jusqu'à cette date. B______ a par ailleurs été condamné à verser à son ex-épouse une contribution d'entretien mensuelle de 17'000 fr. jusqu'en décembre 2022, puis de 12'700 fr. jusqu'en juillet 2024, de 8'600 fr. jusqu'en décembre 2025 et de 8'200 fr. dès janvier 2026.

Dans son arrêt du 12 février 2021, la Cour a retenu que les allégations de B______ sur sa situation financière n'étaient pas crédibles. Divers éléments du dossier démontraient que sa capacité contributive était supérieure à celle alléguée et qu'il était en mesure de pourvoir à l'entretien convenable de son ex-épouse, en mettant sa fortune à contribution si besoin. Il avait notamment admis, en audience et dans le cadre d'entretiens avec son conseiller bancaire auprès de J______, qu'il détenait d'autres biens immobiliers que ceux figurant dans ses déclarations fiscales, qu'il percevait des revenus supplémentaires non déclarés de la location d'un de ses immeubles sis au Liban et qu'il disposait de réserves de liquidités non déclarées.

d. Les contributions dues à son entretien n'étant pas régulièrement versées, A______ a initié diverses procédures à l'encontre de B______ devant les juridictions civiles et pénales.

d.a Il s'agit notamment de la procédure de poursuite n° 2______, initiée auprès de l'Office des poursuites de l'Oberland bernois (ci-après : l'Office bernois), dont la continuation a été requise le 16 mars 2018 à hauteur de 92'537 fr. 50, intérêts et frais en sus, et qui a donné lieu à un procès-verbal de saisie du 25 mars 2019 (série n° 3______), complété le 27 mai 2019.

Dans le cadre de cette poursuite, les avoirs bancaires détenus par B______ ont été saisis à hauteur de 28'780 fr. 33. Ont également été saisis les immeubles suivants : B-F C______ 4______ (la villa de C______); B-F F______ [GE] 5______ (chemin 6______ [no.] ______); PPE G______ [GE] 7______ (place 8______ [no.] ______); PPE Genève-Cité 9______ (rue 10______ [no.] ______); PPE Genève-Cité 11______ (rue 12______ [no.] ______); lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______ (rue 15______ [no.] ______); PPE Genève-H______ 16______ (rue 17______ [no.] ______); lots PPE Genève-H______ 18______ et 19______ (rue 20______ [no.] ______). L'Office bernois a renoncé à saisir les revenus de B______.

Selon le procès-verbal de saisie du 25 mars 2019, une restriction du droit d'aliéner a été annotée au registre foncier sur tous les immeubles susvisés, sur réquisitions de l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après : l'Office) des 12 septembre 2018 (pour la villa de C______) et 20 février 2019 (pour les autres immeubles).

Le procès-verbal de saisie indique par ailleurs que quatre immeubles font l'objet d'un séquestre antérieur au profit de A______ (cf. infra let. d.b) et que trois immeubles ont été expertisés, leur valeur ayant été estimée à 2'235'000 fr. pour le bien PPE Genève-Cité 9______ (grevé d'une hypothèque de 793'900 fr.), à 840'000 fr. pour le bien PPE Genève-Cité 11______ (grevé d'une hypothèque de 679'000 fr.) et à 869'500 fr. pour les lots PPE Genève-H______ 18______ et 19______ (grevés d'une hypothèque de 476'350 fr.).

d.b A______ a également obtenu le séquestre de plusieurs immeubles de B______ sis à M______ (BE) et à Genève, sur ordonnance du Tribunal régional de l'Oberland bernois du 17 septembre 2018, à hauteur de 488'796 fr. (arriérés de pensions alimentaires) et de 9'500 fr. (frais judiciaires et dépens), intérêts et frais en sus. L'ordonnance de séquestre a été exécutée par l'Office le même jour et le procès-verbal de séquestre (n° 21______) a été établi le 8 avril 2019. En février 2020, le séquestre a été converti en saisie définitive dans le cadre de la poursuite n° 22______; cette poursuite a donné lieu à un procès-verbal de saisie établi par l'Office le 27 février 2020 dans la série n° 25______.

Les immeubles suivants ont été séquestrés, respectivement saisis à Genève : PPE Genève-Cité 9______; PPE Genève-Cité 11______; lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______.

Dans le cadre des poursuites n° 2______ (cf. supra let. d.a) et n° 22______, l'immeuble PPE Genève-Cité 11______ a été vendu aux enchères le ______ 2020. Selon l'avis de dépôt du compte final (n° 25______) et le tableau de distribution établis par l'Office le 10 mars 2021, le produit net de la vente s'est élevé à 1'154'289 fr. 30. Après remboursement des créanciers hypothécaires (4'000 fr. en faveur de l'Administration fiscale cantonale + 669'723 fr. 75 en faveur de [la banque] I______), un montant de 79'584 fr. 45 a été affecté à la poursuite n° 2______ et un montant de 398'182 fr. 15 a été affecté à la poursuite n° 22______ (celle-ci laissant apparaître un découvert de 107'974 fr.).

d.c En janvier 2020, A______ a initié la procédure de poursuite n° 39______ auprès de l'Office bernois; la continuation de cette poursuite a été requise le 31 juillet 2020 à hauteur de 201'950 fr., intérêts et frais en sus (cf. infra let. e.a ss).

d.d A______ a également initié une procédure pénale (P/26______/2016) contre son ex-époux, à l'issue de laquelle le Tribunal de police de Genève, par jugement du 20 novembre 2020, désormais entré en force, a reconnu B______ coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 CP) et condamné celui-ci à une peine pécuniaire avec sursis. Le Tribunal de police a par ailleurs ordonné la levée des séquestres pénaux portant sur les comptes bancaires de B______ auprès de J______ (comptes nos 27______, 28______, 29______, 30______, 31______, 32______, 33______, 34______ et 38______), [des banques] K______ (compte n° 36______) et I______ (compte n° 37______) – sous réserve d'un montant de 33'214 fr. 80 prélevé sur le compte n°38______ afin de couvrir l'indemnité due à A______ et les frais de la procédure pénale.

Pour la période allant du 9 juin 2017 au 31 octobre 2019, le Tribunal de police a retenu, en substance, que B______ ne s'était pas acquitté de l'entier des contributions d'entretien dues à son ex-épouse, en dépit des décisions civiles définitives et exécutoires qui l'y condamnaient. Contrairement à ce qu'il soutenait, le prévenu bénéficiait d'une situation financière aisée qui lui permettait de s'acquitter des contributions dues (en dépit des séquestres civils et pénaux ordonnés), puisqu'il était propriétaire de nombreux biens immobiliers en Suisse et au Liban – et usufruitier de certains immeubles à Genève –, que plusieurs de ces biens lui généraient des revenus locatifs importants (env. 50'000 fr. par mois en 2017/2018, env. 40'000 fr. par mois en 2019), qu'il avait été en mesure d'obtenir des liquidités par la vente de biens mobiliers (devises, métaux précieux), et qu'il avait continué d'acquérir et de vouloir acquérir des biens immobiliers durant la période concernée (notamment l'achat – non finalisé – en août 2020 d'un appartement à Genève au prix de 3'958'200 fr.). De manière générale, B______ n'avait pas été transparent sur les liquidités dont il disposait, lesquelles lui assuraient visiblement le maintien de son train de vie vu le compte-rendu de son gestionnaire auprès de [la banque] J______ (en septembre 2018, ledit gestionnaire avait relaté que, son divorce se passant mal, B______ souhaitait retarder au maximum le paiement des montants réclamés par son ex-épouse, tout en admettant qu'il disposait de confortables liquidités). Le Tribunal de police a encore relevé que la collaboration du prévenu n'avait pas été bonne et qu'il n'avait pas fourni d'explications détaillées sur sa situation financière.

e.a Dans le cadre de la poursuite n° 39______, l'Office bernois a délégué à l'Office l'exécution de la saisie des biens du poursuivi situés à Genève. Le 13 août 2020, l'Office a transmis un avis de saisie à B______ et l'a interrogé sur sa situation personnelle et financière le 30 septembre 2020. A teneur du protocole d'audition, le précité a déclaré à l'Office qu'il percevait un salaire mensuel de 5'000 fr., versé par son employeuse "L______ SA" et qu'il résidait à E______ huit mois par année. B______ – dont l'attention avait été attirée sur le contenu de l'art. 91 LP – n'a fait état d'aucun bien mobilier susceptible d'être saisi en vue de désintéresser la créancière poursuivante.

e.b Le 22 janvier 2021, l'Office a établi le procès-verbal de délégation n° 40______ qu'il a communiqué à l'Office bernois. Ce procès-verbal mentionne que le "salaire du débiteur est séquestré auprès [de] L______ SA" et que "les comptes et les avoirs du débiteur sont gelés par la procédure de séquestre". Sous la rubrique "Situation de la saisie", l'Office a précisé ce qui suit :

"L'office a exécuté une annotation au registre foncier le 14 décembre 2020 pour le bien-fonds à C______ ( ) pour un montant de 213'580 fr. 45. L'office a envoyé un avis de saisie auprès du créancier gagiste [i.e [la banque] K______].

Biens immobiliers du débiteur :

1. B-F C______ 4______
2. B-F F______ 5______
3. PPE G______ 7______
4. PPE Genève-Cité 9______
5. PPE Genève-Cité 11______
6. PPE Genève-H______ 13______
7. PPE Genève-H______ 14______
8. PPE Genève-H______ 16______
9. PPE Genève-H______ 18______
10. PPE Genève-H______ 19______

Remarques

Le débiteur est usufruitier des différents biens ci-dessus."

e.c Le 11 février 2021, l'Office bernois a transmis aux parties le procès-verbal de saisie dans la poursuite n° 39______ (série n° 41______), en précisant qu'un solde impayé de 78'651 fr. 65 subsistait dans la série précédente (n° 3______). Se référant au procès-verbal de délégation du 22 janvier 2021, annexé au procès-verbal de saisie, l'Office bernois a fait porter la saisie sur l'excédent de réalisation des immeubles saisis dans la série n° 3______ et sur la villa d'C______ (sans valeur d'estimation, ce bien étant mentionné pour mémoire – "p.M"), une restriction du droit d'aliéner ayant été annotée au registre foncier sur ce bien le 14 décembre 2020. Il a par ailleurs renoncé à saisir les revenus de B______.

Cause A/668/2021

B. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de surveillance le 22 février 2021, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de délégation du 21 janvier 2021, qu'elle indique avoir reçu le 12 février 2021, en même temps de le procès-verbal de saisie du 11 février 2021. Cette plainte a été référencée sous le numéro de cause A/668/2021.

En substance, elle a reproché à l'Office d'avoir renoncé à saisir les comptes bancaires de B______, alors que le séquestre pénal avait été levé à la fin de l'année 2020, d'avoir indiqué à tort que B______ était usufruitier des immeubles listés dans le procès-verbal délégation alors qu'il en était propriétaire, d'avoir inclus dans cette liste un immeuble déjà réalisé aux enchères et d'avoir omis d'y mentionner les biens immobiliers dont B______ était propriétaire à E______ (étant précisé que ces biens figuraient dans l'ordonnance de séquestre du 17 septembre 2018; cf. supra let. d.b). La plaignante demandait à l'Office de revoir l'ordre de la saisie, conformément à l'art. 95 LP, en saisissant en priorité les valeurs patrimoniales disponibles sur les comptes non séquestrés du poursuivi et, cela fait, de saisir en priorité les immeubles autres que la villa de C______. A ce sujet, il fallait tenir compte des intérêts de la poursuivante, qui bénéficiait d'un droit d'habitation sur cette villa et qui y résidait avec ses enfants : il se justifiait donc de saisir d'autres immeubles, afin de ne pas la précariser davantage que le poursuivi ne l'avait déjà fait par ses défauts de paiement.

A______ a conclu à l'annulation du procès-verbal de délégation et, cela fait, ce qu'il soit ordonné à l'Office d'établir un nouveau procès-verbal de délégation dans le sens des considérants, en tenant compte des éléments suivants :

(i) de la levée du séquestre pénal sur les comptes bancaires de B______ auprès [des banques] J______, K______ et I______, suite à l'entrée en force du jugement du Tribunal de police du 20 novembre 2020 (P/42______/2016);

(ii) du fait que l'immeuble PPE Genève-Cité 11______ avait été réalisé aux enchères, de sorte qu'il n'avait pas à figurer dans la liste des biens immobiliers de B______;

(iii) du fait B______ était propriétaire – et non usufruitier – des biens immobiliers listés dans le procès-verbal de délégation (à l'exception de l'immeuble PPE Genève-Cité 11______ qui avait déjà été vendu aux enchères);

(iv) du fait que B______ était propriétaire de biens immobiliers sis à E______, lesquels devaient figurer sur la liste des immeubles lui appartenant.

A______ a encore conclu à ce qu'il soit ordonné à l'Office de revoir l'ordre de la saisie des immeubles de B______ dans le sens des considérants, en tenant compte des intérêts de la créancière poursuivante, "soit en préférant d'autres biens immobiliers à la [villa de C______], en saisissant par exemple les immeubles sis à G______ (PPE 7______) ou à F______ (B-F 5______)".

b. Dans ses observations du 18 mars 2021, B______ a conclu au rejet de la plainte de son ex-épouse. Il a fait valoir, en substance, que la saisie par l'Office des immeubles listés dans le procès-verbal de délégation était disproportionnée, dans la mesure où la réalisation d'un seul bien, à savoir la villa de C______, suffirait à désintéresser entièrement la créancière poursuivante. En outre, l'Office avait violé l'art. 95 LP, dans la mesure où il avait saisi ses immeubles en priorité, alors qu'il aurait d'abord dû saisir ses biens mobiliers, en particulier ceux qui ornaient les immeubles dont il était propriétaire. Au surplus, il a relevé que sa domiciliation à E______ (admise par son ex-épouse) ressortait de l'arrêt de la Cour de justice genevoise du 12 février 2021 (cf. supra let. A.c). Il a ajouté que la société qui l'employait, L______ SA, avait son siège à E______.

c. Dans son rapport explicatif du 19 mars 2021, l'Office a exposé qu'il avait limité la saisie à un seul bien immobilier (i.e. la villa de C______), afin de respecter le principe de proportionnalité, puisque la réalisation de ce bien permettrait de désintéresser intégralement la créancière. Toutefois, au vu des explications fournies par A______, à savoir que la villa de C______ était occupée par cette dernière, l'Office avait décidé d'étendre la saisie aux autres biens immobiliers détenus par le débiteur à Genève, en complément du bien initialement saisi. Le 4 mars 2021, sur réquisition de l'Office, une restriction du droit d'aliéner avait été annotée au Registre foncier de Genève sur ces autres biens. Pour le surplus, il appartenait à l'Office bernois de se déterminer sur le sort des immeubles dont le débiteur était propriétaire à E______. Compte tenu des modifications apportées au procès-verbal de délégation, l'Office considérait que la plainte était devenue sans objet et il s'en rapportait à la décision de la Chambre de surveillance.

En annexe à son rapport, l'Office a produit sa réquisition au Registre foncier de Genève du 4 mars 2021 tendant à ce qu'une restriction du droit d'aliéner soit annotées sur les biens suivants : B-F F______ 5______3, PPE G______ 7______, PPE Genève-Cité 9______, lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______, PPE Genève-H______ 16______ et lots PPE Genève-H______ 18______ et 19______.

Il a également produit le procès-verbal de délégation modifié du 4 mars 2021 adressé à l'Office bernois. Ce procès-verbal indique notamment qu'une restriction du droit d'aliéner a été annotée sur les biens susmentionnés et qu'un avis de saisie a été envoyé aux créanciers gagistes (i.e. [les banques] K______ et J______); il est également précisé et que "[l]e débiteur est usufruitier des différents biens ci-dessus". Par ailleurs, il est mentionné, sous la rubrique "Situation du débiteur", que "[l]e salaire du débiteur est séquestré auprès de L______ SA". Il n'est pas fait mention des comptes bancaires du débiteur auprès [des banques] J______, K______ [ou] I______.

d. De son côté, l'Office bernois a renvoyé aux explications fournies dans son rapport explicatif du 5 mars 2021 à l'attention de l'autorité de surveillance bernoise (cf. infra let. C.b).

e. A______ a répliqué le 19 mai 2021 et persisté dans les conclusions formulées dans sa plainte, "conclusions que l'Office avait d'ores et déjà avalisées et prises en compte dans son rapport du 19 mars 2021".

f. La cause a été gardée à juger le 17 juin 2021.

Cause A/1461/2021

C. a. Par acte expédié au greffe de la Cour suprême du canton de Berne, Autorité cantonale de surveillance en matière de poursuites et de faillite (ci-après : la Cour suprême), B______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de saisie du 11 février 2021 et contre l'avis d'exécution de la saisie annexée à ce procès-verbal.

En substance, il a reproché à l'Office bernois d'avoir saisi ses biens immobiliers exclusivement, alors que l'art. 95 LP lui imposait de saisir au préalable ses biens mobiliers. A cet égard, il produisait plusieurs justificatifs (factures, contrats de vente, certificats d'authenticité, etc.) établissant l'existence de divers biens mobiliers, dont la grande majorité se trouvaient dans la villa de C______. Selon lui, la valeur de ces biens (tapis d'orient, tableaux d'art, appareils électroménagers, meubles décoratifs, scooter, etc.) était suffisante pour pourvoir au désintéressement de A______ pour l'entier du montant déduit en poursuite (201'950 fr. en capital), intérêts et frais compris. Ces biens auraient donc dû être saisis avant les immeubles situés à Genève. Par ailleurs, l'Office bernois avait violé l'art. 97 al. 2 LP en saisissant plus de biens que nécessaire pour couvrir la créance déduite en poursuite. Ainsi, la valeur de la villa de C______ était largement plus élevée que cette créance, sa valeur fiscale s'élevant à 5'400'000 fr. L'Office bernois, à l'instar de son homologue genevois, avait donc abusé de son pouvoir d'appréciation en faisant porter la saisie sur ses immeubles à Genève plutôt que sur ses biens mobiliers.

B______ a pris les conclusions suivantes :

(1) ordonner la libération de la saisie des biens immobiliers suivants : B-F C______ 4______; B-F F______ 5______, PPE G______ 7______, PPE Genève-Cité 9______, PPE Genève-Cité 11______, lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______, PPE Genève-H______ 16______, lots PPE Genève-H______ 18______ et 19______;

(2) ordonner à l'Office de requérir auprès du Registre foncier de Genève la radiation des restrictions du droit d'aliéner annotées sur les biens immobiliers susvisés;

(3) ordonner à l'Office bernois de saisir au premier chef les meubles de B______, avant les immeubles, afin de satisfaire la créancière poursuivante dans la poursuite n° 39______.

b. Dans son rapport explicatif du 5 mars 2021, l'Office bernois a conclu au rejet de la plainte, dans la mesure de sa recevabilité.

Il a exposé que seul l'excédent de réalisation des immeubles listés à la conclusion n° 1 avait été saisi au profit de la série n° 41______. Il n'y avait donc pas lieu de lever la saisie sur ces biens, puisque ceux-ci n'avaient pas été rattachés à la série n° 41______, mais à uniquement à la série précédente, soit la série n° 3______. L'Office bernois avait communiqué l'ordre de réalisation de ces biens à son homologue genevois. Dans ce contexte, le bien PPE Genève-Cité 11______ avait été réalisé le ______ 2020. Cependant, à ce stade, l'Office bernois ne connaissait pas le résultat final de cette vente aux enchères. Selon les informations fournies par l'Office, l'on pouvait escompter un produit brut de 486'276 fr. 25 (produit de la vente = 1'160'000 fr., dont à déduire les créances garanties par gage en 673'723 fr. 75). Il subsistait une créance résiduelle de 78'873 fr. 75 dans la série n° 3______, intérêts et frais en sus. Au vu du produit brut de la vente, il n'était pas exclu que cette créance résiduelle soit couverte. En l'état, toutefois, l'excédent éventuel n'était pas connu et l'on ne pouvait exclure qu'il ne suffise pas à éteindre la créance faisant l'objet de la série n° 41______. Par conséquent, c'est à juste titre que la villa d'C______ avait été saisie au profit de la série n° 41______.

Il n'y avait pas lieu de donner suite à la conclusion n° 3 du plaignant, dans la mesure où il était très probable que les saisies déjà exécutées suffiraient à couvrir les montants déduits en poursuite. Il ne se justifiait donc pas de saisir d'autres biens. De plus, les objets concernés ne se trouvaient pas sur le territoire de l'Office bernois. Le plaignant aurait dû s'adresser à l'autorité de surveillance genevoise sur ce point.

En résumé, il fallait attendre de connaître le résultat net de la vente aux enchères du ______ 2020. Ce n'est qu'une fois le produit net distribué conformément à l'art. 144 LP qu'il serait possible de prendre une décision s'agissant de la villa de C______.

c. Dans ses observations du 29 mars 2021, B______ a persisté dans ses conclusions. Selon lui, le produit de la vente aux enchères du ______ 2020 couvrait déjà une grande partie des créances de A______. Il s'est référé à cet égard à l'avis de dépôt du compte final et au tableau de distribution établis par l'Office le 10 mars 2021 (cf. supra let. A.d.b in fine). Il était donc disproportionné de réaliser un autre immeuble, alors que la saisie de ses biens meubles suffirait à solder la poursuite.

d. Par décision du 22 avril 2021 (Entscheid ABS 21 58), la Cour suprême a rejeté la plainte de B______, dans la mesure de sa recevabilité, et transmis la cause à la Chambre de surveillance, pour raison de compétence (art. 32 al. 2 LP), aux fins de statuer sur les conclusions nos 2 et 3 du plaignant.

La Cour suprême a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la levée de la saisie sur les immeubles listés dans la conclusion n° 1. A cet égard, le plaignant perdait de vue que la saisie de ces immeubles avait déjà été exécutée au profit de la série n° 3______ et que seul l'excédent de réalisation de ces biens avait été saisi au profit de la série n° 41______. S'agissant de la villa de C______, la Cour suprême a indiqué que la valeur de ce bien n'avait pas pu être estimée à ce jour. Sur ce point, elle a rappelé que, dans le cadre d'une précédente plainte, B______ avait conclu à ce que la saisie exécutée dans la série n° 3______ soit limitée à cette villa, à l'exclusion de tout autre immeuble, et à ce qu'il soit procédé à l'expertise de ce bien. La Cour suprême avait rejeté cette plainte le 3 mai 2019 (Entscheid ABS 19 122), au motif que l'Office bernois avait entrepris toutes les démarches utiles pour estimer la valeur de la villa de C______ et que l'étendue de la saisie (et son éventuel excès; cf. art. 97 al. 2 LP) ne pourrait pas être appréciée tant que la valeur de tous les immeubles n'avait pas été évaluée. En définitive, la question de savoir s'il était possible de renoncer à la saisie de la villa de C______ ne pourrait être tranchée qu'une fois sa valeur d'estimation connue, étant précisé que sa valeur fiscale n'était pas une estimation fiable. Faute de connaître le montant de l'éventuel excédent qui subsisterait suite à la réalisation des biens saisis dans la série n° 3______ et faute de disposer d'une estimation fiable de la valeur de la villa de C______, l'Office bernois n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en saisissant cet immeuble.

S'agissant de la conclusion n° 2, l'Office bernois n'était pas l'autorité compétente pour requérir l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner sur des immeubles situés sur le territoire d'un autre canton, en l'occurrence Genève. Il en allait de même de la conclusion n° 3, qui portait sur les modalités d'exécution de la saisie (i.e. l'ordre de la saisie prévu à l'art. 95 LP), à savoir sur une question qui relevait de la compétence de l'office des poursuites requis (i.e. l'Office) et non de celle de l'office des poursuites requérant (i.e. l'Office bernois).

e. La décision de la Cour suprême du 22 avril 2021 a été communiquée à la Chambre de surveillance le 27 avril 2021. La plainte de B______ a été enregistrée sous le numéro de cause C/1461/2021.

f. Dans ses observations du 19 mai 2021, A______ a conclu au rejet de la plainte de son ex-époux et précisé qu'elle ne s'opposait pas à la jonction des causes A/668/2021 et A/1461/2021. Elle a relevé que les biens meubles sur lesquels B______ souhaitait faire porter la saisie étaient, pour l'essentiel, des biens qui ornaient la villa de C______, sur laquelle elle jouissait d'un droit d'habitation ensuite du divorce prononcé par les juridictions genevoises. Il s'agissait en effet de son domicile, qu'elle occupait avec son fils cadet et que ses deux fils majeurs avaient réintégré depuis plus d'une année en raison de la crise sanitaire. Autrement dit, le débiteur d'aliments cherchait, par le biais de sa plainte, à faire saisir le mobilier qui composait le domicile actuel de la créancière d'aliments et de leurs trois enfants. Le grief soulevé par B______ revêtait un caractère purement vexatoire et n'avait d'autre but que de fragiliser encore plus la situation de A______, déjà contrainte d'engager de nombreuses poursuites contre son ex-époux en raison de sa défaillance persistante. Vu les circonstances du cas d'espèce, il se justifiait de privilégier les intérêts de la créancière et non ceux du débiteur, d'autant que la saisie des meubles garnissant la villa familiale aurait pour effet de vider de sa substance le droit d'habitation que lui avait conféré le juge du divorce. S'il fallait admettre la possibilité pour l'Office de faire porter la saisie sur des biens mobiliers, celle-ci devrait en bonne logique porter sur les avoirs bancaires de B______ dont celui-ci disposait à nouveau suite à la levée du séquestre pénal.

g. Dans son rapport explicatif du 31 mai 2021, l'Office s'en est rapporté à justice sur le bien-fondé de la plainte. Se référant à des documents datés de janvier 2019 et septembre 2020, il a exposé qu'il avait procédé à la saisie des immeubles de B______, dans la mesure où les revenus et comptes bancaires du débiteur faisaient l'objet d'un séquestre pénal et n'étaient donc pas saisissables. Il a ajouté que sa décision d'étendre la saisie à d'autres immeubles que la villa de C______ était motivée par le fait que plusieurs de ces biens (PPE Genève-Cité 9______, lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______) faisaient l'objet d'un séquestre antérieur. En tout état, l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner sur ces immeubles ne portait pas préjudice au débiteur, dès lors que ceux-ci ne seraient réalisés que dans la mesure utile pour couvrir la créance déduite en poursuite.

h. Par courrier du 31 mai 2021 adressé à la Chambre de surveillance, B______ a sollicité la jonction des causes A/668/2021 et A/1461/2021.

i. Sur quoi, la cause A/1461/2021 a été gardée à juger.

EN DROIT

1. L'art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu de l'art. 9 al. 4 LaLP, permet, d'office ou sur requête, de joindre deux procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l'occurrence, les deux plaintes concernent le même complexe de faits et opposent les mêmes parties, de sorte qu'il se justifie de joindre les deux causes.

Par souci de clarté, A______ sera désignée ci-après comme la plaignante (ou la créancière) et B______ comme l'intimé (ou le débiteur).

2. La plainte de A______ est recevable pour avoir été déposée auprès de l'autorité compétente (art. 6 al.1 et 3 LaLP; art. 17 al. 1 LP), par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) et selon la forme prescrite par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), à l'encontre d'une mesure de l'Office sujette à plainte, à savoir le procès-verbal de délégation n° 40______ P du 22 janvier 2021.

La plainte formée par B______ est également recevable en tant qu'elle vise l'exécution de la saisie (poursuite n° 39______, série n° 41______) à laquelle l'Office a procédé sur délégation de l'Office bernois, étant relevé que cette plainte, formée en temps utile devant l'autorité de surveillance bernoise, a été transmise à la Chambre de céans, pour raison de compétence, aux fins de statuer sur les chefs de conclusions nos 2 et 3.

3. La plaignante reproche à l'Office d'avoir renoncé à saisir les comptes bancaires de l'intimé, en dépit de la levée du séquestre pénal intervenue à la fin de l'année 2020, d'avoir indiqué à tort que l'intimé était usufruitier des immeubles listés dans le procès-verbal délégation alors qu'il en était propriétaire, d'avoir inclus dans cette liste un immeuble déjà réalisé aux enchères et d'avoir omis d'y mentionner les biens immobiliers dont B______ était propriétaire à E______. Elle sollicitait également de l'Office qu'il saisisse en priorité d'autres biens que la villa de C______.

3.1 Aux termes de l'art. 89 LP, lorsque le débiteur est sujet à la poursuite par voie de saisie, l'office [des poursuites], après réception de la réquisition de continuer la poursuite, procède sans retard à la saisie ou y fait procéder par l'office du lieu où se trouvent les biens à saisir.

L'art. 89 LP indique que "l'office" doit procéder à la saisie. Il faut comprendre par là l'office du for de la poursuite. C'est en effet cet office – soit en principe celui du domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP) – qui mène (diligente) la poursuite et qui décide de procéder à la saisie. Il appartient à cet office, requis de continuer la poursuite, d'examiner d'office s'il est encore compétent ratione loci (cf. art 53 LP), si le poursuivant est fondé à requérir la continuation de la poursuite (cf. art. 88 LP) et si la poursuite doit se continuer par voie de saisie (cf. art 38 al. 3 et 42 LP). Ces vérifications faites, l'office doit procéder à l'exécution proprement dite de la saisie (FOEX, in CR CPC, 2005, n. 2 et 3 ad art. 89 LP et les références citées). Si les droits patrimoniaux à saisir (ou certains d'entre eux) sont localisés dans un autre arrondissement (cf. art. 1 LP), l'office qui diligente la poursuite charge l'office du lieu où sont localisés ces biens de procéder à la saisie par délégation (c'est-à-dire par commission rogatoire ou encore par voie d'entraide administrative, art. 4 al. 2 2ème phrase LP; cf. not. art. 23d et 24 ORFI) (GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd. 2012, n. 896 et 897). L'office du for de la poursuite ne peut saisir lui-même les biens situés dans un autre arrondissement, même à supposer que l'office où se trouvent les biens y consente (FOEX, op. cit., n. 4 ad art. 89 LP).

L'art. 89 LP fait donc dépendre la compétence pour procéder à l'exécution de la saisie du lieu où se trouvent les biens. Il s'agit d'une exigence prescrite dans l'intérêt public, afin d'éviter des saisies à distance (qui ne permettent pas au préposé de s'assurer de la présence des biens et de leur valeur) et pour protéger le créancier gagiste (titulaire d'un gage sur un bien susceptible d'être saisi) qui entendrait se prévaloir du for du lieu de situation prévu à l'art. 51 LP. La localisation des biens varie selon les catégories de biens à saisir (FOEX, op. cit., n. 6 ad art. 89 LP).

Les immeubles sont situés au lieu où ils sont immatriculés au registre foncier; l'art. 24 al. 1 ORFI prévoit toutefois que si un immeuble est situé sur plusieurs arrondissements de poursuite, la saisie est exécutée par l'office de l'arrondissement "où se trouve la partie qui a la plus grande valeur". Les choses mobilières ordinaires et les papiers-valeurs sont saisis au lieu où ils se trouvent. Les créances et autres droits non incorporés dans un papier-valeur sont situés au domicile (ou au siège) de leur titulaire, le débiteur poursuivi. En cas de circonstances particulières, les créances peuvent également être saisies au domicile du tiers débiteur (par ex. créances en paiement de salaire). La règle de compétence insérée à l'art. 89 LP est édictée dans l'intérêt public. Partant, la saisie d'un bien par un office incompétent est frappée de nullité (art. 22 LP) (FOEX, op. cit., n. 8-11 et 14 ad art. 89 LP et les références citées).

La plainte contre une mesure ou une décision de l'office des poursuites doit être adressée à l'autorité de surveillance dont dépend cet office. Dans le cadre d'une saisie exécutée par la voie de l'entraide, l'autorité de surveillance de l'office requérant est en principe compétente pour connaître de la plainte, sous réserve des cas où l'office requis peut décider lui-même des modalités d'exécution de la saisie. Ainsi, la plainte doit être dirigée contre l'office requérant lorsqu'il s'agit de contester le principe de la saisie et contre l'office requis si elle porte sur la manière dont l'acte a été exécuté – par ex. lorsque la plainte a pour objet l'avis de saisie (art. 90 LP), l'estimation des biens saisis (art. 97 al. 1 LP), l'insaisissabilité des biens de stricte nécessité et le calcul du minimum vital (art. 92, 93 et 94 LP) ou l'ordre légal de la saisie (art. 95 LP) (ATF 145 III 487 consid. 3.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B.251/2004 du 24 décembre 2004 consid. 2.1; WINKLER, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n. 29 ad art. 89 LP).

En cas de saisie d'un bien immobilier, l'office requis exécute la saisie en se conformant aux dispositions des art. 89 et 90 LP et des art. 8, 9, 11, 14 et 15 ORFI; il remet le procès-verbal de saisie, dont il conservera une copie, à l'office requérant et il y joint l'exemplaire portant récépissé de la réquisition d'annotation de la restriction du droit d'aliéner. L'office requérant insère le contenu du procès-verbal transmis dans l'original de son procès-verbal de saisie, il envoie une copie de ce dernier aux parties (art. 114 LP) et il pourvoit, le cas échéant, à la fixation des délais (art. 24 al. 2 ORFI). L'office qui a exécuté la saisie immobilière est compétent pour requérir l'annotation de la restriction du droit d'aliéner au registre foncier, même s'il n'a agi que sur demande d'un autre office (art. 3 et 4 ORFI; cf. art. 101 LP).

3.2 Selon l'art 17 al. 4 LP, en cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée et prendre une nouvelle mesure, qu'il notifie sans délai aux parties et communique à l'autorité de surveillance.

Si la nouvelle décision fait droit aux prétentions du plaignant et lui donne entière satisfaction, la contestation devient sans objet et la plainte sera classée. Dans l'hypothèse où elle laisse subsister la contestation en tout ou partie, la plainte devra être tranchée dans la mesure où elle reste actuelle (GILLIERON, Commentaire LP, n. 260 ad art. 17 LP).

3.3 En l'espèce, suite à la plainte formée par la créancière, l'Office a modifié le procès-verbal de délégation attaqué, conformément à l'art. 17 al. 4 LP. Il a, en particulier, supprimé de la liste des immeubles appartenant au débiteur le bien PPE Genève-Cité 11______, vendu aux enchères le ______ 2020, et étendu la saisie à d'autres biens immobiliers que la villa de C______. La saisie de ce bien ayant été confirmée par l'autorité de surveillance bernoise dans sa décision du 22 avril 2021, il n'y a pas lieu d'y revenir ici. La plainte est dès lors devenus sans objet sur ces divers aspects.

Pour le surplus, c'est à bon droit que le procès-verbal de délégation ne mentionne pas les immeubles dont le débiteur est propriétaire à E______, l'Office n'étant manifestement pas compétent ratione loci pour saisir des immeubles situés dans le canton Berne (à savoir sur le territoire de l'office requérant). Enfin, s'il faut concéder à la plaignante que les comptes bancaires visés par la procédure P/26______/2016 ne font plus l'objet d'un séquestre pénal, il n'en reste pas moins que l'Office, qui agit sur délégation de son homologue bernois, est uniquement compétent pour procéder à la saisie des biens du débiteur qui sont localisés sur son territoire. Dès lors qu'il s'agit de créances, l'Office n'est pas compétent pour saisir les comptes bancaires dont le débiteur est titulaire auprès [des banques] J______ (sise à Zurich), K______ et I______ (sise à Berne), puisque ceux-ci sont saisissables, le cas échéant, au domicile de leur titulaire, soit au domicile du débiteur qui se trouve à E______ (fait admis par les parties; cf. ég. procès-verbal de saisie du 11 février 2021, série n° 41______). Il en va de même des créances salariales de l'intimé envers L______ SA, dont le siège se trouve à E______.

Cela étant, le procès-verbal de délégation modifié du 4 mars 2021 mentionne toujours de façon erronée que le débiteur serait usufruitier des biens immobiliers qui y sont listés (B-F F______ 5______3, PPE G______ 7______, PPE Genève-Cité 9______, lots PPE Genève-H______ 13______ et 14______, PPE Genève-H______ 16______, lots PPE Genève-H______ 18______ et 19______), alors qu'il en est propriétaire – ce qui résulte des extraits du registre foncier que l'Office a transmis à son homologue bernois le 4 février 2021 (cf. pièce 12 annexée au rapport de l'Office bernois du 5 mars 2021). Il convient donc d'admettre la plainte sur ce point et d'enjoindre l'Office à rectifier le procès-verbal de délégation (dans sa version du 4 mars 2021), en supprimant la mention "Le débiteur est usufruitier des différents biens ci-dessus". Il appartiendra également à l'Office d'ajouter la villa de C______ à la liste des biens immobiliers du débiteur faisant l'objet de la saisie – en conformité avec la décision de la Cour suprême du 22 avril 2021 –, en précisant que la restriction du droit d'aliéner correspondante a été annotée au registre foncier le 14 décembre 2020 et qu'un avis de saisie a été envoyé au créancier gagiste (i.e. K______). Enfin, l'Office devra remplacer la mention "Le salaire du débiteur est séquestré auprès de L______ SA" par la mention "Le débiteur est employé de L______ SA qui a son siège à E______".

La plainte de la créancière sera rejetée pour le surplus.

4. De son côté, l'intimé sollicite de l'Office qu'il requière auprès du Registre foncier de Genève la radiation des restrictions d'aliéner annotées sur les immeubles listés dans le procès-verbal de délégation du 22 janvier 2021 (conclusion n° 2).

La Cour suprême ayant rejeté la plainte en tant que l'intimé sollicitait la levée de la saisie sur ces immeubles (à tout le moins jusqu'à ce que l'on connaisse le montant de l'éventuel excédent de réalisation des biens saisis dans la série n° 3______), il ne saurait être question, à ce stade, de radier les restrictions d'aliéner annotées sur ces mêmes immeubles.

La plainte de l'intimé sera dès lors rejetée sur ce point.

5. Dans un second moyen, l'intimé reproche à l'Office d'avoir saisi ses biens immobiliers, alors que l'art. 95 LP lui imposait de saisir au préalable ses biens mobiliers, en particulier les meubles ornant la villa de C______, ce qui permettrait de désintéresser entièrement la créancière (conclusion n° 3).

5.1 Selon l'art. 95 al. 1 LP 1ère phrase, la saisie porte en premier lieu sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables au sens de l'art. 93 al. 1 LP. A l'intérieur de ces trois catégories, l'office des poursuites n'est tenu par aucun ordre particulier. Il doit en revanche d'abord saisir les objets de valeur courante, facilement réalisables (argent liquide, titres cotés en bourse, etc.) et ceux dont le débiteur peut se passer plus aisément, de préférence à ceux dont il pourrait difficilement se priver (art. 95 al. 1 2ème phrase LP) (DE GOTTRAU, in CR LP, 2005, n. 5 et 6 ad art. 95 LP). L'art. 95 al. 2 LP prévoit que les immeubles ne sont saisis qu'à défaut de biens meubles suffisants pour couvrir la créance.

L'art. 95 LP relatif à l'ordre de la saisie constitue seulement une directive adressée à l'office, de sorte que celui-ci peut s'en écarter pour les motifs énoncés à l'al. 4bis, à savoir si les circonstances le justifient ou si le créancier et le débiteur le demandent conjointement (ATF 134 III 122 consid. 4.1 et la référence citée). La loi n'indique pas quel genre de circonstances justifierait une dérogation à l'ordre de la saisie. Cela dépendra de chaque cas d'espèce. Ce pourrait être le cas, par exemple, lorsque les biens à saisir en premier devraient être bradés, ou pour saisir la résidence secondaire du poursuivi plutôt que les actions de la société immobilière au travers de laquelle ce dernier détient sa résidence principale (DE GOTTRAU, op. cit., n. 35 ad art. 95 LP; ATF 115 III 51, JdT 1991 II 140).

L'art. 95 al. 5 LP dispose que, d'une manière générale, le préposé doit s'efforcer de concilier les intérêts du créancier et du débiteur. L'office dispose ainsi d'un certain pouvoir d'appréciation qui peut l'amener à s'écarter de l'ordre légal prescrit, dans les limites de l'art. 95 al. 4bis LP. Afin de concilier les intérêts du débiteur et du créancier, l'office saisira en premier lieu les biens dont le débiteur pourra se passer plus facilement et dont la réalisation apportera la plus rapide satisfaction au créancier. Il se peut cependant que les intérêts du créancier et du débiteur soient opposés; dans ce cas, priorité devra en principe être donnée à ceux du premier (DE GOTTRAU, op. cit., n. 38 ad art. 95 LP et les références citées).

5.2 En l'espèce, il ressort des explications de l'intimé que celui-ci entend faire porter la saisie sur ses biens mobiliers situés à Genève, soit, plus précisément et pour l'essentiel, sur les objets garnissant la villa de C______ (l'intimé n'a pas recouru au Tribunal fédéral contre la décision de la Cour suprême, qui a retenu que les biens à saisir se trouvaient à Genève et non à Berne, étant précisé que certaines des pièces produites concernent des meubles livrés à l'adresse du chalet de l'intimé à E______). Il ressort par ailleurs des justificatifs versés au dossier que les objets visés par la plainte sont des choses mobilières que l'on trouve usuellement dans une maison d'habitation d'un certain standing, à savoir : quelques tapis d'orient (acquis en 1990-1991), cinq tableaux, des appareils électroménagers, des objets de domotique, divers articles de vaisselle et de literie, divers meubles décoratifs (fauteuils, coussins, tables, bureau, chaises, etc.), ainsi qu'un scooter (acquis en 2001).

Il n'est pas contesté que la plaignante occupe la villa de C______ avec son fils cadet et (au moins par intermittence) ses deux fils aînés. Elle a conservé la jouissance exclusive de la villa suite à la séparation des parties, survenue en avril 2014, et le juge du divorce lui a octroyé un droit d'habitation sur ce bien jusqu'au 31 juillet 2024, à titre gratuit, charge à l'intimé d'en assumer les charges courantes (intérêts hypothécaires, frais d'entretien, SIG) en sus des contributions dues à l'entretien de son ex-épouse. Il n'est pas non plus contesté que suite à la séparation, la plaignante a conservé, outre la jouissance de la villa familiale, l'usage de tous les objets mobiliers s'y trouvant, cela sans contrepartie financière. Par ailleurs, il résulte des différentes décisions rendues par les juridictions civiles et pénales que le contentieux matrimonial qui oppose les parties dure depuis plusieurs années, que leurs intérêts sont contraires et difficilement conciliables et que l'intimé n'a pas collaboré avec les instances saisies en vue d'établir sa situation financière de façon fiable et exhaustive. Il sied encore de souligner que la saisie litigieuse, exécutée par l'Office sur délégation de l'Office bernois, a pour finalité de permettre à la plaignante de recouvrer les créances d'aliments impayées par son ex-époux.

Eu égard aux circonstances concrètes du cas d'espère, c'est à bon droit que l'Office a décidé de déroger à l'ordre légal de la saisie prévu à l'art. 95 LP. Dans la mesure où la villa de C______ constitue la résidence principale de la créancière et de ses enfants (à tout le moins celle de son fils cadet), le fait de saisir en priorité les biens mobiliers garnissant l'ancien logement conjugal aurait pour effet de léser la plaignante, en portant atteinte à sa qualité de vie et à celle de sa famille, mais également de vider de sa substance le droit d'habitation que lui a été conféré par les juridictions civiles genevoises – lequel inclut, à tout le moins implicitement, l'usage des biens mobiliers se trouvant dans la villa, puisque la plaignante a continué d'en disposer, avec l'accord de l'intimé, après leur séparation. De surcroît, le fait que l'intimé insiste pour que l'Office saisisse avant tout les biens situés dans l'ancien logement conjugal (et non ceux garnissant son propre chalet à E______, par ex.) tend à démontrer le caractère "vexatoire" (ou dilatoire) de cette démarche, ainsi que le plaide la créancière. Cette impression est renforcée par le fait que l'intimé n'a mentionné aucun bien mobilier saisissable lorsqu'il a été interrogé sur sa situation patrimoniale le 30 septembre 2020, alors que son attention avait été attirée sur son devoir de renseigner utilement l'Office au sens de l'art. 91 LP (cf. supra EN FAIT, let. A.e.a), pas plus qu'il ne l'a fait dans le cadre de la poursuite n° 2______. Au vu de ces différents éléments, l'Office n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en décidant de préserver les intérêts de la plaignante et de renoncer à saisir les biens mobiliers se trouvant à Genève et plus particulièrement dans la villa de C______.

La plainte de l'intimé sera également rejetée sur ce point.

6. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 22 février 2021 par A______ contre le procès-verbal de délégation n° 40______ de l'Office cantonal des poursuites du 22 janvier 2021.

Déclare recevable la plainte formée le 22 février 2021 par B______ contre l'exécution par l'Office cantonal des poursuites de la saisie (poursuite n° 39______, série n° 41______) sur délégation de l'Office des poursuites de l'Oberland bernois.

Ordonne la jonction, sous le numéro de cause A/668/2021, des causes A/668/2021 et A/1461/2021.

Au fond :

Enjoint l'Office cantonal des poursuites à rectifier le procès-verbal de délégation n° 40______ (dans sa version du 4 mars 2021) dans le sens du considérant 3.3 de la présente décision et, cela fait, à le communiquer à l'Office des poursuites de l'Oberland bernois.

Rejette les plaintes pour le surplus.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF). Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.